Fondements juridiques des dispositions relatives à la propriété industrielle dans l'accord d'association entre la Tunisie et la Communauté Européenne( Télécharger le fichier original )par Maher EL EUCH Université El Manar de Tunis - mastère professionnel en droit de la propriété intellectuelle 2008 |
PREMIERE PAR TIEUN CHOIx INITIAL AxES UR L'INTERNATIONALITELes dispositions relatives à la propriété industrielle trouvent leurs fondements essentiels dans des règles d'origine internationale. Outre les relations avec les règles et principes du droit international général, tels que la bonne foi et pacta sunt servanda qui s'appliquent à tous les accords internationaux, ces dispositions se distinguent par l'importance de leur référence aux branches spécifiques du droit international. Un tel choix peut être explicite ou implicite. Pour le cas de l'accord d'association, et au moment de sa conclusion, la volonté des parties s'est orientée essentiellement vers le droit international économique (chapitre I) et le droit international de la propriété industrielle (chapitre II). CHAPITRE I- LES FONDEMENTS RELEVANT DU Les professeurs Carreau et Juillard distinguent entre la conception extensive et la conception restrictive du droit international économique. Selon eux, «dans sa conception extensive, le droit international économique comprendrait l'ensemble des règles qui régissent les opérations économiques de toute nature, dès lors que ces opérations se dérouleraient dans un cadre plus vaste que celui de l'ordre juridique d'un seul Etat... Dans sa conception restrictive, le droit international économique serait constitué par l'ensemble des règles qui régissent l'organisation des relations internationales économiques, c'est-àdire, pour l'essentiel, des relations macro-économiques par opposition à des relations micro-économiques ».7 Les mêmes auteurs ont précisé davantage la notion du droit international économique en le considérant comme étant « la branche du droit qui appréhende l'établissement des personnes et leurs investissements, le commerce international des biens et services ainsi que le financement de ces activités ».8 Deux principales disciplines juridiques peuvent constituer des règles de droit économique qui touchent au domaine de la propriété industrielle : le droit de l'Organisation Mondiale du commerce (section 1) et le droit conventionnel de l'investissement international (section 2) Section 1- Les fondements relevant du droit de l'OrganisationMondiale du commerce (OMC)Les enjeux de la recherche des fondements juridiques des dispositions de l'accord d'association relatives à la propriété industrielle dans le droit de l'OMC sont d'une importance majeure. Ainsi, l'applicabilité des accords de l'OMC permet de faire fonctionner les moyens contraignants à travers la possibilité offerte aux parties contractantes de recourir à l'organe de règlement de différends de cette institution. L'organisation Mondiale du Commerce9 est une organisation intergouvernementale instituée par l'accord de Marrakech conclu le 15 avril 1994 suite aux négociations 7 CARREAU (Dominique) et JUILLARD (Patrick). « Droit international économique », 2ème édition. Dalloz 2005. p 2 et 3. 8 Ibid. p 4. 9 Le site web de l'OMC est : www.wto.org commerciales multilatérales du Cycle d'Uruguay menées dans le cadre du GATT10. Elle constitue « le cadre institutionnel commun pour la conduite des relations commerciales entre ses Membres en ce qui concerne les questions liées aux accords et instruments juridiques connexes... »11. Les accords multilatéraux gérés par l'OMC touchent au commerce des marchandises (GATT 1994 et autres accords et instruments), au commerce des services (Accord Général sur le Commerce des Services : AGCS ou GATS) et à la propriété intellectuelle dans ses liens avec le commerce (Accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce : ADPIC ou TRIPs)12. Cet ordre qui figure dans l'accord de Marrakech ne va pas être respecté dans le cadre du présent travail. L'ordre proposé tiendra compte de la pertinence des liens entre les accords de l'OMC et les dispositions de l'accord d'association qui touchent à la propriété industrielle. Ces liens de fondements juridiques vont être respectivement recherchés à travers l'accord sur les ADPIC (§1), l'accord du GATT (§2) et l'accord du GATS (§3). §1- Les fondements se rapportant à l'accord sur les ADPIC13 L'accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) ou TRIPs (en anglais) figure parmi les résultats de l'Uruguay round. Il s'agit d'un accord multilatéral qui a été accepté par tous les membres de l'organisation sur la base du principe ou de la clause de l'engagement unique14. L'Accord sur les ADPIC « contient des dispositions détaillées sur l'application des droits et oblige tous les États contractants à introduire des mécanismes d'application efficaces, y compris des procédures civiles et administratives, des procédures pénales, des mesures à la frontière et des mesures provisoires. De plus, l'accord institue des mécanismes efficaces de règlement des différends dans les cas où une Partie contractante estime qu'une autre Partie contractante ne s'acquitte pas scrupuleusement des obligations qui lui incombent en vertu de l'Accord sur les ADPIC »15. 10 Il s'agit du GATT 1947 et non du GATT 1994 qui est juridiquement distinct du premier. Voir l'article II-4 de l'accord de Marrakech. 