II. Néocolonialisme ou ouverture mal
maîtrisée à l'international?
Après la signature de l'accord de l'OMC sur la
libéralisation des télécommunications en 1987, la
commission européenne élabore le livre vert marquant
l'entrée des télécommunications dans la
déréglementation, la même année. Au Etats-Unis le
thème des autoroutes de l'information fait son apparition avec
l'adoption du High Performance Act en novembre 1991. La promotion des
télécommunications est à l'ordre du jour aux Etats-Unis,
en Europe c'est la conquête de nouveaux marchés qui fait grand
jour. Où vont-ils aller chercher ces nouveaux marchés ? Les
multinationales européennes reprennent le chemin de l'Afrique. France
Télécom met en place alors un dispositif pour l'Afrique. Quelques
années après l'entrée en vigueur de la
déréglementation des télécommunications, les
télécommunications françaises sont engagées dans
une période de réforme interne pour préparer la
déréglementation. Les directives européennes relatives
à la mise en oeuvre de la déréglementation doivent
être respectées et l'ouverture du marché des
télécommunications devient
imminente. L'heure est alors à la préparation de
l'ouverture des marchés qui sera accompagnée d'une concurrence
plus que jamais vive. France Télécom déjà
présente en Afrique par l'intermédiaire de sa filiale France
Câble Radio, décide de renforcer sa présence dans cette
zone mais également dans d'autre région du monde notamment eu
Europe. Cette nouvelle expansion de la multinationale française de
télécommunications a pour but de compenser les pertes
susceptibles de parts de marché. France télécoms se
transforme alors en entreprise commerciale qui ne se limite plus à
garantir les services publics. La protection des ses parts de marchés et
la quête de nouveaux parts de marchés font désormais partie
des ses objectifs premiers. France Télécom, issue d'une
administration publique chargée de la coopération avec les pays
« amis » en l'occurrence les pays d'Afrique rompt petit à
petit avec la coopération avec ses anciennes colonies pour « faire
du business ». Elle va utiliser une stratégie offensive qui
consiste à prendre des parts de marchés dans les capitaux des
opérateurs historiques. Mais rappelons que le choix des
opérateurs porte sur les opérateurs les plus rentables. C'est le
début de la concurrence. Le dispositif français pour l'Afrique
est bien réfléchi. France Télécom commence par
renforcer sa présence en augmentant le poids de sa filiale France
Câble Radio. En effet France Télécom s'organise avec la
SOFRECOM (Société Française d'Etudes et de
Réalisation
d'Equipements de Télécommunications) pour en faire
une filiale. Elle a désormais deux filiales sur le terrain qui vont
préparer l'entrée de la société mère sur le
terrain. Ce choix stratégique qui consiste à racheter la
société qui faisait concurrence à sa filiale constitue un
instrument puissant de la politique d'expansion de France Télécom
à l'international. France Câble Radio élabore une
stratégie en Afrique pour développer ses parts de marché.
Une stratégie qui n'a pas eu beaucoup de succès du fait de son
caractère déloyal. Rappelons que les activités de France
Câble Radio étaient plutôt orientées vers les
communications internationales. Toujours sous la pression des organismes
financiers internationaux à l'image de la Banque Mondial certains
gouvernements des états africains avaient entrepris le regroupement au
certain d'une même société des activités de
télécommunications sur le réseau national avec celles sur
le réseau
international. France Câble Radio en profitait pour mettre
en oeuvre sa stratégie de conquête de parts de marché.
Partout où elle détenait une part du capital des
opérateurs africains, ses dirigeants jouèrent sur le
pourrissement des opérateurs locaux et le poids de la dette envers
France Télécom pour tenter d'augmenter leur part du capital en
échange de l'annulation de la dette. C'était une façon de
mettre la pression aux dirigeants des opérateurs africains pour une
cession du capital par la voix la plus bénéfique pour eux.
Plusieurs scénarios de ce genre ont été
enregistrés. Cette stratégie de France Câble Radio a
soulevé la colère de beaucoup de dirigeants africains. L'heure
est alors à l'adoption d'une autre stratégies de cession du
capital des opérateurs africains par voix normale : la privatisation.
Cette fois-ci c'est France Télécom qui s'encharge pas ses
filiales. Les premières privatisations marquent en effet la
régularisation de la présence des compagnies des anciennes
colonies sur le territoire africain. Ce retour des anciennes colonies peut
être interprété de différentes façons.
S'agit-il d'un retour du néo-colonialisme ou de la faiblesse des
opérateurs africains à affronter la concurrence
étrangère.?
