Conclusion générale
Notre recherche concernant les freins institutionnels
existants sur le parcours d'insertion, a permis de valider l'hypothèse
que l'organisation du dispositif RMI participe à enfermer les personnes
dans le dispositif. Elle a en outre mis en avant un certain nombre
d'informations concernant le déroulement du parcours d'insertion
professionnelle.
La rencontre avec des personnes impliquées à
différents niveaux du dispositif RMI nous a aidé à mieux
comprendre les enjeux du parcours d'insertion.
Si le RMI est affilié aux concepts de pauvreté
et d'exclusion, cela ne lie pas la pauvreté à l'exclusion :
l'exclusion est engendrée par un état statutaire, lui-même
géré par les institutions. En effet, en limitant les solutions
alternatives pour construire leur projet d'insertion, les pouvoirs publics
entraînent les individus dans la trappe, excluent d'office une partie du
public, sous le coût d'un statut administratif, devenu critère de
sélection.
Aussi, la responsabilité de cette situation
d'enfermement, est, selon nous, portées par l'organisation
institutionnelle du RMI et des pratiques qui s'y rapportent.
Tout d'abord, nous avons vu qu'il existait différentes
sortes de trappes, selon l'angle d'approche qui était proposé. La
trappe à précarité, qui se situe sur une facette
économique, considère que l'homme ne voit dans le travail,
l'intérêt financer qui lui rapporte. Si nous avons pu
détecter ce type de discours dans les entretiens effectués avec
les allocataires du RMI, la plupart des personnes montraient un
intérêt pour le travail d'un point de vue identitaire : avoir un
emploi, c'est avoir un autre statut que d'être « Rmiste ».
Aussi, lorsque Y. Benarrosh montre que l'allocataires du RMI
est poussé à avoir un travail sans vraiment avoir le choix de
l'emploi, nous appuyons son discours, par l'analyse des entretiens qui mettent
en avant que les personnes interrogées sont très conscientes que
les emplois aidés les enferment dans une précarité latente
et elles émettent le souhait d'en sortir.
Ce qui les motive, c'est d'avoir un emploi classique, pas un
sous-emploi. Cette volonté d'obtenir un CDI à tout prix ne serait
pas, pour elles, une sécurisation de leur parcours professionnel, mais
bien un passeport pour la « normalité », une façon de
d'échapper au stigmate du « Rmiste ».
Nous avons pu montrer, tout au long de notre travail, que
c'est le référent RMI (RGP) qui était la personne
ressource pouvant contribuer à la sortie du dispositif RMI, sa fonction
principale étant d'effacer autant que faire se peut, les obstacles qui
parsèment le projet d'insertion des individus.
Pourtant, nous avons relevé d'importantes
difficultés qui concourent à freiner les projets, et qui
relèvent des pratiques institutionnelles, de l'organisation du
territoire et des pratiques professionnelles de certains
référents.
Aussi, nous avons expliqué le lien qui existait entre
ces trois points de dysfonctionnement, et de l'effet « domino » que
les pratiques institutionnelles pouvaient engendrer sur le partenariat, le
travail des référents ou encore les positionnements sur certaines
offres/prestations.
En outre, l'étude des pratiques professionnelles des
référents à mis en avant les éléments clefs
du parcours d'insertion, en fonction de leur impact sur ce dernier. Nous avons
par ailleurs noté les difficultés récurrentes des parcours
d'insertion, comme le suivi des allocataires en étape de
professionnalisation, qui reste très aléatoire, et qui est
malgré tout essentiel pour garder une dynamique dans le parcours, et une
articulation logique des actions.
D'autre part, ces pratiques professionnelles participent
à l'enferment des allocataires dans le système, et nous avons vu
que le non positionnement sur le secteur marchand (par principe de
précaution) ou sur une prestation d'accompagnement renforcé
à l'emploi fait partie des freins à l'insertion. Si Guillemot
affirme que « les allocataires ne trouvent pas de travail, c'est parce
qu'on ne leur en donne pas », il existe des moyens de
négociation avec les entreprises du secteur marchand pour aider
l'insertion des personnes au RMI sur ce secteur, comme la médiation
à l'emploi, ou encore les clauses d'insertion. Pourtant, peu de
référents positionnent sur ces dispositifs.
Dans notre recherche, nous avons montré que
l'institution participait à la mise en trappe des allocataires, de
façon directe ou non. Nous avons en outre mis en avant l'importance du
partenariat dans l'élaboration du parcours d'insertion. En effet, la
cohésion sociale entre les acteurs locaux de l'insertion doit être
un tremplin pour aider les personnes dans leurs démarches. Toutefois,
nous avons constaté des dysfonctionnements qui fragilisent le maillage
partenarial. Cela réduit la réactivité des acteurs en
place.
