Conclusion :
Faute de pouvoir mettre en évidence une typologie du
parcours d'insertion des allocataires du RMI, nous avons pu établir les
étapes clefs de la mise en oeuvre du projet d'insertion, qui porte sur 4
points principaux :
![](Organisation-du-dispositif-RMI-et-impact-sur-le-parcours-dinsertion-professionnelle-des-allocataire46.png)
![](Organisation-du-dispositif-RMI-et-impact-sur-le-parcours-dinsertion-professionnelle-des-allocataire47.png)
![](Organisation-du-dispositif-RMI-et-impact-sur-le-parcours-dinsertion-professionnelle-des-allocataire48.png)
![](Organisation-du-dispositif-RMI-et-impact-sur-le-parcours-dinsertion-professionnelle-des-allocataire49.png)
L'accueil de la personne qui déterminera le
déroulement de la relation entre le référent et
l'allocataire et le degré de confiance qui permettra la mise en mot des
problématiques de ce dernier
Le diagnostic précis de la situation sociale et
professionnelle de la personne, qui découlera de l'accueil, et qui devra
rendre compte de la globalité du contexte dans lequel évolue
l'individu
Le contrat d'insertion, qui, loin de n'être qu'une
formalité administrative, est la clef qui ouvre des perspectives, des
stratégies, des alternatives pour la mise en oeuvre du parcours
d'insertion professionnelle.
Une méthode de travail, qui repose sur :
o L'association des ressources, en termes de moyens mais
aussi de partenariat afin de rythmer le parcours d'insertion et de garder ainsi
une dynamique mais aussi d'acquérir de nouvelles compétences, au
travers l'étape de « socio- professionnalisation
»19, en vue de l'insertion professionnelle et sociale de la
personne.
19 Etape de socio-professionnalisation : c'est la
socialisation de l'individu au travers sa professionnalisation que l'on
décrit ici.
o La mise en étape du parcours d'insertion de
façon logique et articulée, demandant une veille constante du
référent sur les parcours d'insertion qu'il accompagne.
Néanmoins, la définition et l'élaboration
d'un parcours d'insertion restent laborieuses.
2 - Des acteurs de terrain face aux exigences
institutionnelles
L'analyse des pratiques institutionnelles au travers les
entretiens qui ont eu lieu auprès des chargés de mission et des
référents de parcours va permettre la mise en avant de
l'articulation des outils mis à disposition dans le dispositif RMI, en
particulier concernant l'insertion professionnelle des allocataires du RMI.
Cette analyse pourra pointer les paradoxes qui opposent les pratiques
institutionnelles et les pratiques de terrain, mais aussi de repérer
quelles sont les marges de manoeuvre des professionnels face aux
impératifs institutionnels.
La signature du contrat d'insertion permet, comme nous avons
pu le voir dans la partie précédente, d'ouvrir les portes du
parcours d'insertion, en offrant un accès aux dispositifs d'insertion
mis à disposition dans le cadre de l'insertion professionnelle des
allocataires du RMI.
Malgré un sentiment d'autonomie exprimé par les
référents RMI, appuyé par une faible directivité du
Conseil Général sur les moyens à utiliser pour la mise en
oeuvre du parcours d'insertion, il est important de relever les pratiques
institutionnelles qui régissent la mise en oeuvre du contrat
d'insertion.
2.1 : Un pouvoir cadré par une contractualisation du
parcours
Dès l'entrée de la personne dans le dispositif
RMI, le Conseil Général est en mesure de lui désigner un
référent (si la personne a effectué sa demande RMI sans
intermédiaire). De ce fait, le référent se voit attribuer
un nombre pré établit d'allocataires à suivre,
calculé au prorata du nombre d'heures hebdomadaires.
Il devient de fait le principal interlocuteur des partenaires
impliqués dans l'élaboration du parcours d'insertion «
Le référent prescripteur devient notre principal interlocuteur
», (Gaël, PLIE).
Comme le précise Gaël, du PLIE « on est
bien dans l'idée de ne pas multiplier les interlocuteurs », le
référent étant désigné comme l'interlocuteur
principal entre l'institution, les instances et la personne accompagnée,
impliquant par ailleurs une demande de polyvalence de cet acteur-relai
«j'ai le sentiment d'avoir un rôle, on est multicarte »
(Alex, RGP).
Les pratiques institutionnelles que nous avons relevé
dans les entretiens ont pour objectif le cadrage des pratiques des
référents, laissant parfois une impression de contrôle de
leur travail avec les allocataires : « La signature du contrat
d'insertion permet le contrôle de l'effectivité de la mise en
place d'actions. On impose aux référents de rencontrer les gens
par une contractualisation trimestrialisée » (Gaël,
PLIE).
Les partenaires exercent une pression sur les
référents de façon constante, afin qu'ils répondent
aux attentes institutionnelles : « Le comité de suivi permet de
vérifier si tout le monde a eu l'information, l'a bien comprise de la
même manière que le sens. C'est aussi une manière de garder
un contact avec les référents » (Gaël, PLIE).
Toutefois, ces partenaires sont forcés de constater que «
Les référents présents en comité de lecture sont
ceux qu'on retrouve en comité de suivi. On n'arrive pas à toucher
tous les référents au travers ces comités »
(Gaël, PLIE).
Nous pouvons en déduire logiquement, que le PLIE n'est
pas qu'une plateforme réunissant les acteurs de l'insertion, mais aussi
un manageur de ces acteurs. Malgré tout, il existe une résistance
à cette pression institutionnelle, comme par exemple, au travers
l'absentéisme récurrent de certains référents,
conviés aux comités de suivi.
Quant au contrat d'insertion, la trimestrialisation est
limitée par l'incapacité du Conseil Général
à réduire le temps de traitement du document « La limite
de réduction des durées des contrats d'insertion, c'est le temps
de traitement du conseil général » (Gaël, PLIE).
C'est aussi un contrôle du référent comme du public
« On est sur les contractualisations qui sont sur des durées
les moins importantes possibles » (Gaël, PLIE).
Ce contrat d'insertion qui officialise l'engagement pris
entre le département et l'allocataire est avant tout du contrôle
social « Par le contrat d'insertion, le conseil général
est au courant de ce que la personne fait comme démarche »
(Charles, RGP).
Il est surtout la condition sine qua non pour
bénéficier des actions possibles en faveur de l'insertion
professionnelle « Le jour où la personne a besoin de la
collectivité, le conseil général répond par des
financements. S'il a été suivi, s'il a un bilan de suivi par
exemple » (Charles, RGP).
Mais la contractualisation du parcours n'est pas comprise
« je ne saisi pas toujours à quoi cette obligation
répond... si c'est uniquement pour dire voilà sur la
région le nombre de contrats d'insertion qu'on a, franchement, ça
va beaucoup me désoler. » (Charles, RGP).
Elle est identifiée comme une volonté de
contrôle statistique, et les reproches que les référents
lui font, sont un manque d'objectivité en termes de travail effectif
effectué avec les personnes. Pour les référents, la
contractualisation ne reflète pas le retour à l'emploi des
personnes, mais cherche à instrumentaliser les outils pour faire du
contrôle social.
Ce contrôle social fait l'objet d'une contrepartie :
l'accès aux dispositifs d'insertion professionnelle, comme la formation
« il a plus de chance de faire une formation .Si la personne n'est pas
connue, elle n'aura pas accès aussi facilement aux dispositifs
d'insertion. Quelqu'un qui n'est pas suivi, ce sera un parcours du combattant,
par rapport à nous qui obtenons tout en une semaine, même moi
» (Charles RGP).
La contractualisation des parcours devient en outre
systématique, avec la signature d'un contrat d'entrée dans le
PLIE et il est constaté que « plus le temps passe, plus on
signe des contrats avec tout le monde, avec une illisibilité du
système et des dispositifs » (Gaël).
Le flou qui réside autour du monde de l'insertion
serait renforcée par l'établissement de procédures (ici,
de contractualisation), avec un impact parfois inattendu « on se
retrouve avec des personnes qui sont sur un contrat, qui sont
bénéficiaires du PLIE et qui, en fait, ne s'en rendent pas compte
durant leur première étape de parcours » (Marc). Aussi,
il est intéressant de constater que la contractualisation à
outrance finie par ne plus avoir de sens.
Cette constatation est renforcée par les
témoignages des allocataires du RMI, qui, interrogés sur le
contrat d'insertion, avouent que « c'est pour dire de signer quelque
chose » (Fabienne).
2.2 : L'autonomie relative des référents
généralistes de parcours
Nous pouvons constater que le sentiment d'autonomie des
référents par rapport à leur façon de gérer
les parcours reste fort. Malgré tout, lorsque le Conseil
Général souhaite un changement de référent, Alex
note : « le conseil général, c'est-à-dire la CALI
n'hésite pas à faire un petit avis ».
En revenant sur le rôle des référents,
Marc évoque leurs difficultés à travailler sur l'insertion
professionnelle ; il met en avant le manque de compétences de ces
professionnels sur cet angle de travail « on a le département
qui a demandé à des personnes, qui, pendant 10, 15 ans, ne
faisaient que du travail social avec eux. On leur a demandé de faire de
l'insertion professionnelle...ça ne se fait pas du jour au lendemain. On
est quand même sur un choc de culture [...] Là, on a du personnel,
ce n'est pas qui veulent pas faire, ils ne savent pas faire ».
Si les fonctions du référent ont
évoluées, elles posent question aux référents de
parcours lorsqu'une tentative de formation en direction de l'insertion
professionnelle est effectuée « j'ai pris du recul par rapport
à ça parce que c'est essentiellement porté sur l'emploi,
donc nous, on se situe plus de l`autre coté ? ».
En effet, lorsqu'on parle d'autonomie des
référents concernant les moyens qu'ils utilisent pour mettre en
oeuvre un contrat d'insertion, il est opportun de noter une certaine
volonté de la part des instances et institutions, à
privilégier les actions en faveur du retour à l'emploi
plutôt que l'action sociale, mais, comme l'exprime Charles « le
contrôle social dévalorise le travail humain ».
Pourtant, l'intervention du référent s'effectue
en prenant en comptant la situation globale de l'individu, et ne peut se
contenter de travailler uniquement sur l'insertion professionnelle, intimement
liée à l'insertion sociale.
C'est pourquoi, les référents ne comprennent
pas cette tendance à occulter l'aspect social de leur activité
« le PLIE oublie que les référents ont aussi le
coté social », nous dit Charles, Gaël va plus loin dans
son analyse « le Conseil Général est dans l'idée
que le public est oisif. On est sur de l'activation, sur du rappel à
l'ordre ».
Cette suspicion d'oisiveté des allocataires du RMI, cette
stigmatisation des individus, induisent un effet de contrôle, non
seulement du public, mais aussi des travailleurs sociaux.
C'est pourquoi, nous nous attardons, dans cette partie,
à montrer que l'indépendance des référents
vis-à-vis des moyens utilisés pour construire un parcours
d'insertion, se réduit au fur et à mesure que les
procédures se multiplient.
Le Conseil Général, qui gère le
dispositif RMI, ne donne pas de directives précises sur la façon
dont le référent construit son partenariat, utilise à tel
ou tel moment du parcours d'insertion tel ou tel outil. De plus, la signature
du Président du Conseil général sur le parcours
d'insertion mandate le référent à agir au nom de cette
institution, pour la mise en oeuvre du parcours d'insertion. Mais cette
légitimité ressentie par certains référents, est
mise à mal par un manque de soutien du Conseil Général
envers ses troupes.
Certes, il existe un contrôle renforcé des
résultats obtenus par les référents, avec la menace
permanente de la suppression du poste en cas de non rentabilité.
Pourtant, la motivation des troupes reste inexistante, la reconnaissance du
métier est quasiment nulle, et les moyens sont de plus en plus
réduits.
2.3 : Des difficultés exprimées
L'une des difficultés majeure est le turn over
important qui existe au niveau des référents RMI, qui s'explique
en partie par une réduction des financements de poste, mais aussi par la
précarité de ces emplois qui sont, pour la plupart des CDD assez
mal rémunérés « La faiblesse ça peut
être aussi un point fort, c'est peut être le turn over dans
certaines structures qui développe, personnellement je développe
un réseau avec certaines structures X ou Y, euh, et puis le
réseau peut parfois se casser la figure quand les personnes
démissionnent, ou une action qui n'est pas reconduite » (Alex,
RGP).
L'impact que ce turn over est une déstabilisation
récurrente des relations établies entre les partenaires locaux et
institutionnels et le public suivi. Cela participe au ralentissement du projet
construit avec les référents précédents.
De plus, on retrouve la problématique de la formation,
puisqu'il est clairement exprimé qu'une rencontre d'explicitation du
fonctionnement du territoire est à chaque fois indispensable pour
permettre au référent de prendre en main ses fonctions «
j'essaie toujours d'avoir un premier entretien individuel avec euh, avec ces
personnes qui débarquent sur le territoire pour euh, essayer de faire un
petit tour d'horizon rapide, en une heure et demie, ben tiens le PLIE de
Tourcoing c'st quoi, quelles sont les actions qu'on met en place, et pis aussi
de, de rentrer tout de suite cette personne là, voilà dans le
réseau. » (SS, PLIE).
2.4 : Une demande de rentabilité
Les référents sont, en outre, tenus à
une obligation de résultats, de contractualisation. Cette obligation
n'est pas comprise par les professionnels, qui voient ici un paradoxe entre
leur domaine d'action et une demande de rentabilité « Il y a un
suivi toute l'année avec des évaluations de projet, un suivi du
public... » (Charles, RGP)
Charles s'exprime clairement sur ce sujet : «(...)
depuis quelques années, je vois le coté administratif et le
contrôle social dans lequel on essaye de m'inscrire, on glisse du travail
social à un contrôle du travail social, ça, c'est ma
souffrance. Ce n'est pas par rapport à la personne. Ca, c'est ma
souffrance. Voilà, c'est tout. Je vois qu'ils sont entrain de casser
quelque chose qu'ils ont mis en mal, qu'on pouvait travailler avec passion,
euh... et même par vocation, mais ils sont entrain de casser quoi, ils
sont entrain de casser. On fait des bilans, des statistiques que, j'aurai voulu
envoyer des éléments d'ordre humain (...) » , tout
comme Alex, qui lui, ne comprend pas l'objectif des résultats qu'il doit
fournir « quand on voit les nouveaux contrats d'insertion, où
nos bilans intermédiaires ou nos bilans finaux, on n'est, enfin, je me
sens pas évalué ». Il n'y a pas de sens dans cette
demande de chiffres. Avec ce regard de gestionnaire, le Conseil
Général participe à la dévaluation des actions des
référents, qui attendent un regard qualitatif sur leurs
pratiques.
Nous pouvons noter une conséquence importante de cette
pression du chiffre et des quotas, comme le montre Gaël « si je
fais de la qualité sans faire mon quota, on me rajoute du public, donc
je contractualise les plus employables pour mieux me concentrer sur les plus en
difficultés [...] on me demande de faire du résultat, alors je
contractualise avec les plus employables ». Ceux qui signeraient un
contrat seraient les moins en difficultés. Malgré tout, certains
référents résistent, comme Alex ou Charles, qui targuent
ce type d'action comme « un
accueil administratif », et qui refuse cette pression
institutionnelle en repoussant les limites temporelles imposées par le
Conseil Général.
