b. Le début des années 1960 : changement
radical et première vague de colonisation
(i) Colonisation et changement de système
Cette période voit de grands changements intervenir en
Espagne : fin du rationnement alimentaire et de la politique ultra
interventionniste de Franco, libéralisation des marchés et
changements des habitudes alimentaires... Le gouvernement va, tout en
protégeant officiellement les latifundistes qui soutiennent le
régime, mener une politique de colonisation dans quelques zones
d'Andalousie encourageant l'agriculture minifundiste à devenir
productive. Almería attire l'attention par la situation
désastreuse où elle se trouve, Franco s'y rend plusieurs fois. De
nouvelles politiques sont mises en place pour favoriser l'installation de
colons : l'octroi de crédit pour la construction d'infrastructures
d'irrigation (puits et canaux) et la menace d'expropriation pour les
propriétaires s'ils ne font pas les installations nécessaires et
s'ils n'installent pas de métayers sur les terres irrigables (voir
partie I.B.2.f).
Ces changements attirent de nombreux colons qui viennent de
l'arrière pays de la province d'Almeria ou des zones montagneuses de
provinces voisines, notamment Grenade. Les colons s'installent
surtout sur les anciennes terres de parcours alors que les autochtones restent
sur les anciennes terres irriguées. La colonisation des terres à
l'est et au nord des anciennes terres irriguées n'a pas cessé
jusqu'à aujourd'hui.
(ii) Les nouvelles techniques
Les migrants viennent avec une nouvelle technique : la culture
dans le sable. Cette technique était utilisée dans
l'arrière-pays. Le sable, qui est très drainant, permet de
conserver l'eau dans la terre et évite la formation d'une croute de sel.
Il crée aussi un milieu chaud au niveau des racines qui favorise une
production précoce. De plus, peu d'adventices peuvent pousser dans le
sable. Les autochtones vont imiter les migrants et transformer peu à peu
leur système de production en augmentant la place de l'horticulture et
diminuant la céréaliculture et l'élevage. La région
d'Almeria possède un avantage en termes de climat, qui permet une
production de printemps précoce et une production d'automne tardive, qui
va être mis à profit par les migrants.
Le travail est essentiellement manuel, le désherbage se
fait à la main, le travail attelé consiste désormais
à ouvrir le sable pour pouvoir épandre le fumier tous les 4 ou 5
ans.
Les semences sont récupérées sur les
fruits des plants les plus beaux, on les fait germer, puis on les plante dans
une pépinière de terre et lorsqu'elles ont atteint une dizaine de
centimètres, on les plante dans le sable.
Les parcelles sont protégées par des haies de
cafia et la cafia et d'autres plantes spontanées
servent aussi à fabriquer des setillos, des petites haies qui
ne dépassent pas 50 cm de hauteur, qu'on utilise sur chaque rang pour
protéger les cultures du vent pendant les campagnes de printemps. Les
haies sont orientées nord - sud pour protéger des vents
principaux qui viennent de l'est et de l'ouest (levante et
poniente), ce qui présente aussi l'avantage d'être bien
orienté par rapport à la lumière qui vient du sud. Les
setillos sont eux orientés est - ouest, ils ne sont utilisés
qu'au printemps lorsque le vent du nord peut provoquer des gelées. Ils
sont légèrement inclinés de façon à laisser
le soleil entrer vers le sud et à protéger du vent qui vient du
nord. La cafia sert aussi de tuteur pour les tomates. L'installation
et la rénovation (tous les 3 mois) des haies est un travail
important.

Setos de carias et autres plantes
spontanées
Vent du nord
sable
Sud
Figure 17 : rôle des setillos dans la protection
contre le vent
|
Figure 18 : la caia est plantée au bord
des canaux de sable ou de terre pour les renforcer
31
|
Sarah Dauvergne Analyse Diagnostic du Bajo Andarax,
Almería

setos
Sud
Canal d'irrigation
Parcelle
h = 3 -4 m
1 m
Rangs plantés
L = 8 -10 m
2xh
Levante (été)
Poniente (hiver)
setos
Murets de sable reconstruit à chaque saison,
ouverts ou fermés selon les besois en eau
Canal secondaire d'irrigation
Figure 15 : schéma d'une parcelle cultivée
à l'air libre dans les années 1960
Figure 16 : rôle des haies dans la protection
contre le vent
Mouvement de l'air
Vent
INA-PG, DAA Développement Agricole mars-aout 2007
Les investissements nécessaires pour
l'aménagement des parcelles sont le creusement de puits et/ou de canaux
ouverts permettant l'utilisation de l'eau de la source de Viator, le nettoyage
et l'aplanissement des terrains, il faut parfois amener la terre d'autres sites
pour former un sol d'environ 50 cm, puis installer une couche de fumier de 5 cm
et une couche de sable d'une quinzaine de centimètres, l'installation de
haies autour de chaque parcelle et sur chaque rang de culture pour les
protéger du vent. Des murets séparent les parcelles qui ne sont
pas tout à fait à la même hauteur mais plutôt en
escalier.
