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La corruption dans la gestion des deniers publics à Cotonou: Analyse socio-anthropologique de la persistance du phénomène

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par Vinagbo Barnard AGBANGLA
Université d'Abomey-Calavi - Maîtrise en sociologie-anthropologie 2008
  

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2. Attitudes et représentations autour de la corruption.

La généralisation et la banalisation de la corruption n'ont pas pour autant induit une totale acceptation du fait par les acteurs sociaux. En effet, la sémiologie populaire fait ressortir deux types de corruption autour desquelles s'articulent différentes sortes de réaction.

2.1. Le paradoxe de la dénonciation

Les actes de corruption commis par les responsables politiques et les hauts fonctionnaires d'Etat font l'objet d'une vive condamnation au sein de

l'opinion publique. Les détournements de deniers publics et tous les actes de corruption qui se répercutent de manière significative sur la trésorerie nationale sont vivement réprouvés. C'est d'ailleurs la lutte contre ce type de corruption qui mobilise l'attention des organes de lutte, en particulier celle des Organisations de la société civile (OSC). La sémiologie populaire regorge de termes retraçant la dureté du discours populaire au sujet des acteurs de ce type de corruption : << é dou tó bi >> (ils ont bouffé tout le pays) ; << é bló jonicus >> (ils ont organisé la magouille), sont les expressions usuelles servant à stigmatiser ces pratiques. Il est curieux de constater que même les acteurs s'adonnant à des pratiques de corruption réprouvent et dénoncent la grande corruption. C'est le cas des contribuables et des agents des services des impôts qui s'allient pour organiser la fraude fiscale : << la lutte contre la corruption doit se mener contre ceux qui bouffent des millions. Nous, on se bat pour faire entrer de l 'argent dans les caisses de l 'Etat même si on ne paye pas tout ce qu 'on doit mais eux ils ne font rien et se servent royalement >> (v., contribuable). Ce constat appelle à une relecture d'une des thèses de De SARDAN selon laquelle la logique de l'autorité prédatrice serait communément admise. Dans cette perspective, l'imaginaire collectif admettrait que les hommes politiques se << servent >> dans la caisse de l'Etat (De SARDAN, 1998). S'il fut une époque où cela pouvait être admis, les vives récriminations des responsables d'Organisations de la société civile (OSC) et de nombreux citoyens à la faveur des émissions interactives animées par les médias autorisent à rouvrir le débat sur la question1. Si autrefois les récriminations contre les actes de détournements semblaient être l'apanage des Organisations de la société civile (OSC) et de certains partis de l'opposition, les récents évènements survenus sur la scène politique lui ont donné une autre

1 Ceci ne veut absolument pas dire que la dénonciation de la grande corruption implique une perte systématique de légitimité pour les hommes politiques indexés. Par exemple, monsieur Séfou FAGBOHOUN sur lequel pesait des soupçons de corruption et qui étaient sous mandat de dépôt n'eut pas trop de mal à se faire élire comme député lors des législatives de 2007. Une étude sur les déterminants du comportement électoral des citoyens béninois permettrait sans doute de circonscrire le débat.

ampleur. Ainsi, la prise officielle de distance vis-à-vis de la corruption semble être devenue un mode d'action politique. Ceci peut paraître paradoxal en ce sens que le clientélisme politique est demeuré une variante fondamentale du jeu politique et un élément déterminant dans les stratégies de conquête du pouvoir au Bénin. Il s'agit là du dilemme de l'homme politique béninois devant prendre ses distances vis-à-vis de la corruption pour avoir la sympathie du Chef de l'Etat mais se retrouvant dans un environnement politique hautement concurrentiel où la redistribution des prébendes semble être la stratégie gagnante. S'il est vrai que la victoire aux élections est le résultat de la combinaison de plusieurs facteurs, il n'en demeure pas moins que l'argent y occupe une grande place1. En l'absence d'une politique nationale de financement des partis politiques, la mobilisation des frais de campagne est la préoccupation fondamentale des responsables politiques et les opportunités structurelles de corruption qu'offre l'Etat apparaît comme la panacée. Deux alternatives se présente aux hommes politiques : mobiliser, sur fond de corruption, les ressources financières2 à investir dans la campagne en espérant gagner et avoir davantage de pouvoir ou alors ne pas en mobiliser et nourrir le risque de perdre les élections, faute de moyens. La deuxième option paraît suicidaire et de nombreux hommes politiques semblent préférer le risque de la première option3.

1 Au lendemain des élections législatives de mars 2003, Antoine Idji KOLAWOLE élu président de l'assemblée nationale par ses collègues de la mouvance attira, dans son discours inaugural, l'attention de tous les hommes politiques sur le poids considérablement inquiétant de l'argent dans les campagnes électorales. Il en fera de même dans sa dernière allocution en tant que président, aux lendemains des législatives de 2007.

2 Les hommes politiques n'ayant pas de positions de pouvoir et ne pouvant de ce fait pas puiser directement dans les caisses de l'Etat, contractent des dettes qu'ils espèrent rembourser, d'une manière ou d'une autre, une fois au pouvoir.

3 Il est vrai qu'en attendant le verdict de la justice, les récents rapports de l'inspection générale d'Etat doivent être pris avec prudence mais le fait qu'ils aient indexés des proches du Président de la République qui venaient d'être élus à L'Assemblée Nationale(rendent plausible cette hypothèse. En effet, Marcellin ZANNOU, Célestine ADJADOHOUN et Luc da Mata SANTANA, avant d'être élus sur la liste FCBE étaient respectivement responsables à la douane du port autonome de Cotonou et à la société béninoise d'énergie électrique SBEE.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus