A - Le fondement du recours
270 - La plupart des auteurs pensent que le recours du
solvens contre les autres coauteurs est de nature
subrogatoire(91), même si quelques auteurs lui
confèrent une double nature la subrogation légale (article 1251
al. 3), et l'action personnelle(92).
271 - La jurisprudence et après une longue silence sur
la nature du recours de solvens(93), opta pour la
subrogation par un arrêt le 21 décembre 1943(94),
malgré que quelques propositions postulent la gestion d'affaires ou
l'enrichissement sans cause(95).
272 - Dès lors on trouve dans la jurisprudence les
formules suivantes << par voie de subrogation
>>(96), << par l'effet de la subrogation
légale >>(97). La subrogation trouve son
(89) Civ. 2e, 9 mars 1962, JCP
1962.II.12728, note Esmein, D. 1962.J.625, note Savatier ; Civ. 2e,
6 janv. 1966, Bull. civ. II, n° 5 ; V. en ce sens : J.
Boré, La causalité partielle en noir et blanc ou les deux
visages de l'obligation in solidum, JCP 1971.I.239, in fine n°
1971.
(90) Cass. civ. 1re, 28 juin 1989, Bull.
civ. I, n° 264 ; Voir dans le même sens : Civ. 1re, 12
novembre 1987, Bull. civ. I, n° 290 : << le
codébiteur tenu in solidum, qui a exécuté
l'entière obligation, ne peut, comme le débiteur solidaire, meme
s'il agit par subrogation, répéter contre les autres
débiteurs que les parts et portion de chacun d'eux >> ; Civ.
3e, 22 juin 1994, Gaz. Pal. 1995.pan.16.
(91) Colin et Capitant, Traité de droit civil,
t. II, n° 1779 ; Marty et Raynaud, Droit civil, t. II, vol. I, les
obligations, n° 800 ; H., L. et J. Mazeaud, Traité de la
responsabilité civile, t. II, 6 éd., 1971 ; J. Vincent,
article précité, RTDC 1939, n° 69.
(92) Patrick Canin, ouvrage précité, n° 103 p.
126 ; B. Starck, Droit civil, Les obligations, 1974, n° 2416 ;
Terré, Simler et Lequette, Droit civil, Les obligations,
8e éd., n° 1263, note 2 page 1173 ; Ch. Larroumet note Civ.
1er, 7 juin 1977, D. 1978.J.289.
(93) Cass. civ. 11 juillet 1892, D. 1894.1.561, note
Levillain ; Civ. 20 mai 1935, D.H. 1935.394 ; Crim., 30 déc. 1940, D.H.
1941.70 : Dans ces deux derniers décisions la cour décide que le
partage de responsabilité n'affecte que les rapports des
codébiteurs entre eux.
(94) Civ., 21 décembre 1943: DC 1944.J.39, note P.L.P.
; JCP 45, II, 2779, note BESSON ; Civ., 29 novembre 1948: D. 1949, J,
117, note Lalou ; Civ. 2e, 29 février 1956, D. 1956.j.303 ;
Civ. 2e, 9 mai 1956: JCP 56.II.9384 ; Civ. Ire,
3 novembre 1958, Gaz. Pal. 1959.1.13 ; Civ. 2e, 16 février
1962, Bull. civ. II, n° 208 ; Civ. 2o, 5 mars 1964,
Bull. civ. II, n° 214 ; Civ. 2e, 19 février
1965: Bull. civ. II, n° 178 ; Civ. 2e, 19 mai 1965,
Bull. civ. II, n° 162 ; Civ. 2e, 6 janvier 1966:
Bull. civ. II, n° 5 ; Civ. 2e, 19 mai 1969,
Bull. civ. II, n° 162; Civ. 2e, 2 juillet 1969 (2
arrêts), Gaz. Pal. 1969.2.220 ; et Gaz. Pal. 1969.2.311 (2e
esp.), JCP 71, II, 16588; RTDC 1970, p. 177, obs. G. DURRY ;
Civ. 2e, 27 avril 1972, Bull. civ. II, n° 116 ; Civ.
2e, 8 mai 1978, JCP 81.II.19506, note L. PERALLAT ; Civ.
2e, 11 février 1981, D. 1982.j.255, note AGOSTINI ; Civ.
2e, 24 avril 1981, Bull. civ. II, n° 105 ; Soc. 8
décembre 1983, D. 1984.j.90, concl. PICCA ; Civ. 2e, 18
janvier 1984, Gaz. Pal. 1984.1.125, obs. F. CHABAS ; Civ. 2e, 12
décembre 1984, Gaz. Pal. 1986.1. Somm.250, obs. F. CHABAS.
(95) Wahl, S. 1909.2.129 ; Rouast, D.P. 1936.1.25, et chronique
: L'enrichissement sans cause et la jurisprudence civile, RTDC 1922.35
; Ripert, note D.C. 194418 ; Loynes, D. 1890.1.337 ; Savatier, JCP
1956.II.9263.
(96) Civ. 2e, 4 mars 1970, Bull. civ. II, n°
79 ; Civ. 2e, 17 mars 1971, Bull. civ. II, n° 124 ; civ.