La mise en case du parcours d'insertion, son cloisonnement,
étouffe sa dynamique. Le système se sclérose, par la
rationalisation du travail social, et par l'induction de pratiques
professionnelles, qui tentent de répondre à l'injonction de
rentabilité imposé par le Département-gestionnaire.
Assaillis de contraintes de résultats, de
contractualisation, de critères de positionnement, de demande de bilans,
les référents voient leurs marges de manoeuvre
réduites.
2.5 : des marges de manoeuvre pour faire face à la
pression du chiffre
Alors, des résistances s'installent : on repousse les
délais, en ne remplit pas les cases sur les dossiers, on positionne sur
des dispositifs de façon plus ou moins aléatoire afin de gagner
du temps, on ne participe pas aux réunions, on cherche le critère
qui fera passer de justesse un dossier...
Etre référent, c'est être seul devant son
public, c'est aussi avoir un réseau très développé
pour pouvoir s'appuyer dessus, faute d'un soutien institutionnel fort. Alors,
on ne peut plus s'étonner d'entendre un référent dire
« Je suis salarié de ma structure, mais parfois, je me demande
si je ne suis pas salarié du Conseil Général »
(Alex, RGP). La légitimité du Conseil Général
à demander des comptes parce qu'il est financeur, ne va pas de soi. Et
c'est bien là le problème :
Malgré la pression institutionnelle qui demande
à faire du quota, les référents résistent à
cet appel du pied en privilégiant la relation sociale et le travail
qualitatif qu'ils effectuent avec les personnes suivies « Je refuse de
faire de l'accueil administratif » (Charles, RGP).
De plus, le retard dans les contrats d'insertion ne freine
pas le projet, et n'interrompt pas le versement du RMI si le
référent est capable d'expliquer pourquoi le contrat d'insertion
n'est pas encore signé.
Quand aux travailleurs sociaux de l'UTPAS, qui sont sous les
ordres directs du Conseil Général, il existe une forte
revendication concernant l'aspect social de leur travail, et une revendication
de leur incompétence sur l'aspect professionnel, qui est un
positionnement paradoxal par rapport au discours du Conseil
Général, qui voudrait privilégier l'insertion
professionnelle.
Aussi, on retrouve un fort taux de contractualisation des
allocataires RMI dans les UTPAS, avec un suivi très aléatoire,
qui, comme le confirment les témoignages des allocataires RMI, se
contentent d'un renouvellement automatique du contrat d'insertion tous les
trimestres et d'une demande d'inscription à l'ANPE.
On note qu'il existe une différence de traitement des
situations, que l'on soit fonctionnaire ou contractuel, avec des
conséquences sur la qualité de l'accompagnement des personnes en
cours d'insertion.
Le référent est au coeur du travail relationnel
entre le conseil général et l'allocataire et qui défend ce
dernier face à l'institution « Je ne m'impose pas de limite de
temps pour élaborer le parcours » (Charles, RGP), et à
Alex de renchérir « je ne me mets aucune pression par rapport
à ça, je réponds en temps et en heure à mes bilans.
Je ne me mets aucune pression par rapport à mes objectifs
».
Le référent est amené à trouver
des marges de manoeuvre pour pouvoir répondre à une demande de
plus en plus forte, et surtout, pour tenter de sortir les personnes de leur
situation. Alex précise « Plus on s'éloigne et plus on
tombe dans une sorte de spirale de l'exclusion, après c'est d'autant
plus difficile de remonter la pente. On s'appuie aussi sur une forme de
discrimination positive (...) on s'appuie aussi, enfin, les gens sont à
la fois dans le dispositif RMI et ont ce statut de travailleur handicapé
(...) c'est un des critères d'éligibilité, donc, la
personne est amenée à ce statut (...) on se sert du
critère travailleur handicapé pour faire en sorte que la personne
puisse bénéficier d'une formation » et il ajoute
même « on essaye plus de cocher la case travailleur
handicapé que de cocher la case du RMI ».
Nous voyons, dans ce dernier témoignage, que,
malheureusement, c'est le cumul des handicaps qui autorise l'accès
à certains dispositifs.
Comme l'exprime Gaël « On commence par
découper par le statut, puis on regarde ce qui se passe pour cette
personne. L'individu en tant que personne intervient bien tardivement dans ce
processus. [...] on se dit alors, est-ce qu'il à moins de 26 ans, est ce
qu'il a plus de 50 ans, est-il AAH, est-il DELD, et puis final, comme le disait
PS de l'ASSFAM, « ce qu'il faudrait faire c'est les inciter à
être délinquants pour qu'ils aillent en prison, mais sur une peine
relativement réduite, comme ça ils seront sortant de prison, et
il entrera dans un critère d'éligibilité quoi. Ou alors on
leur fait très mal comme ça ils peuvent s'inscrire en AAH...
» C'est vrai qu'en termes de discrimination, ben oui peut être, ...
c'est une discrimination légale, mais c'est effectivement une
discrimination. ».
Si les pratiques des référents sont
cadrées de façon plus ou moins rigides par une institution en
quête de résultats chiffrés, nous avons pu relever, au
travers les discours, des obstacles institutionnels qui viennent contrecarrer
le bon déroulement des parcours d'insertion.
2.6 : Des freins institutionnels importants
Tout d'abord, nous relevons une discrimination de statut, qui
est un phénomène récurrent dans les pratiques
institutionnelles : Le statut détermine les positionnements sur les
actions, ou la possibilité d'accéder à certains services
publics.
On se retrouve alors avec des critères
d'éligibilité qui arrivent en tête des conditions
d'accès à un dispositif, plutôt que par des critères
définis par un diagnostique des besoins des individus. Ainsi, Gaël
remarque « On positionne sur les emplois aidés d'abord sur les
critères d'éligibilité, avant la réalité des
besoins de la personne ».
On peut alors craindre une normativité des parcours
d'insertion, en fonction des statuts administratifs des individus,
réduisant l'accès des dispositifs d'insertion.
Un cloisonnement du dispositif :
Nous constatons un cloisonnement des actions, fermant
là aussi l'accès du public RMI sur certains dispositifs, en
particulier pour les actions exigeants le partenariat avec l'ANPE. Comme le
rappelle Marc du PLIE « l'important, c'est pas l'emploi, c'est que la
personne soit pas dans mon dispositif, dispositif Etat/ANPE ou dispositif
RMI/Conseil Général ». Ce cloisonnement, que nous
croyons conséquent aux manques de moyens humains et financiers, marque
une réelle discrimination vis-à-vis des allocataires RMI, qui ne
peuvent bénéficier,
comme tout le monde, des services publics de l'ANPE, sous
prétexte qu'ils sont suivis par un référent.
Ce transfert implicite de compétences, que le
référent ne peut assumer, nous amène à insister sur
la nécessité de clarifier les champs d'actions de chaque
partenaire, en particulier des référents, piliers de la relation
tripartite entre le public, les financeurs et les opérateurs.
Les critères d'éligibilité pour
accéder à certains dispositifs sont de véritables
obstacles dans le parcours d'insertion ; alors qu'il est demandé
à l'allocataire du RMI de pallier à ses obligations (faire des
efforts pour se réinsérer), le système, tel qu'il est
conçu, réduit l'accès aux dispositifs de façon
dramatique.
L'augmentation des critères montre une bureaucratisation
des dispositifs, au travers la mise en place de procédures de
positionnement, jouant un rôle de filtre.
Nous insistons ici sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un
recrutement pour une grande entreprise, mais bien d'intégrer un
dispositif d'insertion : l'emploi aidé
. Constatons alors combien il est difficile d'intégrer
une aide à l'insertion (alors que le RMI et la loi considère
l'insertion comme un Droit...), par une multitude de filtres : positionnement
par le référent, commission d'accès, commission de
recrutement, entretien individuel et enfin, période d'essai.
Nous posons alors une question essentielle : le public, tel
qu'il nous est présenté, est en grande fragilité, à
besoin de recouvrer une confiance en soi, n'est pas assez fort pour se battre
dans le secteur marchand... Or, d'après ce que nous constatons,
intégrer un contrat aidé relève du parcours du combattant,
où l'on juge les personnes selon des critères discriminants, pour
accéder à un poste considéré comme un « sous
emploi »...
Cela en vaut-il vraiment la peine ?
Comme le rappelle Marc du PLIE, en parlant des contrats
aidés : « trop souvent on rentre sur un contrat de travail.
Donc là, on parle pas d'insertion ».
Cela signifierait-il que les professionnels comme le public
oublient qu'il s'agisse d'un dispositif insertion, avec des objectifs
d'insertion ? Qu'est ce qui peut engendrer une telle confusion ?
Un semblant de réponse peut être apporté
par Alex, qui parle de l'ANPE qui « oriente systématiquement
les personnes au RMI sur des emplois aidés », et à
Charles d'ajouter « pour le PLIE, on dirait que les emplois
aidés, c'est une exclusive [...] les institutions pensent
systématiquement aux emplois aidés(...) » ou par
Gaël lorsqu'il parle des pratiques de l'UTPAS « Mais par contre
c'est vrai qu'au niveau des UT, il continue à avoir des positionnements
dans le PLIE alors qu'ils sont en plus peu nombreux, mais dans lequel, c'est...
« cette personne veut travailler, j'ai testé la plateforme IOD,
ça n'a pas marché, euh, bon, est ce que vous pouvez faire quelque
chose quoi ».Est ce que la conclusion qui a été tirée
par le référent c'est ben, comme l'IOD n'a pas marché,
c'est forcément un positionnement contrat aidé, c'est un
positionnement contrat aidé, est qu'on est plutôt sur
première étape de parcours type CAE ou CA, ou est ce que c'est
plutôt CDDI... rien de tout ça n'est travaillé au jour
d'aujourd'hui ».
La mise en procédure, cumulée à une
baisse des offres de d'insertion participe à renforcer les
critères de plus en plus drastiques d'entrée sur les dispositifs,
avec, en particulier, une augmentation de la concurrence concernant les
positionnements, comme le note Alex.
La suite de notre analyse cherchera à montrer comment le
système participe à « la mise en trappe » des
allocataires.
2.7 : Un enfermement des individus à cause du
système
Les professionnels comme les publics intègrent
l'idée que la normalité, lorsqu'on est au RMI, est de passer
obligatoirement par la case emploi aidé, laissant de coté les
contrats classiques dans le secteur privé « les politiques ont
fait que, au lieu de se tourner vers la recherche d'un véritable emploi,
ils sont entrain de demander des emplois aidés quoi ! »,
s'insurge Charles.
L'intériorisation de cette « culture du Rmiste
» induit des comportements « quand on dit aux gens s'ils ont
été à l'ANPE, et qu'ils disent qu'il n'y a rien pour eux,
c'est pas vrai. Pour les gens, dans leur tête, c'est au
référent de trouver un boulot ! » (Charles, RPG).
On peut éventuellement voir ici une piste de
réponse face aux difficultés du public RMI à entrer sur
les contrats de droit privé : et si les dispositifs d'insertion
étaient des trappes à précarité?
Effarée de constater que certaines personnes sont dans
le dispositif depuis 10 ou 15 ans, Judith (Référente) explique ce
phénomène par l'hypothèse que « les postes sont
de plus en plus inadaptés au public que l'on a », avec des
critères de plus en plus élevés, en particulier en
matière de niveau scolaire ainsi qu'une pénurie d'emploi non
qualifiés, plus adaptés au public reçu « au
niveau des propositions de poste, je trouve que ça concerne pas notre
public qui a un niveau trop faible ».
Gaël, quant à lui, constate que l'enfermement
dans le système provient de « La représentation de
l'accès aussi, au marché du travail que je finis par avoir par le
biais de la systématisation des emplois aidés [...] Après
on est peut être toujours dans l'idée que un parcours ça
doit forcément être long et que on est aussi porteur de ces
représentations là vis-à-vis de la personne. « Vous
êtes en CA ou CAE, alors après pour vous qu'est ce qu'on pourra
mettre en place... un CDDI, ou une formation ... » Et pourquoi pas le
secteur marchand tout de suite ? C'est pas ce qui vient spontanément
à l'esprit... parce que justement si on se dit que si on a bien fait le
repérage du public qui a été positionné sur un tel
dispositif au départ, c'est quelqu'un qui a été
repéré comme quelqu'un pas assez autonome, on a quand même
le sentiment que c'est pas le fait de s'être retrouvé en contrat
aidé dans un milieu relativement protégé qui lui aura
permis de développer l'autonomie nécessaire ... ».
Par ailleurs, ces pratiques « protectrices »
induisent des comportements de repli vers le secteur non marchand, et sont la
conséquence de l'injonction de résultats imposée aux
référents par l'institution : en ne prenant pas de risques pour
la personne, les résultats, s'ils stagnent, ne s'écroulent pas
pour autant. Alors, « On retourne sur les questionnements qu'on
pouvait avoir sur l'histoire du contrat. Il ne s'agit pas de s'engager
n'importe comment, donc finalement, je choisis de m'engager sur des choses que
je peux garantir. » (Gaël).
La prise de risques est quasiment nulle, on ne risque pas
l'échec de la personne en la poussant vers l'emploi marchand, on la
maintient dans le système.
L'institution qui est derrière cette demande de
résultats est à l'origine de ces pratiques : le manque de sens
des bilans quantitatifs, le désintérêt pour le travail
qualitatif des référents et pour les moyens qu'ils mettent en
oeuvre pour construire un parcours, en d'autres
termes, le manque de reconnaissance du travail effectué
par ceux-ci à un impact non négligeable sur leur façon de
travailler avec les personnes.
Comme le rappelle Marc, le projet doit « être
porté par la Direction [...] ce qui doit vraiment porter le dispositif,
c'est le Conseil Général ! »
2.8 : Une bureaucratisation du système
Les instances telles que le PLIE ou l'ANPE, sous le cout
d'une demande de régulation du marché de l'insertion
professionnelle, participent largement à cette bureaucratisation de
l'accès aux dispositifs, comme le constate Alex « Il faut
être dans le PLIE pour bénéficier des aides
financières ». Toutefois un bémol permet de dire que
c'est aussi un moyen de « bien cibler les publics » (Alex) ;
en d'autres termes, de faciliter les positionnements.
Ces instances sont considérées par les
référents comme des instruments de contrôle, cherchant
à obtenir le monopole du réseau territorial « le PLIE
est devenu une pieuvre, il a prit beaucoup » (Charles, RGP) et, comme
le précise Alex « si on n'est pas dans le PLIE, c'est foutu
», forcé de constater qu'avant, il avait son propre
réseau pour positionner sur des CES.
Désolé que le PLIE ne soit perçus que
« comme des contrôleurs », Gaël souligne
malgré tout que « si on vient demander des comptes c'est aussi
parce qu'on vient se mettre à coté à un moment
donné en disant « bon qu'est ce qu'on peut faire pour ces personnes
là, pour vous aider dans votre démarche ». L'enjeu se trouve
là quoi.... c'est comment on vient poser les choses, et puis le sens
qu'on vient mettre et comment on accompagne ce sens. ».
