2o _ Critique de l'obligation in solidum
155 - Aujourd'hui l'obligation in solidum est une
obligation au total lato sensu, possédant le même
caractère de l'obligation solidaire. Mais la fausse
interprétation des sources historiques a abouti à un
système hybride d'obligation in solidum.
156 - Les romanistes distinguent la solidarité de
l'obligation in solidum suivant la litis
contestatio(155). L'action issue de l'obligation solidaire
était soumise à l'effet extinctif de la litis
contestatio, l'action ne pouvant être exercée qu'une seule
fois. Au contraire, celle issue de l'obligation in solidum ne
l'était pas, elle pouvait être renouvelée jusqu'à
paiement complet, elle n'était pas affectée par la litis
contestatio(156). Cependant, Les auteurs qui prennent la
litis contestatio comme critère de distinction entre les deux
institutions(157),
(152) Mignon, op. cit., n ° 84-87, p. 79-84
(153) Mignon, op. cit., n° 74, p. 73.
(154) Mignon, op. cit., n° 75, p. 74.
(155) Mignon, précité, n° 313, p. 242-243.
(156) Supra nos 2 et s.
(157) Mignon, précité, n° 312, p. 241
reposent sur une règle procédurale pour donner des
réponses dans la substance. Il faut analyser le fondement et non la
procédure.
157 - L'obligation in solidum n'est que la mutation
d'une institution pénale en une institution civile. En droit romain
classique l'action pénale de la victime se cumulait contre tous les
coauteurs. La victime pouvait obtenir plusieurs peines. Puis la
responsabilité pénale se transformait en une
responsabilité civile, les peines se fusionnant en une seule et
même dette. La victime poursuivait l'un des coauteurs pour le paiement
total de la dette, dont chacun des coauteurs était tenu à une
obligation au total stricto sensu. L'obligation in solidum
transposée au domaine civil qui devenait une obligation au total
stricto sensu sans aucun changement structurale. La pluralité
d'obligations, dégagée du principe de cumul des peines, reste sa
structure mai une seule dette unique doit être due par n'importe quel
coauteur sans que la dette ne se divise entre eux.
158 - Pour Mignon, au moment, ou on se trouve dans le domaine
civil il faut se soumettre aux principes de droit civil. Il n'y a pas une seule
dette entre les coauteurs, il y a une dette qui se divise entre eux chacun pour
sa part. La responsabilité pénale collective n'est pas connue en
droit civil. En réalité, l'obligation in solidum est une
obligation au total lato sensu(158). Chaque
codélinquant supporte une part de la dette et est garant des autres
parts, et le solvens a le droit de recourir contre les autres
coauteurs chacun pour sa part.
159 - Pour la doctrine de la pluralité d'objets et de
liens donnée à l'obligation in solidum(159),
elle n'est que la conséquence du principe du cumul d'actions
accordées à la victime en droit romain. Les codélinquants
étaient tenus à réparer distinctement, chacun doit
supporter une peine différente de l'autre. La victime poursuivait chacun
des codélinquants jusqu'à obtention des dédommagements.
Cette formule procédurale donnait à l'obligation in solidum
la structure de pluralité d'objets et de liens à partir du
principe de cumul d'actions pénales. Après la transposition de
l'obligation in solidum au domaine civil les peines se fusionnait en
une seule somme payée par l'un des coauteurs. D'un côté
l'obligation in solidum est devenue une obligation au total
stricto sensu, chaque coauteur est responsable d'une obligation
principale la totalité de la dette, et d'un autre côté la
doctrine l'explique d'après la pluralité d'objets et de liens.
160 - De même la doctrine de la pluralité
d'objets et de liens(160), soutenue par la doctrine positive, impose
quelques conséquences juridiques. Premièrement, elle permet
à la victime de réclamer cumulativement des peines aux nombres
des codébiteurs. La deuxième conséquence de cette
structure est l'interdiction au solvens à recourir contre les
autres
(158) Supra, no 2 et s.
(159) Infra n os 198 et s.
(160) Mignon, précité, nos 320-322, p.
246-247.
codébiteurs. Le codébiteur en payant, paie sa
propre dette. Ces deux conséquences ne sont pas aujourd'hui
appliquées à l'obligation in solidum.
161 - Les tenants de la pluralité d'objets et de liens
en admettant qu'il est inconcevable que la victime demande plusieurs fois la
réparation déclinent le système de la pluralité
d'objets et de liens(161). D'une part ils prétendent que
chaque codébiteur doit une dette distincte des autres et, d'autre part,
ils considèrent que le paiement effectué par l'un des
codébiteurs libère les autres. En outre, ils admettent que le
coauteur solvens a un recours contre les autres coauteurs. C'est une
autre dérogation du système de pluralités d'objets et de
liens, le coauteur qui paie la dette paie ce qu'il doit sa propre obligation.
Les explications présentées, par les auteurs tenants de la
pluralité d'objets et de liens, pour justifier le recours du
solvens(162), n'ont pu donné un fondement technique
au recours du solvens.
162 - Nous arrivons maintenant à la doctrine de
l'unité d'objets et liens(163). La conséquence de
cette doctrine est le cumul des dettes à tous les
codébiteurs(164). Mais ce principe n'est pas aujourd'hui
appliqué parce qu'une seule obligation doit être due. En somme la
doctrine de l'unité d'objet et de pluralité de liens est en
réalité la structure du rapport externe de l'obligation in
solidum et n'explique pas le rapport interne compte tenu de son
insuffisance.
163 - Pour quelques-uns l'obligation in solidum a
comme fondement la causalité totale(165). Chaque cause
antécédente au dommage est la cause du dommage tout entier. Pour
Mignon la causalité n'est qu'un lien factuel utilisé dans le
domaine matériel.
Cette fausse interprétation des sources aboutit
à un système hybride de l'obligation au tout. Au fond la
solidarité et l'obligation in solidum sont de même nature
que l'obligation au total lato sensu.
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