UNIVERSITE PARIS III -
SORBONNE NOUVELLE
UFR DIDACTIQUE DU FRANÇAIS LANGUE ETRANGERE
PRATIQUE ET APPRENTISSAGE DU
FRANÇAIS
A TRAVERS L'ANALYSE DES MANUELS ET
L'EVALUATION
DES COMPETENCES LINGUISTIQUES EN MILIEU
SCOLAIRE :
CAS DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE EN R.D.
CONGO
Mémoire de Master 2 Recherche en Didactique du
français et des langues
Présenté et soutenu par
Willy ILUNGA NTUMBA
Sous la direction de M. Georges Daniel VERONIQUE
Professeur des universités
Année universitaire 2005-2006
DEDIDACE
A celui qui s'est éteint mais flamboie dans mon coeur
REMERCIEMENTS
Au seuil de cet exercice d'écriture, je voudrais
vivement exprimer des mots de remerciements à mon Directeur de
recherche, Monsieur Georges Daniel VERONIQUE, qui s'est impliqué avec
justesse et a su me tracer les sentiers qui m'ont conduit à la
finalisation du présent mémoire. A chaque fois qu'un obstacle
s'érigeait devant moi, ses conseils et ses directives m'apportaient
toujours « la solution miracle ».
Je ne peux passer sous silence l'apport incommensurable du
personnel enseignant de l'Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle ;
je pense spécialement aux professeurs affectés à l'UFR
Didactique du Français Langue Etrangère. Je remercie de vive voix
Monsieur Jean-Paul Narcy-Combes dont le séminaire
d'Epistémologie, que je ne cesse de considérer comme une
leçon d'initiation à la recherche scientifique, m'a aidé
à mettre en place la distanciation nécessaire à une
construction du savoir didactique.
J'exprime toute ma reconnaissance au Gouvernement
français qui, par le truchement de son Ministère des Affaires
étrangères, m'a accordé la bourse d'études qui me
permet d'accomplir ce devoir scientifique. Je dis particulièrement merci
aux autorités de l'Ambassade de la République française
à Kinshasa, à son Attaché culturel, Monsieur Yves JUAN,
ainsi qu'à tous ses collaborateurs. .
Je remercie enfin tous les miens qui me soutiennent d'une
manière ou d'une autre dans tout ce que j'entreprends.
L'auteur
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE 4
CHAPITRE I : POLITIQUES LINGUISTIQUES EDUCATIVES EN
RDC :
LA PART DU FRANÇAIS. 11
I.1. La situation sociolinguistique 11
I.2. La législation congolaise en matière des
langues 13
I.3. Le système éducatif congolais 17
I.4. Les programmes d'enseignement à travers l'histoire
21
CHAPITRE II : L'APPRENTISSAGE DU FRANÇAIS PAR LES
MANUELS SCOLAIRES CONGOLAIS
......................................................................26
II.1. Le processus d'apprentissage et ses corollaires 26
II.2. Les méthodes d'analyse des manuels 32
II.3. L'analyse du manuel de première année 42
II.4. L'analyse du manuel de sixième année primaire
59
CHAPITRE III : L'EVALUATION DES COMPETENCES LINGUISTIQUES
64
III.1. Compétence linguistique vs compétence de
communication 64
III.2. Population d'enquête 66
III.3. Présentation de l'outil d'évaluation et
déroulement du test 68
III.4. Résultats obtenus 71
III.5. Compétences linguistiques et habilités
à l'enseignement 78
CONCLUSION GENERALE 82
ANNEXES 84
BIBLIOGRAPHIE 92
TABLE DES
MATIERES..........................................................................98
INTRODUCTION GENERALE
L'enseignement/apprentissage du français en RDC
(République démocratique du Congo) est une pratique vieille de
plus d'un siècle. En fait, c'est depuis l'époque de la
colonisation belge - avec la création des premières colonies
scolaires vers 1892 - que l'autorité publique a décidé
l'enseignement du et en français au Congo. Dans un contexte où la
constitution lui reconnaît les fonctions officielles de langue de
l'administration (publique et locale), des relations internationales, de
l'enseignement, de la justice, des médias..., le français reste
une langue seconde pour les populations congolaises qui se l'approprient
particulièrement par la scolarisation.
