II.2. Les méthodes
d'analyse des manuels
Nous interdisant de nous fier aux apparences que
reflète le secteur d'enseignement congolais, qu'elles soient positives
ou négatives, nous recourons à la technique d'analyse de contenu
qui nous permet de scruter profondément l'objet réel de notre
étude. En effet, les échecs et la déperdition scolaires
nous semblent d'autant plus familiers en RDC que porter un jugement de valeur
à ce sujet sans faire usage d'un outil d'appréciation sûr
nous ferait tomber dans le piège de la « compréhension
spontanée ». Ainsi à la suite de Laurence Bardin
(2001), il est question, pour nous, de « démasquer l'axiologie
sous-jacente à des manuels scolaires », en notant qu'il s'agit
ici d'un cas de « communication duelle », donc du
« dialogue », et ceci dans le but de relever des
données fiables pour une déduction logique non hasardeuse.
« L'analyste a à sa disposition (ou
crée) tout un jeu d'opérations analytiques, plus ou moins
adaptées à la nature du matériau et au problème
qu'il cherche à résoudre. Il peut en utiliser une ou bien
plusieurs en complémentarité pour enrichir les résultats
ou accroître leur validité, et ainsi prétendre à une
interprétation finale fondée. Toute analyse objective a pour
souci d'étayer des impressions, des jugements intuitifs par des
opérations conduisant à des résultats fiables. »
(Bardin : 2001, p. 45).
II.2.1. Présentation du
corpus
Le souci de mesurer le début d'une formation justifie
pourquoi nous avons opté de travailler sur l'enseignement fondamental
qui est un moment crucial du projet éducatif de l'être humain.
Nous ne voudrions pas revenir ici sur le débat qui oppose les
psychologues au sujet de l'âge idéal pour l'apprentissage de L2.
Toujours est-il - et c'est là qu'un consensus peut être
relevé - que les « structures cognitives » qui
déterminent l'appropriation d'une langue (maternelle ou
étrangère) se développent pendant l'enfance (Giacobbe
1992). L'auteur présente à cet effet les points de vue de Klein,
Gaonac'h, Bruner... Le fait de dire, à la manière des
constructivistes, que dans le procès d'appropriation linguistique les
compétences métacognitives ont la primauté sur les
compétences cognitives ne va pas en contradiction avec cette
considération (Houdé 1992). L'enfant est de ce fait
disposé à apprendre une langue étrangère à
l'âge où il entame sa scolarisation. Aucun paramètre
(physique, physiologique, psychique ou psychologique) ne limite ses moyens de
réussite - si ce n'est un handicap révélé -
dès lors qu'il est placé dans des situations d'apprentissage
favorables. C'est tout l'intérêt du présent travail.
Nous avons choisi d'analyser deux manuels scolaires
utilisés dans l'enseignement primaire en République
démocratique du Congo. Nous souhaitions pouvoir étudier les
manuels de l'ensemble du cursus, mais l'abondance des matières à
traiter a décidé à l'encontre de notre désir,
compte tenu du temps que nous avons eu pour finaliser le présent
travail. Aussi l'entrance et le dénouement (pour ne pas dire le terme)
du cursus nous sont-ils apparus susceptibles de refléter l'image ou la
représentation des méthodes adoptées pour
l'enseignement/apprentissage du français dans le contexte congolais.
Notre corpus est donc constitué des manuels utilisés dans les
classes de première et sixième années primaires.
II.2.1.1. Le français en première année.
Livre de lecture
Le manuel de première année primaire est
l'oeuvre d'auteurs étrangers : Pierre Vanstraelen et Henri
Combelles (tous deux Belges). Nous avons analysé sa troisième
édition révisée, publié aux éditions de la
CEEC à Kinshasa et distribuée exclusivement par Médiaspaul
(une librairie du réseau catholique). La première édition
était publiée chez Hatier en 1988. Il est composé d'un
livre du maître et d'un livre de l'élève. Les auteurs le
présente comme une méthode d'apprentissage de la langue
française qui se fixe un double but : enseigner le langage (voir le
livre du maître) et enseigner la lecture.
Nous nous sommes évidemment intéressé au
livre mis à la disposition des élèves parce qu'il contient
les activités d'apprentissage. Le livre du maître contient en plus
de ces activités, des directives didactiques qui ne sont pas à la
portée des élèves. C'est un petit livre (20cm sur 5) de 96
pages, au papier blanc ordinaire de 80 grammages. Pour illustrer (Richaudeau
1979) les actions et autres faits linguistiques, le manuel présente des
dessins en noir et deux couleurs « d'accompagnement »
(rouge et grise). A noter que cette impression en noir sur papier blanc assure
tout de même le contraste visuel.
La structure du manuel est simple. On y trouve 75
leçons sans titre, dont la distinction apparaît dans la table des
matières qui, elle-même, ne porte pas ce titre ; c'est la
liste des « acquisitions » contenues dans le livre. Chaque
leçon reprend soit une lecture globale des mots, soit un, deux, trois,
quatre, parfois cinq graphèmes à étudier, soit une
révision. Au total, on dénombre 15 leçons de
révision qui interviennent après quatre leçons
d'apprentissage graphophonologique. Toutes les leçons sont reprises sur
une page, sauf les révisions dont les trois premières et la
dernière sont sur une page. Les graphèmes à étudier
sont isolés à l'encre rouge ou parfois écrit au
caractère script (le cas des graphèmes simples). Les textes
prévus pour des activités de consolidations et d'apprentissage de
la compréhension, portent des titres et quelques uns n'en ont pas. Ces
textes sont construits autour des thèmes puisés dans la
littérature et la culture locales. Toutes les activités ne sont
pas intitulées ; ce qui oblige un effort à déployer
pour en déterminer les limites. Les consignes apparaissent pour la
première fois dans la troisième leçon de révision
(p. 19) et le premier texte avec titre, sur la vingt-et-unième page
(17ème leçon).
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