2o _ Les critiques avancés
225 - La pluralité d'objets et de liens n'est que la
conséquence du principe de cumul absolu appliqué à
l'action pénale en droit romain classique(19). La victime
obtenait un nombre de peines autant au nombre des codélinquants, parce
que chacun d'eux était tenu à supporter distinctement. Cette
structure fut transposée au droit civil et donnée à
l'obligation in solidum même après son
détournement pour des matières civiles.
203 - L'admission de cette structure impose des
conséquences juridiques, qui doivent être appliquées
à l'obligation in solidum. La victime peut obtenir la
réparation plusieurs fois selon le nombre des coauteurs, parce que
chacun d'eux est tenu par une obligation distincte des autres. Mais la
jurisprudence ne permet à la victime d'obtenir qu'une seule fois la
réparation. Ce qui déroge au principe de pluralité
d'objets et de liens. De même, le coauteur solvens n'a pas un
recours contre les autres coauteurs parce qu'il a payé sa propre dette.
Ce qui ne justifie pas le recours contre les autres coauteurs.
(14) F. Derrida, op. cit.,
(15) J. Vincent, op. cit.,
(16) Chabas, article précité, RTDC 1967,
p. 319; J. Vincent, article précité, n° 58, p. 670.
(17) J. Mestre et M.-E. Tian-pancrazi, J-Cl civ., art. 1187
à 1216, obligations conjointes et solidaires, fasc.3,
no 25 ; J. Vincent article précité n° 58, p. 669 ;
Mazeaud et Chabas, Leçons de droit civil, tome II, Vol. I,
Les obligations théorie générale, 1998, n° 1072,
p. 1123.
(18) Sur l'effet de l'obligation in solidum,
Infra no
(19) Mignon Marc, thèse précitée,
Supra nos 159-161
La structure du rapport externe ne suffit pas à
condamner in solidum il faut un fondement juridique pour justifier la
condamnation du coauteur au paiement totale de la réparation.
§ 2 - LE FONDEMENT DU RAPPORT EXTERNE
204 - Le fondement de l'obligation in solidum a
changé depuis sa consécration. Premièrement c'est
l'indivisibilité qui prenait plusieurs aspects par la jurisprudence.
Mais elle n'a pas résisté aux critiques. Les partisans de
l'obligation in solidum s'orientent vers une autre justification celle
de la causalité totale et par suite vers la garantie qui devient le
fondement actuel de l'obligation in solidum.
A - L'INDIVISIBILITÉ
205 - On trouvait cette idée dans la doctrine avec
Demolombe(20). Ce dernier fonde l'obligation in solidum sur
l'indivisibilité lorsque le fait est indivisible ou lorsque le dommage
est indivisible. Il écrit dans ce sens que « Lorsque
plusieurs personnes ont commis un délit civil, sans qu'on puisse
distinguer la part de chacun d'eux dans la perpétuation du fait, ou dans
ses conséquences dommageables, il est logique de penser que
chacun d'eux soit tenu de le réparer pour le tout, comme s'il avait seul
commis pour le tout ».
206 - La jurisprudence appliquait les postulats de Demolombe,
l'appui sur l'indivisibilité se présentait par la cour de
cassation selon des formules différentes. Il s'agissait de fautes
communes(21), ou des fautes communes et indivisible(22),
ou des faits indivisible. Cette dernière formule exprime l'idée
de l'impossibilité de déterminer la part de chacun dans le fait
dommageable(23).
207 - La cour de la même manière exprimait
l'idée de l'indivisibilité par l'impossibilité de
(20) Demolombe, op. cit., t. XXVI, nos 291et
s ; Larombière, op. cit., tome II, n° 22, p. 607.
(21) Civ., 19 avril 1836, D.P. 1836.1.183 ; Civ., 19 avril
1836, D.P., 1836.l.183 ; Civ., 10 janvier 1849, D.P. 1849.1.195 ; Civ., 30 juin
1869, D.P. 1869.1.336 ; Civ., 14 mars 1882, D.P. 1883.1.403 ; Req. 28 janv.
1885, S.1885.1.480 ; Req., 18 nov. 1885; D.P.1886.1.398 ; Req., 10 fév.
1886, Gaz. Pal. 1886.1.454 ; Req., 16 mai 1892, D.P. 1892.1.348 ; Req., 4 avril
1940, précité ; Civ. I, 25 janv. 1960, Bull. Civ. I,
n° 49, p. 38 ; Civ. III, 8 mars 1968, Bull. Civ. III, n° 101, p.
81 ; Civ. III, 29 nov. 1968, Bull. Civ. III, n° 509, p. 390; Civ. III,
8 juillet 1971, Bull. Civ. III, n° 448, p. 320; Civ. I, 5 fév.
1975, Bull. Civ. I, n° 53, p, 50.
(22) Req., 27 déc. 1921, D.P. 1922.1.109 ; Req., 3
fév. 1930, Gaz. Pal. 1930.1.728 ; Req., 12 nov. 1940, D.A. 1941.37, Gaz.
