La réflexion sur l'évaluation de l'impact des
microcrédits sur le processus de développement se situe au niveau
des micro-actions [cf. Soulama, 2005, p105]. Il s'agit pour nous de savoir si
ces actions à la base ont un impact significatif sur le
développement économique? A cette interrogation nous pouvons
répondre par l'affirmatif si l'on admet que le développement
économique est optimal si l'ensemble des différentes composantes
de la société participe pleinement au processus de production et
à la prise de décision. Ainsi, l'accroissement de la base
de la population participant à la richesse nationale,
le microcrédit contribue énormément au processus de
production par une mobilisation de l'énergie créatrice de la
population pauvre. Les différentes analysent
présentées dans ce mémoire ont permis de montrer que le
microcrédit impact le développement à travers ces effets
induits et externalités. Il s'agit en autre des effets sur le revenu, la
consommation et l'emploi etc. En effet, on constate que les crédits
octroyés jouent un rôle sur l'économie locale
notamment en permettant un renforcement des artisans locaux (maçons,
charpentiers, petits commerces, fabricant de briques, etc.) et une
redistribution de revenus non négligeable.
Ces externalités et effets se déclinent en quatre
points que sont:
· Les effets sur les circuits commerciaux et les
filières
Ces effets sont variables et dépendent du degré
d'organisation des circuits commerciaux et de leur capacité à
absorber le surplus de production. Doligez [2002] montre que les
différents effets induits au niveau «méso-économique
» ont pu être mis en évidence au niveau des filières
coton au Bénin et cela grâce au développement des services
financiers de la FECECAM. De plus que l'acquisition de charrues grâce au
complément du crédit intrant de la FECECAM a participé
à l'essor de la filière au cours des années 1990. Ces
crédits ont permis dans le cas de la filière coton du
Bénin de surmonter les obstacles financiers qui empêchaient le
recours à la mécanisation et à une main d'oeuvre
salariée pour lever les facteurs limitant tels que l'augmentation des
surfaces: préparation des terres et sarclages pour l'essentiel.
· Les effets sur le marché du travail, la
construction et l'habitat
Une augmentation des embauches salariées par les
emprunteurs notamment pour les travaux agricoles comme l'illustre, en
Guinée l'ouverture d'un «second guichet » [Condé et
al., 2001] par l'embauche salariée de main d'oeuvre pour travaux
agricole. Toutefois, on ne semble pas observer une augmentation sur les
salaires. Cependant, les enquêtes montrent que près de 30% des
revenus induits par le crédit seraient alloués à
l'amélioration de l'habitat.
· Les effets sur le marché foncier
On n'enregistre pas directement un effet entre la
microfinance et l'acquisition de marché foncier. Cependant, en dehors du
milieu agricole, on constate dans le prolongement des effets induits par la
microfinance sur l'habitat et la construction, une demande accrue sur
l'acquisition de lots constructibles et une augmentation du prix du foncier
urbain.
· Les effets induits liés à
l'investissement
On constate une amélioration du capital humain et un
renforcement des capabilités qu'on associe au développement de la
microfinance. Toutefois, cette amélioration dépend des
priorités que l'emprunteur accorde à la reproduction de la force
de travail familiale il s'agit entre autre de dépenses de consommation
et de santé, mais surtout à l'éducation. Morduch [1999]
illustre ce propos à travers l'éducation des filles dans le cas
des emprunteuses de microcrédits au Bangladesh.
Néanmoins, il est important de faire la part entre les
crédits qui permettent un investissement productif et ceux en vue
d'améliorer les conditions de vie des personnes [Djefal, 2004, p633]. En
effet, les crédits inférieurs à 100 dollars,
accordés principalement aux femmes, ne créent que très
rarement (moins de 3%) de petites entreprises ou des emplois nouveaux. Ces
crédits améliorent la situation sociale des
bénéficiaires qui peuvent ainsi trouver les fonds
nécessaire pour satisfaire des besoins de première
nécessite (santé, nourriture, logement, écolage, etc.). Il
y a une amélioration rare sont les
bénéficiaires qui dépassent le seuil de pauvreté.