Aussi, la hiérarchisation du partenariat est, à
notre avis, nuisible à une collaboration efficace.
La vision gestionnaire des partenaires institutionnels du
dispositif RMI est certes nécessaire pour la maîtrise des fonds,
mais elle n'est certainement pas l'unique critère d'évaluation
sur lequel l'institution doit se baser. En outre, ce contrôle purement
quantitatif engendre des pratiques professionnelles inefficaces, basées
sur des quotas, et autres taux d'accès à l'emploi.
Il ne met pas en avant le travail qualitatif effectué
sur le terrain, et ne permet pas d'étudier les pratiques
professionnelles les plus efficaces.
Aussi, nous avons été agréablement
surpris de constater que Bertrand Schwartz fasse une analyse similaire de notre
approche. Dans un entretien donné dans la Lettre de l'Insertion par
l'Activité Economique, B. Schwartz explique que la démarche de
recherche action qu'il préconise :
« Implique que toutes les parties prenantes d'un
dispositif mettent en cause la manière dont fonctionne ce dispositif. Or
il n'est pas facile d'accepter d'être critiqué, d'entendre que
l'on ne s'y prend pas forcément de la bonne manière pour
insérer les personnes. Il semble pourtant évident qu'aujourd'hui,
l'insertion marche mal. Non pas que les acteurs de l'insertion fassent du
mauvais travail. Mais les pouvoirs publics leur ont imposé d'obtenir des
résultats uniquement quantitatifs et ils n'ont plus le temps de
réfléchir à ce qu'ils font. L'insertion est devenue un
mécanisme dans lequel on impose des solutions, et non plus une
démarche de recherche menée avec la personne qui doit
s'insérer. De là est né, chez les professionnels de
l'insertion, un fort sentiment de perte de sens de leur actions » (B.
Schwartz, une frilosité du secteur de l'insertion quant aux actions
d'innovation sociale, p-p 4, La Lettre de l'Insertion par l'Economique n°
137, juin 2007, Paris)
Notre étude a pu montrer que la trappe à
précarité pouvait être engendrée par une
organisation du dispositif RMI, et des pratiques qui en découlent.
Malgré tout, il existe de nombreuses questions
concernant l'efficacité du dispositif RMI, et l'impact réel des
actions d'insertion sur la trajectoire professionnelle, mais aussi concernant
l'impact du RMI sur l'employabilité présumée dans le
secteur marchand, la réalité
de la décentralisation au niveau local, ou encore une
étude approfondie des pratiques des référents RMI, qui ont
été particulièrement évoqués durant ce
travail.
Les difficultés que nous avons rencontré durant
le travail de réflexion qui constitue la source de ce mémoire ont
été de deux ordres : les difficultés
éprouvées pour délimiter les frontières de cette
recherche et les obstacles inhérents à la mise en place de la
méthode de recherche.
Aussi, il fut très frustrant pour nous d'être
limité en termes de temps et d'accès à la bibliographie
foisonnante qui existe sur les sujets tels que l'exclusion, l'inclusion,
l'insertion, la pauvreté, la précarité, ou les politiques
publiques...
Ensuite, la rencontre avec les différents acteurs n'a
pas été de qualité équivalente, de part un
environnement particulier ou des obligations familiales exprimées par
ces derniers. Cela a limité notre démarche de recherche, et notre
crédibilité.
Néanmoins, ce mémoire à ouvert des
perspectives diverses comme l'envie d'approfondir les questionnements sur des
questions relatives à l'insertion dans la poursuite de nos
études.
Ce travail est, en outre, un plaidoyer pour un travail social
de qualité, et vise à solliciter une auto critique des pratiques
professionnelles, au travers des groupes d'échanges de pratiques et de
réflexion autour des difficultés rencontrées par les
travailleurs sociaux sur les parcours d'insertion.
Pour finir, il est important que le lecteur informé des
changements qui vont s'opérer durant les mois qui suivront la
publication de ce mémoire.
En effet, le nouveau gouvernement a chargé Martin
Hirsch, ancien Directeur Général de l'Association Emmaüs, et
nouveau Haut Commissaire de l'Agence des Nouvelles Solidarités Actives
(ANSA), de réfléchir à la refonte du système
RMI.
Ainsi est né le Revenu de Solidarité Active
(RSA), sur l'idée que le retour à l'emploi des allocataires du
RMI doit leur permettre d'augmenter leur revenu pour motiver leur implication
dans la recherche d'emploi. En outre, le RSA est sensé proposé un
contrat d'insertion unique, qui regrouperait tous les contrats d'insertion
existants.
Le RSA s'inscrit dans le cadre de l'article 142 de la loi de
finances n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 pour 2007. Elle a
été complétée par l'article 42 de la loi n°
2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable.
