d. Le 19ème siècle
On arrive au 1 9ème siècle avec des
systèmes de production qui ressemblent beaucoup à ceux qu'ont
laissé les arabes. L'espace est toujours divisé entre les
huertas, les terres irriguées, les terrasses et les terres non
irriguées. La chute du commerce de la soie et la soude industrielle
prive la région d'activités rémunératrices, mais on
assiste à une explosion de l'activité minière.
La Desamortizaci6n provoque la création de
latifundios, de manière très relative toutefois car la
région étant très aride, et les seules terres
d'intérêts étant les terres irriguées, les terres de
l'Eglise et les terres communales mises en vente sont de très petites
surfaces.
Les changements techniques de l'époque, rotation
biennale avec culture de légumineuse à la place de la
jachère, ne se généralisent pas, sans doute du fait de la
structure
en latifundios/minifundios. La révolution des transports
avec l'utilisation de la vapeur va permettre l'exportation du raisin.
La côte, qui avait été
désertée à cause des attaques de pirates, se repeuple.
Dans les terres hautes restent les journaliers, qui se tournent vers
l'activité minière ou émigrent, et les petits
propriétaires.
e.
Début du 20ème
siècle : une des provinces les plus pauvres d'Espagne
Deux activités permettent la naissance d'une
bourgeoisie à Almería : l'exportation du raisin et
l'activité minière, mais la grande partie de la population,
travailleurs agricoles ou mineurs vivent dans une très grande
pauvreté, ce qui provoque une forte émigration en Algérie
et en Amérique.
La province d'Almeria est l'une des plus pauvres d'Espagne,
elle est considérée comme étant très « en
retard » par rapport au reste de l'Espagne. L'absence d'industrie n'est
pas compensée par l'activité agricole.
La Guerre Civile, notamment le bombardement de la ville par
les Allemands, laisse de profondes blessures. L'après-guerre est
particulièrement dur, et à partir des années cinquante la
province vit une authentique saignée démographique. Des milliers
de personnes émigrent en Catalogne, en France et en Allemagne.
f. Les politiques de colonisation des gouvernements
Franco
En 1956, avec le changement qui se produit dans la politique
espagnole, l'ouverture sur le commerce international et la fin de
l'interventionnisme du primer franquismo, s'initie à travers
l'Instituto Nacional de Colonizaciôn (INC) une politique de colonisation
des Campos de Dalias (El Ejido) et Campos de Nijar. L'action de l'INC consiste
principalement dans l'installation d'infrastructure d'irrigation, transformant
des milliers d'hectare en terres propices à la culture des fruits et
légumes et l'installation facilitée de colons par des dons de
bétail et une politique de logement. Les latifundistes qui ne mettent
pas en culture les terres sont expropriés. C'est un revirement complet
de la politique agricole de Franco.
Différentes lois et décrets permettent ce
changement, alliés au travail très important de l'INC. Les
objectifs principaux de cette politique sont l'augmentation de la
productivité et l'intensification en travail des systèmes de
production, afin de créer une base sociale paysanne et de diminuer
l'exode rural.
L'intervention de l'Etat s'est focalisée sur le Campos
de Dalias et de Nijar, situés à une trentaine de
kilomètres, et n'a pas agit directement sur la zone
étudiée, à part pour le financement de prêt
privé aux propriétaires et aux producteurs mais on peut penser
qu'elle a influencée grandement l'histoire de la zone.
La Loi de Base du 26 décembre 1939 pour la
colonisation de grandes zones. L'introduction de cette loi est une
déclaration de principe :
« La doctrine politique du Nouveau Etat signale par
des jalons précis l'orientation de la Réforme Agraire.
Le premier pas, ainsi que le signale de nombreux textes de
José Antonio et du Caudillo, est la colonisation de grandes zones du
territoire national, spécialement celles qui soumises par l'eau,
attendent depuis des années l'irrigation qui permettra de
féconder les
terres. Non seulement les intérêts, parfois
légitimes et respectable, du capitalisme rural, mais aussi d'autres
bâtards, en se protégeant dans l 'Etat libéral et
parlementaire, ont retardé durant des décennies la transformation
la plus révolutionnaire qui se peut faire sur ce sol, l'irrigation,
empêchant la réalisation d'immenses bénéfices
économiques et sociales pour la Nation entière.
La clameur des combattants, du peuple, et du sang
versé pour les idéaux de la nouvelle révolution, exigent
que nous dépassions les obstacles qui s'opposent à nous, et la
collaboration des différents intérêts pour permettre
à un rythme accéléré la colonisation des grandes
zones irrigables de marais et la réalisation d'autres travaux de hauts
intérêt national sur les terres sèches, afin d'augmenter le
productivité du sol espagnol et la création de milliers de lots
familiaux où la paysannerie libre emploiera cette liberté
à soutenir, et à défendre celle de la Patrie, contribuant
par son travail à sa grandeur. »
Cette première loi ne remet pas en cause la
propriété privée. En effet, le régime franquiste
s'est largement appuyé sur les latifundistes pendant la guerre civile.
Mais il y a tout de même l'idée de favoriser les métayers
et les journaliers en augmentant la productivité grâce à
l'irrigation, et ainsi augmenter la nécessité de main-d'oeuvre
sur ces terres, afin de diminuer le chômage agricole. Certains pensent
que l'irrigation dissoudra spontanément la grande
propriété. Si il ne s'agit pas encore d'exproprier les grands
propriétaires, il y a une reconnaissance du fait que le manque
d'investissement des latifundistes, qui préfèrent ne pas prendre
de risque et qui profitent des salaires agricoles extrêmement faibles
pour ne pas moderniser l'agriculture, est préjudiciable à
l'intérêt général.