Ces microcrédits ont toutefois un rôle essentiel qui est avant
tout un plus social et en cela, ils doivent être
développés.
Les crédits entre 100 et 1000 dollars sont du
même ordre, ils améliorent cependant nettement le pourcentage (7
à 12% selon les pays et les cas) de création d'emplois
et de petites entreprises nouvelles. Ce sont les crédits de 5000 dollars
et plus qui déclenchent un processus de croissance par l'investissement
dans de nouvelles unités de production, l'amélioration de la
productivité et l'ouverture sur de nouveaux marchés. Un exemple
intéressant de gestion du microcrédit nous est donné par
les activités d'IDES/PRO EMPRESSA au Pérou. Cette organisation
d'appui a créé son institution financière qui gère
plus de 50 000 dossiers de microcrédits en zone urbaine et rurale et est
devenue un instrument efficace de développement économique du
pays.
Pour illustrer la diversité de prêt par
institutions les institutions de microfinance, il suffit de
référer à la pyramide de prêt ci-dessous:
cas de l'Afrique de l'Ouest
Pyramide du secteur de la microfinance : Cas (en CFA)
Source : Extrait de Djefal [2004]
Les montants vont de quelques milliers de franc CFA à des
prêts de deux millions de francs CFA47.
§2 : Les contraintes de la microfinance
La microfinance à une histoire derrière elle,
celle d'un succès planétaire. Un succès de terrain avec
des institutions qui apportent aujourd'hui des services financiers
diversifiés à des dizaines de millions de clients qui
n'y avaient pas accès. Mais également un succès
de mobilisation, d'une part de la population et d'autre part des
opérateurs, des organisations non gouvernementaux, et de la
communauté internationale et des États, enfin de plus en plus
du
47 Cf. S. Djefal thèse p.355.
secteur privé. Toutefois la microfinance ne peut
prétendre avoir atteint la maturité car le secteur reste
confronté à d'importantes difficultés consécutives
à sa réussite.
C'est surtout au niveau du crédit que la microfinance
montre ces limites. En effet, tel qu'il est pratiqué aujourd'hui, le
microcrédit comme tout crédit d'ailleurs se doit d'être
remboursé. Il nécessite donc au niveau de l'emprunteur une bonne
capacité de remboursement or on sait que cette aptitude s'amoindrit
quand la personne est extrêmement pauvre, sans revenu préalable
pour lui permettre de remboursement un prêt. Donc octroyer un
prêt à de tels individus risque d'aggraver leur situation de
pauvreté et d'endettement.
De plus, fournir des services financiers à des
personnes à revenus modestes revient cher, donc la microfinance a
tendance pour pallier au coût de crédit à appliquer des
taux d'intérêts élevés à sa clientèle.
Dès lors on se rend compte que la microfinance n'est pas un
remède magique qui conduit automatiquement les populations pauvres
à sortir de l'état de pauvreté. Bien que la
définition de la pauvreté reste difficile selon que l'on utilise
l'approche basée sur le revenu ou sur le niveau de consommation, est
considérée comme pauvre, chaque personne dont le revenu ou sa
consommation se situant en dessous d'un certain niveau de vie minimum des
mesures d'impact plus avancées sont donc nécessaire. Ceci rend
très difficile la distinction entre pauvres et très pauvres.
Cependant, le client type de la microfinance est une personne dont
les revenus sont faibles,et qui n'a pas accès aux institutions
financières formelles qui mène généralement une
petite activité génératrice de revenus dans un cadre
souvent familial. En conséquence ont peut affirmer que l'autre
catégorie des pauvres est exclue.
Le secteur présente aussi des risques structurels dus
à la forte expansion de sa clientèle. Dans plusieurs
pays, le nombre de clients qui se chiffre à plusieurs
centaines de milliers a largement dépassé celui de la
clientèle gérée par le secteur bancaire. Ainsi, si on peut
penser que l'impact économique de la faillite d'une institution
resterait relativement faible, son impact financier et surtout social pourrait
s'avérer plus considérable. Deux éléments sont
à considérer: Le risque porté individuellement par une
institution qui est acceptable, dès lors qu'une gestion professionnelle
est exercée et que les procédures internes de maîtrise et
de contrôle des risques financiers sont respectées. Il s'agit
entre autre de la solvabilité et de la liquidité. Toutefois nous
devons souligner que la microfinance évolue le plus souvent dans des
contextes peu favorables, avec des difficultés logistiques et des
compétences techniques relatives au niveau humain. Avec pour
caractéristique d'être soumise de la part de sa clientèle
à une forte demande croissante.