Pal. 1941.1.5; RTDC 1940-1941, n° 8, p. 433, obs. H. et L.
Mazeaud ; Req., 28 mai 1889, 2e espèce, D.P. 1890.1.414 ;
Req.. 12 fév. 1879, D.P. 1879.1.281, note A. Boistel.
(23) Cass. Civ., 4 mai 1859, D. 1859.1.314 ; Cass. Civ., 12
février 1879, D. 1879.1.281 ; Cass. Civ., 28 mai 1889, D. 1890.1.415 ;
Cass. Civ., 13 juillet 1857, D., 1858.1.348 ; Req.., 20 juillet 1852, D.P.
1852.1.247.
déterminer la part de chacun dans le
dommage(24).
208 - Il s'agit d'une indivisibilité du fait, certains
auteurs considèrent l'indivisibilité du cause de dommage, ou
l'indivisibilité du dommage et parfois indivisibilité de
l'obligation. En somme toutes ces formulent résume une seule idée
le dommage est indivisible, la réparation doit être
intégrale d'après l'article 1382 du Code civil qui
détermine le caractère du fait et non pas son
étendue(25).
209 - Sans doute, l'indivisibilité discutée
ci-dessus est différente de celle réglée par le code
civil. Ici c'est l'indivisibilité du dommage qui rend l'obligation
in solidum, avec l'indivisibilité du code civil c'est l'objet
de l'obligation qui rend l'obligation indivisible.
210 - D'après cette idée « ou bien il
est prouvé que chaque cause a eu un effet déterminé
indépendant des autres causes et il y aura alors deux préjudices
différents donc exclusion de 1'obligation in solidum ; ou bien il est
prouvé que les différentes causes ont été
nécessaires pour la réalisation du dommage unique et alors
l'obligation in solidum s'impose. »(26).
211 - L'adoption du principe d'indivisibilité
s'éloigne du but de l'obligation in solidum qui est l'assurance
à la victime d'une réparation totale en cas de pluralité
d'auteurs. Si la cour détermine la responsabilité des coauteurs
l'obligation in solidum s'écarte. Dans ce cas on n'assure pas
à la victime une réparation intégrale. En plus si l'un des
coauteurs est insolvable la victime supporte son insolvabilité. De
même selon cette considération la cour pourrait condamner in
solidum l'un des coauteurs qui a contribué partiellement a la
réalisation du dommage où a aggravé le dommage sans qu'il
n'ait causé tout le dommage parce que la répartition étant
impossible vu que la victime a subi un dommage unique.
212 - L'indivisibilité comme fondement de l'obligation
in solidum subit des critiques tant sur le principe
d'indivisibilité dégagé, que sur l'impossibilité de
déterminer la responsabilité de chacun. Apparemment,
l'indivisibilité de l'obligation selon sa cause est totalement
différente de l'indivisibilité réglée par le code
civil(27), l'indivisibilité comme fondement de l'obligation
in solidum est une institution extralégale qui n'est pas
mentionnée par la loi. En plus, dire puisque le dommage est indivisible
ou il est impossible de déterminer la part de
(24) Req., 11 juillet 1826, précité; Civ., 30
juin 1869, D.P. 1869.1.336 ; Req., 17 juillet 1876, D.P. 1877.1.135 ; Req., 6
fév. 1883, D.P. 1883.1.451 ; Req., 22 juillet 1891, D.P. 1892.1.35, S.
1892.1.569 ; Req., 16 mai 1892, D.P. 1892.1.348 ; Civ., 11 juillet 1892, S.
1892.1.508 ; Civ. 15 juillet 1895, D.P. 1896.1.31 ; Req., 10 nov. 1897, D.P.
1898.1.310 ; Req., 20 janv. 1902, S. 1902.1.280 ; Req., 27 déc. 1921,
D.P. 1922.1.109 ; Civ., 3 juillet 1922, D.P. 1925.1.191, 1e
espèce ; Req., 5 juillet 1926, D.H. 1926.401 ; Req., 21 oct. 1929, S.
1930.1.10 ; Req., 9 déc. 1929, D.H. 1930. 117, S. 1930.1.174 ; Req., 11
dec. 1929, Gaz. Pal. 1930.1.300 ; Req., 2 juin 1930, D.H. 1930.377 ; Civ., 7
juin 1932, S. 1933.1.23 ; Req., 23 juillet 1935, S. 1935.1.333 ; Civ.
3e, 20 fév. 1969, Bull. Civ. III, no 158,
p. 120.
(25) Supra n o 85
(26) Chabas, thèse précitée, p. 22
(27) Supra no 53
chaque coauteur donc chacun doit la totalité de la
réparation, est temporairement fictif parce que le coauteur
solvens peut exercer un recours contre les autres coauteurs, et dans ce
cas la cour divise la dette entre eux chacun pour sa part(28).
213 - La critique de l'indivisibilité, qui fait
supporter la réparation sur une seule cause, n'arrête pas la
doctrine et la jurisprudence de condamner l'un des coauteurs de réparer
la totalité du dommage mais sur un autre fondement celui de la
causalité totale.
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