L'aménagement de la parcelle est assez peu couteux mais
nécessite beaucoup de travail, notamment l'entretien des haies. Les
investissements concernant les infrastructures d'irrigation sont faits par les
propriétaires et par les migrants disposant d'un petit capital
après la vente de leur terre et/ou de leur troupeau dans leur
région d'origine.
L'action de l'INC se concentre sur les terres non
irriguées sur lesquelles sont effectuées des installations,
c'est-à-dire sur les terres occupées par les colons. Les
autochtones investissent plus lentement car leur système de production
est tourné vers l'autoconsommation et ne permet pas de gros
investissements, à part les propriétaires moyens autochtones qui
peuvent investir rapidement. Les grands propriétaires, poussés
par la menace d'expropriation toute proche, se concentrent sur
l'aménagement de nouvelles terres et investissent peu sur les terres
données en métayage de la vega. L'avance prise par les
colons ou les autochtones ayant les moyens d'investir rapidement dans
l'aménagement de parcelles pour l'horticulture intensive est
décisive et elle explique en partie les actuelles
différenciations sociales.
Les variétés de tomates sont des
variétés locales sélectionnées par les producteurs,
à cycle court, il y a deux campagnes de 2 ou 3 mois par an, l'une d'aout
à décembre et l'autre de janvier à juin, ou une campagne
de tomates suivie d'une autre culture. Les rotations peuvent être
Tomates/Tomates, Tomates/Poivrons, Concombres/Tomates, Concombres ou
Tomates/Pastèques, Pastèques/Pois ou Courgette/Tomates de
printemps ou Pastèques... L'hiver est trop froid pour permettre la
culture de tomate sur une seule campagne qui dure d'aout à juin (comme
c'est le cas actuellement).

Juil.
Nov. Dec.
Janv. Fev.
Mars Avril
Mai Juin
Oct.
Aout Sept.
Production
Production
Figure 19 : période de production de la tomate
dans les systèmes de culture à l'air libre
Le rendement de tomates est d'environ 3 kg/m2 avec une
densité de plantation plus importante qu'aujourd'hui. Pour faire une
comparaison, en prix courant, en 1960, 1 kg de tomates valait 25 pesetas et un
travailleur était payé 50 pesetas par jour de travail,
aujourd'hui 1 kg de tomates vaut approximativement 90 pesetas (0,50 €) et
un travailleur gagne 7000 (42 €) pesetas par jour. Le produit brut d'1 m2
de tomates était donc d'environ 75 pesetas. Si on considère que
l'indice des prix à la consommation est de 2000% entre les années
1960 et aujourd'hui (source : INE), cela représente 1.500 pesetas, ou 9
€ de 2006. Aujourd'hui le
produit brut est du même ordre, avec un rendement beaucoup
plus important (entre 3 et 6 fois supérieur) et les charges
étaient beaucoup plus faibles qu'aujourd'hui.
(iii) L 'eau
L'irrigation se fait par submersion toutes les deux semaines,
sur des parcelles légèrement inclinées. L'Etat est
intervenu pour briser le monopole de sociétés privées sur
l'eau et répartir l'accès à l'eau. Les
propriétaires des terres vont également installer des puits. La
conséquence est que dans presque toutes les exploitations de la
vega, il y a un puits. Il existe également des puits
communautaires.
(iv) La commercialisation
Au début, ce sont des sociétés de
commercialisation qui se chargent de la vente des produits. Les premiers
commerçants à s'intéresser au nouveau secteur sont
valenciens et murciens. Peu à peu les coopératives montés
par les agriculteurs, incitant les producteurs à calibrer les produits
et utilisant un système de vente aux enchères à la baisse
ont pris de l'importance et ont concurrencé les sociétés
de commercialisation, qui ont disparu. La première coopérative
agricole, la Coopérative Agricole de San Isidro (CASI), existe depuis
1944, elle se développe à partir de 1965. La production est alors
destinée au marché espagnol. Des réglementations limitent
l'exportation vers les pays de la CEE jusqu'en 1990.
(v) Les nouvelles différenciations sociales
Les années 1960 sont des années de transition
entre les anciens et les nouveaux systèmes. L'élevage continue
d'exister jusque dans les années 1980 (année de la fermeture de
la centrale laitière) mais cesse d'être prédominant avec
l'arrivée de colons qui s'installent pour pratiquer l'horticulture. Les
produits sont encore très divers : tomate, concombre, poivron,
pastèque, melon, pomme de terre, petit pois et fève. Il y a
souvent un petit élevage, mais les colons peuvent s'installer
directement sans élevage. On peut différencier les agriculteurs
selon la taille des exploitations, le mode de faire-valoir et l'utilisation ou
non de main d'oeuvre salariée. La main d'oeuvre familiale reste
largement majoritaire.
Les journaliers travaillent dans les
exploitations patronales ou capitalistes. Ils peuvent être originaires de
la région ou être arrivés de région voisine sans
capital.
Les métayers autochtones sur 1 ou 2
hectares continuent à pratiquer un petit élevage
associé à la culture de céréales, de luzerne et de
pomme de terre. Ils donnent de plus en plus d'importance à
l'horticulture.
Les métayers autochtones sur 3 ou 4
hectares continuent de pratiquer l'élevage et donnent de plus
en plus d'importance à l'horticulture.
