Section 3 : analyses critiques microfinance et
développement économique
De manière générale dans la
littérature économique, on a un consensus au sujet des
institutions politique et économique et en particulier des institutions
financières dans le développement économique d'un
pays. Le lien entre le développement du secteur financier et
la croissance économique a été prouvé empiriquement
et nous comptons nous appuyés sur ses travaux pour examiner
les différences effets de l'expansion de la microfinance dans les
pays en développement notamment ceux de l'Afrique de l'ouest
francophone à partir des travaux de Raffinot et Venet [1998]. Il s'agira
pour nous de voir si les institutions de microfinance constituent un levier de
développement économique dans ces pays ou si elles
peuvent l'être et à quelles conditions. En effet, Raffinot et
Venet [1998] ont tenté d'établir, à partir d'une
analyse en données de panel, une relation qui expliquerait la
croissance à partir des déterminants traditionnels (le capital
humain et le revenu initial) de la croissance endogène en y
rajoutant les variables d'approfondissement financier. Pour étudier
cette corrélation, les variables d'approfondissement financières
introduites sont:
- le ratio M2/PIB, pour tenir compte du faible nombre
d'institutions financières non bancaires dans les pays
d'étudiés,
- le ratio quasi-monnaie /PIB, variable destinée
à rendre compte des progrès de
l'intermédiation financière dans la mesure où c'est au
travers de la croissance des dépôts à terme et
d'épargne que
31 Voir la théorie entrepreneuriale de la croissance
développée par Kirzner [1986] pour éclairer le processus
de croissance économique. Toutefois, voir aussi l'approche smithienne de
la création de richesse qui fonde notre démarche mettant l'accent
sur la division du travail et la capacité à lever
l'étroitesse du marché comme c'est le cas des PED.
32Voir Hayek [1941] la théorie
autrichienne du capital.
les intermédiaires financiers sont supposés
pouvoir pleinement jouer leur rôle de promoteur de l'accumulation de
l'épargne domestique et d'orientation des ressources vers une allocation
optimale;
- Crédits au secteur privé /PIB, pour tenir compte
des critiques;
- Encours réel de crédit par habitant /PIB.
Globalement, qu'aucune des variables n'était
positivement et significativement corrélée avec la croissance.
Cependant, ce mauvais résultat est à attribuer à la
défaillance des systèmes financiers dans les
pays étudiés du fait de la crise bancaire encours dans
ces pays sur la période étude
considérée. Par conséquent, ce résultat conduit
à rejeter toute influence de l'approfondissement financier sur la
croissance du PIB des pays de l'UEMOA.33 Toutefois cet
effet est a attribué à l'effet de groupe car dans chaque
pays les variables d'approfondissement financier sont assez bien
corrélés avec croissance. Mais entre pays le
résultat est mitigé.
Le coefficient de corrélationR2 entre
M2/PIB et le PIB n'est que de 2% tandis que celui du ratio crédit
à l'économie/PIB est de bonne qualité estimé
à 39% et la variable est largement significative. La faiblesse de cette
relation est du à des transferts des déposants entre
pays au niveau du système bancaire. Il s'agit
essentiellement de l'utilisation par les déposants d'un pays
donné du système bancaire de son voisin compte tenu
des défaillances du tient. A titre d'exemple, le
système bancaire togolais a été utilisé
par les déposants des pays voisin que sont: le Bénin,
le Niger, le Burkina, et le mali etc.
Pour mieux appréhender les spécificités
de chaque pays, les tests de causalité ont été
réalisés pour voir si la séquence explicative
postulée par King et Levine [1993 op.cit] est valable pour les
pays de l'UEMOA. En effet, Spears [1992] montre ainsi, que
l'intermédiation financière (mesurée par M2/PIB) est une
cause, au sens de Granger [1969]34, de la croissance du PIB par
tête au Cameroun, en Côte d'ivoire, au Kenya et au
Malawi. Le Burkina Faso lui présente une particularité en ce sens
où on a une causalité bidirectionnelle. Pour ce qui concerne
l'hypothèse selon laquelle l'approfondissement financier
estimé par le rapport quasi-monnaie à M2 qui puisse
33 L'UEMOA est composé :le Bénin, le
Burkina Faso, la Cote d'ivoire, Guinée Bissau le Mali, le
Niger, le Togo et le Sénégal.