Aussi, ce contrôle est justifié par «
des histoires de management derrière, en plein. Et ce qu'il y a
c'est qu'on se retrouve sur de tels volumes publics et tels volumes financiers
et bien souvent le management, on l'a oublié dans l'histoire et qu'on
est uniquement sur le contrôle du service fait quoi ».
En outre, Marc ajoute : « un PLIE est une ressource
qui s'assure de la gestion du service fait et qui doit être dans la
proximité pour s'assurer de la bonne exécution et de pouvoir
être en alerte avant qu'il y ait des clash. ».
La représentation des différents partenaires du
PLIE semble justifiée, principalement par le contrôle des actions
mises en oeuvre au travers les conventions et les bilans ou les obligations de
résultats.
Toutefois, l'efficacité de ces actions et des
organismes qui les supportent doit être justifiée. La mise en
place de critères d'évaluation, comme les taux d'accès
à l'emploi, ou les taux de sortie du dispositif répondent
à une mise en statistique globale, à une vision gestionnaire du
dispositif RMI. Le traitement social du chômage à un coût
non négligeable sur le budget national, tout comme la
réorganisation du travail autour de ce dispositif.
Une bureaucratisation pour cacher une
désorganisation interne :
En effet, les instances qui gèrent et régulent
le dispositif RMI au niveau local n'ont pas la maitrise de leur propre
rôle. Ainsi, Charles explique qu'il existe toujours, en 2007, une
difficulté de mise en oeuvre de la loi de 2004, concernant la
répartition des rôles entre les instances pour l'instruction du
dossier RMI : « C'est pas clair encore aujourd'hui. Le changement a
été fait en 2004... ben là, ça commence seulement
à aller, maintenant ça commence à aller. Parce que, encore
récemment, quelqu'un m'a dit « on connaît cette personne au
cas ou ça passe pas, la CAF ceci, parce que la CAF a encore une
délégation... » Bon ben j'ai pas voulu faire de
commentaires... pour moi, compte tenu de ce que je sais, je demande pour moi,
c'est clair, c'est de l'instruction à la CAF via la CLI, pour pas
encore
solliciter la CAF. Bon pour le RMI c'est à eux de
nous suivre, la CAF elle exécute et puis c'est tout. Les rôles ont
changé au niveau de chacun, ça bloque dans la pratique. Y'a
toujours des anciens reflexes, avec des conséquences sur les publics
dramatiques, terribles ! ».
Comment espérer alors un fonctionnement efficace si les
instances décisionnaires sont en incapacité d'assumer leurs
propres fonctions ?
Une clarification à ce niveau est indispensable ; si la
mise en procédure tend à rigidifier le système pour le
rendre impraticable, le manque de cadres le rend inefficace.
Pour aller plus loin dans notre réflexion, nous
pourrions avancer l'hypothèse que si le dispositif d'insertion
professionnelle des allocataires du RMI est peu satisfaisant en termes de
retour à l'emploi des allocataires, c'est en partie à cause d'un
manque de coordination des instances gestionnaires et décisionnaires qui
le régissent.
Comment pourraient-elles être alors en mesure de demander
une harmonisation des pratiques aux référents qu'elles sont
sensées appuyer dans leur mission ?
Incapables de gérer leur propre organisation, elles ne
sont pas crédibles face aux référents et autres
partenaires, et peinent à leur proposer un cadre de travail
satisfaisant.
Aussi, on ne s'étonne plus de voir que l'ANPE
n'hésite pas à se décharger petit à petit de la
« problématique RMI »...
Le semblant de cadre qui s'effectue au travers la
bureaucratisation du dispositif ne répond en rien à ce
problème de fond, et ne serait que l'arbre qui cache la forêt.
En d'autres termes, une mise au point en plus haut lieu
s'impose pour qu'une fois les rôles et fonctions de chacun
clarifiés, l'articulation entre les différents dispositifs
s'améliore et qu'une harmonisation des pratiques soit envisageable.
Des effets sur les pratiques professionnelles :
L'impact de ce manque de management, est une perte de
contrôle de l'institution sur l'utilisation des dispositifs mis en place
pour le retour à l'emploi.
Aussi, certains d'entre eux, comme l'emploi aidé ou la
formation, peuvent servir à gagner du temps, afin de mieux
réfléchir au projet d'insertion. Cela explique certains
positionnements qui ne semblent pas en corrélation avec le projet
professionnel pré établit, ou encore le suivi relativement
chaotique des personnes en cours d'emploi aidé ou de formation, qui
n'auront pas une poursuite de parcours « logique »,
c'est-à-dire une aide renforcée pour le retour à
l'emploi.
Marc constate qu' « il y a une grosse
difficulté d'engagement », que les « personnes ne
sont pas préparées, n'ont pas été
sollicitées pendant leur parcours régulièrement »,
nous pouvons y voir un moyen détourné d'utilisation de ces
outils par les référents, afin de laisser du temps aux personnes
pour réfléchir à leur projet, pour se poser, où
découvrir le monde professionnel.
C'est ici que l'on peut comprendre ce qui lie aussi intimement
l'insertion sociale et l'insertion professionnelle : l'une ne peut pas aller
sans l'autre.
Si l'insertion professionnelle est une priorité
politique, se servir de l'insertion par l'économique comme d'un levier
vers l'insertion sociale est une solution à double tranchant : une fois
encore, c'est la qualité du suivi et de l'accompagnement de la personne
qui lui permettra de travailler sur elle de façon satisfaisante.
C'est pourquoi nous soutenons que l'utilisation
détournée des dispositifs peut être satisfaisante, mais
qu'une telle stratégie d'insertion doit être préalablement
explicitée à la personne accompagnée, et le
référent doit veiller à l'articulation des dispositifs
tout au long du parcours pour que cette stratégie fonctionne.
D'autre part, cette manipulation des dispositifs
répond à l'augmentation des critères d'accès : les
référents sont contraints de mettre en place des marges de
manoeuvre permettant de travailler de façon relativement satisfaisante
avec le public.
La perte de contrôle des instances sur l'utilisation des
dispositifs est certes contrée par la mise en place de procédures
sélectives et par la diminution des budgets alloués à ces
outils.
Malgré tout, ces tentatives de rattrapage ont des
conséquences sur les publics suivis, par un durcissement
généralisé du système, et la fermeture des
alternatives possibles pour sortir de leur situation.
Ainsi, Charles et Alex regrettent que le PLIE, qui voit ses
budgets baisser, n'est pas en mesure d'accepter tous ceux qui ont besoin d'un
accompagnement renforcé à l'emploi, et réduit ses
effectifs de façon importante pour pouvoir proposer des actions de
qualité « le PLIE ferme les portes de l'accès à
l'emploi car il n'a pas la possibilité de reprendre et d'intégrer
tout le monde et de répondre à toutes les attentes »
(Charles).
Une fois encore, c'est le public qui subi les décisions
institutionnelles et budgétaires.
Si la décentralisation visait à
décloisonner le système pour mieux répartir les
rôles au niveau territorial, on note une tendance à la
centralisation des pouvoirs au niveau local et départemental, et
à un cloisonnement d'autant plus fort, qu'il est conditionné par
les coûts de maintien du dispositif RMI.
L'harmonisation des dispositifs et des pratiques mis en place
dans le cadre du dispositif RMI passe alors par une coordination des instances
gestionnaires et permettra un partenariat optimal entre les acteurs de
l'insertion.
C'est pourquoi, tout au long de nos entretiens, nous avons
tenté de comprendre quelle était la nature du partenariat entre
les différents partenaires, et l'importance du maillage territorial dans
l'établissement des parcours d'insertion.
Notre prochaine partie concernera l'importance du partenariat
local dans l'animation du dispositif RMI.
3 - Un partenariat fondamental
La volonté politique de territorialiser le traitement
social du chômage tentait de répondre au mieux aux
particularités du territoire concerné. Ainsi, cette
proximité devait permettre aux acteurs locaux de tisser un maillage
permettant une amélioration de la réactivité des acteurs
face aux besoins des publics.
La ville de T est particulièrement dynamique et riche
de structures qui travaillent en faveur de l'insertion sociale et
professionnelle des personnes en difficultés. Mais le nombre fait-il la
qualité ?
Les relations établies entre les structures et les
instances sont capitales pour construire un maillage de qualité,
réactif et impulsif.
Dans cette nouvelle partie, nous nous attacherons à
comprendre quel est le type de partenariat existant sur cette commune, et
l'importance de ce maillage dans la construction du parcours d'insertion.
Nous allons approcher cette notion de partenariat sous deux
angles : celui des instances, comme le PLIE et celui des
référents.
Ces deux approches sont radicalement différentes de part
leur nature et les attentes de chaque entité vis-à-vis de leur
partenaires.
3.1 : des référents générateurs
de réseaux
Ne pas avoir de réseau, c'est, pour le
référent, s'isoler et être inefficace.
C'est le référent qui bâtit, petit à
petit, et selon ses besoins, le partenariat avec des entités diverses et
variées, et qui concerne l'insertion sociale et professionnelle.
Charles précise : « on connaît les
partenaires dans tous les domaines, dépassant même les domaines
qui me sont désignés, les organismes désignés. Moi
je cherche, par exemple à la préfecture, j'ai une trentaine de
différents numéros des gens de la préfecture, je me suis
débrouillé tout seul pour les avoir. [...] Moi je le sais, si je
ne fais pas ça, ils vont pas venir à moi. [...]
Question : donc le référent anime le
réseau ?
Il doit se donner les moyens, et doit se donner les
moyens. Alors si vous êtes là dans une position d'attendre qu'on
fasse pour vous, et ben nous, on dit aux bénéficiaires qu'il y a
plein de possibilités qu'ils doivent apprendre, ah mais, si nous on ne
sait pas apprendre, y'a un problème non ?».
Alex renchérit « Il faut ne pas rester dans
son bureau et subir, entre guillemets, les entretiens individuels à
longueur de journée, parce qu'il est aussi important d'aller à
l'extérieur pointer le bout de son nez et de voir à
l'extérieur ce qui bouge, ce qui se passe quoi ».
En effet, l'importance du réseau des
référents va leur permettre de travailler d'autant plus
efficacement qu'ils auront une plus grande capacité à interpeler
la bonne personne pour une problématique particulière.
Les référents RMI, devenus
référents généralistes de parcours ne peuvent
compter que sur leur réseau pour soutenir leur public dans leurs
démarches. Aussi Charles avoue « je ne suis pas suffisamment
outillé ou bien je n'ai pas cette euh... qualification de juger, de dire
si c'est bon ou c'est pas bon, je vais pas au contact avec (...)je n'ai pas une
connaissance approfondie ce qui est sur, mais l'offre de formation qui est
là, elle est riche et très abondante. Utilisée peut
être à 10% de sa capacité, on l'utilise pas assez parce
que, on connaît pas tout ».
Gaël souligne l'importance de ce réseau pour les
référents « le constat que j'ai pu dresser ces
dernières années c'est qu'il est bien évident que ceux
qu'on réussit à toucher le plus facilement, c'est ceux qui sont
eux-mêmes les plus isolés dans leur vécu quotidien »
(Gaël, PLIE).
Alors que d'autres, soutenus par leur structure, s'enferment
dans une sorte de cocon hermétique « Là ou par contre
ça va poser plus de difficultés, ca va être lorsque
justement on est confronté à des grandes équipes qui ont
déjà leur mode de fonctionnement bien particulier et leur
réunion hebdomadaires etc., euh, là et je pense naturellement au
CCAS et aux deux UTPAS, avec, euh, je dirai bon, au niveau du CCAS , il est
clair, des avancées constantes au fil du temps, c'est même
plutôt carrément positif ce qui se passe, même s' il reste
quand même des choses à accomplir, et pis une difficulté
récurrente au niveau des UTPAS quoi, là c'est un petit peu la
forteresse inviolable pour l'instant. ».
3.2 : Une qualité du réseau en
corrélation avec la qualité de l'accompagnement
Cette réactivité est indispensable face aux
urgences rencontrées par les allocataires RMI, particulièrement
les urgences sociales, comme l'explique Charles : « Quelqu'un qui
n'est pas suivi ça sera encore un parcours de combattant pour pouvoir
obtenir ce que nous, on a réussi à obtenir en une semaine,
même moins, voilà... ».
Aussi, « tout son talent, c'est la qualité de
l'orientation » (Gaël, PLIE), qui s'inscrit dans la
qualité de son réseau. Plus le réseau du
référent est développé, plus sa
réactivité sera forte et facilitera le travail
d'élaboration du projet, « plus le réseau est large,
plus je suis crédible » affirme Alex, qui montre que le
réseau doit être pluridisciplinaire et qu'il est l'outil principal
du référent en matière d'insertion sociale et
professionnelle.
En outre, le référent doit rester en veille
face à ce réseau, qui peut, à tout moment connaître
des faiblesses, par le turn over important qui existe sur le territoire, comme
l'explique Alex « le turn over dans certaines structures qui
développe, personnellement je développe un réseau avec
certaines structures X ou Y, euh, et puis le réseau peut parfois se
casser la figure quand les personnes démissionnent, ou une action qui
n'est pas reconduite. Enfin le réseau ça demande à
être entretenu, c'est je te donne mais tu me donnes, ca fait partie du
rôle de référent. ».
Comme le précise Alex, le partenariat repose sur une
relation d'interaction entre les acteurs, qui puisse maintenir une
collaboration équilibrée où chaque partie trouve son
compte.
L'animation du réseau est par conséquent
très importante, tout autant que le développement, permettant une
bonne réactivité « si on a besoin d'aide, les
partenaires répondent de façon positive » (Charles,
RGP), et Gaël (PLIE) en insistant sur le fait que « l'information
doit aller dans les deux sens ».
Enfin, la connaissance du réseau est essentielle, au
vu de la multiplicité des acteurs et de leur champ d'action, comme le
souligne Alex « on développe un réseau et des
connaissances ».
Le partenariat permet au référent de se
positionner et d'affirmer ses fonctions, son rôle à jouer dans
l'élaboration du parcours professionnel.
Nous sommes sur de la mobilisation de compétences, sur
une recherche qualitative du partenariat. C'est la compétence des
acteurs qui est sollicitée au travers le maillage, peu importe que
celui-ci soit un travailleur social, un collègue, un médecin ou
une institution ; c'est aussi la compétence du référent
à faire intervenir le bon acteur au bon moment qui engendra le
succès de l'intervention de ce dernier.
Malgré tout, il est important de rappeler que le
réseau partenarial doit rester dynamique, mouvant « pour faire
de l'air dans le parcours d'insertion », comme le dit Alex.
Le partenariat permet parfois d'avoir un nouveau regard sur
les situations des personnes, afin de retrouver une certaine objectivité
sur les parcours des personnes, comme l'explique Gaël (PLIE) «
Y'a un constat qu'on avait fait il y a un moment : on s'était rendu
compte que certaines personnes étaient suivies par des
référents RMI, ces personnes passent à l'ANPE et bon le
référent RMI avait préconisé plutôt un
contrat aidé avec une formation... cette personne est reçue par
un conseiller ANPE, qui n'avait jamais vu cette personne là auparavant,
paf qui l'engage sur la médiation emploi. », ce que confirme
Alex (RGP) « un relai, c'est nécessaire parfois [...] Parfois
ça permet d'avoir certaines informations et de rebondir ou de trouver
des solutions plus appropriées, pour avoir un certain élan, pour
rebondir plus facilement ».