Les métayers colons sur 1 ou 2 hectares
pratiquent l'horticulture et un petit élevage (2 ou 3 porcs ou
chèvres). La main d'oeuvre est familiale. Ils ne s'installent pas sur
des surfaces supérieures à 2 hectares car au-delà de cette
surface, il est nécessaire de faire appel à de la main d'oeuvre
extérieure. La priorité est d'acheter les terres, pas d'agrandir
les surfaces louées en métayage. Les travailleurs doivent
parvenir à une relation de confiance avec le propriétaire pour
accéder au métayage.
Les petits propriétaires autochtones sur 1 ou 2
hectares continuent à pratiquer l'élevage et accentue
l'horticulture. La main d'oeuvre est familiale.
Les petits propriétaires colons sur 1 ou 2
hectares ne font que des produits horticoles. Ils sont en
général arrivés avec un petit capital qui leur a permis
d'accéder rapidement à la propriété. Ils ont
parfois besoin d'un apport très ponctuel en main d'oeuvre
salariée mais l'essentiel de la main d'oeuvre est familiale.
Les propriétaires moyens sur 4 à 10
hectares pratiquent l'horticulture. Ils transforment très vite
leur système de production car ils ont les moyens d'aménager les
parcelles (installation d'une couche de sable, de haies...) et ils cultivaient
déjà des produits horticoles pour la vente. La main d'oeuvre est
familiale et salariée. Ils peuvent louer une partie des terres à
des métayers.
Les grands propriétaires installent des
colons en métayage et pratiquent une agriculture capitaliste. Ils ne
font que des produits horticoles.
Beaucoup de familles passent par des phases transitoires, avec
parfois très peu de terres (3000 - 5000 m2) pendant une ou deux
années ou associent pendant quelques temps des terres en métayage
et des terres en propriété cultivées plus intensivement.
Les exploitations capitalistes vont se morceler progressivement en très
petits lots, être cultivées en métayage et être
rachetées petit à petit par les agriculteurs familiaux.
Les prêts, surtout des prêts de campagne, qui sont
en fait des prêts à la consommation permettant de passer les
mauvaises années, sont assurées par les commerçants avec
des taux d'intérêts très importants.
(vi) Evolution dans la répartition de la
propriété
De manière générale, la nouvelle
manière de cultiver est très rentable, et les métayers
peuvent accumuler du capital pour racheter les terres. Le nombre d'exploitation
agricole double entre 1960 et 1975. La surface moyenne des exploitations a
tendance a diminué avec le passage de l'agriculture d'autoconsommation
à l'horticulture beaucoup plus intensive en travail et qui peut
permettre à une famille de vivre même avec des très petites
surfaces (à partie de 3000 m2).
(vii) Le devenir des principales classes
sociales
|
Les paysans sans terre
|
- accès au métayage
- changement d'activité
|
|
1 à 2 hectares à media,
autochtones
|
- spécialisation dans l'horticulture - achat 1 à 2
ha
|
|
1 à 2 hectares à media, colons
|
- achat 1 à 2 ha
|
|
3 à 4 hectares à media,
autochtones
|
- spécialisation dans l'horticulture - achat 1 à 2
ha
|
|
1 à 2 hectares en propriété,
autochtones
|
- spécialisation dans l'horticulture
|
|
1 à 3 hectares en propriété,
colons
|
- agrandissement et spécialisation dans la culture de
tomates
|
|
5 à 10 hectares en
propriété
|
- spécialisation dans la culture de tomates
|
|
Les grands propriétaires
|
- installation de métayers
- vente
|
Figure 20 : évolution des différentes
catégories sociales entre 1960 et 1975
(viii) Une nouvelle occupation de l'espace
Les nouveaux arrivants vont s'installer surtout dans la
vega de allâ, car la vega de acâ (à
l'ouest du fleuve) est limitée par la ville d'Almeria qui s'approche.

Figure 21 : L'occupation de l'espace en 1975
(ix) Conclusion
Les années 1960 sont l'époque de la
spécialisation vers l'horticulture à l'air libre. Les politiques
de colonisation ont permis d'améliorer très significativement le
niveau de vie des habitants de la province d'Almeria. Les deux
éléments les plus importants sont la nouvelle répartition
des terres, avec l'augmentation de la surface de terres irrigués et son
parcellement en lot de colonisation et les changements techniques, notamment un
accès renforcé à l'eau et la culture sur sable.
Il y a une sorte de hiérarchie traditionnelle entre le
travailleur salarié, le métayer, l'agriculteur
propriétaire familiale, patronal et capitaliste. L'âge d'or qui
débute dans les années 1960 et se poursuit jusque dans les
années 1990 est marquée par une ascension sociale, les
salariés deviennent des métayers et les métayers qui
pratiquent l'horticulture de manière intensive ont les moyens de devenir
propriétaires, de même les colons qui accèdent à la
propriété vont s'agrandir et devenir des petits patronaux alors
que les agriculteurs autochtones, qui ne bénéficie pas
forcément des nouvelles infrastructures et qui doivent investir
eux-mêmes vont aller plus lentement. Limités dans l'agrandissement
car ils sont « bloqués » dans la vega et ne
souhaitent pas forcément, ni vendre leur terrain ni disperser leur
parcelles, ils forment encore aujourd'hui des exploitations familiales,
à part pour les plus grands (ceux qui possédaient
déjà 5-6 ha) qui vont racheter des terres et s'agrandir. Les
rares exploitations capitalistes que l'on trouve aujourd'hui sont de nouvelles
exploitations, créées récemment par des personnes
attirées par le succès de la culture de tomates et par
l'accès facile à la nouvelle main-d'oeuvre immigrées.

