E. L'utilisation de la main-d'oeuvre
immigrée
Outre les problèmes environnementaux, le
problème le plus important de l'agriculture d'Almeria est l'utilisation
d'une main d'oeuvre bon marché et flexible, immigrées et
exploitée dans une situation qui n'est pas « durable ».
Au fur et à mesure du développement de la
région, les espagnols qui n'avaient pas eu accès à la
propriété de la terre ont quitté l'activité
agricole pour des emplois mieux rémunérés. Lorsque le
manque de main d'oeuvre s'est fait sentir, la possibilité de faire appel
à la main d'oeuvre marocaine voisine a permis d'éviter de
transformer et mécaniser le système vers une agriculture peu
nécessiteuse en main d'oeuvre. Cette main d'oeuvre très abondante
a permis aussi la concentration des terres dans de très grandes
exploitations.
Nous avons déjà vu que, la production
étant aléatoire sur la durée et sur la quantité,
les agriculteurs ont besoin d'une main d'oeuvre flexible. Le manque de
contrôle sur les prix agricole les incite à diminuer le plus
possible le cout de la main d'oeuvre. Dans le même temps, ils ne peuvent
pas prendre le risque que la main d'oeuvre vienne à manquer, elle doit
donc rester abondante et aucune politique n'est mise en place, ni pour limiter
le flux de migration, ni pour permettre l'intégration des
immigrés.
La situation des immigrés est difficile en raison des
salaires bas, mais aussi en raison du chômage et de l'incertitude de
l'emploi, et de la discrimination dans la recherche de tout autre emploi. C'est
une sorte de cercle vicieux car plus il y a d'immigrés qui viennent
à Almería et plus leur situation s'empire (baisse des salaires,
travail à la journée, discrimination...).
Il est nécessaire qu'il y ait une intervention de
l'Etat pour permettre l'intégration des immigrés et faire cesser
le phénomène de renouvellement permanent qui existe actuellement.
L'idée implicite qui prévaut aujourd'hui est que l'agriculture
d'Almeria ne pourrait pas fonctionner sans le travail des immigrés et
qu'il faut donc laisser la situation en état car un changement pourrait
signifier la ruine des agriculteurs et par conséquent de
l'économie d'Almeria. L'utilisation des immigrés pour la
formation de grandes exploitations patronales n'est pas favorable à
l'agriculture d'Almeria car elle met en danger les plus petites structures
patronales ou familiales. Une protection des agriculteurs, notamment en
diminuant le risque sur les prix, et la reconnaissance de la situation sociale
des immigrés permettraient d'améliorer la situation des
salariés.
F. Des acteurs multiples
De nombreux acteurs participent à la filière des
produits horticoles, toute la province d'Almeria vit en relation directe ou
indirecte avec l'agriculture. Les agriculteurs ne sont que le maillon d'une
chaine allant des fournisseurs d'intrants aux consommateurs et ils sont soumis
dans une certaine mesure aux oligopoles qui existent des deux
côtés.
1. Les coopératives
Les coopératives représentent les agriculteurs.
Ce sont de véritables sociétés très influentes.
Tout en se réclamant d'une agriculture familiale historique (les
premières existent depuis 1945) et de préoccupation
environnementale, elles ne remettent pas en cause, ni l'exploitation des
salariés, ni la soumission des agriculteurs au marché, ou plus
exactement aux exigences des exportateurs censées refléter celles
des consommateurs.
Les coopératives sont d'abord le lieu de vente des
produits, le plus souvent par enchères à la baisse. Elles ont peu
à peu élargie leur activité : aujourd'hui elles vendent
des intrants, du matériel, pratiquent un suivi technique très
poussé, et font du crédit aux agriculteurs. Chaque exploitation
est visitée par un technicien environ toutes les deux semaines, c'est
lui qui décide dans la plupart des cas de la « recette » de
produits à appliquer sur les plantes.
Il n'en existe que trois de taille importante et quelques
autres très petites. La plus grande, la Cooperativa Agricola de San
Isidro (CASI), fait ces enchères tôt le matin et les autres
coopératives voient leur prix s'aligner sur ceux de la CASI.
Citons également la CASUR qui a des pratiques assez
originales et intéressantes : le prix de vente reversé aux
producteurs est un prix moyen hebdomadaire, les tomates sont manipulées
à la coopérative et seuls les produits de très bonne
qualité sont vendus, cela incite les agriculteurs à se concentrer
sur la production et sur la qualité des tomates, à donner les
terres en métayage, c'est aussi une coopérative active dans
l'expérimentation de la lutte biologique.
2. Les entreprises du secteur industrielle et
tertiaire
La création de variétés nouvelles et de
produits phytosanitaires se réalise essentiellement dans des entreprises
privées qui ont une influence importante sur les nouvelles
techniques.
Il existe également un grand nombre de petites
entreprises : elles pratiquent la vente d'intrants et de matériel, la
construction de serres, l'installation de plastique... Elles participent au
développement d'Almeria en créant des emplois et de la valeur
ajoutée. L'influence de l'agriculture sur le développement
d'Almeria passe par l'existence de ces entreprises.
Figure 44 : la concurrence est rude entre les
différents fournisseurs de semences
3. Les acheteurs
Les acheteurs sont le plus souvent des exportateurs qui envoient
ensuite les produits vers la France, l'Angleterre, l'Allemagne, les pays
d'Europe du Nord...
Il y a un petit nombre d'acheteurs et ils se connaissent
tous. Il y a un effet de concurrence entre eux puisqu'ils revendent
eux-mêmes les produits, ils cherchent donc non seulement à avoir
les prix les plus bas mais aussi à faire en sorte que les autres
achètent à un prix plus haut. Il y a aussi un effet d'entente de
petits groupes d'acheteurs, qui peuvent se mettre d'accord pour obtenir de
meilleur prix.
4. Les semilleros
Les semilleros peuvent être considérés
comme pratiquant une activité agricole : ils sont chargés de
produire les plantules d'une dizaine de centimètres à partir des
graines et d'effectuer les greffes. Il y a 2 entreprises de semenciers sur la
zone mais les agriculteurs peuvent aller assez loin pour trouver un bon
semencier. Certains fonctionnent comme des entreprises, avec un grand nombre de
salariés, d'autres sont familiaux.
5. Les banques
L'activité bancaire a beaucoup d'importance dans
l'agriculture d'Almeria. El Ejido est l'endroit d'Espagne où se trouve
la plus grande concentration de banques (et de casino). Les agriculteurs sont
dépendants des banques et l'endettement est très important. La
grande rentabilité de l'agriculture pousse à investir et à
prendre des risques.
6. Les communautés d'irrigants
S'il reste encore quelques puits privés d'eau
très salée, la majeure partie de l'eau est gérée
par des communautés d'irrigants. Ils existent un grand nombre de petites
communautés surtout sur les puits aux abords du fleuve Andarax, et de
très grande comme la communauté de « la buena union
» qui gère la source de Viator ou « las quatros vegas
» qui recycle les eaux urbaines.
7. Les pouvoirs publics
La délégation provinciale de l'agriculture est
chargée de suivre les agriculteurs. En vérité il y a
très peu d'intervention de la part des pouvoirs publics, le pouvoir
politique des agriculteurs et des coopératives est tel qu'il n'y a pas
vraiment de contradicteurs, à part chez certains syndicats d'ouvriers
agricoles. Le suivi technique est complètement assuré par les
coopératives.
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