11 Article II-1 de l'accord de Marrakech 12 A côté des accords multilatéraux, l'OMC gère quatre accords plurilatéraux : l'accord sur le commerce des aéronefs civils, l'accord sur les marchés publics, l'accord international sur le secteur laitier et l'accord international sur la viande bovine. Ces accords ne sont obligatoires que pour les membres qui les acceptent. (Article II paragraphe 3 de l'accord de Marrakech) 13 Voir annexe 1 14 L'engagement juridique unique signifie que le résultat des négociations constituerait un « paquet unique » qui sera mis en oeuvre en tant que traité unique (Article II paragraphe 2 de l'accord de Marrakech) 15 Cours avancé (à distance) de l'académie de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle sur « le droit d'auteur et les droits voisin » : www.wipo.int Pour ce qui est de la propriété industrielle, la liste prévue par l'accord sur les ADPIC comprend les marques de fabrique ou de commerce, les indications géographiques, les dessins et modèles industriels, les brevets, les schémas de configuration (topographies) de circuits intégrés et la protection des renseignements non divulgués. Le point essentiel sur lequel nous voulons insister c'est que l'objet et la finalité de l'accord sur les ADPIC ne sont pas la protection des droits de la propriété intellectuelle (y compris la propriété industrielle) en tant que tels16, mais la protection de ces droits en leur rapport avec le commerce international. Cela a été expressément prévu par le préambule de l'accord qui prévoit ce qui suit : « Désireux de réduire les distorsions et les entraves en ce qui concerne le commerce international, et tenant compte de la nécessité de promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle... ». Après cette brève présentation de l'accord sur les ADPIC, il convient d'analyser la nature de la relation entre cet instrument juridique international et l'accord d'association et démontrer comment cet accord pourrait constituer l'un des fondements juridiques des dispositions de l'accord d'association qui touchent à la propriété industrielle. Tout d'abord, nous pouvons constater que l'accord d'association ne s'est pas référé expressément à l'accord sur les ADPIC. En effet, aucune disposition de l'accord et des ses annexes ne contiennent le terme « ADPIC » ou « TRIPs ». Comment alors pouvons-nous déduire ce lien? Deux dispositions reflètent la volonté implicite des rédacteurs de l'accord d'association quant à la référence à l'accord sur les ADPIC : l'article 6 relatif à la mise en place de zone de libre échange (A) et l'article 39 relatifs aux standards de protection (B). A- la mise en place de la zone de libre échange et l'accord sur les ADPIC En vertu de l'article 6 de l' accord d'association, « la Communauté et la Tunisie établis sent progressivement une zone de libre-échange pendant une période de transition de douze années au maximum à compter de la date d'entrée en vigueur du présent accord selon les modalités indiquées ci-après et en conformité avec les dispositions de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 et des autres accords multilatéraux sur le commerce de marchandises annexés à l'accord instituant l'OMC, dénommés ci-après GATT ». Cet article est d'une importance capitale pour la mise en oeuvre du partenariat économique et commercial entre la Tunisie et la Communauté Européenne dans la mesure où il prévoit la libéralisation progressive des échanges commerciaux entre les deux parties 16 De tels droits sont protégés par d'autres conventions internationales auxquelles l'accord fait référence, comme par exemple, la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle. à travers la mise en place d'une zone de libre échange.17 « Le libre échange commercial est la principale proposition contenu dans les accords de Barcelone pour promouvoir la régionalisation » 18. La protection des droits de la propriété industrielle permet la facilitation du commerce entre les deux partenaires et assure l'effectivité de l'échange des avantages prévus par l'accord. Les marques de fabrique constituent, par exemple, un élément d'identification de l'origine des produits échangés. En outre, à côté du GATT, l'article 6 de l'accord d'association évoque les « autres accords multilatéraux sur le commerce de marchandises annexés à l'accord instituant l'OMC ». La question qui se pose est de savoir si l'accord sur les ADIPC peut être classé parmi les accords multilatéraux sur le commerce de marchandises ? Si nous nous basons sur un critère purement formel et nous nous référons aux quatre annexes de l'accord de Marrakech instituant l'Organisation Mondiale du Commerce, la réponse serait négative. En effet, L'annexe 1A relatives aux accords multilatéraux sur le commerce des marchandises énumère, à titre limitatif, le GATT et douze autres accords (accord sur l'agriculture, accord sur le textile et vêtements, accord sur les obstacles technique au commerce, accord sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce « MIC », etc.). En outre, toute une annexe (l'annexe 1C) a été réservée à l'accord sur les ADPIC. Toutefois, si nous nous basons sur le critère matériel, la réponse serait nuancée et les provisions de l'accord sur les ADPIC peuvent être considérées comme étant des dispositions qui touchent partiellement au commerce des marchandises. Dans cette logique, la relation entre l'objet de l'accord sur les ADPIC et le commerce des marchandises peut être déduite de son préambule qui reconnaît « la nécessité d'établir un cadre multilatéral de principes, règles et disciplines relatifs au commerce international des marchandises de contrefaçon ... ». La finalité essentielle de l'accord sur les ADPIC est la protection du commerce international du phénomène de la contrefaçon qui peut être considéré comme étant une entrave à la mise en place de la zone de libre échange prévue par l'article 6 de l'accord d'association. 17 La zone de libre échange est la forme primaire de l'intégration régionale. Les formes les plus évoluées sont l'union douanière et le marché commun. La possibilité de conclure un accord établissant une zone de libre échange entre les membres de l'OMC est prévue par l'article 24 du GATT et l'article 5 du GATS (AGCS : accord général sur le commerce des services) 18 KEBADJIAN (Gérard). « Economie politique du régionalisme : le cas euro-méditerranéen » in : Région et développement n° 19-2004, p.1 65. B- Les standards de protection et l' accord sur les ADPIC L'article 39 de l'accord d'association engage les parties à assurer « une protection adéquate et effective des droits de propriété intellectuelle, industrielle et commerciale en conformité avec les plus hauts standards internationaux, y compris les moyens effectifs de faire valoir de tels droits ». Cet article de base ne renvoie pas de façon explicite à l'accord sur les ADPIC. Il est donc nécessaire de procéder par analogie afin de rechercher les fondements des dispositions de l'accord d'association. Dans ce cadre, l'article 39 a utilisé deux termes qui sont clairement inspirés de l'accord sur les ADPIC. Le premier terme est celui de la « protection adéquate et effective ». L'obligation d'assurer une protection