Aussi, le partenariat facilite le relai entre les professionnels
et ouvre une nouvelle perception sur le parcours d'insertion, moins
stigmatisant pour la personne.
Le fait de suivre une personne sur une longue période
conditionnerait-elle le regard porté sur les individus ?
Il semble que la réponse apportée par nos
interlocuteurs soit sans équivoque, et que l'alternative est de relayer
le travail d'insertion à une tierce personne, dont la nouvelle
appréciation peut élargir les pistes de travail
Comme nous l'avons écrit précédemment,
les référents sont les piliers de la relation entre les acteurs
de l'insertion et le public RMI. Toutefois, nous verrons dans cette nouvelle
sous-partie, que les structures décisionnaires parlent du partenariat
dans des termes relativement éloignés de la notion de partage, et
que le maillage s'effectue de façon dichotomique entre les financeurs et
les opérateurs.
Lorsque nous avons évoqué, dans la partie
consacrée aux pratiques institutionnelles, le regard que les
référents portent sur le PLIE et le Conseil Général
en termes de contrôle, nous avions insisté sur le fait que ce
regard n'était pas apparu de façon anodine, mais qu'il
était invoqué par les pressions institutionnelles (bilans,
exigence de résultats...).
3.3 : Un partenariat sur plusieurs niveaux
Le partenariat concerne aussi les structures à
l'interne. Alex explique « je n'hésite pas à
présenter une personne à mon collègue et puis elle
intègre les ateliers une à deux fois par semaine, et puis je fais
le lien de temps en temps ».
Le partenariat s'effectue à tous les niveaux,
même politiques « le fait d'avoir un conseil d'administration,
ça permettait aussi [...] d'avoir des informations sur (...)
différentes politiques locales » (Alex)
Ce réseau permet de solliciter les compétences, et
devrait faciliter la circulation de l'information.
Un conseil général financeur non
collaboratif
Concernant la collaboration entre les référents
et leur financeur principal, le Conseil Général, il est
intéressant de noter que le partenariat repose sur le respect des
procédures : contractualisation, respect des délais, respect des
quotas, justifications...Le Conseil Général, lui, brandit la
menace de la suppression du budget consacré au poste de
référent, en cas de manquement à la règle.
En d'autres termes, et comme nous l'avions exprimé
dans une partie précédente, le Conseil Générale se
positionne bien en tant que Financeur, ayant le pouvoir économique, donc
décisionnaire, alors que le référent est un
exécutant des politiques publiques, un « petit soldat »
envoyé sur le front, face à un public en demande «
j'ai l'impression qu'ils se retrouvent seuls face au public en permanence et
euh, ont un contact très limité avec leur direction... »
(Marc, PLIE)
Malheureusement, ce schème n'est pas aussi simple, et
le Conseil Général, fort de sa puissance institutionnelle,
à beau tonner en réunion « qu'il faut taper un grand
coup sur la table car ça ne fonctionne pas avec les
référents » (dixit un directeur de structure qui
rapportait les propos tenus par des responsables du Conseil
Général, lors d'une réunion concernant le dispositif RMI),
pointant du doigt que ses petits soldats font de la résistance, et
jouant la carte de l'autorité par la menace de la suppression de leur
poste «Ils sont suivis chacun de plus en plus à leur dire
« attendez vous suivez combien de personnes, votre poste il est
financé, sous la condition qu'il y ait autant de personnes
contractualisées dans votre portefeuille. Voilà. Donc y'a une
pression institutionnelle pas possible » (Gaël, PLIE), le fond
du problème n'est pas touché...
Il n'existe pas de partenariat entre les référents
et le Conseil Général, il n'existe qu'une relation de financeur
à financés, établie au travers un regard gestionnaire.
Le Conseil Général n'a pas pris la peine
d'outiller ses référents pour faire face aux demandes, leur
laissant un ersatz d'autonomie «Le conseil général dit
« voilà ta mission, à toi maintenant de savoir que... »
j'ai un rôle de faire reculer l'exclusion, par ou je dois passer pour y
arriver, ben voilà... » (Charles, RGP)
. En établissant lui-même une relation de
financeur/exécutant, le Conseil Général a pris le risque
de voir ses troupes isolées, agissant comme des électrons
(presque) libres, qu'il tente de cadrer par des procédures «
d'activation » : « on est un peu sur le rappel à l'ordre,
et toujours sur les deux coté : toi qui perçois le RMI , il faut
que tu fasses des démarches significatives et toi qui est
référent et qui signe le truc, t'as intérêt à
te démener pour faire des propositions. On est un peu là-dessus
» (Gaël, PLIE)
Non seulement financeur mais fin gestionnaire, le Conseil
Général a réduit la possibilité d'entrée sur
certains dispositifs, comme pour le Contrat d'Avenir, désormais
réservé au non Rmistes.
D'autre part, il a supprimé les fiches pratiques en
direction des référents, mais aussi la cellule RMI qui permettait
le relai d'informations générales qui pouvaient intéresser
le dispositif RMI. Ces outils manquent cruellement aux RGP : « On sait
pas tout faire, je pense qu'on est bien généraliste et ça,
ça manque énormément... alors depuis peu le conseil
général à remis ça en place hein, lieu ressources,
y'a un bulletin mensuel, et ça je pense que c'était
nécessaire, mais y'a aussi, enfin les référents ont
été en demande par rapport à ça. » (Alex,
RGP), mais aussi aux structures, comme le PLIE, qui ne peuvent être
constamment en veille vis-à-vis de l'évolution du dispositif RMI,
et qui attendent aussi du Conseil général, une meilleure
communication des informations.
Enfin, il n'existe que très peu de formation continue
pour les référents, qui s'organisent entre eux pour
établir un réseau de partage d'information « (...) le
conseil général nous sollicite pour qu'on puisse accueillir par
demi-journée des référents pour qu'on puisse leur dire ce
qu'on fait en termes d'emploi. »(Alex RGP)
Ce manque de soutien de la part du Conseil Général
vis-à-vis des référents pénalise le public RMI : il
existe un manque de moyens humains évident pour répondre aux
besoins
En outre, le Conseil Général et ses instances
décrédibilisent le référent face au public, comme
nous l'explique Marc (PLIE) « moi les référents, ils me
disent qu'ils ont jamais vu de commission qui ont fait que une personne soit
radiée du RMI parce que non engagée sur l'offre d'insertion...
». Aussi, cela pourrait expliquer un repli des
référents vers l'insertion sociale plutôt que
professionnelle : « derrière le mot insertion professionnelle,
quand ça fonctionne pas, ben, ils disent , ben ouais on sait bien que
ça fonctionne pas parce que socialement ils ont besoin de quelque chose,
donc on va continuer à travailler... ca renforce le fait qu'on doit
continuer à travailler sur le social...Ca les conforte dans leur
positionnement... » (Marc, PLIE).
Le partenariat, c'est aussi être capable de
négocier, de discuter, de réduire les tensions existantes.
Constat est fait que le Conseil Général
évite les relations de collaboration, même avec d'autres
institutions « Le partenariat avec le Conseil Général
est aléatoire et dilué » (Gaël, PLIE), sous
prétexte qu'il est le financeur de ces mêmes instances.
Comment peut-il espérer alors établir et
régir un dispositif de façon efficace s'il n'est pas capable de
travailler main dans la main avec les acteurs locaux ? Si son seul objectif est
de récupérer les chiffres et de ne pas mettre la main à la
pâte plutôt qu'à la poche ?
Une précaution sémantique ?
Cette volonté de contrôle à des
répercussions sur le travail des instances locales. Elles aussi sont en
demande constante de résultats, que ce soit l'ANPE ou le PLIE «
nous on a des objectifs aussi » (Marc, PLIE).
Si « La notion de partenariat est une
précaution sémantique » (Gaël, PLIE), le PLIE
montre une volonté constante de valoriser la qualité des
prestations et des offres qu'il propose, et tente de travailler avec les
partenaires en ce sens.
Pourtant, il nous important de revenir préalablement
sur cette notion même de partenariat : nous avons posé la question
de cette précaution sémantique à l'un des chargés
de mission, dont voici la réponse « le partenaire, c'est
quelqu'un qui rentre dans les objectifs,
où, même s'il y rentre pas forcément,
est en adéquation avec la demande, le cahier des charges qui fait partie
des valeurs de la structure(...) on voit des organismes qui sont techniquement
intéressant, mais qui fonctionnent assez en live. Ils sont en live
notamment de part un manque de pilotage de part leur direction ».
Malgré tout, il précise « on les appelle les
partenaires, mais on serait plus tenté à dire opérateurs
».
Etre partenaire, ce serait respecter le cahier des charges
que le PLIE rédige (tel un appel à projet), c'est-à-dire
veiller aux moyens que le partenaire va utiliser pour atteindre ses
objectifs.
Toutefois, si Marc affirme que le partenaire ne doit pas
forcément atteindre ses objectifs, tant qu'il respecte le cahier des
charges, il se contredit ultérieurement, en expliquant qu' « on
est sur une obligation de résultats ».
La notion de partenariat est formalisée au travers les
conventions entre les financeurs et les opérateurs, prestataires voire
même public, qui, nous le rappelons ici, signe lui aussi un contrat PLIE
engageant les deux parties.
Le partenariat établit au niveau local à plusieurs
objectifs. Certes, l'objectif commun est la mise à l'emploi des publics
les plus précaires.
Comment s'y prennent-ils ? Quelles sont leurs stratégies
? Quel est l'impact du partenariat sur l'élaboration du parcours
d'insertion ?
3.3 : Une hiérarchisation de la relation
partenariale
Nous avons constaté, tout au long de nos entretiens,
qu'il existait une hiérarchisation du partenariat local.
Nous avons pu voir précédemment, que ce
classement était principalement influencé par le pouvoir
économique de l'institution partenaire. Ainsi, le Conseil
Général reste le maître dans le domaine de l'insertion des
allocataires du RMI.
Au niveau local, nous retrouvons ce visage du partenariat,
avec en haut de la pyramide, les institutions appuyée par l'Etat ou le
Département, puis la Commune, puis les opérateurs et enfin les
référents RMI, qui, a défaut d'être
considérés comme des partenaires, sont des agents
exécutants.
En outre, nous verrons que la collaboration réelle
s'effectue de façon horizontale et non pas de façon verticale, et
dans quelles conditions ?
La pyramide partenariale du dispositif RMI
![](Organisation-du-dispositif-RMI-et-impact-sur-le-parcours-dinsertion-professionnelle-des-allocataire50.png)
Hiérarchie verticale
ETAT
Département/Région
PLIE/ANPE/MAIRIE
OPERATEURS + REFERENTS
Les trois H : Une Hiérarchie Horizontale qui
facilite l'Harmonisation
Entre le PLIE et l'ANPE, les relations se situent
plutôt de « direction à direction » (Gaël,
PLIE), avec une négociation concernant les champs d'action des uns et
des autres, et une convention nommée « Plan Emploi »,
qui fixe le cadre d'intervention des deux structures de façon claire.
Une telle relation partenariale, vise avant tout, à
réduire les doubles financements, donc les coûts.
Marc (PLIE) explique « c'est un accord financier et
un accord d'action (...) L'ANPE fait des prestations emploi, donc il y a des
personnes dessus. Le PLIE fait des prestations emploi, il positionne des
personnes. La synthèse du truc, c'est qu'on se rendait compte que
c'était les mêmes organismes et bien souvent, les mêmes
personnes, donc on était sur du double financement ».
En fixant leurs cadres d'intervention, ces deux institutions
élaborent une stratégie commune de contrôle de
résultats et de leurs finances.
En effet, le manque de lisibilité vis-à-vis des
taux d'accès à l'emploi et du maintien dans l'emploi,
évoqué par Marc, et constaté préalablement à
ce Plan Emploi, à été contré par un accord tacite,
articulant les deux étapes d'insertion, désormais
attribuées de façon spécifique à l'une ou l'autre
des structures. Ainsi, l'ANPE à en charge l'accès à
l'emploi, alors que le PLIE s'occupe du maintien dans l'emploi.
L'impact n'est pas qu'une réduction des coûts.
C'est aussi la réduction du nombre des opérateurs qui
travaillaient sur ces étapes d'insertion de 70 %, en 4 ans (soit 4
opérateurs restants sur les 13 initiaux), donc une réduction du
partenariat.
Toutefois, le partenariat entre l'ANPE et le PLIE ne se limite
pas à la convention et aux financements en commun de certains
dispositifs.
C'est aussi un partenariat impliquant la prise de
décisions communes, et un travail de réflexion sur
l'évolution des dispositifs locaux.
Agathe nous explique le travail effectué avec les
ASSEDICS, qui effectuent le diagnostique emploi du bassin et communique sur les
résultats, afin d'orienter les politiques locales (par exemple
l'orientation sur les secteurs en tension).
Des outils sont par ailleurs communs à ces
institutions, comme le comité d'accès, qui réunit le PLIE,
l'ANPE, le CCAS et la Mission Locale, et qui valide les dossiers PLIE en
fonction des arguments avancés par le référent des
personnes (note d'opportunité).
Ce pouvoir décisionnaire dépend fortement de
l'indépendance financière de ces organismes les uns
vis-à-vis des autres. En d'autres termes, le partenariat, à ce
niveau, bien que nécessaire pour éviter un gaspillage
économique, n'est pas obligatoire.
Une hiérarchie verticale privilégiant les
relations de pouvoir
Les « opérateurs » ou autres prestataires de
services, se trouvent à un niveau en dessous dans la pyramide
partenariale. Eux, dépendent des financements institutionnels et doivent
se plier aux cahiers des charges qui leur sont imposés.
Indispensables mais pas irremplaçables, les
prestataires de services représentés par les organismes de
formation, les ACI, les ETI, et autres chantiers d'insertion, sont à la
merci des financements que leur accordent leurs « partenaires ».
Comme le rappelle Gaël (PLIE), « il y a des
relations de conventionnements avec nos opérateurs »,
entrainant une exigence de résultats et de cadrage des actions
menées, de plus en plus contrôlées comme l'explique Marc
« on est partis sur des petites conventions à taille humaine
(...) on est passé à du 3/5 mois sur une étape de
médiation à l'emploi (...) le fait de donner à un
opérateur ou un partenaire une vision à 12 mois intègre le
fait qu'il sera évalué à 12 mois. Et intègre aussi
qu'il a le temps de travailler avec les bénéficiaires (...) Le
fait de réduire sur 3 mois, c'est se donner des objectifs de
réactivité, c'est de se dire « je n'ai pas beaucoup de temps
et il faut qu'il sorte vite par l'emploi », puisque c'est un outil
d'accès direct à l'emploi. »
Le conventionnement est une assurance, pour le financeur,
d'avoir un minimum de résultats préalablement fixés.
La dépense publique doit en effet être
justifiée, et gérée par des financements attribués
vers des dispositifs efficaces.
On revient ici à cette vision gestionnaire du
dispositif RMI. Toutefois, il est important de rappeler que ces prestataires
font partie des ressources, du « Capital Humain » à
disposition du PLIE pour qu'il soit en mesure de répondre à la
demande des publics.