L'Europe est de retour en Afrique encore plus forte que jamais
car elle a un point fort sur lequel elle n'hésite pas d'appuyer pour
avoir de l'Afrique ce qu'elle veut. Ce point fort c'est la question des dettes.
L'Afrique succombe sous le poids de ces dettes et doit faire face à la
pression internationale. La dette de l'Afrique envers la France était
tellement élevée que toutes les communications internationales
avec l'Afrique transitaient en France avant d'atteindre leur destination.
Même les appels entre pays africains poursuivaient le même
parcours. Alors quelle dépendance!
Quelles sont les conséquences de cette privatisation
inachevée dans certains pays et bloquée dans d'autres ? La
première conséquence de la privatisation est le renforcement de
la présence des multinationales européennes dans le territoire
africain. L'opérateur français France Télécom,
Vivendi, Telefonica, Deutsch Telekom. Prenons l'exemple de France
Télécom qui est présente dans beaucoup de pays africains
comme le Botswana, le Cameroun, la Côte d'Ivoire et le Madagascar. Dans
ces
pays le label Orange prend de la place et remplace les marques
locales. Une autre conséquence est la naissance de multinationales
« africaines» ou pseudo africaines comme ORASCOM, CELTEL, MTN,
VODACOM et TELKOM. Mais la question qui se pose est de savoir si ces
multinationales sont réellement africaines d'autant plus qu'elles sont
sous le contrôle des multinationales européennes. Ces
dernières contrôlent le marché, s'emparent des parts de
marché les plus importantes et exportent les bénéfices
à leurs pays respectifs. Par conséquent le développement
des télécommunications africains est tenu par les multinationales
puis que ce sont eux qui contrôlent tous. Imaginons que les
multinationales retirent leurs capitaux. Etant donné qu'elles sont pour
la plupart du temps majoritaires dans la cession du capital, les
opérateurs africains risqueraient de manquer de capitaux. Dans cette
perspective la dépendance financière est évidente. Pis
encore cette dépendance s'accompagne avec une dépendance
technique. Les réseaux africains étant encore faibles, les
réseaux européens servent de relais d'autant plus ils sont des
hubs satellitaires vers le réseau international. A quand la naissance de
satellites africains pour un réseau africain qui n'aurait pas besoin de
coup de pouce. Pourtant les bénéfices issus des
télécommunications pourraient servir à développer
le réseau africain pour la mise en place de réseaux
d'interconnexion panafricains fiables. Mais si une partie est exportée
une autre versée dans les caisses de l'état, le
développement des télécommunications dépendrait
toujours de l'extérieur. Cette dépendance technique
entraîne la dépendance économique et le cercle vicieux
continue.
Ça ne s'arrête pas là car les
dépendances s'accumulent. Qu'en est-il de la coopération
publique. Le secteur n'est plus géré directement par les
autorités publiques par conséquent les pays ne coopèrent
plus dans ce domaine. Toutes les négociations se font entre dirigeants
des opérateurs. En outre chaque pays travaille au service de ses
opérateurs pour faire d'eux les champions. En France l'Agence
Française de Développement (AFD) remplace le «bureau de
Télécoms » au Ministère des Affaires
Etrangères. Des actions ont été mises en place pour
soutenir les agences de régulation ou favoriser le développement
des nouvelles technologies
comme le plan ADEN. Le développement inéquitable
des télécommunications est là, sans appel. L'UIT (Union
Internationale des Télécommunications) a-t-elle failli à
son rôle fondamental, le développement équilibré des
télécommunications pour garantir le droit de communication
à tous les citoyens du monde. A cela s'ajoute le poids important des
multinationales qui jouent un rôle important dans l'économie
mondiale. Leur poids économique est d'autant plus important qu'il leur
confère une influence politique non négligeable. Ce poids
politique important des multinationales fait que les états et les
organismes internationaux se tournent vers eux, influencés par leur
pouvoir politique. Un exemple patent est le cas de «
Académies» CISCO qui détient la quasi-totalité du
marché des routeurs. Pourtant elle est promue et cofinancée par
l'UIT.
