La comptabilité générale ne
représente pas l'entreprise dans toute sa complexité ; elle n'en
fournit que des images, qui s'intitulent bilan, compte de résultat,
tableau de financement, etc. Les images comptables obéissent à
des postulats, des hypothèses, des choix et des conventions
d'observation, de quantification et de saisie du réel très
spécifiques ; postulats, hypothèses, choix et conventions
désignés sous le vocable générique et ambigu de
« principes » de la comptabilité1.
Ces principes sont nés historiquement de la pratique
comptable mais sont reconnus par la doctrine et, depuis peu, ont fait l'objet
de tentatives de normalisation et de réglementation.
La présentation de ces principes est commencée
par évoquer le célèbre principe de la partie double ; puis
le traitement des principes de quantification et enfin les principes
d'observation2. Cette présentation est également assez
arbitraire et il n'implique ni chronologie, ni hiérarchie
réglementaire ou doctrinale.
1. Le principe de la partie double
Ce principe qui règle la saisie de l'information en
comptabilité des entreprises, est peut-être son trait le plus
caractéristique. D'une certaine façon, il la définit
puisque aucun autre système d'information n'y fait appel. Il lui donne
aussi ses lettres d'ancienneté, en particulier par rapport à la
comptabilité nationale, puisqu'il a été inventé au
Moyen Âge et se trouve présenté dans l'ouvrage de Pacioli
(1494)3.
Cependant, c'est un principe dont la genèse empirique
reste complexe pour les historiens ; des explications de la partie double, sont
historiquement très nombreuses, mais à l'aube du XXIe
siècle. Deux interprétations ou rationalisations principales
subsistent concurremment, celle par les flux et celle par le patrimoine, qui
correspondent à deux conceptions du rôle de la comptabilité
générale des entreprises (technique auxiliaire de
l'économie, instrument d'aide à la décision), ou
algèbre du droit (outil de contrôle), aussi, à deux
conceptions de l'entreprise (agent économique ou entité
juridique).
1.1. L'explication par les flux
Cette explication, très influencée par
l'émergence de la comptabilité nationale et le
développement de l'analyse financière, repose sur l'idée
que la comptabilité des entreprises a pour rôle fondamental de
mémoriser des flux économiques nés d'opérations
d'échange. Et le principe de la partie double, conçu par
référence à la relation d'échange,
procéderait d'une classification duale systématique de ces
flux.
1 N.BOURAOUI, Op.cit, 1998-1999, p.12.
2 Cette classification, comme toute classification, est quelque
peu arbitraire : ainsi, le principe de continuité dont nous faisons
un
principe d'observation est aussi un principe de quantification
; de même, le principe de la partie double que nous isolons des autres
principes est aussi, d'une certain façon, un principe
d'observation puisqu'il implique une appréhension sélective du
réel. 3 B.COLASSE, Op.cit, 2001, p.45.
Une relation d'échange entre l'entreprise et un autre
agent, un achat de marchandises au comptant par exemple, donne en effet
toujours naissance à deux flux en sens contraire et de même
intensité.
Le principe de la partie double serait justement cet artifice
intellectuel qui consiste en définitive à noter l'arrivé
(emploi) et l'origine (ressource) d'un flux fictif unique pour enregistrer une
opération d'échange donnant naissance à deux flux, l'un
monétaire et l'autre réel, en sens contraire.
Mais il faut reconnaître que si cette
interprétation de la partie double se comprend bien en ce qui concerne
les opérations externes de l'entreprise, elle est beaucoup moins
immédiate pour les phénomènes et les opérations
purement internes et, en particulier, pour les phénomènes de
dépréciation et les opérations de virement ; pour ceux-ci,
l'analyse en termes de flux devient, par extension, une sorte de
théorème << tout emploi est financé par une
ressource, toute ressource finance un emploi *.
Les documents de synthèse valorisés par cette
approche sont le compte de résultat et le tableau de financement,
documents qui ainsi que nous le verrons enregistrent des flux.
1.2. l'explication patrimoniale
La seconde explication dominante pour présenter la
méthode comptable, assigne comme objet premier à la
comptabilité l'analyse et la mesure du patrimoine de l'entreprise, de sa
situation nette << 5 * en langage comptable ; concrètement, cet
objet est atteint à travers le bilan.
La situation nette est constituée d'une part, par
l'ensemble des biens et des droits détenus par l'entreprise, ce qu'il
est convenu d'appeler son actif << A *, et, d'autre part , par l'ensemble
de ses dettes << D * ; à l'instant << t *, elle se mesure
donc en faisant la différence entre la valeur de l'actif et la valeur
des dettes ; soit 5t = At - Dt.
Cette relation que vérifie un bilan (qui, de ce point
de vue, est toujours << équilibré *) est valable à
tout instant et doit donc être conservée par l'enregistrement
comptable. Ce serait là le fondement du principe de la partie double qui
peut alors s'énoncer de la façon suivante1 :
Tout mouvement affectant un élément quelconque
du bilan est nécessairement accompagné d'un mouvement inverse et
de même importance sur un ou plusieurs autres éléments, de
telle sorte que l'équation : A - ( D + 5 ) = 0 reste toujours
vérifiée.
Il faut remarquer que cette explication à l'histoire
contre elle dans la mesure ou le principe de la partie double est très
antérieur à l'objet qui lui est assigné : le bilan qui est
le support documentaire de l'analyse et de la mesure de la situation nette n'a
commencé à être confectionné systématiquement
qu'au XIXe siècle alors que, nous l'avons déjà
dit, l'enregistrement en partie double est né à la fin du moyen
Âge. Toutefois, elle a le mérite de souligner que les
comptabilités
des entreprises contemporaines font référence
à une vision de l'entreprise d'essence patrimoniale forgée au
XIXe siècle ; d'ou certaines de leurs limites quand il s'agit
de représenter les organisations complexes que sont les entreprises
contemporaines devenues groupes et réseaux, complexes et
fluides1.
Quelle que soit leur validité logique ou historique,
ces deux explications permettent au comptable contemporain d'enregistrer les
opérations de l'entreprise selon la tradition ; leur validité
opératoire est incontestable. Bien sûr, il existe des explications
mixtes qui combinent les deux précédentes.
2. les principes de quantification (ou de
mesure)
Il faut quantifier les opérations à
enregistrer, pour cela la comptabilité a recours à la monnaie, au
critère de valeur historique et à l'application du principe de
non compensation et de prudence.
2.1. Le principe de quantification
monétaire
Les flux et les stocks saisis en comptabilité sont
estimés en unités monétaires ;ce recours à la
monnaie comme mode d'estimation présente l'avantage, recherché
aussi par les économistes, de permettre l'agrégation des valeurs
d'objet très différents et donc l'homogénéisation
d'un tout hétérogène, l'entreprise.
Mais l'utilisation de la monnaie comme unité de mesure
n'est pas sans inconvénients2 :
- L'unité monétaire ne permet pas
d'évaluer certains éléments non marchands, ce qui conduit
la comptabilité à les ignorer, c'est le cas des aspects
liés à l'écologie et aux compétences des ressources
humaines ;
- L'unité monétaire n'est pas constante, elle
s'altère avec le temps ;
- L'unité monétaire diffère d'un pays
à un autre, ce qui pose le problème sa conversion. 2.2.
Le principe du coût historique
L'usage de la monnaie comme valorimètre suppose en
corollaire que choisi un critère de valeur, c'est en ce sens que l'on a
pu dire que la comptabilité est une projection de l'entreprise au plan
des valeurs3.
2.2.1. Les fondements du principe des coats
historiques
Jusqu'à la fin du moyen Age, la comptabilité
des entreprises servit essentiellement à constater des recettes et des
dépenses exprimées en monnaie courant. Pour autant, celle-ci
garde encore pour le comptable de la fin du XXe siècle de
puissants attraits : elle est simple et, à défaut d'être
utile pour tous, elle est fondée sur la réalité d'une
transaction et acquiert ainsi, ce qui est important d'un point de vue
juridique, un caractère certain ; enfin, argument circulaire, mais
à considérer cependant, elle est pratiquée universellement
par la profession comptable et tire sa force d'un consensus au moin
apparent.
C'est sans doute pour ces différentes raisons que la
réglementation, tout en évoquant d'autres critères,
confirme le critère du coût historique, a leur date d'entrer dans
le patrimoine de l'entreprise, les biens acquis a titre onéreux sont
enregistrés a leur coût d'acquisition, les biens acquis a titre
gratuit à leur valeur vénale et les biens produits à leur
coût de production.
2.2.2. Les correctifs du principe des coats
historiques.
Toutefois, si les coûts historiques constituent la
principale référence du comptable en matière
d'évaluation, ils n'en subissent pas moins quelques correctifs.
C'est ainsi que la valeur comptable des immobilisations
égale leur coût historique diminué de l'estimation des
dépréciations qu'elles ont subies depuis leur entrée dans
le patrimoine de l'entreprise. C'est ainsi encore, que le comptable en
constatant des provisions, corrige les valeurs historiques des biens
détenus par l'entreprise des pertes de valeur susceptibles de les
affecter.