c. De 1975 à auiourd'hui : La culture sous
serre

2000
Plan d'enterrement des canalisations
Recyclage des eaux urbaines
Premiers systèmes d'irrigation
équipés d'ordinateur
Obligation de fermer les serres et fin de la culture
sans serre (virus)
Premières serres à toit
incliné
Premières vagues d'immigration venant
du Maroc
Début du développement de l'activité
des
semenciers
Début d'urbanisation sur les
terres agricoles Début des
exportations
Premières variétés
"améliorées" à cycle long
Premières variétés
hybrides
1990
1980
Début du développement de l'activité
bancaire (taux d'intérêts autour de 20 %)
Premiers systèmes d'irrigation au goutte à
goutte Premières canalisations enterrées
Premières serres ouvertes et planes
1970
Figure 22 : résumé de l'histoire
récente (depuis 1970)
(i) 1975 : Premières serres : allongement de la
période de production
Le mouvement de colonisation ne faiblit pas, les migrants
venant des zones montagneuses innovent avec la culture sous serre à
partir de 1975. Les serres sont en fait des bâches de plastique
recouvrant les cultures et ouvertes sur les côtés. On les appelle
« parral » car elles sont inspirées de ce qui se fait
dans la sierra dans les régions productrices de raisin où on
installe des bâches sur les pieds de vigne pour protéger les
cultures du vent et avancer ou retarder la période de production.
Les premières serres font environ 3 mètres de
hauteur et sont constitué de bois (puis de fer) et de plastique (qu'il
faut changer tous les ans). Des trous sont percés sur le toit pour
laisser passer l'eau. Il n'y a donc pas de contrôle ni sur l'eau, ni sur
le vent. L'apport en eau douce peut être avantageux mais est très
aléatoire : si l'humidité augmente à l'intérieur de
la serre et que la ventilation est insuffisante, la production pourrit. La
serre ne peut pas protéger les cultures des maladies mais elle
protège les cultures du vent, jouant le rôle anciennement
dévolu aux haies et permet d'augmenter la durée de la
période de production en augmentant artificiellement la
température au niveau des cultures.
|
Figure 23 : serre de type parral vue de
l'intérieur
|
Cette transformation s'accompagne de la colonisation de
nouvelles terres, avec un effet auto-entrainant : la technique de la culture
sous serre est largement inspirée des pratiques amenées par les
migrants et la migration est encouragée par le succès de ces
nouvelles pratiques.
Les variétés de tomates sont des
variétés à cycle court, il y a encore deux campagnes par
an. La période de production se rapproche de la période
hivernale, moment où les prix montent car les pays d'Europe du nord
arrêtent de produire. Cela permet aux producteurs d'accumuler du capital
et d'investir et aux métayers de racheter les terres.
L'irrigation se fait encore par submersion. L'eau provient des
puits et de la source de Viator par l'intermédiaire de canaux ouverts.
Les aménagements sont des aménagements privés, dans le cas
du métayage, c'est le propriétaire de la terre qui a à
charge de fournir l'eau.
Dans le même temps, les agriculteurs spécialisent
les productions, d'abord vers deux cultures, la tomate et le poivron et
finalement vers la tomate. Les premiers à se spécialiser sont les
exploitations patronales, les exploitations familiales cherchant à
optimiser l'utilisation de la main d'oeuvre en produisant d'autres cultures qui
nécessitent moins de travail. Cette spécialisation vers la tomate
s'explique par deux éléments : le fait que c'est une des cultures
à plus haute valeur ajoutée, qui nécessite beaucoup de
travail et ce travail est apporté par le réservoir de main
d'oeuvre issue des migrations, et la salinisation progressive de l'eau, due
à une surexploitation des aquifères.
On a donc à cette période les nouveaux colons et
les agriculteurs qui en ont les moyens, tout d'abord les moyens et grands
propriétaires, qui vont commencer à cultiver sous serres alors
que beaucoup d'autres continuent à cultiver à l'air libre. Dans
le cas du métayage, c'est le propriétaire qui installe les
serres.

Juil.
Nov. Déc..
Janv. Fév..
Mars Avril
Mai Juin
Oct.
Aout Sept.
sous serres sous serres
à l'air libre à l'air libre
Figure 24 : période de production sous les
premières serres
(ii) 1980 . le système d'irrigation au goutte
à goutte
Dans les années 1980, la culture sous serre se
généralise, les propriétaires des terres louées en
métayage investissent pour la plupart dans les serres même s'il
reste des parcelles cultivées à l'air libre par certains
métayers ou petits propriétaires jusqu'en 1995, ensuite il n'est
plus possible de cultiver à l'air libre à cause des
épidémies. En 1980, la fermeture de la centrale laitière
marque l'arrêt total de la production de lait, qui avait
déjà presque disparu.