adéquate et effective, telle que prévue par l'accord d'association, n'est qu'une application du principe édicté par le préambule de l'accord sur les ADPIC et selon lequel il est nécessaire « de promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle ». En effet, si l'on compare les termes utilisés respectivement par les deux accords, le caractère adéquat de la protection suppose sa suffisance et son caractère effectif suppose son efficacité. Cette démarche peut être confirmée à travers les mécanismes fixés par l'accord sur les ADPIC pour la mise en oeuvre du principe de la nécessité « de promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellectuelle ». Ainsi, les deux points "c" et "d" du préambule prévoient « la nécessité d'élaborer de nouvelles règles et disciplines » et à travers la mise en place des « moyens efficaces et appropriés pour faire respecter les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce [... et] des procédures efficaces et rapides pour la prévention et le règlement, au plan multilatéral, des différends entre gouvernements... » Le deuxième terme utilisé par l'article 39 de l'accord d'association est celui de la «conformité avec les plus hauts standards internationaux ». Il s'agit là encore d'une référence implicite à l'accord sur les ADPIC. En effet, l'accord sur les ADPIC a été le plus souvent cité comme étant l'accord multilatéral le plus contraignant en matière de propriété intellectuelle. C'est un accord qui contient des dispositions relatives aux moyens de faire respecter les droits (partie III)19 et un mécanisme de règlement de différends (article 64).20 19 Ces moyens, tels que prévu par l'accord, sont : Les procédures et mesures correctives civiles et administratives, les mesures provisoires, les prescriptions spéciales concernant les mesures à la frontière et les procédures pénales. 20 Il s'agit des procédures du règlement de différends devant l'organe de règlement de différends de l'OMC et en vertu du mémorandum d'accord sur les règlement de différends. Lesdits éléments « font de l'accord ADPIC un des instruments les plus efficaces pour résoudre les problèmes liés à la violation des DPI »21. Toutefois, le terme de « plus hauts standards internationaux » nécessite une clarification dans la mesure où l'accord sur les ADPIC a été, à maintes reprises, conçu comme « standard minimum de protection ». Après avoir passé en revue les fondements des dispositions de l'accord d'association relatives à la propriété industrielle dans l'accord sur les ADPIC, une question mérite d'être posée : pourquoi les rédacteurs de l'accord d'association n'étaient pas explicites quand il se sont référés à l'accord sur les ADPIC ? La réponse à cette question peut être recherchée dans les enjeux des négociations de l'Uruguay Round qui ont donné lieu à la naissance de l'OMC et à l'intégration de la propriété intellectuelle dans le système commercial multilatéral. En effet, dans la phase qui a précédé la signature de l'accord de Marrakech, une résistance accrue a été manifestée par les pays en développement quant à l'accord sur les ADPIC. Un tel accord a été jugé trop contraignant pour ces pays et destiné à préserver et défendre les intérêts des pays développés et leurs multinationales22. Toutefois, les pays en développement (PED) aussi bien que les pays les moins avancés ont été obligés à accepter le compromis qui a permis la conclusion de l'accord instituant l'OMC et ce en vertu du principe de l'engagement unique susmentionné23. C'est cette susceptibilité vis-à-vis de l'accord sur les ADPIC qui peut expliquer le choix de ne pas le citer expressément dans les dispositions de l'accord d'association qui touchent à la propriété industrielle. Le deuxième accord multilatéral administré par l'OMC et qui est en rapport avec les fondements des dispositions relatives à la propriété industrielle dans l'accord d'association est le GATT. 21 Stratégie communautaire visant à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle dans les pays tiers (2005). 22 Pour ce qui est de la propriété industrielle, c'est surtout la protection par brevet d'invention qui a fait l'objet d'une telle résistance. Il s'agit notamment des deux questions de la biodiversité (brevetabilité du vivant consacrée par l'article 27-3b) et l'accès aux médicaments et santé publique (les limites de la protection des médicaments par le brevet d'invention et le traitement spécial et différencié des pays en développement). 23 Les critiques adressées par les pays en développement (notamment l'Inde, le Brésil et le Groupe Africain) et la société civile (ONG des pays développés) ont aboutit a deux acquis : la déclaration sur l'ADPIC et la santé publique dans le cadre du programme de Doha pour le développement en 2001 et la révision des dispositions de l'ADPIC qui touchent aux médicaments génériques (décembre 2005). §2- Les fondements se rapportant à l'accord du GATT Nous remarquons tout d'abord que les dispositions de l'accord d'association qui touchent directement à la propriété industrielle ne citent pas expressément l'accord du GATT. Toutefois, cet accord peut représenter l'un des fondements juridiques de certaines de ces dispositions. Le rapport peut être vérifié à deux niveaux : au niveau de la relation entre les exceptions au libre échange et la protection des droits de la propriété industrielle (A) et au niveau de la relation entre l'accord du GATT et l'accord sur les ADPIC dans le droit de l'OMC (B). A- Relation entre les exceptions au libre échange et la protection des droits de la propriété industrielle L'article 28 de l'accord d'association fixe les cas qui permettent aux parties contractantes de limiter ou d'exclure le principe du libre échange. Selon cet article, « L'accord ne fait pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale ni aux réglementations relatives à l'or et à l'argent. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les parties ». Les termes de l'article 28 nous rappellent la clause générale de sauvegarde prévue par l'article XX du GATT relatif aux exceptions générales. Ledit article prévoit ce qui suit : « sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, l'application par toute partie contractante des mesures [...] d) nécessaires pour assurer le respect des lois et règlements qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent accord, tels que, par exemple les lois et règlements qui ont traits à ... la protection des brevets, marques de fabrique et droits d'auteur et de reproduction et aux mesures propres à empêcher les pratiques de nature à induire en erreur ». Les exceptions, mesures et restrictions prévues par les deux accords sont, à l'origine, considérées comme des obstacles ou des barrières non tarifaires au commerce international. La possibilité de leur application n'est permise que pour des cas exceptionnels et à condition qu'elle soit nécessaire. De ce fait, l'application arbitraire et injustifiable de ces mesures permet de les requalifier d'obstacles non tarifaires.24 B- Relations entre l'accord du GATT et l'accord sur les ADPIC Deux dispositions de l'accord sur les ADPIC se référent au GATT. L'une est prévue par le préambule et l'autre par l'article 64. Ainsi, le préambule reconnaît « la nécessité d'élaborer de nouvelles règles et disciplines concernant l'applicabilité des principes fondamentaux du GATT de 1994 ». Quant à l'article 64, relatif au règlement des différends, il prévoit que « les dispositions des articles XXII et XXIII du GATT de 1994, telles qu'elles sont précisées et mises en application par le Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, s'appliqueront aux consultations et au règlement des différends dans le cadre du présent accord, sauf disposition contraire expresse de ce dernier ». Le troisième accord multilatéral dont certaines de ses provisions peuvent constituer des fondements juridiques des dispositions de l'accord d'association qui touchent à la propriété industrielle est l'accord du GATS. §3- Les fondements se rapportant à l'accord sur le commerce des services (AGCS) L'accord général sur le commerce des services (AGCS), ou le GATS en anglais, est l'accord multilatéral de l'OMC dont l'objet est la libéralisation du commerce international des services. Le GATS n'a pas présenté une définition des services. Toutefois, il définit le commerce des services par référence à ses quatre modes de fourniture. Selon l'article premier, « le commerce des services est défini comme étant la fourniture d'un service :
24 Les obstacles ou « les barrières non tarifaires sont des mesures ou des politiques gouvernementales, autres que les droits de douane, qui restreignent ou faussent le commerce international. Il s'agit, par exemple, de contingents à l'importation, de pratiques discriminatoires dans le domaine des marchés publics et des mesures visant à protéger la propriété intellectuelle. Ces interventions sont devenues des obstacles au commerce relativement plus évidents alors que les droits de douane ont été réduits au cours de cycles successifs de négociations commerciales multilatérales. » Source : http://www.dfait-maeci.gc.ca/tna-nac/MA-FAQ-fr.asp
Selon les professeurs Carreau et Juillard, « la prestation de services relève du domaine de l'immatériel ... les principales catégories de services méritant d'être retenus sont au nombre de cinq. Ce sont tout d'abord les opérations liées aux mouvements des marchandises et à la circulation des personnes (transports, voyages et tourisme). Ce sont, ensuite les opérations résultant des revenus du travail et du capital (salaires, pensions, dividendes, intérêts, droits d'auteur, ect.). Ce sont de plus les opérations d'assurances ainsi que les services bancaires et financiers. Ce sont enfin toutes les opérations [...] liées aux télécommunications et à l'informatique »25. Cette liaison entre les services et l'immatériel, d'une part, et la classification des services, d'autre part, a été affinée davantage par certains économistes. Ainsi, «Le premier sous-ensemble, le plus traditionnel, est celui des activités issues essentiellement de l'externalisation, par les ménages, d'activités domestiques et de transport : restauration, blanchis sage, hôtellerie, transport [...]. Le deuxième sous-ensemble au contraire est celui des activités informationnelles [...] ayant pour objet de produire des réponses et des connaissances autres que les connaissances simples : c'est le bloc d'activités dont la croissance est incontestablement la plus forte. Ces activités sont essentiellement immatérielles, requièrent le plus souvent des qualifications élevées à très élevées et comportent nécessairement une relation de service...».26 Partant de ces définitions et clarifications, il est permis de dire que les principaux liens entre les services et la propriété industrielle sont vérifiés aussi bien pour les activités traditionnelles que pour les activités informationnelles. Ainsi, pour la première catégorie, ce sont les marques de fabrique, de commerce et de services qui constituent le domaine privilégié de ces liens. Le mode de fourniture le plus fréquent est celui de la présence commerciale (le mode3) qui permet à une marque étrangère s'établir et d'avoir une filiale dans le pays hôte27. 25 CARREAU et JUILLARD, op.cit, pp 261-263 26 DE BANDT (Jaques), « réflexions sur l 'immatériel ». In « immatériel, nouveau concept », ouvrage collective sous la direction de jaques DE BANDT et Genevière GOURDET. Edition Economica. 2001, p 25 et s. 27 Le mode3 relatif à la présence commerciale est considéré comme forme d'investissement direct étranger prévue par l'accord du GATS. Sur ce plan, le GATS est analysé comme étant un accord qui touche à l'investissement international. Pour la deuxième catégorie relative à l'activité informationnelle, ces liens sont issus du caractère stratégique qu'occupe la propriété industrielle dans la vie de l'entreprise. Ainsi, la compétitivité des entreprises modernes dépend, de plus en plus, de leur actif immatériel, de leur investissement dans la recherche et développement (R&D) et de la bonne gestion et défense des droits de la propriété industrielle. La valorisation de ces droits (au niveau de la conception et de la mise en oeuvre) nécessite une certaine expertise juridique, technique, économique et comptable qui peut être classée dans la catégorie des « services aux entreprises ». Beaucoup de ces services sont fournis par des bureaux et des cabinets spécialisés dans le conseil et les études en propriété industrielle. Le mode le plus approprié pour la fourniture de tels services est le mode 4 