PREMIERE PARTIE : LA REFORME DES TELECOMMUNICATIONS EN
AFRIQUE DE L'OUEST
La déclaration en 1997 lors d'une réunion qui avait
réunit à Ouagadougou les premiers ministres de plusieurs pays
francophones stipulait que la restructuration était «
incontournable pour prendre part à la globalisation de l'économie
». Le ton était donné et qu'il était alors tant que
l'Afrique subsaharienne s'engage dans un processus de restructuration des
télécommunications après avoir pris un retard important
par rapport aux autres régions du monde. Les réformes ont eu pour
but de redéfinir les modalités de fonctionnement du secteur par
la déréglementation, la libéralisation et la
privatisation. Cela dit que le secteur va être ouvert à la
concurrence en remplaçant les fonds publics par des fonds
privés.
Le retard de l'Afrique dans le secteur des
télécommunications a été longtemps
décrié. En 1996, le contient noir ne représentait que 2%
de l'ensemble du parc mondial des lignes téléphoniques avec une
télédensité inférieure à l'unité dans
74% des 46 pays de l'Afrique Subsaharienne. Le constat qui découle de
cette révélation est que le chemin qui reste à parcourir
pour doter l'Afrique d'un système de télécommunications
lui permettant d'accéder à la société de
l'information est long. L'inefficacité technique des réseaux est
alarmante, les tarifs élevés à cause de la nature
monopolistique du réseau par les opérateurs publics. Dés
lors la révision des prix internationaux à la baisse et la
correction de la structure interne des tarifs deviennent des
nécessités pour la compatibilité avec un environnement de
libéralisation mondiale et de concurrence. Les entreprises publiques
sont exposées à une concurrence multidimensionnelle grâce
aux nouvelles innovations technologiques et organisationnelles. Grâce
à l'évolution de la Recherche et Développement, la
convergence de la technologie des télécommunications et de
l'information est prometteuse et permet la
baisse du prix de la transmission de la parole.
L'évolution de la Recherche de Développement a également
permis le développement du cellulaire, ce qui permet une
réduction du volume des coûts fixes et les coûts
irrécupérables. Le développement de la
téléphonie mobile a entraîné une entrée
rapide d'opérateurs mobile dans le marché africain, ce qui a
engendré forcément une croissance rapide de la concurrence. Dans
ce nouvel environnement, les télécommunications africaines ont la
possibilité de réaliser des progrès rapides. Toutefois le
tassement de ces progrès nécessite des moyens de financement
extérieurs. Cette nouvelle donne crée l'exigence d'une ouverture
à des opérateurs privés souvent plus disposés
à investir.
Dés lors la réforme des
télécommunications est entamée de façon plus ou
moins lente selon les politiques économiques des pays. Dés le
début des années 1990, certains gouvernements des pays africains
commencent à prendre conscience des réalités et certains
se laissent davantage convaincre par l'idée des solutions jugées
durables que constitue la privatisation du service et l'intensification de la
concurrence. C'est alors qu'ils commencent à appliquer les nouvelles
formes de bonne gouvernance prescrites par les organismes financiers
internationales. C'est le début des vagues de privatisation en Afrique.
Lors de la première moitié des années 1990, la
privatisation s'est réalisée en majorité sous forme de
contrat de gestion ou d'assistance technique dans le respect des institutions
nationales déjà en vigueur pour d'autres grands services publics.
La privatisation n'avait donc pas commencé en réalité
d'autant plus que les télécommunications restaient encore un
service public sous les contrats de gestion ou d'assistance technique. Ce fut
qu'en 1996 que le mouvement de privatisation a réellement
commencé sous une forme impliquant une cession du capital. Les
premières entreprises africaines à ouvrir le capital public au
privé sont la Guinée en 1996, suivie du Ghana la même
année, de la Côte d'Ivoire, de l'Afrique du Sud et du
Sénégal un an plus tard. Au début de cette première
vague de privatisation, les candidats à la reprise n'étaient pas
nombreux. Le nombre limité des opérateurs internationaux
candidats à la reprise s'explique par plusieurs raisons. D'abord, les
candidats devaient remplir certaines conditions ou
critères. Ils devaient avoir les moyens financiers et les
capacités techniques pour faire face aux risques liés à la
situation économique et politique de l'Afrique. Sur le plan
économique, l'Afrique accuse un retard important et par
conséquent reste non attractive pour les investisseurs étrangers.