La nouvelle innovation technique, qui permet d'augmenter
l'efficacité de la culture sous serres et explique sa
généralisation, est le système d'irrigation au goutte
à goutte qui remplace l'irrigation par submersion. L'irrigation au
goutte à goutte permet un meilleur contrôle de l'eau, évite
le stress hydrique, permet d'économiser les produits chimiques et
nécessite moins de travail. Les premières canalisations
enterrées sont installées grâce à des initiatives
privées car elles permettent d'économiser l'eau. On ferme les
serres pour pouvoir contrôler davantage l'humidité et on installe
des ouvertures latérales pour laisser entrer le vent. Les nappes
phréatiques commencent à baisser et à se saliniser.
L'irrigation au goutte à goutte, qui évite le
stress hydrique en permettant un apport continu en eau permet l'utilisation de
nouvelles variétés plus sensibles. Le rendement sous une serre
fermée avec un système d'irrigation au goutte à goutte et
les nouvelles variétés hybrides est d'environ 6 kg/m2, soit le
double du rendement obtenu avec la culture à l'air libre.
Les nouvelles variétés hybrides à
croissance indéterminée qui permettent de rallonger la
durée des campagnes mais ne permettent pas encore de faire un seul cycle
de culture par an. L'avantage de ces variétés est de rapprocher
la période de production de la période hivernale où les
prix montent et de compenser les fluctuations de prix intraannuelles
grâce à une longue campagne. Les prix élevés
permettent aux producteurs d'accumuler du capital et de racheter les terres.
Avec un prix de vente de 50 pesetas, le produit brut d'un m2
de tomates est de 300 pesetas. L'indice des prix à la consommation entre
1980 et aujourd'hui est de 350% (source : INE), 300 pesetas de 1980
équivalent en terne de pouvoir d'achat à environ 1000 pesetas de
2006, ou 6 € de 2006. A l'époque, construire un
invernaderos coûte environ 250 pesetas par m2, le produit brut
d'une année permet donc de rembourser la serre, les consommations
intermédiaires et la main d'oeuvre ont un prix inférieur à
celui d'aujourd'hui.
Les faible couts de production, notamment en main d'oeuvre (et
ceci malgré l'importance des syndicats d'ouvriers agricoles en
Andalousie) permettent d'être plus compétitifs que les pays
d'Europe du Nord (par exemple que les producteurs français). A partir de
l'entrée de l'Espagne dans l'Union Européenne, le
développement économique offre d'autres possibilités
d'emploi aux journaliers andalous dont le nombre est en baisse, ils sont
remplacés par des travailleurs clandestins venant du Maroc dont
l''immigration massive dans les années 1990 aura une grande influence
sur la région.
En même temps, le développement de
l'activité bancaire facilite l'installation des jeunes sans passer par
l'étape préalable du métayage. Les taux
d'intérêts sont de 20 % environ. La commercialisation est
désormais le domaine exclusif des coopératives agricoles et se
fait systématiquement par un système d'enchère à la
baisse. La production est de plus en plus destinée au marché
européen même si une grande partie est encore vendue sur le
marché espagnol.
La plupart des coopératives agricoles incitent les
producteurs à conditionner eux- mêmes leur production. Le
conditionnement consiste à trier les tomates en fonction de leur taille,
ou de la taille du rameau, de leur couleur, de leur forme..., à les
laver et à les présenter dans de petites caisses fournies par la
coopérative. La manipulation des tomates occupe une grande partie du
temps de travail (la moitié du travail en période de production).
Des machines peuvent être utilisées pour faciliter le tri des
tomates et leur conditionnement, ce sont des calibreuses qui trient les tomates
en fonction de leur poids et les laveuses. C'est la seule forme de
mécanisation du travail, qui reste essentiellement manuel. Ces
calibreuses ne sont utilisées que dans les grandes exploitations. Le
conditionnement et la présentation des produits vont prendre de plus en
plus d'importance.
C'est également dans les années 1980 que la
ville d'Almeria commence à empiéter sur les terres agricoles,
cela provoque une baisse des investissements dans les zones les plus proches de
la ville et une migration des jeunes agriculteurs vers de nouvelles terres
colonisées.
En parallèle, l'importance des grands
propriétaires diminue désormais très vite, notamment du
fait de l'urbanisation, qui crée un nouveau secteur économique
très important, la construction. Cette activité et le tourisme
représentent des débouchés rentables pour les capitaux et
ont un effet de concurrence sur le capital avec l'activité agricole dont
se désintéresse la petite bourgeoisie propriétaire des
terres, ce qui facilite le rachat des terres pas les métayers.