relatif au mouvement des personnes physiques pour une durée limitée et pour des missions bien déterminées. Toutefois, le recours au mode 3, à travers la présence permanente des bureaux de conseil, reste possible compte tenu des potentialités offertes par le marché cible. Dans le cadre de l'accord d'association, le titre III intitulé «droit d'établissement et services» s'est référé à l'accord du GATS dans toutes ses dispositions. Lors de la conclusion de l'accord, le commerce des services n'a pas été intégré dans le processus de libéralisation des échanges entre la Tunisie et la Communauté Européenne dans le cadre de la zone de libre échange. L'article 31 stipule que « les parties conviennent d'élargir le champ d'application de l'accord de manière à inclure le droit d'établissement des sociétés d'une partie sur le territoire de l'autre partie et la libéralisation de la fourniture de services par les sociétés d'une partie envers les destinataires de services dans une autre partie ». Une « clause de rendez-vous » pour un premier examen de la mise en oeuvre de cet objectif a été prévue par l'alinéa 3 du même article qui a fixé une échéance d'«au plus tard cinq ans après l'entrée en vigueur » de l'accord. Cette échéance correspond à une date importante dans le cadre de l'OMC, à savoir l'ouverture des négociations multilatérales destinées à parvenir progressivement à un niveau plus élevé de libéralisation des échanges de services dans le cadre de l'OMC en date du 1er janvier 2000.28 Actuellement, des pourparlers sur la libéralisation du commerce des services et du droit d'établissement sont lancés entre la Tunisie et la Communauté. Les aspects qui touchent à la propriété industrielle peuvent faire partie des futures négociations. L'équilibre des concessions dans ce domaine nécessite la prise en considération des deux principes prévus par le GATS, à savoir la sélectivité et la progressivité. 28 Sur l'état d'avancement des négociations sur les services dans le cadre de l'OMC, voir : www.wto.org Outre leurs liens avec le commerce, les droits de la propriété industrielle peuvent constituer une composante importante d'un investissement international, d'où leur relation étroite avec les règles qui relèvent du droit conventionnel de l'investissement international. Section 2- Les fondements relevant du droit conventionnel de l'investissement international Le droit conventionnel de l'investissement international constitue l'un des fondements des dispositions de l'accord d'association qui touchent à la propriété industrielle. Il s'agit en fait des accords bilatéraux sur l'encouragement et la protection des investissements conclus entre la Tunisie et les pays membres de la Communauté. La référence au bilatéralisme interétatique est consacrée et validée par l'article 50 de l'accord relatif à la promotion et à la protection des investissements. Cet article mentionne que « La coopération vise la création d'un climat favorable aux flux d'investissements et se réalise notamment à travers(...) l'établissement d'un cadre juridique favorisant l'investissement, notamment par la conclusion, entre la Tunisie et les États membres, des accords de protection des investissements ... » La reconnaissance de ces accords bilatéraux par le droit communautaire est une manifestation des limites de la compétence de la Communauté Européenne en matière d'investissement international. Dans ce cadre, la Tunisie a conclu des accords bilatéraux avec ses principaux partenaires européens tels que la France (1997), l'Allemagne (1963), l'Italie (1985), l'Espagne (1991), la Belgique (1997), et les Pays Bas (1998).29 Les rapports entre les droits de la propriété industrielle et l'investissement international sont vérifiés au niveau de la notion d'investissement et au niveau de sa protection et de son traitement. Au niveau de la notion d'investissement, «les Accords bilatéraux d'investissement (ABI)... protègent les droits de propriété intellectuelle en incluant la propriété intellectuelle, les licences et les biens immatériels dans la définition de l'investissement... ».30 Au niveau de la protection et du traitement, le fait de citer les droits de propriété industrielle dans la liste des actifs qui peuvent constituer un investissement permet de faire 29 Source : ministère du développement et de la coopération internationale 30 « La propriété intellectuelle dans les accords d'investissement : les répercussions des mesures ADPIC-plus sur les pays en développement ». Document analytique Centre Sud. Mai 2005. P 5. Disponible sur : http://www.bilaterals.org/article.php3?id article=6495. bénéficier ces droits des règles de protection de l'investissement contre toute forme de dépossession et d'atteinte à l'exploitation (expropriation directe et indirecte). Elle permet aussi l'application des standards du traitement à ces droits ou à leurs titulaires. Il s'agit de deux types de traitement : le traitement non discriminatoire (traitement de la nation la plus favorisée «TNPF» et traitement national « TN »), d'une part, et le traitement juste et équitable «TJE», d'autre part. L'importance de la question du traitement de l'investissement dans sa relation avec les fondements juridiques de propriété industrielle est surtout vérifiée au niveau du traitement juste et équitable. En effet, et par rapport au traitement non discriminatoire (TNPF et TN) qui est touj ours prévu par une clause conventionnelle et peut subir des exceptions et limitations claires, le traitement juste et équitable est considéré comme étant un principe général qui ne connaît aucune exception. La précision de la notion du traitement juste et équitable telle qu'elle est prévue par les modèles européens nécessite le recours à d'autres sources du droit international dont, essentiellement, les principes du droit international et la jurisprudence arbitrale internationale. La référence aux principes du droit international est expressément prévue par la plupart des modèles. A titre d'exemple, le modèle français stipule que « chacune des Parties contractantes s'engage à assurer, sur son territoire et dans sa zone maritime, un traitement juste et équitable, conformément aux principes du droit international... ». Le terme « conformément aux principes du droit international » a besoin d'une