PARTIE 2: QUELLES STRATEGIES LES ENTREPRISES OUEST
AFRICAINES POURRAIENT-ELLES ADOPTER POUR TIRER PROFIT DU SECTEUR DES
TELECOMMUNICATIONS?
Face à cette situation où le développement
des télécommunications et la dépendance économique
s'entremêlent et qu'il est difficile de faire la part des choses, il
revient aux dirigeants des opérateurs africains et aux gouvernements
africains de repenser la privatisation afin d'adopter des stratégies qui
leur permettent de tirer profit du développement du secteur des
télécommunications. L'adoption de ces stratégies passe par
la mise en place de solutions alternatives ou parallèles à la
privatisation des télécommunications.
I. Solutions alternatives ou parallèles aux
privatisations : repenser les privatisations
Faut-il toujours privatiser de la même façon en
adoptant les mêmes stratégies ? Les stratégies de
privatisations peuvent belle et bien être changées ou
adaptées à la situation économique et aux besoins actuels
et primordiaux de l'Afrique. Il est dons temps pour définir une nouvelle
stratégie de privatisation qui consisterait à remettre en cause
le processus actuel et penser à le remplacer. Pourquoi se cantonner
à une seule stratégie si elle ne permet pas de fournir les
résultats escomptés ? Se seraient refuser le changement pour
s'ouvrir à de nouvelles perspectives, ce qui est contraires aux
réalités du monde actuel. Reprendre l'intégralité
du processus revient donc à définir une nouvelle
stratégie, cherche d'autres modes de financement mais aussi
redéfinir la durée de mise en oeuvre. Plus de deux ans comme
c'est le cas de CAMTEL au Cameroun. Renforcer le rôle de
négociation de l'état et son pouvoir de décision. Une
première étape de la mise en place de nouvelles stratégies
serait une remise en cause des modes de financement actuels
1. Remise en cause des modes de financement actuels
L'Afrique doit repenser les modes de financement des
infrastructures de télécommunications pour un réseau
africain fiable et indépendant. Pour cela il va falloir mettre en cause
les modes de financement actuels. Les organismes financiers internationaux
comme la FMI et la Banque Mondiale, pour financer les projets de financement
des
télécommunications africaines leur imposent des
conditionnalités qui ne font que alourdir la dette des pays africains et
augmenter leur dépendance financière envers les pays du Nord. Il
est alors temps de mettre fin à ces modes de financement et s'interroger
sur l'utilité de fonds existants comme World Tel de l'UIT, les fonds de
solidarité comme le fonds Nelson Mandela et le fonds de
solidarité numérique. Les dirigeants doivent négocier avec
les banques locales comme la banque africaine de développement (BAD), ou
la banque arabe pour le développement économique de l'Afrique
(BADEA) pour la mise en place une coopération permettant de
générer des moyens de financements. Repenser les financements
actuels consiste également à éviter les opérations
qui font perdre à l'Afrique des sommes d'argent colossales. Le
système du «call-back» fait perdre aux opérateurs
africains énormément d'argent. La somme est estimée
à plus de cinq cent (500) millions de dollars par années.
Imaginez que cette somme serait réinvestie dans les
télécommunications africaines pour le développement des
réseaux africains. Au bout de quelques années, cela pourrait
avoir un impact positif et remarquable sur toute l'économie africaine.
L'Afrique doit également procéder à des
négociations avec les pays du Nord pour prendre des mesures consistant
à rétablir la répartition des taxes dans les
communications internationales à 50/50 comme avant la réforme de
1998. Notons que cette réforme a été décidé
unilatéralement par les Etats-Unis pour rompre avec l'ancien
système de réparation des taxes correspondant au coût des
appels téléphoniques internationales. Cet accord international,
en vigueur depuis plus d'un siècle proposait la répartition
équitable de la taxe entre l'émetteur et le récepteur. La
raison évoquée par les Etats-Unis pour réviser la taxe de
répartition était « le déséquilibre croissant
entre le trafic sortant et le trafic entrant aux Etats-Unis qui aurait
engendré pour les opérateurs américains un déficit
de plus de six milliards de dollars par
an ». Pourtant, une bonne partie de ce déficit
était provoquée par les pratiques des opérateurs
eux-mêmes qui proposaient aux abonnés du monde entier des
solutions illégales dans la plupart des pays, le call back ainsi que le
routage (passage de la communication par un pays tiers aux tarifs plus
compétitifs. (Quéauh Ph 1999). Si la répartition
équitable de la taxe de répartition fait perdre aux
opérateurs américains plus de six milliards de dollars par
année, elle rapporterait à l'Afrique de deux à cinq
milliards de dollars par année selon les experts économiques.
Donc les pays sous-développés compensent la perte des pays
développés. C'est vraiment la jungle ! Mais cela ne doit pas
pousser les gouvernements africains à baisser les bras. Ils doivent
aller de l'avant, essayer de négocier, de faire pression sur les autres
au lieu de subir la pression tout le temps. C'est vrai que les pays
développés ont plus de pouvoir de négociation que les pays
africains, mais cela ne constitue pas une raison pour avoir peur de
négocier en défendant ses intérêts. Ils ne doivent
pas non plus accepter des conditions à leur défaveur même
si cela leur fait perdre certains avantages sur le court terme. Tout ou presque
se joue sur le long terme dans ce monde de plus en plus globalisé.
L'Afrique doit tout faire pour mettre fin à la dépendance
technique dans les télécommunications afin de pouvoir
gérer elle-même le trafic intraafricain actuellement assuré
à l'extérieur du continent et qui coûte aux
opérateurs africains plus de quatre cents (400 millions de dollars) par
an selon l'UIT.
Il existe bien alors des moyens pour développer les
télécommunications africaines en évitant la
dépendance. Le chemin sera long mais ne faudrait- il pas se donner la
peine de le parcourir car il en vaut la peine.
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