On retrouve à ce niveau de partenariat, une autre
hiérarchisation interne :
|
Les partenaires du « droit commun », qui concernent
la formation Région, l'AFPA, le GRETA,
etc. et qui sont préfinancés
par les Conseils Généraux, ou l'Education nationale, mais aussi
d'autres partenaires comme la Mairie, qui proposent des postes en CAE/CA.
|
|
![](Organisation-du-dispositif-RMI-et-impact-sur-le-parcours-dinsertion-professionnelle-des-allocataire52.png)
Les partenaires privés, qui concernent
particulièrement les organismes de formation, mais aussi les
associations et entreprises d'insertion
etc. et qui dépendent directement des
financements qu'on leur accorde.
Enfin, les partenaires que nous nommerons ici « liant
», sont les référents, qui dépendent
financièrement du Département, mais qui ont une position
d'interlocuteurs entre les différents niveaux de partenariat.
Si le PLIE est tributaire des partenaires du droit commun,
puisque ce sont eux qui établissent les conditions d'accès dans
leurs dispositifs, les partenaires privés restent bien en position
d'opérateurs, car eux-mêmes tributaires du cahier des charges qui
leurs sont imposées par les commanditaires, dont le PLIE.
L'impact de cette organisation partenariale sur le parcours
d'insertion est direct :
Concernant les dispositifs de droit commun, le PLIE ne peut
que suivre les procédures imposées, et jouer le rôle
d'intermédiaire, en diffusant les informations concernant les offres
auprès des référents, et en cofinançant certaines
prestations. Les freins que nous avons pu noter à ce niveau
relèvent plus particulièrement du positionnement par statut, que
nous jugeons discriminatoire pour les allocataires du RMI « c'est plus
difficile d'accéder au portefeuille région quand on est au RMI.
Il y a un quota par rapport au statut » (Agathe, PLIE). Ainsi, il est
plus compliqué d'obtenir des places pour les allocataires du RMI dans
les prestations de droit commun, où il est impossible de placer une
personne au RMI sur un Contrat d'Avenir suite au gel de ces contrats pour ce
public.
Les alternatives envisagées dépendent de plusieurs
critères :
|
La personne cumule telle des critères possibles de
sélection ? Dans ce cas, il est envisageable de la positionner sur un
Contrat d'Avenir en effaçant le statut RMI.
Si la personne ne cumule pas les critères,
l'alternative en ce qui concerne la formation est une inscription dans un
organisme privé. Concernant le contrat aidé, le CAE devient le
contrat d'insertion par défaut.
|
|
.Concernant les organismes privés, les financements sont,
comme nous l'avons indiqué dans la partie théorique,
limités selon le type et la durée de la formation.
Une collaboration imposée :
Le référent joue un rôle important dans
cette étape d'insertion, car la note d'opportunité qu'il
rédigera pour argumenter le positionnement sera scrupuleusement
étudié en comité d'accès, et permettra ou non la
validation du projet. Comme le rappelle Gaël « quand il n'y a pas
de note d'opportunité dans le dossier, ça veut dire que la
personne n'est pas connue », montrant que les échecs de
positionnements sont principalement dus au manque d'accompagnement des
personnes. Le référent va définitivement construire le
projet, en cherchant des devis, impulser la formation et défendre le
dossier.
Les instances décisionnaires se reposent sur la
connaissance qu'ont les référents sur leur public, comme le
confirme Marc (PLIE) : « nous, on leur fait confiance ».
Le rôle de coordonnateur délivré au
référent, se retrouve aussi lors d'un positionnement sur le
contrat aidé.
Comme le précise Gaël (PLIE) « les
employeurs ne laissent pas toujours de souplesse au dispositif des emplois
aidés ».
C'est le travail en aval et en amont qui importe dans ce
domaine : la préparation à l'emploi est certes très
importante pour les allocataires. Toutefois, la préparation à
l'accueil d'un emploi aidé est aussi nécessaire :
L'employeur potentiel doit bien garder à l'esprit que
ces contrats aidés ne sont pas de véritables emplois, mais qu'ils
sont bien un outil de professionnalisation ; Il est par conséquent
indispensable de communiquer sur cet aspect du contrat, sous peine d'avoir
quelques difficultés à recruter sans discriminer, mais aussi
à mettre en place un accompagnement tout au long du contrat, avec
d'autres étapes de professionnalisation comme une formation, un
accompagnement renforcé à l'emploi, etc.
Comme nous l'avons préalablement signalé, la
procédure d'embauche pour un emploi aidé relève d'un
véritable parcours du combattant, avec une discrimination
institutionnelle bien réelle. Cette lourdeur dans le processus est un
handicap non seulement pour les personnes, mais aussi pour les employeurs qui
« gardent les personnes en contrat aidé, même si
ça ne leur convient pas » (Gaël, PLIE).
C'est pourquoi nous allons nous intéresser à la
communication dans la relation partenariale, et montrer l'importance de cette
dernière dans le fonctionnement du dispositif.
3.4 : Une communication laborieuse
Durant les entretiens avec les référents et
chargés de mission, nous avons pu relever un thème
récurrent : la communication, l'information, les échanges...
Ces mots revenaient dans les discours de nos interlocuteurs
comme l'expression d'une obsession lancinante : un besoin impérieux de
communiquer, de parler, de transmettre, d'échanger avec les partenaires,
l'institution, le public.
Notre pensée s'est alors orientée vers trois
questions simples : comment s'établit la communication ? Comment est
transmise l'information ? Comment est-elle traitée ?
Les institutions comme le Conseil Général, ou
le Conseil Régional, s'appuient sur les demandes de bilans, les lettres
d'information ou de rappel et quelquefois, sur des séminaires
thématiques. Leur régularité rythme la vie des instances
locales de façon régulière. Ce n'est pas le cas des
structures locales qui, pour garder une certaine réactivité
vis-à-vis des besoins, doit communiquer de façon active et,
souhaitons le, efficace.
Le PLIE communique avec des supports classiques : E-mail, fax,
téléphone, courriers, conventions, contrats...
Alors que les conventions et les contrats restent des
documents formalisés et suffisamment importants pour qu'ils ne se
perdent pas dans la masse informationnelle, il n'en est pas de même pour
les documents d'information, partagés avec les référents
et les opérateurs.
Comme le précise Agathe (PLIE), « on a des
faiblesses de communication ». Les conséquences sont
immédiatement vérifiables sur les parcours d'insertion : le
manque de coordination entre l'ANPE et le PLIE sur certains dossiers montre que
« parfois la personne ne signifie pas qu'elle est
bénéficiaire du PLIE au niveau de l'ANPE, nous on le
découvre
après », (Agathe, PLIE) ralentissant, par
exemple, les procédures pour mettre en place une formation.
Plus en aval, Agathe note qu'il existe des difficultés
pour suivre une personne dans l'évolution de son parcours lors du
partenariat avec l'ANPE « on a un partenariat avec l'ANPE, mais ils
n'ont pas assez de temps à consacrer... », Avec une autre
conséquence immédiate : doit -on continuer à proposer des
actions d'insertion à cette personne ou non ?
C'est l'organisation du parcours qui est ici en cause : le
manque de relai de l'information joue dans l'articulation des étapes
d'insertion du parcours.
Si « les informations circulent bien »
(Agathe, PLIE), leur traitement n'est pas maitrisé.
Une information abondante mais une communication
difficile :
Charles (RGP) explique « j'ai une dense
récolte d'informations, mais je ne puise pas » et Alex ajoute
« on est sollicité de partout ! ». Agathe a le
sentiment que les référents « sont extrêmement
nourris d'informations (...) et les diffusent bien auprès des personnes,
s'en servent bien, communiquent bien », mais ce n'est pas le
sentiment de Charles (RGP), qui explique « les offres sont là,
il y en a de partout (...) il y en a tellement, parfois on n'arrive pas
à rencontrer les personnes parce que le planning ne le permet pas
».
Gaël (PLIE) rappelle que le volume d'informations en
direction des référents est important, avec une
multiplicité des thèmes et que « finalement, comment est
ce qu'on se positionne au milieu de tout ça, est ce qu'on n'oublie pas
un petit peu l'info qui arrive et qui concerne tellement peu de personne,
qu'elle est très rapidement oubliée »
Aussi, pour tenter de maîtriser cet afflue d'information
et de « trier » ces ressources, le PLIE a mis en place un
système de fiches « on doit être a peut prêt
à une vingtaine de fiches aujourd'hui, qui doivent pouvoir s'adapter en
fonctions de circonstances... le fait est qu'à force ça fini par
devenir très lourd, enfin ça apparaît lourd »
(Gaël, PLIE). Agathe propose alors de ne garder que les fiches utiles
afin « d'éliminer les interférences. Plus on va garder
utile, plus on va améliorer le parcours des personnes ».
En effet, traiter l'information de façon efficace
devrait permettre le suivi de l'évolution des parcours en temps
réel. Ainsi, comme l'explique toujours Agathe, ce traitement de
l'information permettrait un renouvellement des données et dynamiserait
les mouvements d'entrée et de sortie dans les structures
accueillantes.
Ce traitement de l'information ne peut se faire sans une bonne
coordination entre les acteurs de l'insertion, à l'interne, comme
à l'externe.
Cette difficulté de traitement de l'information se
retrouve au niveau des référents, qui expriment reçoivent
une masse inexploitable d'information, mais qui ont bien du mal à
obtenir les informations dont ils auraient besoin.
Des supports de communication mal
maîtrisés
Aussi, concernant le suivi des parcours d'insertion, les
référents expriment franchement le manque de retours
vis-à-vis des positionnements qu'ils effectuent sur les Contrats
aidés où les formations « y'en a certains qui
communiquent pas assez, y'a certains organismes, une fois qu'ils ont la
personne, on a pas beaucoup de nouvelles, il faut tout chercher »
(Charles, RGP), et à Martine (Référente d'Etape) de
constater qu'elle « n'a pas beaucoup de contact avec les
référents durant la période des contrats aidés,
mais ça s'améliore ».
Nous nous retrouvons avec un problème communicationnel :
qui interpelle qui et pourquoi ?
La mise en place de fiches délivre des informations,
mais ne communique pas sur ces informations. Comme le souligne Gaël, le
contact physique reste important afin de s'assurer que l'information à
été correctement comprise par tous.
Comme Charles l'exprimait concernant le public, il nous
semble important, dans une relation partenariale, d'établir clairement
les règles, en définissant préalablement qui doit
interpeller et dans quelles circonstances.
Ce manque de communication, (mais pas d'information) à
une influence sur l'articulation des étapes d'insertion et sur
l'harmonisation des pratiques des différents partenaires.
Car communiquer ne signifie pas transmettre l'information, mais
bien donner du sens à une information.
« Toute la difficulté du partenariat, c'est que
tout le monde doit progresser » (Marc,
PLIE).
Le partenariat doit permettre l'échange grâce
à la proximité des acteurs, au travers des contacts directs ou
indirects. En stimulant cet échange, les acteurs pourront s'organiser
entre eux, aller dans le même sens, en construisant des stratégies
communes, intégrant d'autant mieux les rôles et champs d'action
sur lesquels ils interviennent, qu'ils pourront travailler sur une
harmonisation de leurs pratiques.
La difficulté principale du partenariat est de visualiser
les niveaux d'intervention des partenaires, et de rester constamment en veille
vis-à-vis de l'évolution du réseau.
Pour finir, nous pouvons dire que le partenariat est la synergie
des compétences en direction d'une plus-value du dispositif RMI.
4 - Représentations et attentes des allocataires
du RMI vis-à-vis du dispositif.
Il nous a semblé intéressant de
repréciser l'origine de l'entrée des personnes dans le dispositif
: trois personnes sur 5 sont allées voir leur assistante sociale,
puisqu'elles étaient suivies par ces dernières.
Deux personnes ont effectuées leur demande directement
auprès de la CAF, et se sont vu attribuer un référent par
la CALI.
4.1 : Une relation tendue avec les référents
Les 5 personnes interrogées ont toutes une image
relativement négative des référents. Certes, la plupart
des personnes interrogées sont suivies par des assistantes sociales de
l'UTPAS, qui considèrent que leur principale mission reste le suivi
social.
D'ailleurs, on ne peut que confirmer la tendance de ce groupe de
référentes à ne pas s'investir dans l'insertion
professionnelle de leur public...
Malheureusement, la limite majeure de ces entretiens est
qu'il réunit principalement des personnes suivies par des assistantes
sociales, qui exercent une partie de leurs fonctions en tant que
référentes ; ce détail est très important, car cela
ne reflète pas la relation des référents
généralistes de parcours et de leur public, mais principalement
la relation de référente/assistante sociale avec son public.
Les référents assistantes sociales sont
particulièrement targués d'incompétence en matière
d'insertion professionnelle. Aussi, Claire affirme « l'assistante
sociale, à part te faire raconter ta vie... (Je la vois) quand j'en ai
besoin ».
Pour elle, l'assistante sociale « m'aide pour mes
problèmes » ; Fabienne, quant à elle, ajoute qu'il
« n'y a pas de suivi spécial par rapport au contrat
d'insertion(...) on te suit pas tout de même » et elle ajoute
même « le fait de pas avoir de référente
compétente, ça t'enfermes aussi dans le système, à
mon avis c'est peut être fait exprès ».
La relation avec le référent montre ici ses
limites. Aussi, comme nous l'avons écrit précédemment, il
est indispensable d'établir les règles de fonctionnement de la
relation entre la personne et le référent, afin d'éviter
ce genre de sentiment négatif, qui peut nuire à
l'évolution du parcours d'insertion, par une résistance de la
personne à accepter les propositions d'orientation du
référent.
C'est aussi le rôle du référent que
d'être en capacité d'écoute face aux besoins et attentes du
public, et de négocier avec la personne, la stratégie d'insertion
à adopter.
On note par ailleurs une suspicion du référent
à vouloir « faire du chiffre », comme l'évoque Fanny
« c'est à se demander si c'est pas pour que lui fasse du
chiffre (...). On sait très bien qu'ils ont aussi des quotas et qu'ils
doivent caser les gens (...) mais s'ils font ça n'importe comment, je ne
vois pas trop l'intérêt ».
En outre, il existe un sentiment de mépris, ressenti
par les allocataires, de la part des professionnels de l'insertion, avec une
méfiance qui s'installe auprès des allocataires, qui, comme le
souligne Fabienne, en parlant des difficultés rencontrées lors
d'un contrat aidé dans une entreprise d'insertion « ils sont
avec eux », en évoquant le fait de dénoncer une
entreprise d'insertion auprès de l'ANPE, qui ne respecterait pas le
droit du travail.
D'autre part, la relation avec le référent
reste ambiguë voire inexistante : Alors que Fanny s'insurge contre la
directivité de son référent « sans m'en parler il
décide (...) il fait de l'abus de pouvoir », Claire, Fabienne
et Delphine n'y vont que quand elles « en ont besoin »,
quand elles « ont des problèmes ».
Cette « indisposition » freine l'insertion
des allocataires et peut même aller jusqu'à désinformer ces
derniers, comme le dit Fabienne « Je savais pas qu'il fallait rester
inscrite à l'ANPE pendant mon contrat, on me l'a pas dit non plus
». Ou à les démotiver « je lui ai dit que je
voulais faire une formation, elle m'a dit qu'il n'y en avait pas beaucoup
» (Fabienne).