clarification. S'agit-il des principes généraux du droit international ? S'agit-il du droit international coutumier ? A titre de comparaison et dans un souci de précision, le nouveau modèle américain du traité bilatéral sur l'investissement et les récents accords de libre échange conclus par les Etats-Unis associent le traitement juste et équitable au droit international coutumier et conventionnel. A côté du droit conventionnel, il est essentiel de rappeler le rôle qu'a joué la jurisprudence arbitrale internationale (dans le cadre de l'ALENA31 et du CIRDI32) pour l'identification de la notion du traitement juste et équitable. L'évolution de cette jurisprudence a permis une grande extension du champ d'application de ladite notion. Dans ce cadre, la non transparence de la législation du pays d'accueil a été considérée comme étant contraire au principe du traitement juste et équitable.33 Pour ce qui est des droits de la 31 Accord de Libre Echange Nord Américain (NAFTA en anglais) 32 Centre International de Règlement de Différends relatifs à l'Investissement 33 Sur l'ensemble de la question, voir : OCDE. « La norme du traitement juste et équitable dans le droit international des investissements », DOCUMENTS DE TRAVAIL SUR L'INVESTISSEMENT INTERNATIONAL Numéro 2004/3- Septembre 2004 propriété industrielle, et partant d'une conception large du principe du traitement juste et équitable associé à la notion d'expropriation indirecte, il est possible de considérer la protection insuffisante ou non effective des droits découlant d'une marque, d'un brevet d'invention ou d'un dessin et modèle comme étant un traitement injuste et non équitable de l'investisseur étranger titulaire de ces droits. Ces fondements relevant du droit économique international sont en rapport avec le caractère marchand des droits de la propriété industrielle. Cela ne touche en rien à leur nature de création de l'esprit, ce qui nous amène à la recherche des fondements qui relèvent du droit international de la propriété industrielle. CHAPITRE II - LES FONDEMENTS RELEVANT DU DROIT INTERNATIONAL DE LA PROPRIETE IND USTRIELLE Il est utile de préciser, en premier, que nous adoptons une définition stricto sensu du droit international de la propriété industrielle. Il s'agit des règles et dispositions que contient la Convention de Paris gérée par l'Organisation Mondiale de la Propriété intellectuelle (OMPI). Bien que la référence à cette convention par l'accord d'association ait été explicite (section 1), elle peut être déduite à travers le renvoi à cette convention par l'accord sur les ADPIC (section 2). Section 1- La référence explicite à la Convention de Paris La Convention de Paris est la première convention multilatérale qui touche au domaine de la propriété industrielle et qui a constitué l'Union pour la Protection de la Propriété industrielle appelée "l'Union de Paris". Ladite convention a été conclue en 1883 et a été révisée à cinq reprises. Elle comporte des dispositions qui traitent de certaines questions horizontales applicables à toutes les branches de la propriété industrielle et des dispositions spécifiques à certains types de droits. Les rédacteurs de l'accord d'association se sont explicitement référés à la Convention de Paris à deux reprises : dans la déclaration relative à l'article 39 et dans l'annexe 7. Dans la déclaration relative à l'article 39, l'objectif de la référence était la « bilatéralisation » de la défense des droits de la propriété industrielle sur la base de la concurrence déloyale (§1). Dans l'annexe 7 cet objectif se rapporte à la consolidation des engagements multilatéraux des parties contractantes dans le domaine de la propriété industrielle (§2). §1- « Bilatéralisation » des mécanismes de défense des droits de la propriété industrielle sur la base de la concurrence déloyale La déclaration commune relative à l'article 39 qui a fixé la liste des droits de la propriété industrielle a cité « la protection contre la concurrence déloyale selon l'article 10 bis de la convention de Paris ... » parmi les droits de la propriété industrielle. L'article 10 bis de la convention de Paris prévoit ce qui suit : « 1) Les pays de l'Union sont tenus d'assurer aux ressortissants de l'Union une protection effective contre la concurrence déloyale.
1° tous faits quelconques de nature à créer une confusion par n'importe quel moyen avec l'établissement, les produits ou l'activité industrielle ou commerciale d'un concurrent; 2° les allégations fausses, dans l'exercice du commerce, de nature à discréditer l'établissement, les produits ou l'activité industrielle ou commerciale d'un concurrent; 3° les indications ou allégations dont l'usage, dans l'exercice du commerce, est susceptible d'induire le public en erreur sur la nature, le mode de fabrication, les caractéristiques, l'aptitude à l'emploi ou la quantité des marchandises ». La concurrence déloyale a posé de multiples questions quant à son régime juridique et son autonomie par rapport à la responsabilité civile délictuelle et par rapport à l'action en contrefaçon fondée sur le droit de la propriété intellectuelle. Ce régime juridique ne s'avère pas être homogène dans les systèmes juridiques des Etats membres de la Communauté Européenne et même dans les droits nationaux de chacun des principaux partenaires économiques de la Tunisie. A titre d'exemple, la jurisprudence française « tire l'action en concurrence déloyale de l'article 1382 du Code Civil. Le concept ne serait donc pas révélateur d'un régime juridique, mais seulement d'une typologie de faute. [Toutefois], les tribunaux ont, de plus en plus, recours à l'idée de "trouble commercial" qui constituerait un préjudice autonome, indépendant d'un éventuel détournement de clientèle... »34. En doctrine, « d'autres fondements que la responsabilité civile délictuelle ont été avancés : propriété et éviction, déontologie professionnelle ou des marchés... Partant de la notion de détournement de clientèle, le Doyen Ripert n'a pas hésité à y voir une action à 34 Références doctrinales citées par CAPUT (Yves), « concurrence déloyale et parasitisme : complément ou substitut ». In « l'entreprise face à la contrefaçon de droits de propriété intellectuelle », colloque organisé par l'IRPI, Paris 17 décembre 2002. Edition LITEC 2003, p.29 finalité patrimoniale visant à protéger le fonds de commerce ou, à tout le moins, les forces vives de l'entreprise...En revanche, d'autres auteurs se réfèrent à la déontologie [et] invoquent une action qui serait de nature disciplinaire... »35. En droit tunisien, l'action en concurrence déloyale relève du droit civil. Elle est prévue par l'article 92 du code des obligations et des contrats "COC"). En tout état de cause, l'action en concurrence déloyale n'est pas un substitut à l'action en contrefaçon. Elle est un complément qui peut servir en cas d'épuisement des recours exercés sur la base de la contrefaçon des droits privatifs de la propriété industrielle. Le choix conventionnel, faisant appel à l'article 10 bis de la convention de Paris, reflète l'intention de donner une dimension bilatérale à une disposition prévue par une convention multilatérale. Cette transposition par la voie de « bilatéralisation » tend à éviter les disparités et à uniformiser le fondement juridique des recours juridictionnels exercés sur la base de la concurrence déloyale. Outre la technique de « bilatéralisation », les fondements du droit international de la propriété industrielle dans l'accord d'association peuvent être liés à la consolidation des engagements multilatéraux des parties contractantes en la matière. §2- Consolidation des engagements multilatéraux des parties contractantes dans le domaine de la propriété industrielle Selon les termes de l'annexe 7 de l'accord d'association, « les parties contractantes expriment leur attachement au respect des obligations découlant [de la] convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle dans l'acte de Stockholm de 1967 (Union de Paris) ». La première question qui peut être soulevée touche à la valeur juridique d'une telle disposition au niveau du droit international. Autrement dit, est-il juridiquement valable de rappeler, dans le cadre d'un accord bilatéral, « l'attachement (des deux parties contractantes) au respect des obligations découlant » d'une convention multilatérale à laquelle ces parties sont membres ? La réponse à cette question ne peut être que nuancée. En effet, le respect des accords internationaux et la bonne exécution des obligations qui en découlent trouvent leurs sources dans les principes prévus par la convention de Vienne sur le droit des traités et notamment du principe "pacta sunt servanda" et du principe de la bonne foi36. 35 Ibid, pp.30-31. 36 L'article 26 de la convention de vienne et intitulé « Pacta sunt servanda » stipule que « tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ». Il s'agit plutôt d'une disposition à valeur politique dont l'objectif est la consolidation des engagements multilatéraux des parties contractantes. La deuxième question est relative à l'identification des principales dispositions de la convention de Paris qui font l'objet de cette consolidation. Il s'agit essentiellement des principes et règles qui touchent respectivement au traitement national, au droit de priorité, à l'indépendance des brevets, aux marques notoires et aux marques de services. L'article 2 aliéna 1er relatif au traitement national contient la clause selon laquelle « les ressortissants de chacun des pays de l'Union jouiront dans tous les autres pays de l'Union, en ce qui concerne la protection de la propriété industrielle, des avantages que les lois respectives accordent actuellement ou accorderont par la suite aux nationaux » L'article 4 relatif au droit de priorité prévoit, dans son aliéna 1er, que « celui qui aura régulièrement fait le dépôt d'une demande de brevet d'invention, d'un modèle d'utilité, d'un dessin ou modèle industriel, d'une marque de fabrique ou de commerce, dans l'un des pays de l'Union, ou son ayant cause, jouira, pour effectuer le dépôt dans les autres pays, d'un droit de priorité... » L'article 4bis annonce le principe de l'indépendance des brevets. Selon son alinéa 1er, «les brevets demandés dans les différents pays de l'Union par des ressortissants de l'Union seront indépendants des brevets obtenus pour la même invention dans les autres pays, adhérents ou non à l'Union. L'alinéa 2 du même article affirme que « cette disposition doit s'entendre d'une façon absolue, notamment en ce sens que les brevets demandés pendant le délai de priorité sont indépendants, tant au point de vue des causes de nullité et de déchéance qu'au point de vue de la durée normale ». L'article 4quater relatif à la brevetabilité en cas de restriction légale de la vente spécifie que « la délivrance d'un brevet ne pourra être refusée et un brevet ne pourra être invalidé pour le motif que la vente du produit breveté ou obtenu par un procédé breveté est soumise à des restrictions ou limitations résultant de la législation nationale ». L'article 6 bis relatif aux marques notoires dispose dans son aliéna 1er que « les pays de l'Union s'engagent, soit d'office si la législation du pays le permet, soit à la requête de l'intéressé, à refuser ou à invalider l'enregistrement et à interdire l'usage d'une marque de fabrique ou de commerce qui constitue la reproduction, l'imitation ou la traduction, susceptibles de créer une confusion, d'une marque que l'autorité compétente du pays de l'enregistrement ou de l'usage estimera y être notoirement connue. » Enfin, l'article 6sexies relatif aux marques de service fixe une obligation selon laquelle « les pays de l'Union s'engagent à protéger les marques de service » et précise que ces pays « ne sont pas tenus de prévoir l'enregistrement de ces marques ». Cette consolidation du droit international de la propriété industrielle reflète le souci communautaire de renforcer davantage la protection de droits et de leurs titulaires. En effet, la clause du traitement national et la neutralisation des lois et règlements nationaux restrictifs, telles que prévues par la convention de Pais, constituent en fait une limitation du droit de règlementer qui est généralement reconnu aux pays en développement37 en vertu des règles de l'OMC. En outre, « le privilège » accordé aux marques notoires et la « protection automatique »38 des marques de services préservent plus les intérêts des pays développés dans la mesure où les marques notoirement connues sur le plan international sont généralement originaires de ces pays et les