(iii) 1990 : un nouveau paquet technique et
l'arrivée des travailleurs marocains
Dans les années 1990, on expérimente de
nouvelles serres à toit incliné qui ne laissent pas rentrer l'eau
et qui vont se répandre chez les agriculteurs aisés. Ces serres
sont plus hautes et possèdent des fenêtres dont on peut
contrôler l'ouverture. Cela permet un meilleur contrôle de
l'humidité à l'intérieur de la serre et diminue les pertes
par pourriture. L'eau de pluie peut être récupéré et
remontée vers le bassin grâce à de petites pompes. Ces
serres représentent un coût deux fois plus important que les
serres planes, Ce sont les premiers colons propriétaires et les
propriétaires autochtones moyens qui ont les moyens de renouveler leurs
serres. Les producteurs préfèrent utiliser une nouvelle sorte de
plastique qui se change une fois tous les trois ans.
L'irrigation au goutte à goutte se
généralise. Des aménagements privés permettent
d'augmenter le nombre de canalisations enterrées.
De nouvelles variétés, à croissance
indéterminée, permettent la culture sans interruption d'octobre
à mai, que ce soit sous les anciennes serres planes ou sous les
nouvelles serres. Ces variétés sont utilisées de
façon optimale grâce à la culture sous serre : la
période de production se situe en l'hiver, moment où les prix
montent car les pays d'Europe du Nord (France et Hollande) arrêtent de
produire. Tous les producteurs peuvent profiter de ces bons prix, ce qui va
permettre au plus grand nombre de racheter les terres, ou s'ils sont
déjà propriétaires, de s'agrandir et d'investir dans de
nouveaux équipements. La rentabilité de ce nouveau système
attire les banques, qui vont jouer un rôle de plus en plus important
(crédit pour l'installation, l'achat d'équipement ou
l'agrandissement, prêt de campagne). Les taux d'intérêts
baissent, sous l'influence de l'Union Européenne et de la Junta de
Andalusia, de 20 % à 5 %.
Comme avec les nouvelles variétés, les plants de
tomates peuvent atteindre jusqu'à 9 mètres de long lors d'une
campagne, il faut un matériel qui servent de tuteur. Il existe deux
techniques : la première consiste à installer un réseau de
fil à deux ou trois mètres de hauteur. Pendant la première
partie de la campagne, tant que la plante n'a pas atteint cette hauteur, on
l'enroule dans le fil lui même rattaché au réseau afin
qu'elle ait toujours la tête vers le haut. Lorsque la plante atteint la
hauteur des fils, on la fixe à l'aide d'un clip et on fait passer la
tête de la plante de l'autre coté du fil et la plante pousse alors
vers le bas. Si la campagne dure longtemps et que le plant a poussé
vite, la tête peut alors descendre jusqu'à presque toucher le sol,
on recommence alors la même opération à l'aide de fil de
façon à ce que la tête se retrouve de nouveau vers le
haut.
Une autre façon de faire nécessite
l'installation de perches, qui sont moins fréquentes, surtout dans les
serres planes. Les perches sont accrochées au réseau de fils et
peuvent glisser le long du fil. La campagne commence de la même
façon, la tête de la tomate est maintenue vers le haut grâce
à un fil. A partir du moment où elle arrive à la hauteur
des fils, on fait régulièrement glisser la perche de façon
à ce que la plante ne touche jamais le sol (car dans ce cas la plante
pourrit). La tête reste toujours vers le haut. Ce système permet
d'obtenir un meilleur rendement et une production de meilleure qualité
mais oblige à un soin constant : la tomate produit sans cesse des talles
qu'il faut couper pour que l'énergie de la plante se concentre sur la
production des fruits. Avec les perches, la tige se trouve dans une position
horizontale très proche du sol, il est obligatoire de couper les talles
produites régulièrement par la tige car s'ils touchent le sol la
plante pourrit, alors que sans perches, la tige est verticale et les talles ne
peuvent pas toucher le sol.
L'activité de semencier se développe très
largement, en plus de la transformation des graines en plantule, il peut
également greffer les plants sur des pieds plus solides
résistants aux maladies du sol. La pollinisation qui était avant
effectuée à la main par l'application d'une hormone sur chaque
fleur est désormais assurée par des bourdons, cette technique
ouvre la voie à la lutte intégrée.
En 1995 une épidémie détruit les
cultures, c'est la fin de la culture à l'air libre et des serres
ouvertes, les serres ont désormais la fonction de protéger les
cultures des maladies malgré l'absence de rotation. Les fenêtres
sont équipées de voile très fin qui ne laisse pas passer
les insectes. La monoculture de tomate est généralisée, il
est devenu impossible de cultiver autre chose à cause de la forte teneur
en sel dans l'eau des puits.
Le rendement sous serre plane avec les nouvelles
variétés va de 10 à 12 kg/m2 en fonction des
variétés, le rendement sous serres à toit incliné
qui permet un meilleur contrôle de l'humidité va de 11 à 13
kg/m2. Avec les perches, les rendements vont de 12 à 14 kg/m2. Le
rendement double par rapport à la période des premières
serres et la conquête de la période hivernale permet de profiter
de prix très élevés.
Aout
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Sept. Oct.
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Nov.
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Dec. Janv.
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Fev. Mars
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Avril Mai
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Juin Juil.