1. Problématique et objet de
l'étude
Comment comprendre le mode d'appropriation du français
des locuteurs congolais et tracer les lignes maîtresses de la pratique de
cette langue en milieu scolaire, telle est la question fondamentale à
laquelle se propose de répondre la présente étude.
Au regard d'une situation sociolinguistique qui se
caractérise par un contact diglossique de plusieurs langues, il appert
naturellement plausible de parler de « français langue
seconde » (Chiss 1997) pour désigner la configuration de la
didactique du français s'inscrivant dans un tel cadre. En effet, les
jeunes Congolais vont à la rencontre de la langue française
lorsqu'ils entament le processus de leur socialisation par l'enseignement, au
moment où ils ont déjà acquis la pratique d'une autre
langue, leur « langue maternelle ». Sachant que s'ils n'ont
pas eu la chance de parler français en famille, ils feront
désormais face à « l'input
compréhensible » (Narcy 2005, p. 171) moins uniquement
scolaire. Car dans une certaine mesure, le français reste présent
dans leur environnement immédiat au travers de divers canaux de sa
diffusion, tels que la presse (écrite et audiovisuelle),
l'édition du livre, le cinéma, l'affichage, etc. Si l'on n'entend
pas parler la langue française chez soi ou dans la rue, on l'entendra
à la radio et à la télévision, on la lira dans des
journaux et des livres, sur des panneaux et des écriteaux...
Le système éducatif congolais a certes la
responsabilité d'enseigner le français en vue de pouvoir
enseigner et/ou apprendre en français. Il se doit aussi de procurer aux
apprenants la « compétence linguistique » requise,
qui serait à même de combler leur besoin de communication, donc la
« compétence de communication » (Moirand 1990).
Cette mission est assurée par le biais de la « didactique
institutionnelle » (Bailly 1997) qui se formalise dans les programmes
et les instructions officiels. William Mackey (1972, p. 158) indique notamment
que « [...] toutes sortes de notions, d'opinions et de dogmes [...]
ont des répercutions sur l'enseignement des langues, par le canal des
programmes généraux, par les manuels, par des directives
pédagogiques et les techniques d'enseignement. »
L'Etat et l'école - chacun en ce qui le concerne -
détiennent le pouvoir d'élaborer et de mettre en oeuvre, de
façon adéquate, le « dispositif »
d'apprentissage qui permette l'accomplissement de ce devoir éducationnel
(Pothier 2003). Il apparaît donc nécessaire de scruter
profondément ses méthodes.
Traditionnellement, l'enseignement reste un rôle
dévolu au maître. Ce dernier est appelé à choisir,
compiler, organiser des connaissances correspondant aux objectifs d'un public
précis, en faciliter l'appropriation, dans l'ultime but de l'aider
à construire son savoir, à acquérir son savoir-faire.
Les apprenants, qui composent ce public, doivent
intégrer des données reçues afin de modifier leur profil.
Ils subissent ainsi l'apprentissage qui est considéré comme
« un processus individuel mis en mouvement et rendu possible par
l'interaction avec un partenaire social » (Bange et al. 2005). Les
protagonistes à ce processus (enseignant et apprenant) ont en commun
l'objet de l'enseignement/apprentissage sur lequel ils agissent et au sujet
duquel ils interagissent, le français en l'occurrence, et l'outil de
conservation de cette matière, la méthode, leur sert de trait
d'union.
A défaut de saisir ici la formation et la
compétence de l'enseignant, et encore moins des éléments
qui caractérisent la motivation et l'aptitude de l'apprenant, nous
centrons notre intérêt sur la méthode parce qu'elle
« détermine ce qu'il faut enseigner en langue et comment on
doit l'enseigner » (Mackey 1972, p. 193). Galisson et Coste (1976) la
définissent comme « une somme de démarches
raisonnées, basée sur un ensemble cohérent de principes
ou d'hypothèses linguistiques, et répondant à un
objectif déterminé ».
Une méthode de langue c'est aussi cet auxiliaire
enseignant qui répertorie les ressources nécessaires à
l'apprentissage et à l'acquisition de ladite langue. En milieu scolaire,
son format papier, appelé « manuel », est un
« ouvrage [...] qui renferme l'essentiel des connaissances relatives
à un domaine donné, [tout spécialement] celles qui sont
exigées par les programmes scolaires » (Choppin 1998, pp.
666-669).
