Dans la littérature économique, les travaux sur
l'impact du développement financier sur le développement
économique par le canal de la croissance sont légions
(abondants). A cet effet, on peut dire que Schumpeter [1911,1959] est sans
doute l'auteur précurseur dans la mesure où il avançait
que les services financiers étaient indispensables à la
croissance où ils améliorent la productivité en
encourageant l'innovation technologique et en identifiant les entrepreneurs par
son processus de sélection des meilleurs projets à financer. On
trouve déjà chez lui une analyse substantielle du rôle du
crédit dans la mesure où il y a une liaison entre production et
crédit. Car la production nécessite du crédit, et son
accès n'est pas chose évidente surtout dans les PED. Il
déclarait::
« ... Can only become an entrepreneur by previously
becoming a debtor... W7hat (the entrepreneur) first wants is
credit. Before
he requires any goods, whatever, he requires purchasing power. He is the
typical debtor in capitalist
society.» (page 102).
Il faut préciser qu'il place l'activité
bancaire au centre de ce processus en déclarant que: «...The banker
is not so much primarily the middleman in the commodity (purchasing power) as a
producer of this commodity... He is the ephor of the exchange
economy.»(p.74). De plus, Schumpeter considérait en
effet que l'entrepreneur et le banquier représentaient les deux acteurs
clé du processus d'innovation dans la mesure où ils sont
complémentaires.
Après lui, il faut dire que les travaux se sont
plutôt concentrés sur le rôle de l'entrepreneur. La
littérature sur le système financier connaît un renouveau
dans la seconde moitié du 20eme siècle, avec d'autres
auteurs qui ont tenté de mettre en évidence la relation positive
entre le secteur financier et le secteur réel.
A ce sujet on peut évoquer les travaux de Shaw [1960]
qui traite du rôle de l'activité d'intermédiation sur la
croissance. Il nous explique que l'activité d'intermédiation
permet de résoudre la double coïncidence des besoins comme dans une
économie de troc. En effet, en absence d'intermédiaire financier,
il faudrait que le prêteur rencontre le demandeur de crédit qui
puisse être d'accord pour emprunter le montant proposé par le
prêteur, au taux d'intérêt et pour la durée qu'il
souhaite ; ce qui n'est toutefois pas évident. Les intermédiaires
financiers par contre permettent de régler ce problème, en
collectant et en centralisant l'épargne des agents excédentaires
et en octroyant des crédits aux agents déficitaires.
Goldsmith [1969] consacre une étude importante au
rôle de la structure financière dans les PED. Ces pays sont
caractérisés par un sous développement financier. AKerlof
[1970] estime que
le marché du crédit dans les PED est semblable
au marché des «lemons ». Il pense que le développement
des intermédiaires financiers pourrait par le biais des contrats
révélateurs qu'ils auront proposés aux agents les
amèneraient à déclarer les vrais informations sur leur
type. Puis arrive Mac Kinnon [1973] et Shaw [1973] qui eux ont
travaillés sur la question du développement financier en
préconisant avec leur paradigme de «répression
financière » que la libéralisation du secteur financier est
un moyen efficace pour accélérer la croissance. Cette
approche a reçue un écho très favorable
auprès de grands organismes internationaux comme la Banque Mondiale et
le Fonds Monétaire International qui les prescrivaient pour
régler les problèmes de croissance faible dans les PED au
début des années80.
Pourtant à cette même époque
déjà, des auteurs tels que L. Taylor [1983] et Van
Winjbergen [1983] commencent à contester le bien fondé de la
libéralisation financière en s'appuyant sur une vision
structurelle de l'économie. Tout en estimant que cette politique
conduirait à un ralentissement de la croissance économique.
C'est dans ce contexte intellectuelle que les modèles
beaucoup plus récents de N. Roubini et Sala-i-Martin [1992] viennent
enrichi l'approche initiale de Mac Kinnon et Shaw. L'objectif de leur
modèle est de montrer les distorsions exogènes sur les
marchés financiers avec pour eux «l'existence d'une
répression financière » sur la croissance. En effet, la
répression financière se caractérise par la fixation des
taux réels en dessous de leur niveau d'équilibre(plafonnement des
taux), politique d'allocation sélective du crédit avec obligation
faite prioritairement de financer les projets gouvernementaux, très peu
rentables. On a un protectionnisme financier et le gouvernement y
voit un moyen privilégié d'avoir accès à
des ressources bon marché, donc peut avoir un intérêt a
empêché le développement du secteur financier dans la
mesure rend la perception de l'impôt de l'inflation plus difficile. Donc
en somme la répression réduit la formation du capital, biaise les
choix techniques au détriment des activités intensives en main
d'oeuvre et conduit à des investissements intensifs en capital et de
mauvaise qualité.