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Production
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Figure 25 : Période de production avec les
nouvelles variétés
C'est autour de 1985 qu'ont lieu les premières vagues
d'immigration importantes venant du Maroc. La main d'oeuvre andalouse a
très largement diminué puisque beaucoup de journaliers ont
réussi à avoir accès à la propriété
des terres ou ont quitté l'activité agricole, profitant des
opportunités existant dans la province d'Almeria, par exemple la
construction, dans d'autres régions d'Espagne ou dans d'autres pays
européens. Elle est remplacée par les travailleurs clandestins
arrivant massivement du Maroc, qui représente une main d'oeuvre
très flexibles, plus abondante et plus précaire que les
journaliers andalous du fait des discriminations, du manque d'organisations
syndicales et de la faible intégration des immigrés qui viennent
d'arriver sur le territoire espagnol.
L'arrivée des cette main-d'oeuvre transforme le
système : jusque là la main d'oeuvre est essentiellement
familiale, mais après les vagues d'immigration venant du Maroc, on va
assister à deux phénomènes : un agrandissement relatif des
terres, qui permet de doubler la surface cultivée grâce à
l'appel à un petit nombre de salariés par les agriculteurs
familiaux qui en ont les moyens (généralement d'anciens colons),
et un très fort agrandissement avec l'utilisation d'un très grand
nombre de salariés pour ceux qui ont les moyens d'acheter de grandes
surfaces, c'est-à-dire ceux qui utilisaient déjà de la
main d'oeuvre salariée, les propriétaires moyens des
années 1950, les colons qui ont accédé à la
propriété très rapidement et qui se sont agrandis. Les
petits agriculteurs autochtones n'ont pas les moyens de s'agrandir et restent
familiaux.
L'urbanisation recouvre toutes les terres agricoles à
l'ouest du fleuve. Les jeunes agriculteurs vendent les terres urbanisables et
rachètent des surfaces plus importantes, soit dans la zone d'expansion
des serres, soit à Nijar où il y a encore des terres en abondance
et où ils cultivent la tomate.
(iv) 2000 : l'informatique
Dans les années 2000 on expérimente
l'agriculture assistée par ordinateur, la nouveauté la plus
importante est un programmateur lié au système d'irrigation qui
permet de mesurer les caractéristiques de l'eau afin de calculer la
quantité nécessaire d'intrants. Ce système permet
d'optimiser l'utilisation de l'eau et d'augmenter encore les rendements (de 11
à 13 kg/m2 sous serres planes, de 12 à 14 kg/m2 sous serres
à toit incliné, de 13 à 15 kg/m2 lorsqu'il y a des
perches), il peut être installé dans des serres planes ou à
toit incliné et il se répand chez les producteurs qui en ont les
moyens.
D'autres nouveaux équipements sont
expérimentés mais ne se généralise pas aussi
rapidement. Les serres en arc sont beaucoup plus hautes et permettent un
meilleur contrôle sur la ventilation. Elles sont en général
accompagnées d'un arsenal technologique comme la ventilation automatique
ou d'un système de chauffage (dans les zones plus froides, comme
à Nijar). La ventilation automatique ouvre et ferme des fenêtres
en fonction de mesure de la température et de l'humidité. Elle
permet en théorie d'être moins présent mais la plupart des
agriculteurs font assez peu confiance dans ce système.
D'autres équipements sont testés : les substrats
de cultures qui permettent une production totalement hors-sol, les calibreuses
à systèmes optiques permettant le tri des tomates en fonction de
leur couleur... Ils restent extrêmement minoritaires, la stratégie
de production à Almería étant de se servir des avantages
comparatifs dus au climat pour produire à faible cout et supporter la
concurrence des systèmes hollandais et français beaucoup plus
techniques.
Une communauté d'irrigants met en place une
dépureuse qui recycle les eaux urbaines et permet d'avoir un
accès à de l'eau non salée, presque toute la zone est
desservie par les eaux recyclées et le territoire irrigué
s'agrandit. Cela constitue une réponse aux besoins croissants en eau,
avec l'augmentation des surfaces cultivées, et aux problèmes de
salinisation et de baisse du niveau d'eau dans les nappes phréatiques.
D'un autre côté, les communautés d'irrigants de la source
de Viator et de la dépureuse installent de nouvelles pompes pour pouvoir
monter l'eau en amont de la source. A partir de 1996, l'Union Européenne
finance 40 % de la construction de nouvelles canalisations enterrées et
en 2007, 85 % des canalisations sont enterrées (100 % pour le
réseau qui concerne la dépureuse).
Le recours à la main d'oeuvre immigrée est
devenu très fréquent, on assiste alors à une nouvelle
forme de différenciation sociale entre les espagnols qui ont
accès aux crédits et à la propriété et les
immigrés, qui viennent du Maroc, d'Afrique subsaharienne et d'Europe de
l'Est. La concurrence avec les pays méditerranéens comme le Maroc
et la Turquie, qui bénéficient de la même
précocité de production, est très forte, d'autant que ces
pays ont des couts de production plus faible, surtout la main d'oeuvre, qui a
un cout 5 à 10 fois inférieur à celui en Espagne.
Les variétés évoluent très vite,
de nouvelles variétés apparaissent tous les 5 ans environ. Les
producteurs se trouvent alors dans une situation de dépendance
vis-à-vis des producteurs de semences et les variétés sont
très fragiles, leur utilisation s'accompagne de l'emploi de produits
phytosanitaires en grande quantité, ce qui augmente les couts de
production.