Pour cet auteur, le manuel scolaire, en tant que
« enjeu historique majeur », concourt à la
construction d'une certaine identité nationale. Cette conception
idéologique détermine l'implication irrévocable de l'Etat
dans la conception et la diffusion des manuels scolaires. Car tout projet
éducatif trouve ses repères valorisants à partir de ce
qu'il s'interroge préalablement sur la définition du type de
personne qu'il souhaite former, en prenant en compte les attentes et les
exigences de la société.
Et pourquoi réfléchir sur la nature et la
fonction des manuels scolaires pendant que les nouvelles technologies de
l'information et de la communication ont atteint le point culminant de leur
développement vertigineux ? Au moment où, ayant
dépassé l'ère du cédérom, la méthode
« plus intéressante », l'Internet, ce monde virtuel
des chats et MOOS (Multi-user domain, object-oriented) qui se concrétise
en offrant des situations de communication exolingue en temps réel, peut
jeter le pont entre l'immersion « sans papiers » et le
contexte scolaire, voit le jour (Aimard 2005) ?
En effet, n'ayant pas encore intégré d'autres
supports didactiques dans ce domaine, le système éducatif
congolais fait la part belle aux manuels scolaires dans la réalisation
du projet formatif.
Le rôle du manuel se révèle
indéniable, d'autant que l'enseignement d'une langue s'accompagne
toujours inévitablement de la transmission d'une culture dont les faits
doivent y être consignés (Chartrand et Paret 2005, pp. 174-175).
Il parvient à apporter la solution la plus commode, la moins
coûteuse, la plus ramassée, à la question d'une formation
minimale ciblée. Nous le définissons comme un livre dont le
contenu doit être étudié par l'élève pour
acquérir les connaissances que stipule le programme national
d'enseignement.
Alain Choppin (1992) nous renseigne sur la vieille tradition
du manuel scolaire dans le secteur enseignant ainsi que sur le caractère
séculaire de son contenu qui lui confère une fonction
référentielle de plus en plus importante dans la transmission ou
mieux dans la construction du savoir. Sa fonction est multiple : faciliter
l'appropriation des connaissances, autoriser des lectures plurielles,
évaluer l'acquisition des savoirs et savoir-faire...
L'enseignement/apprentissage du français dans les
premières institutions scolaires qui ont fonctionné en RDC
à l'époque coloniale, s'appuie sur des livres de lecture,
notamment, dans le but de transmettre la doctrine chrétienne, et de
véhiculer en outre la pensée du colonisateur. A l'époque,
les manuels d'apprentissage de la langue française (langue officielle de
la colonie) sont bilingues ; ils comportent des textes et des
activités partant de la langue du milieu pour l'enseignement du
français, usant ainsi de grammaire-traduction. Les auteurs belges de ces
manuels étaient « inépuisables dans l'invention de
stéréotypes louangeurs à l'adresse de Léopold
II » (Vinck 2001). L'auteur écrit à ce sujet :
« En 1908, le livret de lecture des Trappistes
à Bamanya conclut comme suit: "Vous avez appris à lire pour que
vous ayez le moyen de lire le catéchisme" (p.33). [...] L'école
étant confessionnelle, il n'y a pratiquement pas de distinction à
faire entre un livret d'église (livret de prière, Bible,
catéchisme) et d'école (lecture, calcul, etc.). Les livrets
d'église étaient utilisés comme livres de lecture et les
livres de lecture contenaient dans une très large mesure des
instructions religieuses. »
Le choix que nous portons sur l'analyse des manuels scolaires,
se justifie par le fait qu'un manuel, de par son essence, doit
« être posé comme moyen de favoriser un meilleur
enseignement/apprentissage du français » et
« facteur d'évolution des représentations des
maîtres et des pratiques langagières des enfants »
(Verdelhan-Bourgade 2005).
Pareil postulat se décline hypothétiquement de
la manière suivante :
- l'appropriation du français langue seconde
répond aux impératifs d'un cadre où interagissent
constamment l'apprenant, l'enseignant et l'institution ;
- la qualité de l'enseignement est tributaire des
instructions conçues et édictées par l'institution, de la
compétence de l'enseignant à respecter ces instructions, mais
aussi de la capacité de l'apprenant à comprendre et à
reprendre les contenus de l'interaction ;
- regroupées dans le programme, les instructions
institutionnelles se reflètent dans le manuel qui, bien
élaboré et utilisé à bon escient par le
maître, permet à l'élève de construire
véritablement son savoir.
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