Le second risque est celui induit par la multiplication des
intervenants qui à notre sens constitue le risque majeur actuel. Cela
peut être traduit comme la contrepartie de microfinance comme outil
efficace de réduction de la pauvreté qui suscite un
intérêt grandissant pour ce secteur avec le développement
dans les PED d'un nombre considérable d'institutions et
d'expérimentation. A ce titre on peut citer le cas du
Sénégal où on dénombre actuellement près de
600 institutions. Un tel phénomène est amplifié par la
relative facilitée à démarrer des opérations de
microfinance que l'on suppose peu coûteuses en investissement, ce qui
dénote d'une mauvaise analyse.
De manière générale le fait est que
seules quelques institutions ont les moyens de mettre en place une
gestion professionnelle compatible avec les obligations d'une activité
financière. Nombreuses sont les institutions qui ne respectent pas la
réglementation adaptée au secteur, jusqu'à présent
un grand nombre eux ne dispose toujours pas d'outils permettant leur mise en
oeuvre.
Nous devons faire remarquer que dans le secteur, l'autonomie
financière est rarement poursuivie, l'échelle d'intervention et
le coût de l'accompagnement rendent cette autonomie financière
difficilement envisageable.
Un autre point à relever est le fait que les
États sont peu équipés pour encadrer cette
activité. Les États au démarrage de cette activité
étaient peu ou pas du tout préparés pour accompagner ce
secteur. Au niveau législatif et réglementaire, peu d'entre eux
disposent du cadre nécessaire à l'intégration rapide des
structures en cours d'implantation.
Il y aussi les difficultés de collecte de
l'épargne qui reste aussi peu développé dans ce secteur.
Et sans épargne une institution ne joue qu'à moitié son
rôle d'intermédiaire financier. Si on part du principe que tous
les ménages épargnent, y compris les plus pauvres,
cette épargne peut être mobilisée quand les institutions de
microfinance jouissent de la confiance de leurs clients. De plus que les
modalités de retrait demeurent souples et garantissent une
liquidité permanente, et que les coûts de transaction sont
faibles.
Ainsi, si une institution est capable d'offrir ces
conditions, il peut être avantageux pour elle de mobiliser cette
épargne qui constitue pour elle une ressource stable et moins
coûteuse que le refinancement apurés des banques commerciales.
Cependant, on se rend compte que dans la réalité, la mobilisation
de l'épargne n'est pas toujours possible, voire même souhaitable.
Les raisons qui s'opposent à la collecte de l'épargne sont les
suivantes, un contexte politique et économique instable, dans lequel
l'État réglemente les taux. L'inflation très
élevée qui ne permet pas une rémunération positive
de l'épargne ou tout simplement le manque de confiance. Il y
a
aussi l'absence d'un cadre réglementaire
spécifique aux IMF s'impose pour pouvoir collecter l'épargne et
transformer en établissements bancaires formels.
Il faudra enfin prendre le risque posé par ce
métier spécifique, rendu complexe par la nécessité
d'assurer une sécurité absolue de gestion pour le compte des
épargnants, ainsi que les coûts associés à la
collecte. Cette situation a donné lieu à une prise de conscience
et conduit les Etats à faire évoluer leur cadre
réglementaire ou même à créer de nouveaux cadres
spécifiques. Toutefois il faut dire que le contrôle et la
surveillance des institutions n'étaient pas souvent assurés
convenablement, au regard de la diversité des institutions et leur
nombre croissant, les états sont confrontés à un double
problème de compétences et de moyens pour assurer ce
suivi, mais des solutions sont envisageables et leurs implications
s'avèrent indispensables.