La part de l'Afrique dans les investissements directs étrangers (IDE)
reste très faible se plafonnant au environ de 3%. Sur le plan politique,
certaines régions du continent sont instables à cause des
guerres. Ce sont les raisons pour lesquelles le nombre des candidats est
réduit. Il se limitait à l'époque au environ de quatre
tels que France Télécom, Télécom Portugal,
Télécom Malaysia et Vivendi.
Cette période de privatisation des opérateurs
historiques coïncide avec la «vente aux enchères » de
licences pour le développement de la téléphonie mobile
permettant aux détenteurs d'entrer dans le marché du mobile et se
lancer dans la concurrence. Cette ouverture du marché de la
téléphonie mobile à la concurrence va entraîner plus
tard l'arrivée rapide d'opérateurs étrangers sur le
marché africain des télécommunications, le
développement de la téléphonie mobile étant plus
rapide de celui du fixe. Des ventes de licences ont même ont
été réalisées alors que le processus de
privatisation du fixe n'était pas encore scellé. C'est le cas du
Mali. En outre, les opérateurs africains les plus prometteurs entament
leur déploiement dans la région en achetant le capital de
certains opérateurs moins compétitifs à l'image du leader
africain MTN. Ce développement rapide de la téléphonie
mobile s'explique également par la faiblesse des réseaux fixes
africains qui, pour la plupart des cas ne couvrent pas les territoires
nationaux. Les lignes téléphoniques sont concentrées dans
les grandes villes à l'occurrence les capitales laissant les zones
rurales désertiques et peu ou pas connectées. Par exemple Dakar
abrite prés de 50% des lignes fixes du pays alors qu'il présente
moins de 10% du territoire national. Dés lors l'accès au
téléphone portable constitue un moyen de substitution du
téléphone fixe.
I. L'impact de la réforme des
Télécommunications en Afrique de l'Ouest
La réforme des télécommunications a permis
la libéralisation et l'ouverture du marché des
télécommunications à la concurrence. Cette
nouvelle donne sur le marché, auparavant exclusivement
réservé aux opérateurs historiques, va changer les choses.
Les opérateurs de tous les pays y compris ceux des pays
développés vont devoir affronter cette nouvelle concurrence
rapide et atroce. Les multinationales européennes, pour mieux affronter
cette nouvelle concurrence vont chercher en Afrique de nouveaux parts de
marché leur permettant de compenser les pertes subites sur leurs
marchés nationaux. Cette façon de prendre des mesures pour
affronter la concurrence internationale et préserver ses parts de
marché constitue un moyen efficace de répondre aux aléas
du marché mais également de faire face à l'environnement
extérieur. Mais faudrait-il avoir les moyens. Les opérateurs des
pays développés à l'image des multinationales
européennes, peuvent se le permettre dans la mesure ou elles ont les
capacités technique et financière. Qui va donc subir les
conséquences néfastes de la réforme des
télécommunications ? Bien évidemment les opérateurs
africains sont les moins bien placés pour affronter la concurrence et
tirer profit de la réforme des télécommunications. La
déréglementation mondiale des télécommunications a
un impact fort sur les opérateurs africains. Il constitue un choc
redoutable d'autant plus qu'elle les oblige à affronter une concurrence
dans le secteur des télécommunications plus vive que jamais. Une
concurrence qui défie même les opérateurs des pays
développés. Ils vont devoir changer de stratégies
d'approche du marché ou apporter des mesures correctrices à leurs
stratégies pour survivre. Le marché devient de plus en plus
contestable et le monopole d'état disparaît lentement.
L'état désengage de ses fonctions de garant de la gestion
publique dans le sens ou la privatisation du secteur public limite ses pouvoirs
de contrôle sur le fonctionnement des services publics dans le domaine
des télécommunications. En revanche, il a un autre rôle
à jouer qui s'avère difficile. Il doit protéger les
intérêts des consommateurs tout en garantissant un environnement
propice à la concurrence. Il faut entendre par protection des
intérêts des consommateurs l'élargissement de
l'accès au service universel. Autrement dit tout citoyen doit
accéder au téléphone à des conditions de prix et de
distance raisonnables. L'harmonisation du paysage des
télécommunications revient à l'état dés
lors que la concurrence s'installe dans la
téléphonie mobile. Les modalités d'attribution des
licences d'exploitation doit respecter des normes de concurrence pure et
parfaite et ne doivent donc pas être établies selon des choix
publics purement délibérés. La vente des licences
d'exploitation doit en effet refléter le niveau de la concurrence pure
et parfaite où tous les agents du marché sont traités de
façon égale sans favoritisme ni clientélisme. De
façon plus générale, le rôle de l'état doit
être de promouvoir une réglementation efficace qui reflète
l'objectif de la maximisation de l'utilité sociale. Dans cette
perspective, les agences de réglementation mises en place par
l'état doivent être gérées de façon efficace
et efficiente. La gestion de ces agences n'est pas donc une tâche facile
étant donné que le degré d'autonomie peut conditionner les
résultats attendus. Elles doivent avoir suffisamment d'autonomie pour
définir les modalités d'attribution des licences par appel
d'offre. Cela dit qu'elles ne doivent pas subir beaucoup d'influence de
l'extérieur leur obligeant à attribuer les licences sous des
conditions qui violent les lois du marché en favorisant certains agents
au détriments des autres. Les modalités d'attribution des
licences sont très importantes d'autant plus qu'elles conditionnent la
crédibilité du processus et l'intensité de la concurrence.