2e, 17 novembre 1976, Gaz. Pal. 1977.1.349, note de Plancqueel ; JCP
1977.II.18550, concl. Baudoin.
explication en ce que le solvens <<
n'invoque pas un préjudice qui lui soit propre mais exerce les
droits des victimes qu'il a payées en l'acquit du tiers responsable en
même temps >>(98). Mais cette idée est
inconcevable avec le fondement actuel de l'obligation in solidum, le
coauteur doit supporter la part qu'il causé du dommage et doit
être garant des parts des autres coauteurs. Il ne s'agit pas d'exercer
les droits de la victime mais il s'agit d'un paiement de la dette d'autrui.
273 - L'admission de la subrogation légale rend parfois
l'exercice de l'action du solvens impossible soit par la renonciation
de la victime à ses droits soit par la prescription extinctive. Pour
cette raison un arrêt, le 7 juin 1977(99), de la
première chambre de la cour de cassation changea la situation en donnant
au recours du coresponsable contre les autres coobligés une double
nature la subrogation et l'action personnelle. La victime qui a renoncé
à ses droits contre l'un des coauteurs prive le responsable
solvens de recourir contre le coauteur sur le fondement de la
subrogation. La cour déclare, en se basant sur l'article 1214
C. Civ., que << le coauteur qui a payé
l'intégralité de l'indemnité dispose aussi d'une action
personnelle contre son coauteur, qui peut subsister malgré la
renonciation de la victime >>. Cet arrêt qui est pour
quelques-uns un arrêt de principe(100), fut refusé par
d'autres en considérant que le fondement unique du recours est la
subrogation(101).
274 - L'arrêt de 7 juin 1977 n'était pas
isolé quelques arrêts antérieur se réfèrent
à l'action personnel implicitement(102). Par la suite, la
cour de cassation resta sur sa position prise en 1977(103)
jusqu'à l'intervention de l'assemblée plénière, par
trois arrêts(104), qui opta pour la subrogation comme
fondement du recours du responsable solvens. Les commentateurs de cet
arrêt se divisent avec ou contre la décision.
Groutel(105) approuve fermement l'arrêt. Pour lui la
subrogation est le seul et unique fondement du recours. Patrick
Canin(106) confine la solution rendue par l'assemblée
plénière seulement en matière d'accidents du travail
lorsqu'un tiers responsable recours contre les autres coauteurs, l'employeur ou
ses préposés. Hors cette hypothèse l'action personnelle
est admise.
(97) Civ. 2e, 22 mai 1979, Bull. civ. II, n° 150 ;
Civ. 2e, 12 déc. 1979, Bull. civ. II, n° 290.
(98) Civ., 29 nov. 1948, D. 1949. 117 et la note de H. Lalou.
(99) Civ. 1re, 7 juin 1977, JCP
1978.II.19003, note N. Dejean De La BATIE, D. 1978.J.289, note Chr. Larroumet ;
RTDC 1978, p. 364, obs. G. Durry ; Gaz. Pal. 1978.1.131, note Plancqueel.
(100) Patrick Canin, ouvrage précité,
nos 103, p. 126 et s.
(101) H. Groutel, Le recours entre coauteurs (suite et fin
?), D. 1992.Chr.19; Ph. Conte, Répertoire Dalloz, V°
Responsabilité civile, n° 228.
(102) Civ. 2e, 28 janvier 1955, D. 1955.449, note R.
Savatier ; Civ. 2e, 4 février 1954, Bull. civ. II,
no 47 ; Civ. 1re, 17 mars 1969, D. 1969.532 ; ces
arrêts admettait le recours sur le fondement de la responsabilité
civile.
(103) Civ. 1re, 14 mars 1978, Bull. civ. I,
no 106 ; Civ. 1re, 1er mars 1983, Gaz. Pal. 1984.1.119,
note G. Durry.
(104) Trois arrêts, Ass. Plén. 31 oct. 1991,
Bull. civ. n° 6 ; J.C.P. 1992.II.21800, note Saint-Jours.
(105) Chronique précitée, D. 1992.Chr.19
(106) Ouvrage précité, no 104, p.
128
275 - Après les arrêts de l'assemblée
plénière une jurisprudence passée de la cour de cassation
s'est de nouveau présentée. Cette jurisprudence qui
considérait que le paiement de la dette d'autrui est
générateur d'une obligation nouvelle(107),
réactivée par la cour de cassation après un long
abandon(108), ne retarda pas à la rejeter
ultérieurement(109). Selon cette jurisprudence la subrogation
ne peut pas être retenue.
276 - L'état actuel de la jurisprudence assigne au
recours du solvens la nature subrogatoire sous le visa des articles
1251 et 1382 du Code civil(110), un arrêt(111)
récent de la cour de cassation précise que l'action
récursoire entre coobligés ne peut être exercée que
d'après la subrogation selon les articles 1251 et 1382.
277 - En droit libanais l'article 40 du COC qui s'attache
à l'obligation solidaire donne au codébiteur solvens
contre les autres codébiteurs l'action personnelle ou l'action que le
créancier pourrait exercer, donc la subrogation. Partant de l'article 40
et de l'arrêt de 7 juin 1977 on analyse successivement la subrogation et
l'action personnelle.
|
|