Toutefois, les témoignages montrent une volonté
de sortir du dispositif « je serais pas toute ma vie assistée
» espère Fabienne, que ce soit avec ou sans
référent « C'est pas parce qu'il y aura un
référent derrière moi que je ferai ça ou ça
», dit Delphine.
Une relation de pouvoir difficile à vivre :
Les référents sont perçus comme des
acteurs ayant le pouvoir de faire bouger les choses « les
référents font comme ils veulent. C'est eux qui ont le pouvoir,
vous n'êtes qu'un Rmiste » (Fanny), un interlocuteur
privilégié avec les institutions « je l'utilise si j'en
ai besoin. Il peut faciliter les financements de tel ou tel truc. »
(Delphine).
D'autres utiliseraient la menace de perdre le RMI mais
échouent « Je trouve pas que les menaces soit très
motivantes », affirme Fanny.
Fanny, quant à elle, pense qu' « avoir un
référent, ça vous infantilise », C'est pour elle
un rapport de force, et le référent a un contrôle sur sa
vie : « aller voir mon référent toutes les semaines pour
justifier de pourquoi je trouve pas de travail, c'est pire que l'ANPE !
».
D'autres interlocuteurs évoquent les difficultés
relationnelles qu'ils éprouvent avec leurs référents, dont
ils ne comprennent pas toujours la démarche : « mon
référent a décidé qu'il fallait que je cherche
ailleurs (...) nous faire faire n'importe quoi juste pour nous caser quelque
part... », dit Claire, et elle ajoute « ça fait deux
mois que je suis au RMI et il harcèle toutes les semaines, et en plus,
là, sans m'en parler avant, il décide de me proposer des postes
qui me vont pas ».
4.2 : Un enfermement provoqué par le système
Le contrat d'insertion : une formalité
administrative et un contrôle des allocataires
Le contrat d'insertion est une formalité
administrative pour obtenir le RMI « c'est obligatoire » dit
Claire, « l'objectif, c'est de retrouver un emploi (...) le plus vite
possible sinon (...) on me supprimerait le RMI », dit Fanny.
Pour Fabienne en revanche, le contrat n'est pas obligatoire,
puisqu'il n'y a pas de suivi « je ne pense pas qu'il soit obligatoire,
je suis même pas convoquée. C'est pour dire de signer quelque
chose. Signer un contrat comme ça c'est débile, vu que t'as pas
de suivi ».
Aussi, s'il existe une vraie confusion sur le critère
obligatoire ou non obligatoire du contrat d'insertion, pour la plupart des
allocataires, c'est une formalité administrative qui n'a pas grand sens,
puisqu'il n'y a « même pas de suivi ».
Pour d'autres, c'est un moyen de contrôler les
allocataires dans leur recherche d'emploi, un peu comme le ferait l'ANPE avec
la déclaration des droits mensuels « Il faut prouver qu'on fait des
efforts pour se réinsérer », dit Claire.
Pire encore, certains allocataires avouent l'avoir signé
mais « je ne sais pas ce qu'elle à écrit »
(Claire).
Les allocataires déclarent avoir un objectif de retour
à l'emploi, sans description précise des étapes de
parcours à effectuer.
Les contrats d'insertion qui ont été signé
le sont sur des durées de trois à six mois. Les rencontres, comme
nous le verrons dans la seconde sous partie, restent parfois sporadiques
Un sentiment d'enfermement exprimé :
Il existe des attentes fortes vis-à-vis du dispositif,
même si Guillaume exprime un sentiment d'enfermement « je suis
enfermé dans le système depuis trop longtemps », qui
est la conséquence du temps passé dans ce dispositif, mais
surtout, parce que ce même dispositif ne lui permet pas d'en sortir
« on me refuse des formations parce que je suis trop
diplômé ! On ne peut pas s'en sortir ! ». D'ailleurs,
Fanny reprend cette image, en exprimant une attente commune « il faut
nous donner les moyens de s'en sortir ! ».
Les moyens semblent donc manquer cruellement à ces
personnes, qui, faute de trouver une réponse à leurs attentes,
s'enferment un peu plus ou tentent désespérément de
trouver des alternatives, comme Guillaume « je me suis mis aux
chèques emploi service ».
Par ailleurs Fabienne exprime une idée
intéressante vis-à-vis de cet enfermement « le fait de
ne pas avoir de référente compétente »,
dit-elle, « ça t'enferme dans le système
». La qualité de l'accompagnement dépendrait alors de
l'accompagnant et les allocataires ne seraient pas égaux face à
l'accompagnement qui leur serait proposé.
Cela confirme d'autant plus notre pensée,
renforçant l'idée que le référent est l'une des
clefs de sortie ou de maintien dans le dispositif.
4.3 : Une incapacité des référents
à répondre aux attentes des allocataires
L'idée récurrente des témoignages
recueillis est l'inefficacité des interlocuteurs face à une
demande d'aide des personnes.
« Je n'ai pas de suivi spécial », dit
Fabienne, et elle renchérit « je me débrouille par mes
propres moyens, je ne me sens pas aidée (...) elle ne va pas me pousser
»
En outre, les personnes interrogées sont très
critiques quant à l'incompétence supposée de leur
référent « elle y connaît rien au professionnel
», dit Fabienne à propos de sa référente, et
elle continue « Mon assistante sociale était pas capable de me
dire ce que c'était le contrat d'avenir », Fanny ajoute
« il est incompétent (...) on devrait plus contrôler les
référents ».
Aussi, les personnes repèrent vite le champ de
compétences dans lequel naviguent leurs interlocuteurs, et elles
adaptent leurs comportement en fonction de leur référent :
« je la vois une fois de temps en temps pour re-signer »
(Fabienne) « je vois l'Assistante Sociale quand j'en ai besoin,
elle m'aide pour mes problèmes » (Claire).
Cela pose question quant à la qualité du suivi
par les assistantes sociales concernant l'insertion professionnelle des
allocataires du RMI. Comme le disait Marc (PLIE), « ce n'est pas
qu'ils ne veulent pas faire, c'est qu'ils ne savent pas faire ».
4.4 : Des attentes concrètes
Si les allocataires ont tous pour objectif de sortir du
dispositif, ils n'ont pas les mêmes attentes :
Fanny souhaite plus d'écoute, de négociation
avec son référent, et aimerait effectuer un bilan de
compétence ou une VAE. Aussi, elle aimerait que son
référent lui fasse plus confiance sur les choix qu'elle aura
à faire pour son orientation professionnelle, et qu'il ne décide
plus pour elle.
A contrario, Fabienne voudrait être plus guidée
dans ses démarches, elle se sent perdue, non accompagnée. Elle
aimerait elle aussi faire une formation, puisqu'elle a découvert une
activité professionnelle qui lui convient, lors de son contrat d'avenir.
Pour elle, cette formation lui permettrait d'être reconnue sur le
marché de l'emploi, et d'avoir plus de chance de « sortir du
RMI pour un salaire ».
Toutefois, Fabienne ne trouve pas le soutien dont elle dit
avoir besoin auprès de sa référente, « on ne te
parle de rien », dit elle « je me débrouille
seule ». Elle aimerait un référent qui sache
l'orienter, et la garder dans la dynamique d'emploi qu'elle a entrepris il y a
quelque temps, car elle a peur de « s'encroûter à nouveau
».
Claire souhaite sortir du dispositif, mais pas à
n'importe quel prix. Elle affirme ne pas vouloir reprendre de travail
« si c'est pour travailler et être encore plus dans la
misère ». Pour elle, travailler lui permettrait « de
se poser un peu », de ne plus « vivre au crochet des gens
».
Elle refuse de travailler sur un contrat aidé «
un boulot étiqueté Rmiste », qui la stigmatiserait
encore plus.
Claire souhaite faire une formation, mais jusqu'ici n'a rien
trouvé, accusant les formateurs ne « ne plus vouloir » des
Rmistes. Claire exprime un réelle souffrance à être dans ce
dispositif et se sent exclue de la société.
Delphine, qui est en contrat aidé, estime que cette
situation lui convient parfaitement, au vue de sa situation sociale. Elle
souhaite effectuer une formation, mais affirme que pour le moment, c'est sa
famille qui lui importe, et que même sans activité
professionnelle, elle se sentirait investie, puisque mère avant toute
chose. Elle n'envisage pas de retour à temps complet sur une
activité salariée avant que ses enfants n'aient grandis.
Enfin, Guillaume espère le moins du dispositif. Il
s'estime « enfermé dans le système depuis trop longtemps
», et a vu ses demandes de formation refusées parce qu'il est
déjà diplômé.
Pourtant Guillaume a trouvé une alternative, qui ne
doit pas lui apporter beaucoup en termes de finances, mais qui le renoue
à une activité professionnelle : les chèques
emploiservice.
Dans tous ces cas, les allocataires se projettent dans
l'avenir ; les unes souhaitent se former afin d'augmenter leur
employabilité, les autres restent dans ce dispositif comme une
transition en attendant que les enfants grandissent et d'autres tentent de
sortir du système par des alternatives.
Les allocataires du RMI que nous avons rencontré
perçoivent le référent comme un relai avec les
institutions, comme une personne qui peut les faire accéder à
leurs droits. Mais c'est aussi une personne qui leur rappelle de façon
plus ou moins diplomatique, leurs obligations.
D'autre part, avoir pour référente une
assistante sociale brouille les représentations des allocataires sur les
fonctions de ce professionnel « hybride ». La question devrait se
poser concernant la légitimité des assistantes sociales à
effectuer un travail dont elles avouent ne pas avoir les compétences
pour en assurer les fonctions.
Enfin, une explicitation sur le contrat d'insertion
s'avère nécessaire, car, d'après ce qu'il ressort de ces
entretiens, le sens qu'il recouvre n'a pas été tout à fait
saisi.
L'analyse des entretiens nous permet de retirer quelques
réponses à nos problématiques, et à confirmer
quelques hypothèses. C'est pourquoi la prochaine partie sera
consacrée aux conclusions et aux préconisations qui
découlent de l'analyse des entretiens que nous venons d'effectuer.
C- Quelques pistes de travail
1 - Un partenariat actif et collaboratif
Nous avons pu constater dans notre analyse l'importance de la
place du partenariat dans l'élaboration du parcours d'insertion.
Aussi, le développement du réseau resserre le
maillage territorial, et permet une meilleure réactivité pour
répondre aux besoins des personnes accompagnées.
Toutefois, comme le précise Jean Pierre Boutinet (p 66,
L'immaturité de la vie adulte, PUF, Paris, 1998), « le
réseau est un système faiblement structuré »,
par essence, fragile.
C'est pourquoi on comprend aisément l'affaiblissement du
réseau provoqué par un turn over important des partenaires.
Cette vulnérabilité du réseau partenarial
doit pouvoir être compensée en partie par une veille, au travers
d'interactions régulières et de collaborations
équilibrées au sein du réseau.
Une animation de ce réseau est nécessaire pour
maintenir une dynamique relationnelle efficace.
Le développement du partenariat engendre une meilleure
connaissance des rôles et des champs d'action des partenaires, permettant
aux référents de se positionner dans le paysage du monde de
l'insertion, en affirmant son rôle et ses fonctions.
Nous avons vu que sans partenariat, le référent
est inefficace. Toutefois, il doit être en capacité à
mobiliser le bon partenaire au bon moment.
C'est pourquoi il est indispensable que les
référents connaissent parfaitement leur
réseau.
Pour cela, une aide doit pouvoir leur être
apportée, en particulier lors de l'entrée en
poste.
La mise en relation et les informations de base sur les
acteurs principaux du territoire réduiront le temps passé
à construire un réseau primaire, qui ne saurait satisfaire les
besoins du public.
Aussi, le référent pourra consacrer une partie de
son temps à développer le réseau secondaire, qui lui
permettra d'augmenter son efficacité.
En outre, la mise en réseau peut inciter les
référents à relayer une situation et à avoir un
double regard lui permettant de garder une certaine objectivité.
Solliciter les relations partenariales :
L'amélioration des relations entre les
référents et leurs partenaires ne peut être que
bénéfique et participera à l'évolution de la
qualité du réseau.
Le travail de relai est indispensable, c'est pourquoi
le travail en équipe partenariale doit être
sollicité, non seulement pour poser les cadres d'intervention, mais
aussi pour échanger de façon objective sur des situations
complexes.
Afin d'aider les référents à construire
leur réseau et à rester en veille vis-à-vis de ce dernier,
nous proposons que les informations concernant les acteurs du
territoire et les dispositifs d'insertion soient à leur disposition de
façon constante et en temps réel.
La création d'un site internet, accessible aux
référents, chargés de mission, conseillers ANPE,
opérateurs, constituant une base de données pourrait permettre la
diffusion de ces informations importantes, telles que les coordonnées,
les champs d'action, les interlocuteurs etc.
Constat à été fait qu'il existe un manque
de coordination des partenaires concernant, par exemple, le positionnement des
allocataires.
L'implication des acteurs, en particulier des
référents dans les positionnements, devrait être
motivé par leur participation obligatoire aux comités
de recrutement, mais aussi en ayant des retours
systématiques sur les positionnements qu'ils ont
effectués, et enfin, en incitant ces derniers à des
mises au point régulières sur l'évolution des
personnes en formation, en contrat aidé ou encore en
chantier insertion etc.
Comme nous l'avons constaté durant ces
dernières analyses, certes, la contrainte institutionnelle est forte,
mais elle est parfois indispensable pour cadrer les actions des
référents. Aussi, ces mises au point doivent être la
condition pour la reconduite d'un projet (renouvellement, prise en
charge...).
D'autre part, la prise en compte du
référent dès le positionnement, dans tout le
processus d'embauche et d'insertion, engendre un sentiment de reconnaissance,
motivant l'implication de ce dernier dans cette étape de
professionnalisation.
En effet, jusqu'ici, nous avons constaté qu'une fois
le positionnement effectué, le référent est rarement
sollicité, il est même rarement informé du rejet ou de
l'acceptation du dossier en commission de recrutement. Cette pratique
élimine de fait le référent du projet de la personne.
En maintenant une certaine proximité des
référents auprès de leur public positionné, cela
permettrait un travail de collaboration entre les employeurs ou les
formateurs.
Promouvoir la collaboration pour assouplir les relations :
Nous avons analysé le partenariat comme étant
vertical, régi selon le pouvoir économique de l'acteur.
Pourtant, nous avons remarqué que cette tendance à
mettre en place des relations de pouvoir n'aidait pas la collaboration et
satisfaisait plutôt la relation financeur/financés.
La collaboration est une notion importante dans le partenariat,
si l'on veut construire une dynamique interactive et constructive.
L'ANPE et le PLIE ont compris qu'en
s'associant sur le Plan Emploi, non seulement ils
réduisaient leurs coûts, mais aussi, ils cadraient
leur champs d'action, leurs rôles respectifs, et enfin, mettaient en
oeuvre des pratiques communes, tel que l'évaluation du
dispositif.
Aussi, si ces deux institutions sont au même niveau
hiérarchique du partenariat, travailler de la même
façon avec les opérateurs et les référents est une
piste de travail à exploiter.