Cette loi part du principe que l'initiative privée
permettra les changements et les investissements nécessaires.
Loi du 20 novembre 1940 de Colonisation
d'intérêt local. Cette loi, qui vient dans la suite de la
précédente, aide les propriétaires à
améliorer la productivité des terres, par l'installation de
système d'irrigation.
Mais ces différentes lois n'ont pas l'effet
escompté, ou du moins pas assez rapidement, l'idée que
l'initiative privée sera à la base de la transformation qui
s'annonce, et qu'elle se fera en respectant la propriété
privée des latifundistes s'effrite. C'est à ce moment que l'INC,
vecteur de l'intervention étatique, va réellement prendre de
l'importance.
Décret du 23 juin 1942 : l'INC peut
acquérir des terres agricoles avec un objectif de parcellisation.
Décret du 5 juillet 1944 : l'INC peut acheter et
parcelliser les terres. On réalise une « colonisation directe pour
servir d'exemple ». La Loi du 27 avril 1946, sur l'expropriation
inévitable de terres agricoles, est une révision de la
Loi de Base.
Loi du 21 avril 1949 : intervention de l'Etat,
colonisation des zones irrigables et distribution de la propriété
dans les zones irrigables, appui à l'action de l'INC. On
abandonne la Loi de Base de 1939, et on cesse de protéger la
propriété privée au nom de « fin sociale
supérieure ». Comme l'initiative privée n'est pas un moteur
assez puissant pour permettre les investissements, cette loi augmente
l'importance de l'INC.
L'INC va donc mettre en place des projets :
* Le Plan Général de Colonisation permet à
l'INC de transformer les terres sèches en terres irriguées si le
propriétaire ne le fait pas lui-même et d'y installer des
colons.
* Le Plan de Travaux allie le ministère de
l'Agriculture et le ministère des Travaux Publics pour la construction
des infrastructures nécessaires : installation électriques,
puits, habitations et bâtiments agricoles, habitations pour les
commerçants et les artisans.
* Le Projet de Parcellisation permet l'expropriation des
grands propriétaires à moins qu'ils installent eux-mêmes le
plus grand nombre de colons sur leurs terres.
Les terres sont classées en trois groupes :
* La réserve : Terres laissées aux
propriétaires à condition qu'ils les cultivent eux- mêmes
ou qu'ils y installent des métayers. La surface dépend du nombre
de membres de la famille.
* Les terres en excès : Les terres améliorables
expropriées pour faire des lots familiaux.
* L'exception : les terres qui, déjà
irriguées atteignent les objectifs de productivité de l'INC ou
les terres qui ne peuvent pas être irriguées.
Si 5 ans après l'installation de structures d'irrigation,
les objectifs de productivité ne sont pas atteints, les terres sont
expropriées.
En ce qui concerne les colons, on leur donne du bétail,
du matériel, et une habitation qu'ils doivent rembourser au bout d'un
certain temps.
Le nombre de colons installés par l'INC est assez
faible en comparaison du mouvement migratoire qui a lieu au début des
années 1960. Les grands propriétaires, poussés par la
menace de l'expropriation, font finalement les investissements
nécessaires et de nombreux métayers se sont installés sur
ces terres. Beaucoup de propriétaires ont finalement vendus leur terre
aux métayers, à un prix bien supérieur au coût
d'installation des structures d'irrigation et très supérieur aux
indemnisations de l'INC.
g. La fin du 20ème
siècle : un renouveau basé sur l'agriculture intensive
Les latifundios d'Andalousie orientale ne sont pas comparables
avec ceux d'Andalousie occidentale. Les terres, dès lors qu'elles ne
sont pas irriguées, ont peu de valeurs. Les minifundios se sont
concentrés sur les terres irriguées alors que les latifundios
s'étendent sur des hectares de terres désertiques. Les grands
propriétaires ont adopté un mode de vie urbain et, peu à
peu, se désintéressent des activités agricoles. La culture
du raisin, fortement concurrencée, disparaît. Des migrations
continuent des zones de montagnes vers la côte, et vers d'autres
régions d'Espagne et d'autres pays d'Europe.
La fin du siècle voit le renouveau d'une
prospérité basée sur l'agriculture intensive sous serre et
sur le tourisme. Le succès agricole a permis le développement de
l'industrie et du secteur tertiaire. Le développement de la province
d'Almeria, région enclavée et généralement
oubliée, est perçu comme miraculeux. Voilà comment le
décrivent Fernández Lavandera et Pizarro Checa en 1981 : «
...la seconde moitié du siècle nous a habitué aux
miracles (...). Mais voilà le cas d'Almerta qui, contre les nouvelles
lois économiques et sociales, s'est développée de
manière spectaculaire, précisément grâce à
l'agriculture ; fait si singulier qu'on ne peut le qualifier seulement de
miracle . · c'est le miracle du miracle. » Beaucoup
pressentent qu'un tel développement économique s'accompagne d'une
grande fragilité.
Des études historiques écartent cette vision
miraculeuse et essayent d'expliquer ce changement dans l'économie
d'Almeria. Les facteurs historiques mis en jeu, autres que techniques,
économiques et politiques, peuvent être la présence d'une
paysannerie
méditerranéenne avec une ancienne culture de
l'irrigation et le précédent d'autres cycles de production
agricole orientée vers le marché extérieur.
Au cours des dernières années, Almería
s'est convertie en Terre promise pour des milliers d'immigrants d'Afrique du
Nord et d'Europe de l'Est venus à la recherche d'une vie meilleure.
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