A côté de ces conséquences non souhaitables,
il y a des conséquences positives. La première est la progression
de la télé-densité qui est passée de (à
chercher). Cette progression de la télé-densité trouve son
explication dans le développement rapide de la téléphonie
mobile. La demande du marché évolue également du fait du
besoin énorme de communication. Longtemps victime de la « fracture
téléphonique» les gens profitent de la
téléphonie mobile plus facile d'accès que le
téléphone fixe. Ce boom de la téléphonie mobile
ralentie le développement du fixe. Les réseaux d'infrastructures
pour le fixe se dégradent dans certaines zones. La
téléphonie mobile est privilégiée car elle est
jugée prédatrice d'investissement et de ressources. Le fixe est
ouvert à la concurrence alors qu'il reste des réseaux à
construire pour raccorder les zones
reculées. Notons que les concurrents s'intéressent
aux niches et aux secteurs les plus rentables sans contraintes de service
public ni de pression des autorités publiques. Qui va alors garantir le
service minimum universel si l'état se trouve dans une position dans la
quelle il est quasiment dépourvu de ses pouvoirs d'autorité
publique et n'est plus en mesure de garantir certains services publics à
une partie de la population. Imaginez-vous un pays où la
téléphonie mobile est presque le garant des communications
téléphoniques ? On serait tentait de dire que le «tout-
mobile » n'est pas la bonne solution d'autant plus que les réseaux
fixes et
mobiles doivent être complémentaires. Les
réseaux fixes sont même indispensables dans la mesure où
ils offrent une grande évolutivité à l'image de l'ADSL,
mais ils sont également nécessaires à l'acheminent des
appels mobiles. Par exemples dans les zones où les réseaux fixes
sont faibles où inexistantes, les habitants ont du mal à recevoir
des appels à leurs téléphones portables à cause de
l'état médiocre du réseau. Au moment où le Mobile
« 3G» se déploie dans certaines zones d'autres souffrent d'un
manque de développement équilibré et rationnel. Quel
paradoxe!
Le recours au téléphone portable pour satisfaire
les besoins de communication pèse lourd sur le budget des
ménages. Les
communications restent très chères d'autant plus
que les mobiles pallient les insuffisances du fixe. Ces ponctions sont encore
plus accentuées par le système des cartes
prépayées. En s'offrant cette communication payée
chère, certains habitants se privent d'autres nécessités.
La baisse de certains prix est due plus à l'évolution de la
technologie qu'à une prise en compte du pouvoir d'achat des populations
locales. Les zones rurales sont celles qui souffrent plus de l'absence des
lignes fixes. Elles sont délaissées. Au Sénégal
où la privatisation a plus de succès, seulement 50% des villages
sont reliés aux réseaux fixes et mobiles confondus. Qu'en est-il
du rôle de l'état en ce qui concerne l'aménagement du
territoire ? Il est complètement dessaisi de sa politique
d'aménagement du territoire. Il est dessaisi de son pouvoir de corriger
les inégalités sociales et géographiques. Quand les
inégalités sociales se creusent et que l'état est presque
incapable de faire quelque chose, force est de constater que si
l'indépendance politique est acquise celle économique laisse
à désirer.
L'exemple de la Gateway international Unique de la
République Centrafricaine. Cet exemple illustre bien le caractère
néocolonialiste des privatisations des télécommunications
en Afrique. Laquelle Gateway International Unique donne aux opérateurs
nationaux fixes et mobiles, ainsi qu'aux opérateurs internationaux
« un point d'accès unique mutualisé pour l'ensemble des
communications échangées avec l'étranger ». Cette
initiative a été opérée grâce à un
constat économique qui se résume d'une part à la situation
géographique de certains pays
enclavés et d'autre part aux effets pervers
résultant de la « libéralisation brutale et non
maîtrisée » de l'accès aux
télécommunications internationales. Dans ces pays
enclavés, aux budgets maigres, les opérateurs nationaux
consacrent une bonne partie de leurs ressources de financements à
l'achat d'équipements très chers mais aussi à la location
d'accès satellitaires internationaux qui appartiennent bien entendu aux
pays riches. Par conséquent la libéralisation de l'accès
aux télécommunications internationales a causé une
situation paradoxale d'appauvrissement du secteur des
télécommunications dans certains pays comme le Centre Afrique.