En gardant les conventions et les contrats PLIE comme
assurance pour le PLIE, celuici pourrait instiguer l'animation de ces acteurs,
en leur proposant des outils d'évaluation de leurs
pratiques, en mettant à disposition une personne relai pour analyser les
situations et tenter de comprendre les freins, les déficits, les
problèmes et tenter de trouver des solutions.
Le PLIE, tout comme le Conseil Général, doit
être un véritable partenaire, et doit prendre sa place en tant que
tel.
Certes, des efforts sont faits par le PLIE de T en ce qui
concerne la qualité du dispositif et de ses outils, ce qui est fort
encourageant.
Toutefois, ce n'est pas le cas du Conseil
Général qui fixe son regard de gestionnaire sur le dispositif RMI
et de ce qui en dépend. Malgré tout, il convient de rappeler que
la mise en commun des outils profite à l'harmonisation des
pratiques et du même coût, à réduire les
dépenses.
Le partenariat concerne en outre la relation entre le Conseil
Général, les instances locales et les référents.
Nous avons montré que les relations restent aléatoires et
formalisées par des bilans, des contrats, et quelques réunions de
travail avec les instances pour les stratégies à mettre en oeuvre
en direction des offres d'insertion du territoire.
Il convient d'améliorer ce partenariat en
promouvant le soutien du conseil général envers les
référents, en leur proposant une fiche de poste concise, et une
feuille de mission cadrant leurs champs d'action.
En outre, une communication directe avec les
référents pourrait être envisagée, au travers des
séminaires, des réunions de travail
thématiques.
Les référents comme les chargés de
mission pointent du doigt le manque de formation concernant l'insertion
professionnelle. Aussi, nous proposons la mise en place d'actions
de formation continue thématique, à partir de l'étude
qualitative des pratiques professionnelles des
référents.
La collaboration du Conseil Général avec ses
partenaires suppose que celui-ci anime le dispositif RMI et participe à
la valorisation de la qualité des offres et des prestations.
Enfin, il est nécessaire d'augmenter les
effectifs des référents pour répondre à une
importante demande du public et travailler de façon
efficace avec lui.
2 - Mieux communiquer
Nous avons constaté un problème de
maîtrise du traitement des informations, avec une sur-communication, mais
un constat général que l'information n'est pas toujours
exploitée à bon escient.
Comme le souligne Boutinet (1998), ce n'est pas le
déficit de communication qui est un problème, mais l'inverse.
Aussi « le pléthore de communication »
engendre de sérieux problèmes dans les interactions. Nous
allons nous reposer sur cette théorie de Boutinet pour montrer que nos
observations sont justifiées.
Désengorger les circuits en utilisant
sélectionnant les informations et en utilisant de nouveaux supports :
Boutinet (p, 87-88, 1998) décrit 5 conséquences
entrainées par l'overdose communicationnelle, que nous avons
retrouvé dans notre analyse :
La première conséquence est « la
banalisation et la relativisation de l'information »,
provoquées par la multiplicité des messages émis. En
effet, nous avons pu constater que les référents, comme les
chargés de mission, reconnaissais la multitude d'informations qui
étaient transmises dans le réseau. D'ailleurs, les
référents avouaient ne pas traiter ces informations de
façon satisfaisante pour eux, avec une perte énorme de ces
ressources.
C'est ce qu'explique Boutinet, en montrant que trop
d'informations font perdre le caractère informatif de ces
dernières, neutralisant les informations, voire même apportant une
certaine confusion, une désinformation. En d'autres termes, la
surinformation brouille l'information.
En outre, la répétition de l'information contribue
à neutraliser cette dernière. C'est ce que Boutinet nomme
« l'enfermement solipsiste » (p-p 87- 88)
Néanmoins il apporte un autre élément, qui
concerne le « médium ». Le support de des messages
sera également un critère important dans sa transmission et sa
réception.
La multiplicité des messages empêche le
contrôle de la circulation de l'information et peut participer à
« produire des messages contradictoires, des messages qui (...)
s'annihilent » (p88).
D'autre part, et sur ce point Gaël l'a bien
expliqué, la perception de l'information n'est pas celle que
l'émetteur souhaite qu'elle soit, et dépend de nombreux filtres.
C'est ce que Boutinet appelle « la présupposée
transparence communicationnelle ».
Il ne faut pas oublier que toute information, aussi claire et
précise qu'elle soit, est traitée par son récepteur selon
de nombreux critères (environnementaux, psychologiques, langagier,
etc.). Il est donc important de vérifier la compréhension de
l'information par le récepteur.
Boutinet va montrer, dans le cinquième point,
nommé « déficit communicationnel » que
« plus on communique, moins on communique » (P 89): la mise
à distance du récepteur et de l'émetteur par les
médias modernes, participe à rendre la communication
impersonnelle, neutre.
Aussi, l'information ne s'adresse à personne.
« Ce déficit subjectif » entraîne le
déficit communicationnel. Pour y remédier, il est
important que l'information soit personnalisée pour qu'elle soit
traitée.
Nous sommes conscients de la difficulté à mettre
en oeuvre une telle démarche sur un territoire. Pourtant, la
personnalisation de l'information peut être effectuée en fonction
des besoins.
Par exemple, la mise en ligne des dispositifs
insertion disponibles en temps réel sur le territoire, pourrait
être proposé, avec une présélection des
critères (ex : statut de la personne, type de dispositif
recherché, période, etc.), qui permettrait d'affiner
les positionnements, d'avoir une information en temps réel, constante et
personnalisée en fonction des besoins des allocataires et des
référents.
En outre, motiver le retour d'information des
opérateurs et des partenaires en conditionnant le règlement d'une
prestation par le retour d'information.
La mise en place d'une zone de
rencontre (virtuelle ou classique) permettrait
l'amélioration des transferts d'informations, et contribuerait à
une meilleure connaissance du territoire.
Le partage d'informations et de pratiques peut
contribuer à mettre en place un travail d'équipe des
référents et une harmonisation de leurs
pratiques.
Si le média importe dans la communication entre les
partenaires, il est important de ce dernier soit interactif, voire
réactif. L'outil informatique et internet sont les médias par
excellence pour la communication rapide et en temps réel.
Alléger les procédures en optimisant le travail
de préparation :
Nous avons constaté tout au long de notre étude
une lourdeur administrative dans le processus d'embauche des contrats
aidés (en particulier, ceux de la Ville).
Pré-positionnés par les
référents, qui ont rempli un dossier réunissant toutes les
informations nécessaires pour s'assurer de l'éligibilité
du candidat, validé en commission d'accès PLIE, puis
présenté en commission de recrutement à la Ville, avec une
nouvelle vérification de l'éligibilité, le candidat doit
passer un entretien pour être positionné sur un poste CA ou CAE
Ville, et parfois, doit passer le « test de la formation »
pour vérifier son aptitude à travailler sur le poste
affecté.
Comment justifier un tel processus de recrutement pour un
contrat d'insertion professionnelle ?
Envisager l'allègement de cette
procédure en privilégiant un travail en direction des
référents sur la pertinence des positionnements, sur
l'information des postes à pourvoir et des compétences
exigées, mais aussi travailler avec les employeurs sur des
critères de recrutement objectifs, qui reposent sur les
compétences requises, et non sur d'autres critères plus
subjectifs, tels que l'âge, le physique, le sexe...etc., comme j'ai pu le
constater lors d'un comité de recrutement.
Aujourd'hui, les positionnements sont effectués selon des
critères d'éligibilité par rapport à un statut.
Nous avons constaté que les allocataires du RMI
n'avaient pas accès, de part ce statut, à tous les dispositifs,
et qu'il valait mieux cumuler les problématiques pour pouvoir entrer
dans les cases.
S'il est reconnu par tous que c'est le besoin réel des
personnes qui doit être primordial dans le positionnement, les faits
montrent qu'on regarde d'abord l'éligibilité du candidat, et que
l'intérêt la personne arrive en fin de processus de
recrutement.
Nous n'avons pas compris pourquoi être au RMI pouvait
empêcher de faire certaines études ou d'accéder à
certains contrats. Cela reflète peut être une stigmatisation de
l'institution vis-à-vis de ce public.
Mais cette stigmatisation entraîne une discrimination
institutionnelle par la sélection au travers le statut. C'est aussi un
moyen de contrôler les financements investis dans le dispositif RMI.
Aussi nous proposons un renforcement du travail
en amont permettant un diagnostic plus poussé sur les capacités
de la personne à entrer dans un dispositif qu'il soit CA ou formation et
qui participerait à positionner de façon plus objective et moins
aléatoire, les personnes sur de telles actions.
D'autre part, le dossier de positionnement
permettant l'accès au PLIE, qui est agrémenté de la note
d'opportunité doit apporter des détails objectifs concernant la
situation sociale, familiale et professionnelle de la personne, avec un
positionnement motivé par la définition préalable des
étapes prévue dans le parcours. A l'heure
d'aujourd'hui, les dossiers que nous avons pu étudier montrent qu'ils
sont rarement complets, en particulier concernant le parcours d'insertion
prévu.
3 - Aider l'élaboration du parcours
d'insertion
Le Parcours d'insertion se défini par une succession
d'étapes, qui permettent de garder une dynamique d'insertion.
Cela suppose une adaptabilité du référent
et une capacité à diagnostiquer les problématiques
visibles ou non visibles des allocataires.
Aussi, il est important pour les référents, de
garder une marge de manoeuvre concernant la période qui sépare
l'instruction du dossier RMI et la contractualisation. En effet, si le contrat
reste obligatoire, il doit pouvoir être justifié pour ne pas faire
l'objet d'un « accueil administratif ».
Accélérer la mise en réseau des
référents :
La mise en étape suppose une capacité
d'orientation qui demande une bonne connaissance du réseau. Pour cela,
et comme nous l'avions préconisé préalablement,
un soutien particulier doit être pensé pour aider le
RGP à constituer rapidement un réseau primaire et
secondaire.
La mise en étape du parcours d'insertion cadre les
actions à mettre en place, balise le parcours, autant que le type
d'accompagnement qui doit être clairement explicité.
Le travail d'explicitation et de préparation au parcours
est essentiel et ne doit pas être négligé.
Nous reprendrons ici le terme de « public
éclairé », emprunté au vocabulaire médical :
la compréhension de l'engagement et des actions mises en oeuvre est la
base de l'accord tacite
qui existera entre le référent et l'allocataire,
et donnera toute la légitimité au référent pour
intervenir au nom de l'intéressé.
Accompagner de façon constante et ininterrompue les
personnes durant leur parcours :
Les outils tels que la formation ou le contrat aidé,
ne conduisent pas à l'emploi, mais professionnalise les individus. La
mise à l'emploi doit passer par une dernière étape :
l'accompagnement renforcé à l'emploi ou la médiation
à l'emploi.
C'est pourquoi il est important de travailler sur
le parcours d'insertion avant l'entrée sur un dispositif de
professionnalisation et durant le positionnement, par des rencontres et des
évaluations régulières. Ainsi la personne se sentira
accompagnée, et gardera à l'esprit qu'elle est dans un processus
de professionnalisation.
Le diagnostic est un élément crucial dans le
parcours d'insertion. Il évalue la capacité de l'individu
à s'engager dans le processus d'insertion en tenant compte de ses
problématiques. D'autre part, le diagnostic permet de comprendre quel
sera le niveau d'intervention du RGP, et décidera du type
d'accompagnement proposé à la personne (fréquence, type
d'intervention...)
Toutefois, il est important de rappeler qu'un
suivi régulier permet de rester en alerte quant à
l'évolution du parcours d'insertion. Il faut alors garder contact avec
le public et le solliciter si nécessaire.
Expliciter le contrat d'insertion aux allocataires :
Le contrat d'insertion cadre les pratiques des
référents et les limites de leurs actions. Le
référent devient le pilier du parcours d'insertion de la
personne.
Le contrat d'insertion est le cadre dans lequel le
référent intervient en termes de temps, d'actions et de champs
d'action. Il définit le réseau à activer et contrôle
la mise en oeuvre des actions. Le contrat d'insertion est la condition sine qua
non pour accéder aux dispositifs d'insertion.
Aussi, le contrat d'insertion doit être
préalablement expliqué aux personnes qui s'engagent pour en
comprendre l'impact sur leur vie quotidienne, et sur leurs droits à
l'insertion.
Du point de vue du conseil général, cela permet
de contrôler la mise en oeuvre des actions en direction d'un retour
à l'emploi, mais l'engagement de la personne doit permettre son
adhésion au contrat, et mettre en oeuvre sa capacité
d'autonomie.
« En outre, nous savons que les conseils
généraux misent surtout sur l'insertion professionnelle des
publics, l'insertion sociale ne représentant que 26 % des crédits
d'insertion : les dépenses en actions d'insertion ont eu tendance
à diminuer depuis que les départements ne sont plus
obligés d'y consacrer l'équivalent de 17 % de leurs
dépenses d'allocation : alors que celles-ci ont beaucoup augmenté
entre 2003 et 2005, les crédits d'insertion, eux, ont diminué de
12,7 % en deux ans, passant de 630 millions à 550 millions d'euros. De
quoi s'inquiéter de la qualité des parcours proposés aux
allocataires du RMI. » (C. Dorival, la lettre de l'insertion par
l'économique n° 137, mars 2007)
Solliciter le soutien du Conseil Général
Si l'institution choisi d'imposer le contrat d'insertion,
c'est la personne qui doit être en mesure d'assurer ses engagements en
signant le contrat d'insertion pour que celui-ci ait un sens.
Le taux de contractualisation des personnes au RMI est de 43%
pour la région du Nord20 en 2005, il était
prévu une augmentation de 10% pour l'année 2006. Malheureusement,
nous n'avons pas accès à ces informations.
Malgré tout, ce taux reste modeste vis-à-vis du
caractère obligatoire du contrat d'insertion.
Toutefois, si la signature du contrat d'insertion et son
approbation par le conseil général mandate le
référent pour intervenir dans l'élaboration du parcours,
le soutien du conseil général est impératif
pour aider le référent dans son travail de médiation et de
conseil.
Optimiser le travail des référents
Si le PLIE garde un oeil sur les mouvements d'entrées
et de sorties des personnes positionnées sur les dispositifs, et informe
régulièrement les référents des sorties et
entrées de leur public, les référents RMI
doivent s'organiser pour mettre en place un outil de suivi des publics
positionnés.
Une fois encore, l'outil informatique serait bien
utile pour répondre à ce besoin de planification des actions, et
la création d'outil de gestion du temps en direction des
référents serait un avantage certain.
Notons par ailleurs l'importance du matériel
mis à disposition des référents, qui doivent
être en mesure d'accéder à un maximum d'informations de
façon rapide.
La capacité de réaction du référent
dépend de sa connaissance et de l'importance de son réseau, mais
aussi des outils qui sont à sa disposition.
Ces outils peuvent être pédagogiques, comme les
groupes d'échanges de pratiques, pour permettre une réflexion
commune sur l'utilisation des outils.
