2o _ Critique de la causalité totale
218 - Sans l'une des fautes le dommage n'aurait pas
été produit, c'est ce présument les partisans de la
causalité totale. Mais cette conception est fausse parce que l'autre
coauteur peut prouver l'inverse ce qui exclut toute
responsabilité(36). Un autre auteur relève que «
Cet argument n'est pas convaincant, car l'autre coauteur peut soutenir la
même chose ; cela prouve que chacun n'a été qu'une
cause partielle du dommage, ce qui, au demeurant, est évident
puisque, par hypothèse, c'est la conjonction des divers faits qui a
été nécessaire pur que le dommage s'ensuive
»(37).
(32) Supra no 118.
(33) P. Kayser, La solidarité au cas de fautes,
Rev. Crit. 1931, n° 6 ; cité par J .Français, thèse
précitée, page 129-130.
(34) Civ. 11 juillet 1892, précité; Civ., 8
juillet 1895, D.P. 1896.1.85 ; Civ., 5 mai 1896, S. 1896.1.345 ; Req., 12
fév. 1935, Gaz. Pal. 1935, 1, 64, Sem. Jur.1935, 703 ; Civ., 20 mai
1935, D.H.1935, 394, Sem. Jur. 1935,1107, Gaz. Pal. 1935.2.187 ; Req., 29
déc. 1852, D.P. 1853, 1,49 ; Civ., 4 déc. 1939,
précité ; Req., 20 mai 1941, S. 1941, 1,200 ; Civ. III, 5 janv.
1973, Bull. Civ. III, no 27, p. 21 ; Civ., 3 juin 1902,
D.P. 1902, 1,452, S. 1902, 1,485 ; Req., 27 déc. 1921, D.P. 1922, 1, 109
; Req., 9 déc. 1929, D.H. 1930,117 ; Req., 2 juin 1930, D.H. 1930,377,
S. 1931, 1,350 ; Civ. I, 7 oct. 1958, D. 1958,763 ; Civ. I, 14 oct. 1958,
Bull. Civ. I, n° 426, p. 342 ; Civ. I, 14 oct. 1958,
Bull. Civ. I, no 430, p, 345 ; Civ. II, 21 juillet 1969,
Bull. Civ. II, no 266, p. 192 ; Civ. III, 8 juillet 1971, Bull.
Civ. III, no 448, p. 320 ; Civ. I, 5 fév. 1975,
Bull. Civ. I, no 53, p. 50 ; Civ. III, 11 juin 1976,
Bull. Civ. III, no 260, p. 200, D. 1976, I.R. 271,
RTDC 1977, no11, p. 136, obs. DURRY Georges ; Com., 31 mars
1981, Bull. Civ. IV, no 169, p. 134 ; Civ. II, 3
fév. 1983, JCP Ed. G. 1984.II.20183, note CHABAS F.
(35) Req., 25 mars 1874, S. 1874.1.220 ; Civ., 11 juillet
1892, précité; Req., 29 déc. 1852, D.P. 1853.1.49, S.
1853.1.91 ; Rouen, 16 janv. 1895 sous Req., 21 oct. 1896, D.P. 1900.1.41 ;
Req., 10 nov. 1897, D.P. 1898.1.310 ; Civ. I, 11 fév. 1970, Bull.
Civ. I, n° 53, p. 43.
(36) Chabas, thèse précitée, n° 15, page
20.
(37) STARCK Boris, La pluralité des causes de
dommage et la responsabilité civil, JCP 1970, I, 2339,
n°15.
Notons aussi que l'admission de la causalité totale
n'explique pas le recours du coauteur solvens. S'il a causé
tout le dommage pourquoi la cour de cassation lui confère un recours
subrogatoire(38).
219 - Cependant la critique de la causalité ne se
limite pas à cet argument réciproque, elle s'étend
à la fonction même de la causalité, << La
causalité existe ou n'existe pas, et il ne peut être question de
degrés »(39), c'est la fonction de la
causalité. Elle n'est qu'un lien factuel transposé au domaine
matériel(40). Donnant à la causalité la
fonction matérielle où le mécanisme de déterminer
la part de chaque cause est une fiction juridique. Un auteur(41)
relève que << la causalité est un élément
nécessaire à la responsabilité, car on ne saurait exiger
réparation de n'importe qui : il faut bien qu'entre l'activité du
défendeur et le dommage il y ait une relation de causalité «
».
220 - Les théories de la causalité
proposées s'attachent au domaine théorique qui diffère de
la fonction de lien de causalité. Elles cherchent un lien entre le
dommage et le fait illicite. La confusion entre les théories de
causalité et le lien de causalité conduit à une confusion
entre le domaine factuel et le domaine matériel.
221 - En donnant à la causalité la fonction de
détermination le montant de réparation s'avère contre
certaines exceptions légales et jurisprudentielles. La loi du 7 juillet
1967, qui concerne le cas d'abordage maritime(42), impose aux
navires la réparation intégrale du dommage. Et, entre eux, la
division de la réparation est proportionnelle à la gravité
de la faute. La causalité n'est en aucun cas le mécanisme de
détermination de la part de chacun.
222 - De même, et dans quelques solutions
jurisprudentielles, la faute de la victime est partiellement
exonératoire pour les coauteurs(43). En matière
d'accident de la circulation la loi de 1985 parle de l'implication au lieu de
la causalité, ce qui a une portée plus large que celle de la
causalité.
223 - L'indivisibilité et la causalité totale deux
fondements qui ont été successivement donné à
l'obligation in solidum mais on a vu que ses deux fondements n'ont pu
justifié
(38) Infra n° 278 et s.
(39) P. Conte, Rep. Dalloz, Yo
Responsabilité du fait personnel, no 128, page 21.
(40) Mignon Marc, thèse précitée,
no, page.
(41) STARCK Boris, Loc. cit.
(42) << S'il y a faute commune, la
responsabilité de chacun des navires est proportionnelle à la
gravité des fautes respectivement commises. Toutefois, si,
d'après les circonstances, la proportion ne peut être
établie ou si les fautes apparaissent comme équivalentes, la
responsabilité est partagée par parties égales. Les
dommages causés, soit aux navires, soit à leur cargaison, soit
aux effets ou autres biens des équipages, des passagers ou autres
personnes se trouvant à bord, sont supportés par les navires en
faute, dans ladite proportion, sans solidarité à l'égard
des tiers ».
(43) Supra no 142 et s.
l'obligation in solidum. Aujourd'hui la plupart des
auteurs s'inclinent vers l'idée de garantie pour justifier l'obligation
in solidum.
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