Cet appauvrissement est causé en général par des pertes
d'économie d'échelles qui s'expliquent par le recours individuel
des opérateurs à des solutions satellitaires qui n'ont pas
été compensé par les gains d'efficacité. Le
ministre des Postes et Télécommunications Chargé des
Nouvelles Technologies de la Centrafrique explique que « les
économistes européens qui ont prôné la
réforme des télécommunications au niveau international
n'ont pas pris en compte le fait que le développement des réseaux
des télécommunications des pays en voie de développement
repose sur les revenus
d'interconnexion téléphonique entrante payés
par les opérateurs internationaux, et notamment par les
opérateurs des pays développés ». En effet
l'introduction d'une concurrence totale sur l'interconnexion internationale a
par conséquent fragilisé les opérateurs des pays en voie
de développement à résister à l'écrasement
des prix payés par les grands opérateurs internationaux. Cet
effondrement des prix a été encouragé par les
opérateurs des pays développés. Leur stratégie a
été d'encourager cet effondrement en favorisant ainsi la maison
mère au détriment des filiales, les opérateurs africains
privatisés. «Le paradoxe économique », selon les termes
du ministre Centrafricain des Postes et Télécommunications est
que la concurrence sur l'accès à l'international a permis une
baisse drastique des prix des appels internationaux au bénéfice
des consommateurs des pays riches, mais en appauvrissant les opérateurs
des pays en voie de développement.
Dans de nombreux pays la privatisation s'est
déroulée sous la forme d'une privatisation partielle avec
partenaire stratégique. L'expérience montre que beaucoup
d'opérateurs africains privatisés sous cette forme ont
rencontré certains problèmes. Le problème principal commun
à tous les opérateurs est le non respect des cahiers des charges.
Par conséquent les services publics ne sont pas assurés. Dans
cette situation le désengagement de l'état est notable dans la
mesure où il a confié le fonctionnement des services publics
à des organisations qui se ne se soucient que de la maximisation du
profit au détriment des populations locales. Qu'en est-il du pouvoir de
négociation de l'état ? L'état a donc était
dépouillé de son pouvoir de décision pour le bon
fonctionnement des services. Il se trouve alors dans une situation où il
est incapable de d'assurer lui-même ou de faire assurer le fonctionnement
des services minimum. Le contrat de gestion échappe à son
contrôle du fait de l'absence de transparence dans la gestion. Dans cette
situation d'insécurité, dans la mesure où l'état ne
décide plus ou presque du fonctionnement d'une partie des services
publics, la sécurité nationale est mise en cause. Dans la plupart
des pays de l'Afrique Subsaharienne, les services de bases sont peu ou pas
assurés ; moins d'un téléphone pour cent habitants n'est
pas rare dans certains pays. L'objectif principal de la privatisation devrait
être de garantir le service minimum public. Les pays de cette
région restent donc confrontés à un énorme
problème d'investissement pour garantir le service minimum. Or les
partenaires stratégiques préfèrent mettre l'accent sur les
services les plus rentables et donc pas sur les services de base. Ainsi dans la
sous région on peut noter quelques cas de figure. Pour le cas de la
Guinée et du Ghana, le partenaire stratégique avait exigé
et obtenu 50% du capital des opérateurs historiques dans ces pays. Les
conséquences sont aujourd'hui alarmantes. Tandis que TELENOR a
été appelé pour secourir le Ghana, la Guinée elle
est toujours confrontée à des problèmes de réseau.
En Côte d'Ivoire la couverture du territoire pose un problème
à France Télécom, partenaire stratégique. Pourtant
la couverture du territoire national était bien dans les cahiers des
charges. L'on peut se poser la question de savoir comment une multinationale
comme France Télécom peut trébucher à couvrir un
territoire aussi réduit que celle de la Côte
d'Ivoire ? Et bien la réponse est simple et trouve être un
problème d'investissement donc je parlais plus haut. Le simple fait de
couvrir le territoire n'est pas assez rentable pour France
Télécom ce qui explique sa préférence d'investir
sur d'autres services jugés plus rentables : Services aux entreprises
privées et particuliers. Le cas du Sénégal reste
exceptionnel et un peu particulier. La privatisation de la SONATEL est
qualifiée de succès. Mais il serait
prudent d'aller chercher les raisons de cette réussite.
Elle n'est pas en réalité due au partenaire stratégique
mais à un ensemble de dispositions qui avaient été prises
par le Gouvernement sénégalais et les responsables
de la SONATEL. Qu'est-ce qu'ils ont fait en réalité
? Depuis 1994 le gouvernement et les responsables ont mis en place des
exonérations sur les importations des équipements de
télécommunications. En outre, le paiement des factures dues
à la société est régulier et les
bénéfices ont été réinvestis. Il s'agit donc
là d'un effort et d'une volonté à faire avancer les choses
et cela appuiera nécessairement sur l'élaboration d'un plan de
développement des télécommunications. Il faut
néanmoins noter que France Télécom a quand même
appuyé sur les plans nationaux.