4- Des freins institutionnels puissants
Nous avons pu constater qu'il existe un sentiment
de contrôle des référents par leurs partenaires et
financeurs, qui se traduit de façon concrète en bilans et
comités de suivi. Cela entraîne des résistances telles que
l'absentéisme récurrent de certains professionnels, et une
rétention de l'information en ce qui concerne les bilans
évaluation de prestations ou de positionnements.
Une contractualisation dénuée de sens pour les
référents et les allocataires :
En outre, la contractualisation que l'on constate
dans le social participe au flou qui réside autour de ces contrats et
les décrédibilisent aux yeux des allocataires, qui
n'en
20 Chiffres publiés sur le site du Conseil
général :
www.portail.cg59.fr
comprennent pas l'intérêt, ce sentiment
étant partagé par les référents qui ne comprennent
pas le besoin de contractualiser à outrance.
Cette demande institutionnelle de responsabilisation des
individus, au travers leur engagement par le contrat d'insertion, répond
à une exigence de qualité universelle (Boutinet, 1998, p-p
70-71).
Par le contrat d'insertion, l'individu s'engage à
édifier un parcours d'insertion, à en maitriser les risques par
l'utilisation de stratégies d'insertion diverses.
Aussi, « tout devient stratégique puisque
l'acteur navigue dans une incertitude
constante ; devenir stratège, c'est affirmer son
pouvoir » (Boutinet, 1998, p 67). D'oül'importance
pour l'allocataire d'être autonome dans ses décisions. Le
référent peut l'aider à
élaborer sa stratégie d'insertion, mais ne doit
en aucun cas lui imposer un parcours préétabli « cet
acteur stratège doit affirmer son autonomie au sein de stratégies
qui vont orienter son action (...) mais il reste impuissant et fragile d'avoir
à décider seul quand tout se dérobe autour de lui »
(Boutinet, p67). C'est le rôle du référent
à supporter les individus dans leur cheminement. Faut-il encore que
l'institution leur en laisse le temps.
Une évaluation qualitative a envisager :
Le contrat est une procédure dénuée de
sens pour les allocataires si les actions mise en oeuvre n'ont pas d'impact sur
leur vie quotidienne. La prise en main du parcours d'insertion par
la personne dépend de la relation avec le référent mais
aussi des alternatives qui s'offrent en matière
d'insertion.
La contractualisation obligatoire n'est pas comprise par les
référents, car la demande du conseil général est
avant tout quantitative, basée sur le taux de contractualisation.
Pourtant, l'évaluation qualitative peut amener
des éléments indispensables sur les besoins réels des
référents en termes d'outils et de formation.
Les données quantitatives satisfont la justification
des dépenses pour le dispositif RMI, mais ne traitent pas de
l'efficience des pratiques et des outils mis en oeuvre. C'est pourquoi
l'évaluation sur les deux niveaux est
indispensable.
Un autre frein institutionnel concerne particulièrement
le soutien du conseil général envers les
référents.
L'indépendance apparente des
référents est limitée par le quota de contractualisation
des parcours, les outils à sa disposition, un contrôle
récurrent de ses actions, le manque de formation, le manque de cadre
officiel de ses fonctions.
Il est important de rétablir une relation de confiance
entre les référents et leur principal financeur, le Conseil
Général, afin d'optimiser le travail en direction du public
RMI.
La résistance dont font preuve les
référents montre un mal être de la profession,
et à des conséquences non négligeables sur les parcours
d'insertion en termes d'articulation des étapes, et d'évolution
des parcours.
La prise en compte de la parole des
référents doit être une priorité et doit engendrer
un travail en commun sur des outils utiles et efficaces.
D'ailleurs, jusqu'ici nous n'avons pas évoqués les
allocataires du RMI, dont la parole est rarement mise en avant.
5 - Un public en demande
Les attentes des allocataires vis-à-vis du dispositif
sont une prise en compte de leurs demandes, de leurs envies, de leurs attentes.
Mais c'est aussi plus d'ouverture en termes de droits à la formation, et
avoir d'autres alternatives que des emplois aidés.
En effet les personnes rencontrées ont toutes la
volonté affichée de sortir du dispositif, à des
degrés différents.
Néanmoins, le retour à l'emploi n'est pas
envisagé de la même manière. Ainsi, en reprenant la
typologie de l'employabilité des chômeurs au RMI
étudiés par Noëlle Burgi (du RMI au RMA. Et l'
(in)employabilité des chômeurs ?, Revue de l'IRES n° 50,
2006, Paris), nous retrouvons une partie de notre public interrogé, dans
le type II :
Typologie de l'employabilité des allocataires
du RMI
(N. Burgi, revue de l'IRES n° 50, 2006/1)
Type
I
Déploiement maîtrisé des activités
dans plusieurs domaines de vie
II
Engagement plutôt dominant dans un seul domaine de vie
;
Engagement assumé ou subi (degré de perte de
maîtrise des activités plurielles)
III
Désinvestissement des trois
domaines de vie
Frontière supérieure
|
Sorties vers l'emploi
|
· Engagement dominant assumé :
· Femmes indépendantes,
chefs de famille
· Hommes sans responsabilités familiales
en situation d'adolescence prolongée
· Profiteurs et autres cas particuliers
|
Désengagement subi.
Dépression, maladie, caractère (très)
altéré.
|
Motivations
|
Frontière moyenne
|
Survie, reconstruction,
regroupement familial etc. Emancipation
Construction identité
personnelle
|
|
Transition immédiate ou engagement actif dans la
carrière/le métier choisis Diplômés dont
nationalités non européennes
Hommes et nombreuses femmes sans qualifications Artistes ou
autres métiers activement investis
· Niveau de rémunération et/ou
formation
qualifiante compatible avec équilibre de vie ou
passage à l'âge adulte
|
· Engagement subi dans un autre domaine de vie :
· Situation féminine de relégation et/ou
de découragement subis
· Hommes en
situation de relégation et/ou de
découragement
· Hommes et femmes
|
Soins médicaux notamment
|
Position indéterminée
(désengagement subi)
|
|
|
|
de la génération
plus âgée
|
|
Motivations
|
Même motivations que
frontière supérieure
|
lassitude, découragement.
Engagement rabattu sur un domaine de vie prédominant
|
Aucune (rejet, entièrement
submergé)
|
Frontière inférieure
|
Tension entre l'engagement dans l'emploi et le repli vers un
engagement dominant dans une sphère privilégiée
|
Vers errance et
désinvestissement des domaines de vie
|
Position indéterminée
|
Motivations
|
Même motivations mais
fragiles
|
En voie de
désinvestissement des trois domaines de vie
|
Aucune (sujet entièrement
submergé)
|
|
Typologie des personnes interrogées pour notre
recherche
|
|
Fabienne
|
Delphine
|
Claire
|
Guillaume
|
Fanny
|
Type
|
Type II Frontière moyenne
|
Type II/ Frontière supérieure
|
Type II/
Frontière moyenne
|
Type II /
Frontière supérieure
|
Type I/ Frontière inférieure
|
|
Tout d'abord nous notons que le retour à l'emploi est
perçu comme un critère
d'épanouissement personnel pour ces personnes, qui
recherchent un emploi, et non un travail.
Ce n'est pas l'activité salariée qui est en
vue, c'est la représentation du métier et de l'identité
professionnelle qui s'y rapporte qui est une source de motivation. Yolande
Benarrosh (2003), écrit « Le rapport au travail [est] entendu
comme la place qu'occupe le travail, la signification qu'il revêt, dans
la vie et dans l'imaginaire des personnes interrogées ».
Si Claire, Fanny et Fabienne ne sont pas disposée
à accepter n'importe quel travail, c'est, selon Y. Benarrosh, une
résistance à la précarité de l'emploi.
Une prise en compte de la situation globale qui est
essentielle :
Nous avons constaté que la situation familiale est un
critère important du positionnement des personnes vis-à-vis de
l'emploi, comme le souligne Benarrosh. Aussi, les femmes seules avec enfants
mettent en avant leurs obligations familiales et les identifient comme un frein
à leur retour sur le marché du travail. Delphine est un cas
particulier qui, elle, choisi de rester dans les emplois précaires, afin
d'assurer un minimum vital à sa famille, et vise un retour à
l'emploi durable lorsque ses enfants auront grandi.
Quant à nos deux célibataires, ils se battent
chacun à leur manière pour tenter de sortir du dispositif :
Guillaume tente la débrouillardise, tandis que Fanny est convaincue que
son expérience professionnelle et ses diplômes peuvent lui
permettre un retour sur un poste occupé auparavant, et n'envisage pas de
reconversion professionnelle dans l'immédiat.
Nous voyons ici l'imbrication de l'insertion professionnelle
et de l'insertion sociale : ne pas tenir compte de la situation globale de
l'individu est une erreur et ne peut que nuire et freiner le parcours
d'insertion.
C'est pourquoi le référent se doit d'être
attentif, à l'écoute pour analyser la situation personnelle de
chacun et les attentes exprimées ou cachées du public.
Une spécialisation des référents
impérative :
Pourtant, nos allocataires se disent déçus de
leur référent, ce qui s'explique facilement, car la
majorité des personnes interrogées ont leur assistante sociale
pour référente. Comme indiqué auparavant, les
représentations des personnes concernant le métier d'assistant
social et le métier de référent généraliste
de parcours inculque des attentes différentes. Si l'assistante sociale
est perçue comme celle qui agit sur les problèmes sociaux, son
rôle de référente n'est pas légitime, puisqu'elle
n'a pas les compétences pour accompagner les parcours d'insertion, et
que cela s'en ressent sur les pratiques et les relations avec le public
RMI.
C'est pourquoi il est nécessaire de former du
personnel spécialement embauché pour les accompagnements, qui
n'ont rien à voir avec les suivis ASE. Les Assistants
sociaux ne peuvent être référents et les
référents ne peuvent être assistants
sociaux.
Un accompagnement renforcé :
Néanmoins, nous avons constaté qu'il existe un
sentiment d'enfermement dans le système, que les allocataires expliquent
par le manque de suivi, le manque d'accès à la formation
où encore des difficultés à se positionner sur des emplois
non précaires, hors secteur marchand.
Face à une demande qui n'est pas satisfaite, ou non
entendue, les allocataires désespèrent de sortir du RMI.
D'ailleurs ils ont bien perçu la discrimination dont
pouvait faire preuve l'institution vis-à-vis de leur statut pour
accéder à certains dispositifs, ce qui, non seulement aggrave
leur sentiment de relégation, mais inculque un comportement de repli et
d'exclusion.
Nous retrouvons en outre un certain désengagement du
au manque de suivi, au manque de dynamisation des parcours, ce qui
confirme la nécessité, pour les référents, de
rester en contact permanent avec son public, et d'articuler les étapes
d'insertion sous peine de perdre la dynamique d'insertion.
Aussi, l'exclusion des individus serait entretenue
par une relégation institutionnelle basée sur le statut des
personnes.
Pour finir, nous avons relevé le manque de sens du
contrat d'insertion RMI et nous insistons sur la corrélation existante
entre cette expression du non sens de l'engagement pris et l'incapacité
pour l'institution et ses représentants, à mettre en oeuvre un
parcours d'insertion outillé. C'est le manque de places disponibles dans
les dispositifs pour promouvoir le retour à l'emploi, cumulé
à une sélection drastique, qui seraient à l'origine de ce
non sens de la contractualisation.
Nous retrouvons dans ces entretiens avec les allocataires du
RMI, les mêmes problématiques que celles exposées par les
référents et les chargés de mission.
Nous allons terminer cette partie en reprenant les pistes de
travail qui pourraient permettre une optimisation du dispositif au niveau
territorial :
Un renforcement de la collaboration entre les
différents acteurs locaux :
· Une promotion du travail en équipe permettant
l'échange de pratiques et une certaine objectivité sur des
situations sclérosée
· Une association des acteurs, à tous les niveaux
hiérarchiques, sur des projets communs qui permettrait la
réduction des coûts, la répartition des rôles et
l'harmonisation des pratiques.
· Une mise en commun des outils profite à
l'harmonisation des pratiques et du même coût, à
réduire les dépenses.
Un renforcement du soutien en direction des
référents généraliste de parcours
par :
· La création d'une fiche de poste concise, et
une feuille de mission cadrant leurs champs d'action. La professionnalisation
des RGP, qui est essentielle : Les Assistants sociaux ne peuvent être
référents et les référents ne peuvent être
assistants sociaux
· La mise en place d'actions de formation continue et/ou
thématiques, à partir de l'étude qualitative des pratiques
professionnelles des référents.
· La création d'outils d'évaluation de
leurs pratiques, en mettant à disposition une personne relai pour
analyser les situations et tenter de comprendre les freins, les
déficits, les problèmes et tenter de trouver des solutions
· L'évaluation qualitative peut amener des
éléments indispensables sur les besoins réels des
référents en termes d'outils et de formation. L'évaluation
sur les deux niveaux est donc indispensable
· Le partage d'informations et de pratiques peut contribuer
à mettre en place un travail d'équipe des référents
et une harmonisation de leurs pratiques.
· Un soutien particulier pour aider le RGP à
constituer rapidement un réseau primaire et secondaire.
· La prise en compte de la parole des
référents doit être une priorité et doit engendrer
un travail en commun sur des outils utiles et efficaces.
Une amélioration de la communication
:
De façon générale, il est important que
l'information soit personnalisée pour qu'elle soit traitée.
Au niveau des référents :
· Des retours systématiques sur les
positionnements
· Des mises au point régulières sur
l'évolution des personnes en formation, en contrat aidé ou encore
en chantier insertion etc.
· Le maintien d'une certaine proximité des
référents auprès de leur public positionné, cela
permettrait un travail de collaboration entre les employeurs ou les
formateurs.
Par des outils :
· La mise en ligne des dispositifs insertion disponibles
en temps réel sur le territoire, pourrait être proposé,
avec une présélection des critères (ex : statut de la
personne, type de dispositif recherché, période, etc.), qui
permettrait d'affiner les positionnements, d'avoir une information en temps
réel, constante et personnalisée en fonction des besoins des
allocataires et des référents.
· La mise en place d'une zone de rencontre (virtuelle ou
classique) permettrait l'amélioration des transferts d'informations, et
contribuerait à une meilleure connaissance du territoire.
Des pistes de travail pour la mise en place des
parcours d'insertion : Envisager l'allègement des
procédures de positionnement en
· Privilégiant un travail en direction des
référents sur la pertinence des positionnements,
· Informant des postes à pourvoir et des
compétences exigées,
· Travaillant avec les employeurs sur des critères
de recrutement objectifs
· renforçant l'étape de diagnostic
permettant d'évaluer les capacités de la personne à entrer
dans un dispositif qu'il soit CA ou formation et qui participerait à
positionner de façon plus objective et moins aléatoire, les
personnes sur de telles actions.
· Définissant préalablement les étapes
prévues dans le parcours lors du positionnement sur dossier
Améliorer l'accompagnement des personnes en :
· Expliquant le contrat d'insertion aux personnes qui
s'engagent pour en comprendre l'impact sur leur vie quotidienne, et sur leurs
droits à l'insertion
· Travaillant sur le parcours d'insertion avant
l'entrée sur un dispositif de professionnalisation et pendant
le positionnement
· Gardant contact avec le public et le solliciter si
nécessaire.
· Mettant en place un outil de suivi des publics
positionnés.
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