Le manque d'expérience pour certains pays africains dans ce domaine fait
que les qualités de transparence et d'impartialité font
défaut à quelques uns d'entre un. Une autre tâche qui
s'avère lourde pour les états africains vu la difficulté
de l'exécution reste l'établissement des règles
d'interconnexion susceptibles de faciliter la concurrence et de
développer les effets de club. Si la montée de la concurrence
conditionne la formation des tarifs, l'état doit tout de même
procéder à un réajustement des prix afin de
protéger l'intérêt des consommateurs.
Toutes ses tâches dont les états doivent faire face
constituent une partie des retombées de réforme des
télécommunications. Les réformes ne sont donc pas sans
conséquences sur les télécommunications en Afrique. Les
objectifs visés ont-ils été atteints ? Le secteur se
porte-t-il mieux qu'avant? Les opérateurs ouest africains sont-ils
devenus plus rentables? Quel est l'impact réel de ce
phénomène sur le fonctionnement des entreprises ouest africaines
de télécommunications. La réponse ou alors
une tentative de réponse à ces questions permet
d'évaluer l'impact de la réforme des
télécommunications sur les entreprises ouest africaines de
télécommunications. Des questions qu'il serait nécessaire
de trouver des réponses pour mieux percevoir l'impact des
réformes sur le secteur. Rappelons que les déterminants de la
réforme peuvent être résumés en quatre facteurs. Une
meilleure efficacité des réseaux africains qui épousent un
retard notable par rapport aux autres réseaux du monde. Donc, la
réforme permettrait une meilleure connectivité, des prestations
de service de meilleure qualité. En un mot un réseau africain qui
serait capable d'affronter la concurrence internationale. Cet objectif a
été mis en avant par l'Union Internationale des
Télécommunications (UIT). Dans le rapport de la Commission
Maitland en 1984, l'UIT prenait la mesure technique des défaillances
africaines en observant des délais de raccordements de plus de trois ans
et des perturbations sur le réseau.
Les organismes financiers internationaux ont obtenu ce qu'ils
voulaient. Leur forte pression sur les gouvernements africains pour une
restructuration des télécommunications a fini par porter ses
fruits. Cette démarche qui a longtemps rencontré des obstacles
politiques car les gouvernements africains ne s'étaient toujours pas
convaincus de la nécessité de s'engager dans un effort de
restructuration des télécommunications. L'Afrique y adhère
aujourd'hui avec quelques réticences ce qui explique les lenteurs
d'exécution et les difficultés d'application. La réticence
des gouvernements africains s'explique par le fait que le secteur des
télécommunications est généralement rentable
malgré le retard qu'il accuse par rapport aux autres régions du
monde. Il est d'ailleurs l'un des secteurs les plus rentables du continent. Les
gouvernements africains ne voulaient pas transformer l'environnement
économique et institutionnel du secteur. La peur du changement faisait
qu'ils ne voulaient pas affronter cette nouvelle réalité du
marché. Pourtant le discours politique laissait présager qu'ils
ont convaincu de la nécessité de tels changements mais ont peur
des conséquences qui pourraient en découler et qu'ils ne
pourraient pas maîtriser. Ces discours politiques avaient pour objectifs
de préparer les populations qui n'étaient pas encore prêtes
pour s'engager dans de telles réformes. Les populations locales
voyaient dans la privatisation un retour du
néocolonialisme et donc une dépendance économique. Elles
avaient peur notamment de perdre leur statut de fonctionnaire qui leur donnait
plus de sécurité. Dans beaucoup de pays africains des
salariés ont farouchement contesté les privatisations soutenues
par les syndicats nationaux. Dans certains pays comme le Sénégal
les salariés ont réussi à imposer des conditions pour que
la privatisation soit acceptée. Cela résulte à un accord
leur permettant de détenir 10% du capital de la nouvelle
société. Les pays africains convaincus de la
nécessité des réformes et désireux de tenter le
coût s'engagent dans la préparation des réformes en mettant
l'accent sur la mobilisation des populations. C'est dans cette perspective que
les ministres des télécommunications de plusieurs pays
francophones se sont réunit à Ouagadougou en octobre 1997 pour
parler de la nécessité de restructurer le secteur des
télécommunications dans la région. Ils avaient
déclaré que la restructuration était « incontournable
pour prendre part à la globalisation de l'économie et que le
processus de libéralisation et de privatisation était à
réaliser même si les sensibilités nationales étaient
à prendre en compte ».
