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Amoralité et immoralité chez Aristote et Guyau. Une herméneutique du sujet anéthique

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par Hans EMANE
Université Omar Bongo - Maitrise 2009
  

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DEUXIEME PARTIE :

INCONTINENCE ET INTEMPERANCE CHEZ ARISTOTE : LA GENESE D'UNE DISTINCTION PHILOSOPHIQUE

II.1. LA MECHANCETE ET LES LIMITES DE L'ETHIQUE : LE RECOURS HERMENEUTIQUE

Devons nous définir la méchanceté ? Aristote voit dans le fait de s'en abstenir un tact philosophique très sûr. Car on ne peut que difficilement faire entendre au moyen des mots, ou concepts, ce que signifie la méchanceté. Sans définir la méchanceté, Aristote va être amené à énumérer les caractéristiques de l'akratès et de l'akolaste. Mais la méchanceté dans son sens le plus conventionnel, est-ce simplement le fait de prendre pour but les souffrances et les douleurs d'autrui et en y tirer joie, plaisir ou satisfaction ? Le problème est plus complexe.

Affirmer que « la méchanceté se dissimule 150(*)» et donc qu'elle relève du mystère, c'est montrer exactement que la question de la méchanceté est étroitement, intrinsèquement liée au sujet qui la pose, et donc à l'éthicien. La méchanceté entendue comme mystère, est quelque chose en quoi le sujet est lui même engagé. C'est donc un acte, une expérience qui raisonne en lui, qui fait sens pour lui. Chacun l'a éprouvé intérieurement et même le plus extraordinaire des individus n'y est pas demeuré étranger. La méchanceté chez Aristote, impose le silence à la raison. En ce qui la concerne, nous n'avons aucune raison de nous fier à nos méthodes communes d'argumentation, ni de penser, que nos analogies et nos probabilités ordinaires aient quelque autorité. Notre sonde est trop courte pour de si immenses abîmes. La méchanceté fait partie des questions qui (sur)passent entièrement la raison humaine.

Si dès lors, le problème du sens éclot, surgit au coeur de celui de la méchanceté, c'est bien parce que si la méchanceté se dissimule chez Aristote, son sens profond, latent, se dissimule aussi. Plus fondamentalement, en dissimulant notre méchanceté, nous en dissimulons les sens, l'origine, la portée. Or, si akrasia et akolasia sont ce qui de la méchanceté s'est dévoilé, l'essentiel demeure invisible, inaccessible. La méchanceté s'exprime donc en terme de latence ; et akrasia et akolasia sont la transparence de la méchanceté. C'est à partir de ce problème, que va se constituer l'articulation philosophique entre éthique et herméneutique.

La méchanceté est un phénomène dont la raison humaine ne saurait rendre compte directement et dont l'expérience ne saurait découvrir les causes absolument ; d'expliquer ce véritable mystère : c'est ce qui dépasse la raison humaine. La méchanceté doit comme à jamais échapper à notre plus vigilante recherche. Or, akrasia et akolasia participe au mystère de la méchanceté humaine. Ce sont les mystères auxquelles la simple raison naturelle et privée d'assistance, est tout à fait impropre à toucher. Face à la méchanceté, la question que l'éthique philosophique est amenée à se poser est celle de savoir si la raison peut à elle seule prendre en charge ses prétentions, si elle peut prétendre trouver par elle-même, de quoi satisfaire son élan vers la vérité, vers le sens. Car quelque système qu'elle embrasse, elle se trouve forcément enveloppé d'inextricables difficultés, et même de contradictions, à chaque pas quelle fait en ce qui regarde la méchanceté en ces deux facettes. La méchanceté apparaît alors comme un acte vraiment mystérieux. C'est pourquoi, il faut dire que la méchanceté est l'un des plus grands mystères de l'éthique philosophique. L'ambiguïté qui semble la plus propre à la méchanceté, c'est qu'on ne peut la formuler de manière définitive ou absolue sous peine de vacuité. Elle procède chaque fois d'une forme d'expérience singulière et même originale comme l'akrasia et l'akolasia. Quels sont alors en chaque cas particuliers, les causes sous-jacentes et les effets de ce phénomène intime et mystérieux ?

On est donc amené à dire que akrasia et akolasia, relèvent du mystère aristotélicien de la méchanceté. De toutes les questions dont on peut s'occuper l'esprit humain, le problème de la méchanceté en tant que nous en allons en étudiées les deux faces distinctes, est l'un des plus embarrassant. A tel point que nombre de philosophes l'ont cru insoluble. Les philosophes qui prennent des grands airs en affichant une sagesse et un talent supérieur, sont mis à rude épreuve lorsqu'ils rencontrent des personnes en humeur de les questionner sur la méchanceté : elles les délogent de tous les coins où ils se réfugient, et elles sont assurées de les enfermer enfin dans quelques dangereux dilemmes.

