CHAPITRE I - La création du RMI
Créé en 1988, le RMI doit apporter une
réponse aux nouveaux phénomènes de pauvreté.
Constitué au nom de la solidarité nationale, le RMI permettait
alors « à toute personne qui se trouve en incapacité de
travail en raison de son âge, de son état physique et mental, ou
de la situation de l'économie et de l'emploi » (Article 1 de
la loi du 1er décembre 1988 sur le RMI) d'obtenir de la
collectivité des moyens convenables d'existence.
Impulsé par deux rapports, celui du père
J.Wresinski et celui de G. Oheix, le RMI fut proposé par le Ministre de
lutte contre les exclusions et contre la pauvreté Claude Evin, sous la
coupe du gouvernement Rocard, et fut adopté à
l'unanimité.
Claude Evin insiste sur les deux caractéristiques de ce
projet de loi :
· D'une part, une volonté de souplesse du
dispositif, qui est une allocation versée au titre de la
solidarité nationale et qui implique le maillage local d'intervention
pour une meilleure coordination du dispositif.
· D'autre part, la volonté de mettre en place un
partenariat engagé et associant la totalité des acteurs, de
l'Etat aux bénéficiaires, en passant par les collectivités
locales et les associations.
Le RMI est alors destiné aux personnes
âgées de plus de 25 ans. L'insertion sociale et professionnelle
des personnes en difficulté constituait dès lors un
impératif national, et « le RMI est l'un des outils du
dispositif global de lutte contre la pauvreté, tendant à
supprimer toute forme d'exclusion » (Revenu Minimum et Insertion, p
11).
I - la pauvreté comme Leitmotiv de la
création du RMI
La situation économique après la crise
pétrolière de 1972 s'est fortement dégradée,
entraînant une augmentation importante du taux de chômage, mais
aussi du nombre d'emplois précaires : les pauvres ne sont plus
considérés comme des personnes marginales, mais comme des
personnes intégrées dans le monde du travail.
Dans les années 1980, la pauvreté touche alors
le monde salarié et fragilise les individus, faisant planer son ombre
sur la carrière professionnelle de tout à chacun. Le taux du
chômage « longue durée » augmente de mois en mois, et
l'installation dans la précarité devient monnaie courante. C'est
ce que l'on appelle la nouvelle pauvreté.
En réalité la pauvreté a toujours
existé dans notre société, bien qu'elle ne touchait qu'une
population relativement marginale. Les années 60 dénoncent
l'accroissement des inégalités, et montre que
l'élévation du niveau de vie « laisse à
l'écart une partie de la population » (l'Exclusion, G.
Lamarque, p 12).
Dans ce contexte de récession économique, les
politiques tentent de répondre aux conséquences d'un
phénomène récurrent : la « nouvelle »
pauvreté. Le RMI répond à un besoin : celui de subvenir
aux besoins de base des citoyens qui n'en ont pas les moyens, en leur allouant
une allocation mensuelle, calculée sur la base du seuil de
pauvreté.
Le concept de pauvreté est donc au fondement de la
création d'un tel dispositif. Que signifie t-il, quels en sont les
critères économiques et sociologiques ? Quelles en sont les
conséquences sur la vie sociale des individus ?
A- La pauvreté en tant que concept :
Avec la fin des trente glorieuses, la pauvreté est
analysée en termes d'inadaptation et de reproduction. J. Labbens dira
même que « c'est un destin ».
Suivre cette théorie permet d'identifier les
populations cibles susceptibles d'avoir besoin d'aide sociale. Selon Merton, il
existe une culture de la pauvreté liée à la non
intériorisation des normes de la société, une sorte de
« déviance naturelle intégrée », liée
à la non socialisation.
Lewis appuiera cette thèse (Les enfants de Sanchez,
1961, La vida, 1965) en affirmant que cette culture de la pauvreté
est entretenue par des valeurs, des savoirs marginaux et des organisations en
réseau d'entraide très développés, qui permettent
un maintien de la solidarité naturelle au sein d'une communauté.
Pour lui, cette culture entraîne un comportement fataliste et
dépendant face à la pauvreté et enferme les individus dans
ce « dogme ».
En revanche, pour Leeds et Labbens, les causes sont plus
structurelles ; ainsi ils affirment que l'absence d'opportunités
objectives dans un environnement social dégradé explique la
culture de la pauvreté et non l'inverse.
Aussi, la thèse interactionniste tend à
démontrer l'influence de l'environnement sur l'état de
pauvreté, qui n'est ni une construction communautariste, ni une
déviance intégrée.
La pauvreté serait donc la conséquence de
phénomènes économiques générateurs
d'exclusion, et non pas de comportements individuels et collectifs.
Rowntree, en 1901, parle de pauvreté absolue en
déterminant le seuil minimum en deçà duquel le biologique
est menacé. Le pauvre ne peut subvenir à ses besoins de
première nécessité.
Adam Smith précise alors que « par objet de
nécessité, j'entends non seulement les denrées qui sont
indispensablement nécessaires au soutien de la vie mais encore toutes
choses dont les honnêtes gens même de la dernière classe ne
sauraient décemment manquer » (la richesse du monde, 1776).
Le concept de pauvreté est donc une variable dans le temps
et dans l'espace. 1 - La pauvreté selon des critères
économiques :
Comptabilisés à environ 500 000 personnes en
1987 dans le rapport de J. Wresinski, les « nouveaux pauvres »
ont la caractéristique commune de ne pas être en mesure de
subvenir financièrement à leurs besoins primaires. Selon G.
Lamarque, la pauvreté a « joué » comme un
facteur de cohésion pour revendiquer une amélioration des
salaires, des conditions de vie et des conditions de logement. Elle a
« servi d'argument politique » (id, p 13).
Le phénomène de nouvelle pauvreté n'est
apparu que dans le milieu des années 1980, avec pour origine la
montée du chômage, mais aussi le développement du travail
précaire. La précarité de l'emploi est un
phénomène récurrent et un nombre de plus en plus important
de ménages demandent une assistance à l'aide sociale et aux
associations caritatives. On craint alors l'apparition d'une
société duale où une partie de la population serait
rejetée.
La définition de la pauvreté reste assez diverse
: L'ONU préfère parler de misère, l'OMS considère
qu'il s'agit des populations qui ne disposent que d'une somme inférieure
ou égale à 1 dollar par jour et par individu, alors que la Banque
Mondiale a fixé un revenu de 370 dollars par personnes (en 1985) en
deçà duquel on est en pauvreté absolue.
Toutefois nous retiendrons que l'INSEE1 a
défini la pauvreté sous deux angles :
1- La pauvreté monétaire :
Le taux de pauvreté est défini comme la
proportion des ménages dont le niveau de vie est inférieur
à un montant appelé seuil de pauvreté. Il existe deux
façons de déterminer celui-ci :
- le seuil de pauvreté absolue, qui est
déterminé par rapport à la satisfaction de certains
besoins. Son montant est évalué en fonction de la
hausse des prix.
- Le seuil de pauvreté relatif, déterminé
par rapport au niveau de vie2 de l'ensemble de
la population (en France, on retient habituellement 50% du
niveau de vie médian).Son montant évolue en fonction du niveau de
vie médian de la population.
2- La pauvreté par les conditions de vie :
Un indicateur synthétique de difficultés
consiste à cumuler pour chaque ménage le nombre de
difficultés sur les 27 retenues (contraintes budgétaires, retards
de paiement, restriction de la consommation, difficultés de
logement...). La proportion de ménage cumulant 8 difficultés ou
plus est du même ordre de grandeur que le taux de pauvreté
monétaire. Aussi, en 2001, le seuil de pauvreté monétaire
est de 600€ par unité de consommation mensuelle3.
L'estimation de la pauvreté monétaire prend en
compte le degré de persistance de la situation de pauvreté
(dynamique), montrant ainsi que les taux de sortie de la pauvreté
déclinent pour ceux qui y restent le plus longtemps. Le retour
à la situation de pauvreté est quatre fois plus important pour
celui qui en sort que pour celui qui ne l'a pas encore connu. (La
documentation Française, problèmes économiques, pp 3-4,
novembre 2003, n° 2.833)
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