34 L'analyse économétrique de la
causalité au sens de Granger est différente de la
notion de causalité du langage courant. Les tests
de causalité permettent de mettre en évidence plusieurs cas de
figure: Une causalité d'une variable vers l'autre, sans que la
réciproque ne soit vraie (c'est la causalité unidirectionnelle),
une causalité dans les deux sens (bidirectionnelle), ou pas de
causalité du tout. «On dira que X cause Y au sens de Granger si le
passé de X explique le présent de Y ». Si les deux
causalités sont constatées, on considère qu'il existe une
causalité en retour (feed back causality) entre les deux
variables.
être la cause de la croissance réelle est
rejetée. Toutefois, les tests de stationnarité n'ayant
pas été effectué, cela nous laisse perplexe sur la
qualité des résultats obtenus.
Concernant la zone spécifique des pays
francophones de l'UEMOA, Raffinot et Venet (1998, op.cit) ont
analysé la stationnarité et la co-intégration
des variables deux à deux. Les résultats effectués sur les
séries montrent que les séries sont intégrées
d'ordre 1, ce qui justifie de l'utilisation de leurs taux de croissance pour
avoir des résultats fiables:
Les résultats obtenus sont présentés dans
le tableau suivant:
Tableau1.6: Le sens de causalité entre le secteur
réel et financier: cas des pays de l'UEMOA
|
Variables impliquées dans
l'analyse de corrélation
|
Sens de causalité
|
Bénin
|
DQUAS cause DPIBRT*
|
Financier Réel
|
Burkina Faso
|
DPIBRT cause DCRED** DPIBRT cause DQUAS***
|
Réel Financier
|
Cote d'ivoire
|
DAPFIN cause DPIBRT*** DCRED cause DPIBRT*** QUASM2C cause
DPIBRT*
|
Financier Réel
|
Mali
|
DQUAS cause DPIBRT**
|
Financier Réel
|
Niger
|
Non significatives
|
Aucun
|
Sénégal
|
DPIBRT cause DAPFIN** DPIRT cause DCREDR*
|
Réel Financier
|
Togo
|
*
DPIBRT S cause CREDIECOC*
|
Réel Financier
|
|
*** : seuil de confiance de 1%, ** : seuil de confiance de 5%,*
: seuil de confiance de 10% Source : Raffinot Marc, Venet Baptiste (1998)
Avec: DQUAS(le taux de croissance du ratio Quasi
monnaie/M2); DPIBRT(le taux de croissance du PIB réel par
habitant) ; DCRED(le taux de croissance des crédits nominaux à
l'économie); DAPFIN (le taux de croissance du rapport
M2/PIB); DCRED (le taux de croissance du montant des crédits
réels à l'économie par habitant) ; QUASM2C(le ratio
quasimonnaie/M2) et CREDIECOC(les crédits à
l'économie).
Au regard des résultats des répressions de
panel pour les pays francophones de l'UEMOA entre 1970 et 1995, les
tests de causalité de Granger font apparaître une liaison causale
entre l'approfondissement financier et la croissance réelle qui n'est
pas toujours conforme à l'hypothèse selon laquelle le
développement des institutions financières entraînerait le
développement réel (représenté par la croissance du
PIB) dans les pays à faible revenu.
Cette hypothèse se vérifie pour le
Bénin, la Côte d'ivoire, le Mali sur la période
étudiée. Cependant, une causalité inverse se
vérifie dans les cas du Burkina Faso, du Sénégal et du
Togo. En ce qui concerne le Niger, une causalité n'a pu être mise
en évidence.
Ces instruments traduisent une approche
macroéconomique de l'approfondissement financier très
utilisé par la littérature économique. Cependant, nous
inscrivons ce mémoire dans une approche microéconomique de
l'approfondissement financier35. En effet, il s'agit de l'offre de
service au plus grand nombre d'agents économiques. Cette vision de
l'approfondissement financier se distingue de la vision macro économique
en se sens où elle met l'accent sur les individus plutôt sur les
agrégats.
