WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Amoralité et immoralité chez Aristote et Guyau. Une herméneutique du sujet anéthique

( Télécharger le fichier original )
par Hans EMANE
Université Omar Bongo - Maitrise 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II.4.4. L'INTEMPERANCE COMME INSENSIBILITE

L'intempérant peut aussi être celui qui se montre absolument indifférent au bien et au mal ainsi qu'à tout objet qui lui procurait plaisir ou déplaisir, douleur ou peine. Il est donc insensible aussi bien qu'intempérant. L'insensible est tout contraire de l'hédonisme obsessionnel. Pourtant il y a identité en valeur relative, puisque dans leurs actes ne transparaît aucun égard pour les bonnes moeurs: « Nous avons montré d'une manière schématique, comment nous nommons l'intempérance par transfert de sens. Car ceux que, par suite de leur insensibilité, ces mêmes plaisirs n'émeuvent pas, on leur applique tantôt le nom d'insensible, tantôt d'autres noms semblables. L'insensible est celui qui, par défaut, ne désire pas ce qui serait mieux et conforme à sa nature, mais qui reste insensible comme un roc. Insensible donc ou quelque soit le nom qu'il faille lui donner, est celui dont les dispositions sont telles qu'il manque à prendre des plaisirs qui réjouissent tout un chacun, dans la plupart des cas intempérant celui qui exagère263(*) ».

II.4.5. INTEMPERANCE, MECHANCETE, BESTIALITE

On peut dire avec Aristote, que l'intempérance est la quête délibérée et effrénée des plaisirs corporels ou sensibles. Aristote aime à rappeler que « l'intempérance porte sur deux sortes d'objets sensibles, qui en outre éveillent. Aussi faut-il affirmer que c'est sur les objet du toucher, pour parler simplement que porte l'intempérance ; de la même façon, l'intempérant a affaire aux plaisirs du corps264(*) ». En clair, l'intempérant c'est l'hédoniste obsessionnel et sans scrupule.

En matière de moeurs, on sait que le stagirite tient à distinguer, la méchanceté, la bestialité (thériothès) de l'intempérance. On sait que le trait essentiel de la méchanceté, c'est le fait de commettre des injustices. Cependant, le bref traitement qu'Aristote fait de la bestialité a été généralement négligé par les commentateurs. Il mérite en fait d'être étudié de très près. Il jette en effet un éclairage sur certains sujets plus populaires de l'éthique, sa portée, la place du désir dans la vie morale, la distinction entre akolastos et akratès, entre le volontaire et l'involontaire, et il ouvre par la même occasion, des pistes intéressantes sur la commensurabilité de l'évaluation morale. « Les bêtes, explique t-il, ne peuvent faire un choix délibéré, elles sont privées de la faculté de raisonner et s'écartent de la nature, comme les hommes quand ils sont atteints de folie. La bestialité est un mal moindre que la méchanceté, mais effraie d'avantage. Car chez les bêtes, la partie supérieure n'est pas corrompue comme chez l'homme, attendu qu'elle n'existe pas. Ce serait donc comme si l'on comparait ce qui est privée d'âme à ce qui en est doué et qu' on se demanda lequel des deux états est le pire. C'est toujours la perversion de qui n'a pas en lui son principe d'action qui est moins coupable ; or le principe, c'est la pensée. En effet, un homme méchant peut causer mille fois plus de mal qu'une bête féroce265(*) ».

Pour conclure cette première partie on peut dire que, l'incontinent et l'intempérant sont deux phénomènes distincts et singuliers. A la lecture d'Aristote, on arrive à la conclusion selon laquelle, entre l'intempérance et l'incontinence, nous avons bel et bien affaire à une distinction de nature. Cependant, les notions sont tellement proches, voisines que le stagirite procède par analogie, en tirant des métaphores, ou en insistant sur des images et autres symboles. Comme si au bout du compte, ces deux phénomènes résistaient à l'abordage de la raison dialectique ou discursive en dissimulant, ou en se dérobant à celle-ci. Mais au fait, ne s'agit-il pas d'états intérieurs et subjectifs, d'états de l'âme humaine ? C'est la raison pour laquelle on peut penser que cette distinction est baser sur une herméneutique, c'est à dire un discours imagé et une interprétation de ce discours. Dans cet extrait, Aristote fonde en raison sa distinction herméneutique et les distingue radicalement :«  L'intempérant est réfractaire aux remords. Le propre de l'homme réfractaire au regret c'est d'être incurable. Est de même intempérant celui qui fuit les douleurs physiques non par crainte d'être vaincu, mais par choix délibéré. L'intempérant n'et pas susceptible d'éprouver du regret, car il demeure ferme dans son choix délibéré ; par contre tout homme qui manque de maitrise de soi peut en éprouver266(*). Le premier est incurable, le second est guérissable. Tandis que la perversité ressemble à des maladie comme l'hydropisie et la phtisie, l'absence de maitrise de soi ressemble à l'épilepsie ; la première est un état durable, l'autre une perversion momentanée. En un mot l'absence de maitrise de soi et la méchanceté sont différentes de nature, car la méchanceté proprement dite se dissimule, ce que ne fait pas l'incapacité à se dominer. Ainsi, l'intempérant est-il pire que l'homme sans maitrise sur lui-même267(*) ».

* 263 Ethique à Eudème, Livre II, Chap.3, 1221b.

* 264 Ethique à Eudème, Livre II, Chap.2, 1231a-1231b.

* 265 Ethique à Nicomaque, Livre VII, Chap.7.

* 266 Le jeune J.-M. Guyau dans un article paru en 1883 dans la Revue philosophique de la France et de l'étranger, expliquait la possibilité, les conditions du remords chez l'incontinent : « Nos instincts, nos penchants, nos passions ne savent ce qu'ils veulent ; ils ont besoin d'être dirigé par la raison, et la joie ou la souffrance qu'ils peuvent nous occasionner ne vient guère de leur conformité avec la fin vers que leur propose la raison, mais de leur conformité avec la fin vers laquelle ils se tournent naturellement d'eux-mêmes. En d'autres termes, la joie de bien faire, et le remords de mal faire ne sont jamais proportionnels en nous au triomphe du bien ou du mal moral, mais à la lutte qu'ils ont eu à soutenir contre les penchants de notre tempérament physique ou psychique » (Contre l'idée de sanction, Paris, Carnets de L'Herne, 2008, pp. 65-66).

* 267 Ethique à Nicomaque, Livre VII, Chap.8.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King