Au Niger, encore une défaillance sur le respect des
cahiers des charges est parvenue. DATAPORT, partenaire stratégique peine
à développer
l'infrastructure nationale conformément aux cahiers des
charges. Les cahiers des charges ont été respectés
à seulement 6%. Le mécontentement de la population s'ensuit mais
des solutions correctrices tardent à venir. Certains vont même
jusqu'à dénoncer la transaction et réclament le retrait
des licences qui ont été accordées à DATAPORT.
Au vu de toutes ces expériences, on ne peut pas
s'empêcher de remettre en cause le choix du partenaire stratégique
mais également le pouvoir de négociation des gouvernements des
pays africains.
Remise en cause du choix du partenaire
stratégique
La méthode pour le choix du partenaire stratégique
qui s'agit de faire recours à la voix d'appel d'offres devrait
être abandonnée et remplacer par une méthode qui consiste
à confronter les opérateurs historiques avec d'autres
opérateurs ciblés. Cette méthode de recrutement de
gré à gré d'un
partenaire stratégique permettrait une meilleure
transparence dans la négociation et donc une négociation
gagnant-gagnant où les contrats seront exécutés de bon
gré, les cahiers de charges respectés.
2. Dépendance économique ou perte
d'identité
Le label orange s'est imposé dans la sous-région
subsaharienne, cette uniformisation des marques du groupe est-il comparable
à une perte d'identité des marques locales ? Par
l'intermédiaire de sa filiale Sonatel, France Télécom
s'impose dans la région ouest africaine. Le label Orange qui a
remplacé toutes les marques commerciales de la Sonatel depuis novembre
2006 s'impose désormais comme une marque régionale. Elle est
présente dans neuf pays de la région à savoir la
Guinée Bissau, le Mali, la Guinée, le Botswana, la Côte
d'Ivoire, la Guinée équatoriale, le Madagascar, le Cameroun et
bien évidemment le Sénégal. Ce déploiement de la
Sonatel en Afrique peut être considéré par certains comme
caractéristique de la naissance d'un nouvel opérateur
régional. Mais soyez prudent car si on y voit de plus prés et
avec plus de recul, l'on constate que ce phénomène n'est rien
d'autre que le reflet du
renforcement de la présence étrangère dans
les télécommunications ouest africaines. En effet, France
Télécoms détient 42, 33% du capital de la Sonatel. Ceci
est le résultat direct de la privatisation des opérateurs publics
ce qui a entraîné l'ouvert à la concurrence du
marché de la téléphonie mobile en Afrique. Cette ouverture
à la concurrence internationale a livré le secteur aux
multinationales, surtout européennes au moment tous les pays et surtout
riches essayent de protéger leurs secteurs d'activités les plus
rentables et fragiles à la concurrence internationale. Cette situation
témoigne d'une double dénationalisation. D'une part des
entreprises privées à l'image des multinationales
européennes remplacent les opérateurs publics africains qui
étaient censés être les garants du service minimum pour
tous les citoyens. Ce qui laisse voir clairement le désengagement de
l'état qui laisse ses citoyens être servis par des entreprises
étrangères qui privilégient la maximisation du profit au
détriment du développement réel des
télécommunications dans la région. D'autre part, les
entreprises africaines perdent lamentablement leur identité au moment
où elles devraient privilégier la protection de leur
identité pour survivre. Cette perte d'identité aura
bien des conséquences qui peuvent être fâcheuses aussi bien
pour les entreprises, les hommes qui les dirigent et bien entendu sur le
management de l'entreprise africaine. En outre, la plus lourde
conséquence est d'ordre économique dans la mesure où cette
perte d'identité va favoriser la dépendance économique de
l'Afrique qui est déjà marquée en ce moment. L'exemple le
plus patent est la substitution des marques commerciales de la Sonatel par le
label Orange. Ces marques locales qui avaient été conçues
selon des critères culturels et pour une population spécifique se
trouvent être remplacées par des marques étrangères.
Mais les principaux responsables sont les dirigeants africains. A l'heure
où tous les dirigeants des autres régions du monde mettent
à l'ordre du jour la protection des économies nationales ou
régionales, ils se permettent eux d'opter pour la facilité en
confiant la gestion publique à des sociétés
étrangères. Ils appliquent naïvement les recettes
libérales que leur ont inculqué les institutions de Bretton Woods
en acceptant, sans contrepartie, de soumettre leurs économies aux
règles du libéralisme. Pourtant les puissances qui en sont les
portes drapeau, à l'image des européens et des américains,
se gardent bien d'appliquer sur leurs propres marchés. Dans une
situation pareille, on ne peut pas s'empêcher de s'interroger sur
l'avenir de l'Afrique en tant que puissance économique
indépendante.
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