On peut être amené à penser que le véritable méchant est celui qui ne dissimule pas sa méchanceté. Bien au contraire, il l'étale et tire une certaine joie (non voilée) à voir souffrir autrui. Mais articuler éthique et herméneutique, c'est essayer de saisir dans la méchanceté ce qu'il y a de sui généris, d'irréductible et par là même occasion, consacrer l'équivocité. : l'équivocité elle-même comme éthique philosophique. La méchanceté est symbolicité, équivocité, d'ou le recours à une herméneutique.

Il nous apparaît alors que la distinction entre akrasia et akolasia chez Aristote est proprement herméneutique151(*). Articuler herméneutique et éthique chez Aristote, c'est envisager plus généralement une herméneutique de la facticité qui se propose de comprendre et d'articuler la vie humaine dans son mouvement propre, sans la réifier sans l'objectiver absolument, et donc sans la réduire à un simple objet, à une chose parmi d'autres.

Chez Aristote la nécessité d'articuler éthique et herméneutique est présente très tôt. Dans le livre II de l'Organon, consacré au thème De l'interprétation, il fait remarquer que le discours moral, comme tous les autres types de discours, « présente une signification comme énonciation. Tout discours a une signification ». Il continue et affirme que toutes les propositions morales « proférées par la voix sont les symboles de l'esprit152(*) ».

Dans quelle mesure ses présupposés herméneutiques aident-ils à percer le mystère moral de la méchanceté ? Il nous apparaît qu'ils jettent un éclairage décisif, sur la conception aristotélicienne du clivage entre le bien et le mal  entre la possession de la vertu, et la concrétion du mal dans un acte contraire à la prescription rationnelle : « En effet, écrit Aristote, on ne dit pas que le bien est le bien du mal, mais le contraire du bien. Le contraire du bien est nécessairement le mal : cela est évident en vertu de l'intuition fondée sur des cas particuliers. La plupart du temps, le mal a toujours le bien comme contraire153(*) ».

On comprend alors que le recours herméneutique dans l'analyse éthique, nous renvoie chez le Stagirite, à une ontologie du bien et du mal, et en un certain sens à leur existentialité ; en effet, le bien et le mal doivent se trouver dans le sujet. Il existe en lui est par en dehors de lui : « En outre, dans les contraires, l'existence de l'un n'entraîne pas l'existence de l'autre. Mais il est évident que les contraires doivent exister dans le sujet qui est le même par essence et par le genre. En effet, la justice et l'injustice, sans autre distinction, se retrouvent dans l'âme humaine154(*)». Selon Aristote, le mal appartient à l'indéfini, le bien au défini155(*). Par ailleurs, pour Aristote, il y a bel et bien une contradiction à connaître le bien et à faire le mal. Pourquoi ? Tout simplement, car le mal  est le contraire du bien. Il y a donc une contradiction dans le fait de nuire délibérément.

A la problématique de la vie bonne, Aristote adjoint une éthique philosophique de la clarification sémantique et herméneutique des concepts moraux, cohérente avec l'économie générale de sa philosophie du concept. Qu'est-ce que le bien et qu'est-ce que le mal ? Si l'on considère la méchanceté comme ce que nous avons à comprendre, à interpréter, à décrire, il y a alors à fonder le type de discours qui conviendrait à son saisissement.

Au point de vue conceptuel, on sait qu'avec Aristote, une chose en elle-même exprime sa propre essence, et ce qui exprime l'essence n'est pas un propre, mais une définition. Quel est le propre du bien et du mal ? Le meilleur, répond Aristote est le propre du bien. Cette entreprise conceptuelle, définitionnelle sera abandonnée même si elle reste très présente chez lui : nuire délibérément c'est manquer l'essence, le propre du bien, en ne considérant que ses accidents. D'où la concrétion du mal dans l'acte. Or, par essence, conclut Aristote, « le bon est à la fois bon et non mal156(*) ». On peut se demander si l'équivocité du bien et du mal est levée. Cela n'est pas sûr.

* 150 ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, Livre VII, Chap.8.

* 151 Gianni VATTIMO, Ethique de l'interprétation, Paris, La Découverte, 1991 ; voir aussi Olivier ABEL, L'Ethique interrogative. Herméneutique et problématologie de notre condition langagière, Paris, Puf, 2000.

* 152 ARISTOTE, De l'Interprétation, Paris, Vrin, 1969, pp.83-143

* 153 De l'Interprétation, §10, 11b et §11, 14a.

* 154 De l'Interprétation, §11, 14a.

* 155 Ethique à Nicomaque, 1106b et 1096b.

* 156 De l'interprétation, §14, 23b.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984