2.3. Le principe de prudence
La prudence doit caractériser l'attitude de celui qui
élabore les états financiers, cette prudence n'a pas pour objet
de protéger les comptables mais plutôt les utilisateurs. La
prudence est la prise en compte d'un certain degré de précaution
dans l'exercice des jugements nécessaires pour préparer les
estimations dans des conditions d'incertitude, pour faire en sorte que les
actifs ou les produits ne soient pas surévalués et que les
passifs ou les charges ne soient pas sous-évaluées.
Selon ce principe, les diminutions de valeur (moins-values)
par rapport au coût historique sont prises en compte en
comptabilité par la constitution de provisions dès qu'elles sont
probables. Par contre, les augmentations de valeur (plus-values) par rapport au
coût historique ne sont pas comptabilisées avant leur
réalisation (minimum du coût historique et de la valeur actuelle).
L'application de ce principe répond aux obligations juridiques telles
que la protection des actionnaires et de la non distribution des
bénéfices fictifs.
2.4. la remise en cause du mode traditionnel
d'évaluation.
Le mode traditionnel d'évaluation comptable, une
application combinée des principes du coût historique et de
prudence, a fait l'objet de nombreuses critiques mais il a montré une
forte capacité de résistance à ces critiques.
2.4.1. Les
réévaluations.
Toutefois, il a dû être amendé dans les
périodes et les pays caractérisés par une forte inflation.
Il s'agit d'amener la valeur nette comptable de toutes les immobilisations
corporelles et financières au niveau de leur valeur actuelle.
2.4.2. L'évaluation des instruments
financiers à leur juste valeur.
Il s'agit, au sens large, des titres, des prêts, des
créances, des dettes, des produits dérivés..., ces biens
soient évalués à leur juste valeur1. La notion
de juste valeur est une notion qui dépend très étroitement
de l'existence de marchés financiers. On comprend donc que la
proposition de l'IASB fasse l'objet de forte réserves, notamment de la
part des pays dont les marchés financiers sont inexistants ou peu
développés. Par ailleurs, il s'agit d'un critère de valeur
très volatile dont l'application rendrait très instables les
comptes des entreprises et nuirait sans doute à leur compa ra
bilité.
2.5. Principe de non-compensation
Les éléments du bilan, à savoir les
comptes de l'actif et les comptes du passif et les éléments
d'état de résultat, c'est-à-dire les charges et les
produits, doivent être évalués séparément
sans aucune compensation.
3. les principes d'observation
Les principes d'observation du comptabilité sont les
principes qui sont assez directement liés à l'analyse et à
la mesure du patrimoine de l'entreprise ainsi qu'à sa variation
périodique appelée résultat, très
concrètement, ils sont trait à la fabrication des états
financiers.
3.1. Principe de l'entité
L'entité est considérée comme un
ensemble autonome, distinct de ses propriétaires, associés ou
actionnaires. La comptabilité d'une entité repose sur une nette
séparation entre sa situation financière et celle des personnes
physiques ou morales qui la dirigent ou qui ont contribué à sa
constitution et à son développement.
Les états financiers de l'entité prennent en
compte uniquement l'effet de ses propres transactions et des seuls
événements qui la concernent.
1 La juste valeur est le prix auquel un actif pourrait
être échangé ou un passif réglé entre deux
parties compétentes n'ayant aucun lien de dépendance et agissant
en toute liberté.
La comptabilité financière est fondée sur
la séparation entre les actifs, passifs, charges et produits de
l'entité et ceux des participants à ses capitaux propres ou
actionnaires'.
3.2. Principe de périodicité
Il est difficile d'admettre qu'il faut attendre la mort de
l'entreprise pour connaître son résultat et ses performances, pour
les besoins de la vie économique et pour répondre aux besoins
d'information, la vie de l'entreprise est découpée en
périodes ou exercices comptable. En général, ces
périodes sont égales et correspondant à un an. Cette
exigence de découpage ne résulte pas des choix des comptables,
mais plutôt des dispositions juridiques et fiscales, comme le code de
commerce qui exige un inventaire annuel et le code fiscal qui exige un
dépôt annuel de déclaration du résultat, pour
remédier à cette contrainte, les entreprises préparent des
comptes intermédiaires.
L'acceptation de ce principe exige l'acceptation du principe
de rattachement des faits comptables à une période
déterminée (le principe de comptabilité de l'engagement).
Les dates d'encaissement ou de paiement ne sont pas des critères de
rattachement. Le rattachement est fait par référence à un
critère juridique, les produits et les charges sont
comptabilisées au fur et à mesure qu'ils sont acquis ou qu'ils
sont engagés juridiquement.
Du moment où la vie de l'entreprise est
découpée en périodes qui correspondent à des
exercices, il faut avoir une indépendance entre les exercices,
c'est-à-dire que chaque exercice supporte les charges et les produits
qu'il génère.