Le RSA sera expérimenté dans une quinzaine de
départements Français durant les trois prochaines années,
et devrait être généralisé à l'ensemble du
territoire d'ici 2012. Le Département du Nord est volontaire pour
être « département pilote » durant 3
années.
Les objectifs du RSA sont uniquement économiques et ne
visent pas l'amélioration de la qualité des emplois
occupés par les allocataires du RMI, imposant l'idée du travail
à tout prix. Ainsi, D. Clerc analyse le RSA comme une version
française du « workfare » américain, imposant
des activités « au bénéfice de la
communauté » en échange de l'aide sociale, et
engendrant « une sous-classe de travailleurs sans droits
».
L'objectif final de la refonte du dispositif RMI est la
réduction des coûts qu'il engendre, ce par tous les moyens qui
permettront une sortie en masse des individus qui y sont inscrit.
Aussi, il est indispensable que les acteurs sociaux restent
vigilants quant à la qualité des services et des prestations
qu'ils proposent aux allocataires du RMI, et qu'ils travaillent ensemble pour
améliorer leurs pratiques malgré les pressions institutionnelles
qui existent.
Sans cette vigilance, nous resterons plus dans l'idée
« d'inclusion », évoquée par Jean Pierre
Boutinet (1998) que dans celle d'insertion, veillant à « ce que
l'individu soit bon an, mal an inclus à l'intérieur d'un ensemble
social au niveau de l'un ou l'autre de ses réseaux ».
INDEX
AAH
|
Allocation Adulte Handicapé
|
CREDOC
|
Centre de Recherches pour l'Etude et l'Observation des
Conditions de Vie
|
ACI
|
Association de Chantier d'Insertion
|
DDTE
|
Direction département du travail et de l'emploi
|
AFPA
|
Association de la formation professionnelle pour adulte
|
DEL(T)D
|
Demandeur d'emploi de (très)longue durée
|
AH
|
Adulte handicapé
|
DGAS
|
Direction générale de l'action sociale
|
AI
|
Association d'insertion
|
EI
|
Entreprise d'insertion
|
ANPE
|
Agence nationale pour l'emploi
|
EMT
|
Evaluation en milieu de travail
|
APA
|
Allocation personne âgée
|
EPCI
|
Etablissement Public de Coopération Intercommunale
|
APE
|
Allocation Parentale d'Education
|
ETTI
|
Entreprise de travail temporaire d'insertion
|
APEC
|
Agence pour l'emploi des cadres
|
FSE
|
Fonds de soutien européen
|
API
|
Allocation parent isolé
|
GIP
|
Groupement d'Intérêt Public
|
APP
|
Ateliers de Pédagogie Personnalisée
|
GRETA
|
Groupement d'Etablissements pour la Formation Continue
|
AS
|
Assistante sociale
|
HLM
|
Habitat à loyer modéré
|
ASE
|
Aide sociale à l'enfance
|
IAE
|
Insertion par l'activité économique
|
ASI
|
Accompagnement social individuel
|
IAE
|
Insertion par l'Activité Economique
|
ASS
|
Allocation Spécifique de Solidarité
|
INSEE
|
Institut national de la Statistique et des Etudes
Economiques
|
ASSEDIC
|
Association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce
|
IOD
|
Interaction de l'offre et de la demande
|
CA
|
|
MDL
|
Maison de l'emploi
|
Contrat d'avenir
|
ML
|
Mission Locale
|
CAE
|
Contrat d'accès à l'emploi
|
MSA
|
Mutualité sociale agricole
|
CAF
|
Caisse d'allocations familiales
|
OMS
|
Organisation Mondiale de la santé
|
CCAS
|
Centre communal d'action sociale
|
ONU
|
Organisation des nations unies
|
CDD
|
Contrat à durée déterminée
|
PAIO
|
Permanence d'Accueil, D'information et d'Orientation
|
CDI
|
Contrat à durée indéterminée
|
PDI
|
Programme départemental d'insertion
|
CDI (2)
|
Contrat départemental d'insertion
|
PLI
|
Programme local d'insertion
|
CESF
|
Conseillère en économie sociale
et familiale
|
PLIE
|
Pole de lutte contre l'insertion par l'économie
|
CIE
|
Contrat initiative emploi
|
PRF
|
Programme régional formation
|
CIP
|
Conseiller en insertion professionnelle
|
RMA
|
Revenu minimum d'activité
|
CIRMA
|
Contrat d'insertion revenu minimum d'activité
|
RMI
|
Revenu minimum d'insertion
|
CLI/CALI
|
Commission (d'animation) locale d'insertion
|
RSA
|
Revenu de Solidarité Active
|
CMU
|
Couverture mutuelle universelle
|
SMIC
|
Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance
|
CPER
|
Contrat de Plan Etat-Région
|
UTPAS
|
Unité territoriale de promotion de l'action
sociale
|
|