Le processus d'urbanisation commence à gagner les
terres de la vega de allâ, c'est-à- dire les anciennes
terres irriguées à l'est du fleuve. Les nouveaux migrants, ainsi
que les agriculteurs les plus aisés des zones urbanisées ou ceux
qui veulent agrandir leur exploitation, s'installent sur les terres non
exploitées du piémont. En 2007, il y a environ 2500

Figure 26 : Occupation de l'espace en 2000
exploitations agricoles, le nombre d'exploitations a plus que
doublé par rapport à 1975 et a quintuplé par rapport
à 1960, il est en constante augmentation, les exploitations qui
disparaissent sont généralement situées sur les terres
urbanisables, quelques exploitations peuvent disparaître également
si l'endettement est très important et que les prix. Les exploitations
qui ont atteint une taille déjà importante peuvent emprunter sans
risque (car ils ont la possibilité de rembourser les crédits sur
un terme très court) et s'agrandissent encore plus.
Il y a un gradient dans le paysage entre les anciennes terres
irriguées, et les zones colonisées qui ont
bénéficié d'une avance dès les années 1960
et qui servent de zones d'extension à ceux qui ont les moyens
d'investir. Les colons s'installent en général avec des
équipements plus modernes grâce au crédit. L'appui
étatique à l'installation des colons s'atténue à la
mort de Franco, en 1976, avec le remplacement de l'INC par l'Institut de
Réforme et de Développement Agraire (IRYDA) et en 1984 avec la
création de l'Institut Andalous de Réforme Agraire. Les
producteurs ayant une surface importante investissent beaucoup, s'agrandissent
et renouvèlent très vite leur équipement alors que les
petits agriculteurs déjà en place transforment petit à
petit leur système, et investissent dans de nouveaux équipements
mais plus lentement pour éviter un endettement excessif.
d. Conclusion
L'histoire d'Almeria est l'histoire du développement
exceptionnelle de la province la plus pauvre d'Espagne, grâce aux
transformations qui ont eu lieu dans l'agriculture. Alors que le reste de la
province d'Almeria, de l'Andalousie et de l'Espagne se vident à cause de
l'émigration, les zones aujourd'hui connues comme El Ejido, Nijar, el
Bajo Andarax voient leur population augmenter et la mise en culture de terres
abandonnées depuis des siècles.
Ce n'est pas à la fin des années 1970, avec
l'arrivée de la culture sous serres, que qu'a commencé la
transformation si spectaculaire de l'agriculture d'Almeria. C'est en fait dans
les années 1960 que l'on passe d'une agriculture « traditionnelle
» à une agriculture intensive, notamment avec la technique de la
culture dans le sable. Les facteurs qui ont déclenché cette
transformation sont le développement des infrastructures d'irrigation
par le gouvernement, la libéralisation des marchés, qui a permis
à l'horticulture de prendre de l'importance, et une politique de
colonisation favorisant l'agriculture familiale.
Dans le Bajo Andarax, l'histoire de colonisation a
donné naissance à 4 zones, de la plus ancienne à la plus
jeune : la vega de acâ qui a presque complètement disparu
aujourd'hui sous l'urbanisation, la vega de allâ où se
trouve les terres les plus facilement irrigables et les plus fertiles, et
los llanos de la Cafiada et de Alquian qui correspondent aux terres de
parcours colonisées, ce sont ces quatre zones qui donnent le nom de
« quatros vegas », auxquelles on peut rajouter les terres
colonisées ces dernières années à la limite de la
sierra, parfois dans l'illégalité.
Le succès de cette agriculture s'est accompagné
d'une ascension sociale très importante. Il y a eu un élan
très important d'achat des terres par les agriculteurs,
spécialement dans les années 1980-1990, qui représente un
âge d'or. La culture de la tomate est alors très rentable,
soutenue par un bon prix grâce aux nouveaux marchés d'Europe du
nord et à la production hivernale et les coûts de production sont
faibles (plus faible que dans les pays concurrents comme la France ou la
Hollande). Cela va permettre une généralisation de la
propriété.
L'organisation des agriculteurs en coopératives qui
fournissent les intrants et commercialisent les produits, et qui permettent un
suivi technique poussé, est également un élément
important et a permis la mise en place d'un réseau de commercialisation
particulièrement efficace.
A la fin des années 1990, les conditions changent avec
l'apparition de maladies, la nouvelle concurrence des pays
méditerranéens qui passent des accords de libre-échange
avec l'UE et l'augmentation des coûts de production. Cela coïncide
avec la période d'arrivée des travailleurs immigrés. Les
conditions ont alors quelque peu changé par rapport aux années
1960, les terres ne sont plus aussi abondantes, le gouvernement refuse la mise
en culture de nouvelles terres, et donc l'installation de nouvelles structures
d'irrigation, et les possibilités de travail ne peuvent pas absorber
l'énorme masse de travailleurs, ce qui tire les salaires à la
baisse et fragilise la situation des immigrés. On est donc sorti de
cette dynamique qui permettait aux travailleurs d'avoir accès à
la terre, et l'utilisation systématique de salariés fragilise
l'agriculture familiale.
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