4. Interprétation des résultats
La corruption, au-delà des considérations
normatives, pose un véritable problème de développement au
Bénin. Son appréhension devrait, aux côtés d'autres
recherches empiriquement fondées sur d'autres thèmes, contribuer
à l'ébauche d'une théorie du changement social au
Bénin. Les données recueillies révèlent que la
persistance du phénomène est le résultat du jeu d'acteurs,
largement favorable aux acteurs de la corruption dont les logiques et les
stratégies prennent souvent le pas sur les dispositifs
réglementaires. La première hypothèse de travail qui
impute le peu de succès de la moralisation de la vie publique aux
stratégies de contournement des actions anti corruption, se trouve ainsi
corroborée. Les contraintes liées au fonctionnement des acteurs
engagés dans la moralisation de la vie publique, les interstices des
textes réglementaires et les ressources de l'environnement socio
culturel sont exploitées à profusion pour faire du Bénin,
en dépit de la dynamique politique et des effets de la mondialisation,
une société bloquée1, incapable d'impulser le
changement social.
1 Cette expression est empruntée à Michel CROZIER
qui l'utilise pour expliquer les dificultés du changement social en
France. cf Michel CROZIER, La société bloquée, Paris,
SEUIL, 1994,p7.
La stratégie dominante mise en exergue par les acteurs
de la corruption, consiste à se montrer respectueux, ne serait-ce qu'en
apparence, des textes et lois qui régissent le fonctionnement de
l'administration. Une telle stratégie, observée aussi bien au
niveau des services de la douane et des impôts que dans la passation des
marchés publics est pratiquée par l'ensemble des acteurs de la
corruption, qu'il s'agisse des simples agents subalternes ou des responsables
de services administratifs.
Toutefois, il importe de remarquer que les agents de la
corruption développent également un autre type de
stratégie qui leur permet de violer impunément, les textes qui
régissent le fonctionnement de l'administration publique. La
construction de l'impunité est certes, moins dominante que le
contournement des règles mais il s'agit également d'une
stratégie récurrente. Une telle stratégie est
généralement utilisée, lorsque les pratiques de corruption
portent sur de grosses transactions. L'attitude adoptée par les acteurs
de la corruption, dans le cas d'espèce, s'apparente à la «
politique du bâton et de la carotte ». Cela revient à coopter
les personnes en charge de l'application des dispositions réglementaires
ou de les mettre hors d'état de nuire. La première
hypothèse qui ne porte explicitement que sur les stratégies de
contournement des actions anti corruption, se trouve ainsi enrichie par ce type
de comportement. La perpétuation des pratiques relevant de la corruption
s'explique donc à la fois par le développement de
stratégies de contournement des actions anti corruption et par la mise
en place de stratégies de construction de l'impunité. Ces
résultats éclairent, de manière troublante, la
problématique de la corruption au Bénin dans la mesure où
toutes les catégorie sociales semblent avoir un rapport à la
corruption. L'exploration de l'environnement sociopolitique permettra de savoir
si la persistance de la corruption doit se comprendre comme un refus de toute
moralisation de la vie publique ou si elle est plutôt facilitée
par des déterminants sociopolitiques.
|