L'approche microéconomique de l'approfondissement
financier porte sur la proportion d'individus dans la population qui ont
accès aux services d'épargne, la facilité de pouvoir
épargner,les faciliter pour obtenir un crédit, avec pour
préoccupation essentielle de pouvoir accroître ces proportions ou
les facilités. En, effet cette façon d'envisager le
développement financier nous permet d'éviter le paradoxe «de
la croissance sans développement ». Donc pour mieux
appréhender l'apport des institutions de microfinance dans le
développement financier nous proposons d'aborder leur apport en termes
de crédits à l'économie et d'épargne
mobilisé par celle-ci dans le cadre des pays de l'UEMOA. Il
s'agit d'une analyse comparative par rapport aux banques
commerciales dont les résultats s'établissent comme suit:
Tableau 1.7 : Les IMF, les banques et crédits à
l'économie
Années
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
Crédit bancaire
|
2044
|
2208
|
2425,3
|
2439,2
|
2692
|
2868,4
|
3041,3
|
3174,3
|
2415,4
|
Crédit IMF
|
48,4
|
70,8
|
89,7
|
106,4
|
112,7
|
142,4
|
190,6
|
255,5
|
233
|
IMF/Banques
|
0,024
|
0,032
|
0,036
|
0,043
|
0,041
|
0,049
|
0,062
|
0,080
|
0,096
|
|
Source des données: pour les crédits bancaires
(Banque de France, série statistique de la zone franc), pour les
crédits IMF (BCEAO).
35Joseph et al [2001] font une étude
critique des approches macro économétriques
de l'approfondissement financier appliquées à l'Afrique
subsaharienne.
On a la proportion de crédits offerts par les IMF qui
est extrêmement faible car inférieur à 1% sur chacune des
années de la période considérée. En 2004, il est de
0,096 cependant, cette faible proportion ne reflète pas les
disparités entre pays.
Les taux de croissance de crédits IMF calculer sur la
période 1 996-2004 (taux moyen=0,229) sont supérieurs
à ceux des crédits bancaires (taux moyen=0,027).
Pour les données relatives aux volumes des
crédits octroyés par les IMF, ils soulignent les
insuffisances du secteur de la microfinance dans le financement de
l'économie des différents pays d'étudiés
par rapport aux banques commerciales présentent dans ces
pays.
Tableau1.8 : Epargne des IMF et épargne bancaire
Pays
|
Bénin
|
Burkina Faso
|
Cote d'ivoire
|
Années
|
2000
|
2001
|
2002
|
2000
|
2001
|
2002
|
2000
|
2001
|
2002
|
IMF/Banques
|
0,069
|
0,068
|
0,079
|
0,064
|
0,062
|
0,055
|
0,027
|
0,031
|
0,032
|
Années
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
|
Placement bancaire des IMF
|
0,229
|
0,148
|
0,239
|
0,343
|
0,400
|
0,409
|
0,329
|
0,294
|
|
|
Au regard des résultats, on peut affirmer que les IMF
représentent une quantité infime lorsqu'on compare les
données de crédit et d'épargne avec les banques.
Cependant, nous devons noter que toutes les IMF n'effectuent pas des
activités de dépôts. C'est souvent le cas des IMF de
crédits directs. L'épargne microfinancière est surtout le
fait d'institutions mutualistes d'épargne et de crédit. Elle est
très faible par rapport à l'épargne bancaire, le rapport
(IMF/Banques) est extrêmement inférieur à 1% mais il faut
relever que les placements effectués par les IMF sont essentiellement
bancaires et prennent soit la formes de marges de dépôts non
distribués sous formes de crédits soit la forme
d'excédents d'exercice annuel.
Les différents résultats sur les IMF dans la
zone UEMOA nous laisse perplexe sur l'incidence de ces institutions sur le
développement des institutions financières dans la zone UEMOA.
Bien entendu que les IMF ont contribué à la mobilisation de
produits financiers de crédits et d'épargne bancaires mais de
manière modeste. En revanche, si nous dépassons la
perception du développement économique
essentiellement centré sur la variable PIB, nous pouvons
apprécier la contribution des IMF en tant que programmes de
développement dans les pays francophones de l'UEMOA. En
effet, nous convenons avec Kamalan [2006] que l'intérêt de la
microfinance est d'être un vecteur d'espérance pour une vie
meilleur (vivre mieux) en réduisant la vulnérabilité
économique, en accroissant les « capabilités » et
l'esprit d'initiative des individus et en fédérant autour d'eux
l'impératif du resserrement des liens. Alors pour parler comme lui: nous
considérons que la contribution des IMF dans le développement
économique se situe à trois niveaux: politique
(référence à l'assurance contre la
vulnérabilité) et sociale (référence aux
capabilités), et que c'est un projet de société.
D'où un examen pratique de la relation
méritée d'être mené en tenant compte des autres
variables de développement pour saisir le rôle des pratiques de
microfinance dans le développement local des PED.
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