1. Privatisation, déréglementation et
libéralisation
Il est important ici de rappeler les origines des privatisations
qui ont découlé de l'accord de l'OMC sur la libéralisation
des
télécommunications signé en 1987. Cet accord
a entériné l'ouverture des marchés européens. Les
opérateurs historiques sont contraints de partager leurs marchés
locaux sur lesquels ils étaient en situation de monopole. Par
conséquent les multinationales des pays développés se
préparent à la concurrence due à l'ouverture des
marchés. Au début des années 1990 ils s'adonnent à
des réformes nationales et adoptent des stratégies de
conquête de nouveaux marchés en dehors des marchés
nationaux pour compenser les pertes subies sur leurs territoires.
Du côté des pays africains le Fond Monétaire
International (FMI) fait pression pour l'ouverture du marché des
télécommunications, condition pour obtenir les prêts
d'ajustement structurel pour les pays africains. La privatisation des
opérateurs publics n'a jamais été un choix national
sauf
quelques exceptions. Le Sénégal est souvent
cité comme exemple. Les Offices et Postes des
Télécommunications (OPT) cédés par les anciennes
colonies après les indépendances constituent un moyen de
financement public non négligeable même si la qualité des
services n'était pas à la hauteur. Ils étaient des sources
de financement mais ils étaient dans une situation difficile à
cause des faiblesses du réseau mais également des
problèmes financiers liés aux endettements. Beaucoup de pays
africains se trouvent alors contraints de coopérer pour l'ouverture des
marchés. Les opérateurs africains se trouvent dans une situation
difficile caractérisée par la pression pour le remboursement des
dettes, et les réseaux faiblement développés. En outre,
l'indépendance des pays africains témoigne de la
séparation entre les exploitations des réseaux nationaux et
internationaux. Office des Postes et Télécommunications
(opérateur historiques des anciennes colonies françaises) et
France Câble radio, filiale de France Télécom prennent en
mains cette séparation en contrôlant les communications
internationales, la surveillance des politiques et des revenus.
Le début de la deuxième moitié des
années 1990 marque le début des premières privatisations.
En 1996, le processus des premières
privatisations est entamé. Il s'est fait en trois
étapes. Lors de la première étape les opérateurs
historiques des anciennes colonies prennent une part du capital des
opérateurs nationaux africains sans appel d'offre à l'image de
Portugal Telecom (allié à l'international de Telefonica
l'opérateur espagnol) au Cap Vert, Sao Tomé et Guinée
Bissau et France Telecom en Centrafrique et Madagascar. Les opérateurs
les plus prometteurs ont été partiellement privatisés avec
appel d'offre comme le Ghana, l'Afrique du Sud, la Côte d'ivoire et le
Sénégal. Le processus de privatisation a rencontré des
réticences dans des pays comme le Sénégal et la Côte
d'Ivoire où les salariés s'y opposaient avec
détermination. Ils ont finalement réussi à obtenir 10% du
capital de la nouvelle société. Il faut noter que le choix de
France Télécom au Sénégal s'est fait après
un échec de ne pas pouvoir trouver un accord avec l'opérateur
américano-suédois Télia qui proposait une offre aussi
intéressante que celle proposée par France Télécom
sauf sur la cession du capital sur une durée de 7 ans pour
Télia et 20 ans pour France Télécom. En
Côte d'Ivoire le choix de France Télécom a
été vivement contesté par la presse. A l'époque les
agences de régulation n'étaient pas encore mises en place ce qui
rendait la tâche plus difficile.
La deuxième phase de privatisation n'a pas
été facile. Deux cas de figure se présentent. Soit il
n'existe qu'un seul candidat comme au Niger, soit plusieurs candidats se
présentent l'un après l'autre et que finalement aucun d'entres
eux n'arrivent à payer le prix facturé. C'est le cas au Cameroun
où plusieurs preneurs ont décliné l'offre à
défaut de ne pas pouvoir payer. Dans le cas des opérateurs comme
le Ghana c'est le divorce entre le repreneur et les opérateurs
récemment privatisés. Pour le Kenya c'est l'impossibilité
de privatiser. Ces deux opérateurs préfèrent ou alors
mieux sont contraints de signer des contrats de gestion qui viennent prendre la
place à la vente de parts de capital. Certains opérateurs comme
le Mali ou le Burkina Fasso ont du mal à trouver un repreneur.
La troisième phase est caractérisée par
l'ouverture du téléphone fixe à la concurrence. Cette
ouverture du téléphone fixe à la concurrence s'est faite
selon un schéma préétabli exporté des pays
développés. Mais il faut savoir que la privatisation et la
levée du monopole dans le secteur des télécommunications
ont été possibles qu'après le développement d'un
fort service public et une modernisation des réseaux et l'usage du
téléphone dans les pays développés. Lors de cette
troisième phase le téléphone fixe est officiellement
ouvert à la concurrence. Notons cependant le paradoxe de cette
ouverture. Au moment de l'ouverture à la concurrence le service public
minimum n'est pas garanti dans la majeure partie des pays africains. Beaucoup
de villages restent sans être raccordés. Dans le cas du Mali une
licence a été attribuée à IKATEL pour concurrencer
la SOTELMA, opérateur historique, alors que la privatisation de cette
dernière n'était pas encore définitive puisqu'elle
traînait depuis prés de quatre ans. Cette lenteur dans les
démarches s'explique par la résistance interne à
défaut d'un repreneur fiable. Dans beaucoup de pays de la région,
malgré l'ouverture officielle de la téléphonie fixe
à la concurrence, l'opérateur historique détient encore le
monopole, la
concurrence étant plutôt basée sur la
téléphonie mobile. La loi tarde à produire ses effets
à défaut d'application adéquate.
La privatisation trouve être un désengagement de
l'état, une solution imposé de l'extérieur pour sortir du
sous-développement. Pourquoi les décideurs locaux veulent t-ils
se débarrasser des entreprises les plus rentables et prometteuses? Les
privatisations sont perçues comme étant préjudiciables aux
pauvres dans la mesure où ces derniers ne bénéficient plus
des subventions pour les services publiques de base. Qu'en est-il de la place
du citoyen dans la privatisation ? Qui a décidé de la
privatisation? Qui en bénéficie davantage ? Telles
sont des questions qu'il faudrait prendre soin de répondre pour
éclairer les décisions futures concernant les privatisations.
Comment la privatisation a été
planifiée et mise en oeuvre?
Les promoteurs de la privatisation sont convaincus qu'elle permet
de transformer des sociétés d'état au bord de la faillite
en sociétés privées, modernes, compétitives aussi
bien au niveau local qu'international. La nécessité des
privatisations si elles permettent une meilleure gestion de l'entreprise
africaine, est sans équivoque. Cependant son influence financière
et organisationnelle peut être considérée marginale en
Afrique du fait de la taille des entreprises privatisées, de leur
état lors de la privatisation, des modalités et du contexte de
leur cession.
1. Quelle analyse critique de la privatisation des
télécommunications en Afrique?
Les privatisations en Afrique s'effectuent le plus souvent dans
un contexte de flou juridique et réglementaire, en l'absence de cahiers
des charges méthodiques, sans véritable examen de la situation
respective des entreprises à privatiser, sans trop de soin
apporté à l'information des personnels, avec une opacité
certaine sur les modes de rétrocession au privé et une grande
indécision sur les objectifs poursuivis. L'exemple du Mali est notable.
Une licence pour la privatisation du téléphone fixe a
été vendue sans même que le processus de privatisation soit
terminé. Après
les indépendances, l'Afrique ne comptait quasiment que sur
le secteur public pour stimuler le développement économique en
raison de la faiblesse du secteur privé. Mais sous la pression des
organismes internationaux tels que la FMI et la Banque Mondiale pour la
libéralisation de l'économie, beaucoup de dirigeants africains
ont fini par adhérer à la privatisation, malgré eux. Ils
n'ont pas le choix. Dans une situation pareille les objectifs poursuivis sont
d'une plus grande indécision. Ils ont donc accepté de privatiser
espérant bénéficier de nouvelles technologies et de
nouvelles sources d'investissements leur permettant de moderniser et
d'étendre leurs réseaux. Il faut noter cependant que
jusqu'à présent une bonne partie de la population n'a pas
été encore connecté au réseau. Donc la
défaillance du secteur public est reflétée ici par son
remplaçant. Le service minimum n'est toujours pas garanti. Ce qui fait
penser que le réseau est étendu que pour la
téléphonie mobile.
