Ainsi, la phase de développement de la microfinance
révèle de nouveaux besoins plus complexes et diversifiés.
Ces besoins sont importants et ont attrait aussi bien à l'insertion de
la microfinance dans le secteur financier, au financement de la croissance du
secteur qu'à sa diversification ainsi qu'un accroissement de son impact.
Cela se traduit sur le plan financier par un besoin de ressources
financières accru, plus longues et plus stables et sur le plan technique
par des compétences et des outils de plus en plus
sophistiqués.
Les interrogations qui s'imposent sont celles du
refinancement aussi bien sur le marché bancaire que financier. Or nous
savons que ces institutions sont soumises à des contraintes fortes
d'accès et que ces contraintes résulteraient d'une part à
l'appréciation du risque de l'institution par le marché et
d'autre part des aspects juridiques liés à son statut. Bien qu'il
existe de nombreux cas de refinancement par les banques, toutefois très
peu d'institutions remplissent les critères d'accès aux
marchés financiers. Ces derniers, pourtant ont l'avantage de pouvoir
apporter des ressources longues et théoriquement à moindre
coût.
Le développement des offres de garanties externes peu
être une réponse intéressante mais onéreuse. En
outre, les marchés financiers ont le souci de préserver leurs
investisseurs. Cependant d'autres pistes existent tels la mise en place de
notations comparées (rating) des institutions par un organisme
indépendant et crédible, la prise de participation par une
institution tiers plus à même de répondre aux
critères d'accès aux marchés ou encore l'ouverture de
l'institution à des investisseurs extérieures susceptibles
d'apporter des garanties financières et la réputation attendues
par les marchés. La principale difficulté pour les institutions
est le coût des transactions, renchéri par celui des
intermédiaires et des garanties. Sans une réflexion globale
pour atténuer ce coût, ce type de
transactions risque de rester marginal. Cependant, la problématique la
plus importante posée aux institutions de microfinance demeure
l'accès à des ressources stables. Cette question devient cruciale
au fur et à mesure du développement de l'institution
c'est-à-dire l'effet taille joue considérable dans le besoin en
refinancement de l'IMF. En effet, l'augmentation de la taille de l'institution
affecte plus particulièrement sur la structure financière et de
coût. Les normes employées dans le secteur bancaire
correspondent à un niveau de ressources stables constitué par le
ratio fonds propres sur le bilan situé entre 6 et 8%48 du
bilan. Ces normes correspondent d'une part au taux planché, souvent
réglementaire, permettant de garantir une structure financière
adaptée au risque du secteur. S'agissant des normes de risque, il serait
plus judicieux de mettre en oeuvre une réglementation adaptée aux
réalités du secteur de la microfinance. Le type de
clientèle, la géographie d'intervention, l'organisation de la
microfinance pourrait sans doute permettre à établir des normes
de ressources stables plus élevées que celles du secteur
bancaire. De manière empirique, on constate que certaines institutions
maintiennent des niveaux de ressources stables de l'ordre de 20 à 30% du
total de leur bilan.
Notre étude empirique montre que les
systèmes financiers de microfinance parviennent
généralement à maîtriser l'interface entre eux et
les clients, de manière générale, enregistrant des taux de
participation et de remboursement honorable. Toutefois, lorsque leur taille
augmente, ils ne peuvent rester hors du cadre réglementaire
c'est-à-dire à la frontière de l'informel. Par
conséquent, la question de la régulation du secteur ne se pose
pas en termes macroéconomique compte tenu de la part minime qu'ils
représentent, au niveau des agrégats économiques.
Cependant, il n'en reste pas moins nécessaire d'assurer la protection
des déposants et de l'offre de services financiers durables aux
populations exclues des systèmes financiers classiques. Donc
les questions les plus importantes devraient être portées sur la
place de ces systèmes de proximité et leur
institutionnalisation. Cette notion institutionnalisation est large et porte
à la fois à l'adaptation à l'environnement
économique, politique et juridique, la maîtrise des coûts de
l'institution, la viabilité sociale et l'établissement de
relations stables avec les différents partenaires [Doligez, 1996]. De
manière générale, la principale difficulté dans les
PED réside dans la gestion de l'extension de ces
systèmes à une échelle significative pour le
développement et dans leur intégration à la finance
globale.
48Ce ratio constitue le ratio de
solvabilité dans le cadre la réglementation de bale,
elle a une dimension universelle : la norme minimale de 8% s'est rapidement
imposée comme la référence centrale en matière de
mesure et de contrôle du risque de crédit, non seulement pour les
autorités de contrôle bancaire nationales et les
établissements de crédit, mais aussi pour les investisseurs, les
agences de notation et plus globalement l'ensemble des
acteurs financiers.
La question de l'intégration au
système financier globale se décline à la fois
en termes de durabilité et d'adaptation à un environnement
institutionnel formalisé [Gloser, 1994]. Cette durabilité outre
la maîtrise des coûts repose sur la recherche d'un équilibre
financier indispensable. Celui-ci passe par la maîtrise des coûts
de fonctionnement et de la ressource financière. Cependant, cette
augmentation des ressources nécessite souvent des arbitrages entre le
ciblage de la population pauvre et la rentabilité de l'institution
à moyen terme.
CONCLUSION DU CHAPITRE 3
Au terme de ce bilan, on doit reconnaître que des
efforts impressionnants ont été réalisés dans le
secteur de la microfinance. Toutefois, il faut souligner qu'une infinité
d'organisations de microfinance existantes sont susceptibles de répondre
aux demandes exprimées tout en s'inscrivant dans un schéma de
pérennité. En outre, si le nombre de micro-entrepreneurs
appuyés par ce dispositif est sans cesse en augmentation, le
taux de couverture demeure toujours faible dans la plupart des pays.
En effet, l'accessibilité dans les zones peu densément
peuplées reste encore nettement insuffisante. Il s'agit entre autre des
zones rurales où les populations ont encore difficilement accès
à la ressource. Il y aussi la problématique des taux
d'intérêt qui demeurent encore élevés et ne
permettent pas aux micro-entrepreneurs d'entrée dans une phase
d'accumulation. Cependant on ne peut nier les avancées importantes
réalisées par le secteur de la microfinance. Que ce soit en
matière de gestion opérationnelle ou de développement
institutionnel, les IMF du secteur continuent sans cesse de se
professionnaliser en améliorant non seulement leur gestion
financière mais aussi l'ensemble de leurs pratiques et outils de
gestion. Il y a aussi une panoplie d'actions menées en
parallèle qui favorise le développement du secteur et contribue
à son renforcement. Les agences de notation, les fonds de placements et
associations professionnelles contribuent énormément au
renforcement du secteur. Les gouvernements jouent également un
rôle clé en se montrant de plus en plus disposé à la
nécessité de penser et de mettre en place des cadres
légaux et institutionnels adaptés. Nous étudierons plus
loin la nécessité d'une mise en place d'un environnement
favorable au développement de la microfinance et la part de
l'État dans l'approfondissement de ce cadre.
Enfin, même si certains échecs existent, qu'il ne
faut sous évaluer il apparaît nettement que la microfinance
à toute sa place dans les politiques d'appui aux micro-entrepreneurs des
PED.