3.3. Principe de continuité
d'exploitation
La création d'une entreprise a un objectif
donné, ce qui suppose que l'entreprise ne va pas cesser son
activité dans l'immédiat, mais qu'elle va continuer de
fonctionner pour permettre la réalisation de ses projets et de ses
activités en cours. Donc, l'entreprise n'a pas l'intention ni la
nécessité de liquider ou de réduire ses
opérations.
A la fin de chaque période, il faut préparer
les états financiers en supposant que l'entreprise continuera ses
activités. Ce principe légitime quelques pratiques comptables
comme la répartition des produits et des charges entre les exercices. Le
recours au coût historique comme critère d'évaluation (si
l'entreprise ne va pas cesser son activité, pourquoi évaluer
à la valeur actuelle), le règlement des dettes et l'encaissement
des créances dans le future.
4. Autres principes
Il existe d'autres principes, principe de l'image fidèle,
principe de la permanence des méthodes, principe de l'importance
relative et principe de l'intangibilité du bilan d'ouverture.
4.1. Principe de l'image fidèle
L'image fidèle est l'objectif auquel satisfont, par
leur nature et leurs qualités et dans le respect des règles
comptables, les états financiers de l'entité qui sont en mesure
de donner des informations pertinentes sur la situation financière, la
performance et la variation de la situation financière de
l'entité. Pour les besoins de la prise de décision, les
états financiers garantissent la transparence sur la
réalité de l'entité en présentant une information
complète et utile.
La recherche de l'image fidèle implique notamment le
respect des règles et des principes comptables. Dans le cas exceptionnel
où l'application d'une règle comptable se révèle
impropre à donner une image fidèle de l'entité. Il doit y
être dérogé. Il est alors nécessaire de mentionner
dans l'annexe aux états financiers les motifs de cette
dérogation1.
4.2. Principe de la permanence des
méthodes
Selon ce principe, l'entreprise doit utiliser les même
méthodes d'évaluation et de présentation d'un exercice
à un autre , donc la cohérence des informations comptable au
cours des périodes successives implique la permanence dans l'application
des règles et des procédures. Ce principe résulte de
l'exigence de la comptabilité, la comparaison entre les entreprises ou
la comparaison au niveau de l'entreprise d'une période à une
autre.
4.3. Principe de l'importance relative
Une information est significative si le fait de ne pas
l'indiquer peut avoir une incidence sur les décisions économiques
prises par les utilisateurs sur la base des états
financiers2. Aussi les montants non significatifs peuvent être
regroupés avec des montants correspondant à des
éléments de nature ou de fonction similaires.
4.4. Principe de l'intangibilité du bilan
d'ouverture
Le bilan d'ouverture d'un exercice doit correspondre au bilan de
clôture de l'exercice précédent3.
Conclusion du chapitre
préliminaire
La comptabilité est une discipline ancienne, qui a su
traverser des siècles des mutations économiques et nombreux sont
ceux qui la considèrent comme un art tant sa pratique exige constamment,
jugements, estimations et prévisions dont la qua lité
dépend de l'expérience. D'autres la considèrent
plutôt comme une science munie d'un cadre théorique. Il est aussi
courant de ranger la comptabilité dans la catégorie des
techniques.
En dépit de toutes ces qualifications, la
comptabilité demeure définie par rapport à son
utilité à savoir :Un système d'information et plus
précisément, un système de classement, d'enregistrement
des transactions destiné à fournir après traitement
approprié, des informations susceptibles de satisfaire les besoins de
multiples utilisateurs.
Et a l'aube de ce troisième millénaire, la
mondialisation financière et la globalisation des marchés
financiers, imposent la mise en place d'un référentiel comptable
uniforme valable pour toutes les nations, pour faire de la comptabilité
non seulement une technique mais aussi un instrument de gestion qui permet de
produire une vérité sur les comptes, laquelle
vérité permet de créer une confiance entre les
opérateurs et de ce fait, la comptabilité devient un bien commun
une référence commune.
Aujourd'hui, notre pays est en train de connaître une
mutation profonde à la faveur d'une politique affirmée
d'ouverture économique et d'économie de marché, a cet
effet, L'Algérie, à travers la réflexion et
l'élaboration du projet du nouveau référentiel comptable
d'entreprise s'est logiquement inscrite dans l'application des principales
normes IAS-IFRS mises en oeuvre dans les pays européens, ayant
déjà de fortes traditions en matière de doctrine et cadre
comptable comme les pays anglo-saxons, la France et l'Allemagne.
Dans les chapitres suivants nous allons présenter
l'environnement comptable au niveau international et au en Algérie.
Chapitre 1 :
L'HARMONISATION COMPTABLE
INTERNATIONALE.