Si l'ont constate que se sont toujours les mêmes
repreneurs, à l'image des multinationales européennes qui
gèrent aujourd'hui les anciennes entreprises d'état, l'on ne peut
pas s'empêcher de penser au retour du néocolonialisme. En l'espace
de 25 ans, la majorité des entreprises publiques africaines a
été cédée à des opérateurs
privés à majorité étrangère. Les
opérations de privatisations, conduites sous l'égide des
institutions financières internationales en l'occurrence la FMI et la
Banque Mondiale, ont-elles connu le succès escomptait si l'on sait que
l'argent généré par les télécommunications
n'a pas été investi dans le développement des
télécommunications. Une part est rapatriée au pays
d'origine du preneur et une autre partie a servi à payer les dettes des
états, sous les conseils de la FMI et de la Banque Mondiale. Reste
à voir si se sont réellement des conseils ou la persistance des
pressions qui ont permis de déclencher le processus de
privatisations.
Justifications de la privatisation
Il convient de rappeler ici les deux principales justifications
de la privatisation sur le plan économique. Il y a deux sortes de
justifications économiques de la privatisation. L'une est d'ordre
micro-économique,
l'autre macro-économique. Sur le plan
macro-économique, la privatisation contribue à rétablir
les grands équilibres, particulièrement au niveau du budget de
l'état. Au niveau micro-économique, la privatisation est
supposée apporter sur le plan technique une grande efficacité par
rapport à la gestion publique. L'entreprise privée du type
managériale met en place plusieurs garde-fous et de mécanisme de
contrôle et de meilleure circulation d'information à moindre
coût. L'entreprise publique quant à elle, crée un
environnement défavorable à l'efficacité économique
sur au moins quatre aspects : par sa situation de monopole qui lui fait
acquérir des comportements de retraités en vacances, face
à la concurrence ; par son faible degré de contraintes par
rapport à la faillite et à l'insuffisance de trésorerie ;
par son anémie envers la notion de risque et l'absence de
répartition claire de responsabilité en son sein ainsi que par
ses coûts de production exorbitants. Dans le cas de l'Afrique
Subsaharienne quelques réserves peuvent être émises
à l'encontre de ces deux types de justifications.
Ces deux types de justifications trouvent être
controversées pour le cas de l'Afrique Subsaharienne pour plusieurs
raisons. Puisque dans les états de l'Afrique Subsaharienne, certaines
questions macroéconomiques ne sont pas à l'ordre du jour, il est
difficile et même quasiment impossible de trouver réponses
à ses questions presque inexistantes. Qu'advient-il des secteurs vitaux
pour la population, non attractifs pour les investisseurs privés ? La
causalité entre l'entreprise publique et les déséquilibres
macro-économiques est-elle systématique ? Il semblerait que non
dans la mesure où la spécificité du système et les
structures politico-économique en Afrique en général ont
été trop vite négligées, notamment
l'économie de rente et le comportement des dirigeants d'entreprises
publiques. D'autre part, les fondements micro-économiques de la
privatisation relatifs à la comparaison entre entreprise privée
et entreprise publique, sont-ils adaptés à des pays où le
tissu industriel est quelque fois quasi inexistant ou souvent embryonnaire ?
Par ailleurs, le raisonnement centré exclusivement sur
l'efficacité économique ne dénie t-il pas une
redistribution des revenus nécessaires à un équilibre
social. Cet équilibre social n'est-il pas nécessaire pour le
succès de la privatisation ? Or le
retardement du raccordement téléphonique pour les
zones rurales constitue un déséquilibre entre ces zones rurales
et les zones urbaines. A cette dernière question, les faits permettent
de répondre positivement à court terme, mais la privatisation
demeure à long terme un facteur d'équilibre et de
régulation optimale. Cependant, au-delà de la
nécessité de la privatisation en Afrique, les stratégies
adoptées jusqu'ici, sont-elles les plus efficaces et judicieuses ?
N'était-il pas prématuré de déclencher le processus
de privatisation dans certains pays?
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