Selon ces auteurs, c'est ce qui expliquerait les
écarts de développement entre les différents
pays. De plus, la répression financière va de main
mise de l'État sur le système financier à la
pure nationalisation des Banques. Une économie réprimée
financièrement comme se fut le cas dans les PED avant les
libéralisations se caractérisaient par le fait que les «
canaux d'épargne » sont souvent sous développés
où l'épargne n'assure pas une allocation optimal de celle-ci
grâce à des moyens compétitifs; les entreprises
sont découragés à investir parce que de mauvaises
politiques financières réduisent ou les rendent excessivement
instables » comme le souligne Dornbush et Reynoso [1989]. Alors
libérer les marchés financiers va permettre la croissance de
l'investissement et donc favoriser le développement. Il faut remarquer
que l'ensemble de cette
théorie de libéralisation suppose une
croissance entre taux d'intérêt réel et épargne.
Cette approche prend uniquement en compte que l'effet de substitution qui
implique que un accroissement de l'épargne lorsque sa
rémunération s'accroît. Il faudra ajouter l'effet revenu
qui agit en sens inverse et implique une relation plutôt
décroissante entre épargne et taux d'intérêt
réel. Du coup on arrive à un résultat ambigu, sauf
à considérer comme Mac Kinnon que l'épargne est
initialement faible dans les PED que l'augmentation de sa
rémunération ne peut qu'avoir un effet positif.
Cependant, l'approche de Mac Kinnon et Shaw est fondé
sur l'hypothèse implicite que le marché financier est
un marché parfait ce qui est loin d'être réaliste. Stiglitz
et Weiss [1981] ont montré qu'il pouvait exister un rationnement de
crédit, même sur les marchés de crédit
compétitifs du crédit. Ce qui induit que la libéralisation
peut s'avérer inefficace compte tenu des imperfections du marché
de crédit. Stiglitz et Weiss [1981] furent les premiers auteurs à
montrer que les déséquilibres des marchés financiers sont
la cause de l'échec des politiques de libéralisation
financière.
Bien avant, de développer le modèle de Stiglitz
et Weiss, il faut rappeler que d'autres auteurs ce sont aussi
intéressés à l'échec des politiques de
libéralisation financière. Cho [1986] souligne que « les
régimes seuls d'intérêt libres ne sont pas suffisants pour
assurer une allocation optimale complète du capital lorsqu'il existe des
imperfections d'information. Les banques vont éviter de financer de
nouveaux groupes d'emprunteurs productifs parce qu'ils seront perçus
comme trop risqués, et cela même si les banques sont neutres au
risque ou qu'il n'existe pas d'administration des taux
d'intérêt»7.Ce qui pose le problème du
fonctionnement des banques privées sur un marché libre et
justifie l'intervention de l'État comme une réponse aux
imperfections des marchés.
Mankiw [1986], considère que l'inefficience dans les
mécanismes d'allocation du crédit sur le marché financier
due au fait que les emprunteurs disposent de plus information sur leur risque
que les prêteurs, peut être améliorée grâce
à une intervention étatique.
Enfin, le courant de pensée néo
structuralistes, attribue l'échec des politiques de
libéralisation financière dans les PED au fait qu'il
néglige un des aspects structurels les plus caractéristiques de
ces économies qui est l'existence d'un secteur informel. Pour les
tenants de l'approche Mac Kinnon/Shaw, ce dualisme financier n'est qu' «
avatar de la répression financière et de la fragmentation de
l'économie ».8De plus la Banque Mondiale [1989] a
adhérée à cette approche en stipulant à cet effet
que : « l'existence de marchés informels est souvent un signe de la
répression financière ».9 Shaw renchérit
en disant : « le secteur informel qui ne constitue qu'un substitut
imparfait aux actifsfinanciers
7 1986, pp. 196-197
8
Op. cité par B. Venet (200)
9 1989, p 67
va devoir faire face à la concurrence accrue d'un
secteur financier organisé plus libéralisé10
». Ainsi, il suggère une disparition à terme du secteur
informel compte tenu de la substituabilité et la croissance du secteur
officiel suite à la libéralisation. Cependant, Jensen [1989]
souligne que « l'existence de marché financier non officiel
n'estpasforcement la preuve nécessaire de la répression
financière, mais plutôt la manifestation d'une organisation
particulière de production et de marketing» (op.cité.page
9). En effet, le courant néo structuraliste critique la
libéralisation financière en intégrant le secteur informel
dans le système financier global.