Section 2 : Le projet « différent et
compétent »
Vingt quatre ESAT de la région Bretagne ont
décidé de se regrouper pour atteindre un objectif commun :
reconnaître et développer les compétences acquises par les
personnes handicapées au travail et valoriser avec les entreprises, les
acquis de leurs expériences, quelque soit leur niveau de performance
économique.
Pour élaborer un tel projet, les initiateurs ont
constaté la faible évolution professionnelle des individus au
cours de leur vie. Ils s'interrogent donc sur la reconnaissance dont
bénéficient les travailleurs handicapés en milieu
protégé, dans la société. Ils ont donc mis en place
à partir de 2002, une forme d'organisation apprenante au sein même
des ateliers afin que les ouvriers puissent se former à partir des
situations de travail. (cf. projet « différents et
compétent »)
Le concept d'organisation apprenante provient du milieu
ordinaire, il vise à repenser l'organisation du travail à partir
d'une gestion par les compétences, où l'adaptation constante se
fait en misant sur le potentiel des collaborateurs et l'intelligence
collective.
L'organisation apprenante repose sur plusieurs principes.
Tout d'abord la réappropriation du travail par les travailleurs, la
mise en cause de « l'objectivation taylorienne des actes du travail
(les tâches) et le développement d'une vision sociale du
travail ».
L'élément qui unifie toutes les dimensions de
l'organisation apprenante consiste à apprendre de l'instabilité
et des mutations, et de devenir actifs face à ces changements.
Une organisation est dite apprenante quand la structure et le
fonctionnement favorisent les apprentissages collectifs, dans une logique de
développement des compétences, d'autonomie et de
responsabilisation.
Malgré sa difficulté de mise en oeuvre, ce
concept est apparu pertinent au regard de la double finalité
économique et sociale des ESAT. Les initiateurs ont jugés que ce
concept avait également l'avantage de s'intéresser au sujet
apprenant.
La mise en oeuvre d'une organisation apprenante ou qualifiante
requiert quelques conditions. Tout d'abord il faut déterminer les
objectifs que les différentes structures vont partagés que se
soit économique et intégratif à tous les niveaux
hiérarchique de la structure. L'organisation qualifiante
appliquée aux ESAT requiert pareillement des ajustements pour plusieurs
raisons : « la gestion des ressources humaines se réalise
par les compétences et non à travers le handicap ou les
incapacités, et l'apprentissage est intégré à
l'organisation dans les ESAT et entre les ESAT ». (Patrice Leguy)
S'inspirant de l'organisation apprenante, la volonté de
ce projet est que la structure serve de progression pour les travailleurs. Pour
comprendre comment apprendre par les situations de travail, des groupes de
travailleurs avec les moniteurs ont été constituées. Ces
formations permettent d'identifier les différentes modalités
d'apprentissage et de créer des outils pédagogiques (apprendre
plusieurs termes techniques par semaine, construire un tableau à double
entrée pour organiser la polyvalence des ateliers etc....). Ces
situations de travail ont permis de faire tourner les travailleurs sur
différents postes de travail de la structure, ce qui c'est traduit par
une demande des bénéficiaires de tourner dans les
différents ateliers ou de faire des stages dans d'autres structures mais
avec des objectifs précis d'acquisition de compétences.
Le bénéficiaire est de nouveau le
décideur de son parcours professionnel mais aussi social, car il va
identifier, repérer avec l'équipe encadrante les
compétences formalisées dans son projet individuel qu'il lui
reste à parfaire et à acquérir.
Après cette identification de compétences un
parcours est alors formalisé. C'est utiliser l'opportunité du
chantier, de la production pour en faire une situation de formation.
Ce projet amène un regard nouveau, il s'agit de
se fixer sur les compétences acquises et celles potentiellement
accessibles par le travailleur handicapé. L'ESAT passe d'un concept de
prise en charge à celui de bilan de compétences, de projet
à élaborer, d'objectifs à atteindre, des capacités
à mobiliser.
Ces différentes innovations relèvent de la
propre initiative de ces structures, même si elles ont pour origine la
législation, ces projets ne sont pas étendus à toutes les
structures de travail en milieu protégé. Ainsi chaque
établissement peut ne pas mettre en place de tels systèmes de
reconnaissance de compétences du travailleur handicapé.
Il est pertinent de constater que ces dispositifs sont
exclusivement centrés sur le développement de la personne. Par
cet élément de remise au centre des actions, les travailleurs
handicapés sont acteur de leurs parcours professionnels et social.
Ainsi dés leur insertion dans le milieu
protégé ils sont inscris dans un processus de choix et de
questionnement sur leur avenir. Mais se positionnement au centre des actions,
ne peut avoir lieu que si les établissements et les structures mettent
tout en oeuvre pour construire des projets. Ce n'est qu'à partir des
lois de 2002 et 2005 que le milieu protégé à mis en place
des actions de reconnaissance et de valorisation des compétences. La
double vocation des ESAT est définie depuis 1975, et pour certaines
structures le soutien deuxième type n'a été mis en place
que depuis 2000.
Les personnes handicapées au travail sont actrices de
leur évolution professionnelle et sociale, puisque grâce à
leurs projets individualisés puis par la suite aux actions mis en oeuvre
par les différentes structures, elles peuvent s'inscrire dans une
démarche de prise de décisions. Les différents projets mis
en place par les établissements que se soit le centre de soutien
2ème type ou la mise en place d'organisation apprenante, ont
au final le même objectifs qui est de faire des travailleurs
handicapés des individus comme les autres, qui sont aptes à
prendre des décisions, et qui sont capables d'évoluer dans leur
autonomie sociale, et d'acquérir de nouvelles compétences
professionnelles.
Tout se suivi et cette mise en perspective de l'autonomie du
travailleur dans ces choix est objectif. Il est impératif d'avoir en
tête que cette évolution professionnelle ne peut se faire sans une
évolution sociale grâce au soutien deuxième type. Pour
certains il paraît logique que ces travailleurs qui ont réussi une
évolution professionnelle grâce au projet individualisé,
à la mobilité et aux formations mises en places, vont
accéder au milieu ordinaire. Cette pensée est une idée
reçu car bon nombre de travailleurs handicapés accueillis en
milieu protégé ne sont pas aptes à être
insérer en milieu ordinaire de travail. Mais des alternatives sont
possibles, pour que ces efforts d'évolution ne restent pas vains.
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