économies de ces derniers sont nettement plus compétitives dans le secteur des services. Les fondements relevant du droit international de la propriété industrielle peuvent être déduits à travers les renvois à la Convention de Paris prévus par l'accord sur les ADPIC. Section 2- Les renvois prévus par l'accord sur les ADPIC Dans un esprit de complémentarité, l'accord sur les ADPIC renvoie à la Convention de Paris dans certaines de ses dispositions. Outre l'article 2 qui annonce le principe général de la conformité à la Convention de Paris, d'autres provisions de l'accord traitent de certaines questions spécifiques telles que la prise en compte des exceptions au traitement national, l'application mutatis mutandis de la Convention de Paris, la possibilité du recours à la concurrence déloyale pour protéger et défendre certains types de droits et l'obligation de transparence. Le premier renvoi concerne le traitement national. L'article 3 stipule que « chaque Membre accordera aux ressortissants des autres Membres un traitement non moins favorable que celui qu'il accorde à ses propres ressortissants en ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle, sous réserve des exceptions déjà prévues dans [...] la Convention de Paris (1967)... » 37 Voir, à titre d'exemple, le préambule de l'accord du GATS qui prévoit ce qui suit : « Reconnaissant le droit des Membres de réglementer la fourniture de services sur leur territoire et d'introduire de nouvelles réglementations à cet égard afin de répondre à des objectifs de politique nationale... ». 38 Il s'agit d'un principe prévu par la convention de Berne sur le droit d'auteur et selon lequel la jouissance et l'exercice du droit d'auteur ne doivent être subordonnés à aucune formalité ni en dépendre (article 5.2) Le deuxième renvoi est relatif à l'application, mutatis mutandis, de certaines dispositions de la Convention de Paris. Il a été prévu par les articles suivants de l'accord sur les ADPIC : - l'article 16 relatif aux droits conférés stipule dans son alinéa 2 que L'article 6bis de la Convention de Paris (1967) s'appliquera, mutatis mutandis, aux services ». Il stipule dans son alinéa 3 que « l'article 6bis de la Convention de Paris (1967) s'appliquera, mutatis mutandis, aux produits ou services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels une marque de fabrique ou de commerce est enregistrée... ». - l'article 62 qui à l'acquisition et au maintien des droits prévoit dans son alinéa 3 que « l'article 4 de la Convention de Paris (1967) s'appliquera, mutatis mutandis, aux marques de service ». Le terme latin "mutatis mutandis" a été classé parmi ceux dont on n'a « pas encore réussi à trouver un consensus satisfaisant sur les divers sens accordés à une même expression ». Ainsi, selon certains auteurs, « le sens serait "les choses devant être changées étant changées", ou encore la périphrase "dans la mesure où ces dispositions sont applicables". « Ce changement d'éclairage entre la traduction littérale et une adaptation libre conduit à une autre interprétation de l'expression, qui se lit de la façon suivante : "Pour autant que ces dispositions s'appliquent..." »39. Dans un souci de clarté, la loi québécoise du 26 août 1977 a remplacé le terme "mutatis mutandis" par l'expression française "compte tenu des changements nécessaires" ou "compte tenu des adaptations nécessaires".40 Le troisième renvoi prévu par l'accord sur les ADPIC concerne la possibilité de recours à la concurrence déloyale pour certains types de droits non prévus par la Convention de Paris. Il s'agit précisément de la protection des indications géographiques41 et des renseignements non divulgués. Ainsi, pour ce qui est des indications géographiques, l'article 22 stipule dans son alinéa 2 que « les Membres prévoiront les moyens juridiques qui permettent aux parties intéressées d'empêcher: (b) toute utilisation qui constitue un acte de concurrence déloyale au sens de l'article 10bis de la Convention de Paris (1967) ». Pour les renseignements non divulgués, l'article 39 stipule dans son alinéa 1er qu'«en assurant une protection effective contre la concurrence déloyale conformément à l'article 10bis de la 39 Sparer. (M) et Shwab (W). « RÉDACTION DES LOIS : rendez-vous du droit et de la culture ». Conseil Canadien de la langue française, p.150. Disponible sur : http://www.cslf.gouv.qc.ca/publications/pubb101/B101 IIch3.html#note02 40 Voir le site Web : http://www.juripole.fr/traduction-juridique/Bulletins/sept-oct-2000.php 41 Les indications géographiques ont été définies par l'article 22 de l'accord sur les ADPIC comme suit : «des Indications qui servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire d'un Membre, ou d'une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique. » Convention de Paris (1967), les Membres protégeront les renseignements non divulgués [...] ». Le dernier renvoi touche à l'obligation de transparence. L'article 63 prévoit dans son alinéa 2 que « les Membres notifieront les lois et réglementations mentionnées au paragraphe 1 au Conseil des ADPIC pour l'aider dans son examen du fonctionnement du présent accord.... Par ailleurs, le Conseil étudiera à cet égard toute mesure qui pourrait être requise en ce qui concerne les notifications à présenter conformément aux obligations imposées par le présent accord qui découlent des dispositions de l'article 6ter de la Convention de Paris (1967) ». Tous ces fondements analysés dans le cadre de la première partie reflètent l'intention des parties contractantes, et notamment la partie européenne, de s'orienter vers les règles du droit international lors de la conclusion de l'accord d'association. Ce choix, axé sur l'internationalité, peut être expliqué par le fait qu'au moment de la conclusion de l'accord d'association (juillet 1995), les règles les plus contraignantes, notamment celle de l'OMC, étaient encore nouvelles. Après les crises successives du système commercial multilatéral42 et l'orientation des pays développés vers le régionalisme et le bilatéralisme, une tendance à la communautarisation de ces fondements dans une logique d'"ADPIC PLUS" marque la nouvelle politique communautaire dans ce domaine. 42 Notamment celles de Seattle 1999 et de Cancun 2003. |
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