3.1. Le problème du défaut
stratégique
Le problème du défaut stratégique a
été analysé Diagne [1998];
Besley et Coate [1995]. La défaillance stratégique se
définit par l'absence de volonté de la part de l'emprunteur de
respecter son engagement malgré la réussite de son projet.
Besley et Coate [1995] constatent un effet négatif de la
responsabilité conjointe sur le niveau de remboursement. Ceci est
dû à la défaillance stratégique. En effet, en raison
de la défaillance stratégique de certains emprunteurs, les autres
membres du groupe refusent de rembourser et ainsi faire jouer le
mécanisme de caution solidaire. Donc le défaut stratégique
de quelques membres du groupe peut entraîner celui de l'ensemble du
groupe.
Ces auteurs ont élaboré un modèle
basé sur la théorie des jeux avec deux emprunteurs
homogènes au sein d'un groupe ou le choix ne porte pas sur le choix du
projet mais sur la volonté de rembourser ou pas l'emprunt. Dans le cadre
de ce modèle, le prêteur applique une sanction au(x) membre(s)
défaillant(s). Le niveau de la pénalité augmente en
fonction de la production mais reste inférieur à cette
dernière. L'emprunteur maximise son utilité (lorsqu'il rembourse)
par rapport à deux contraintes: l'information sur le choix potentiel de
son emprunteur et le niveau de la sanction infligé par le prêteur.
Pour un emprunteur dont le projet réussit, si le projet de son
partenaire échoue, le premier va choisir de ne pas rembourser son
prêt. Par conséquent, tout le groupe (binôme) sera
défaillant. Force est de constater que l'élément principal
qui occasionne cette défaillance stratégique est le fait de
devoir payer pour son partenaire, ce qui est l'essence même de
la responsabilité conjointe.
Le modèle de Besley et Coate [1995]
démontre qu'en présence de responsabilité conjointe, les
emprunteurs peuvent choisir volontairement de ne pas honorer leurs engagements
afin d'éviter de venir en aide à leur partenaire.
Diagne [1998] analyse la défaillance
stratégique dans une optique totalement différente de celle de
Besley et Coate [1995]. Jusqu'à présent toutes les
analyses théoriques que nous avons présentées
mettent l'accent sur l'avantage informationnel que possèdent les membres
du groupe par rapport au prêteur (l'institution de microfinance). Ce qui
constitue un avantage au groupe pour la sélection, la surveillance
mutuelle et la pression des pairs [Stiglitz 1990; Varian 1990 ; Ghatak 1999].
La réussite du contrat de façon individuelle est
cautionnée par la réussite du projet financée
[Besley et Coate 1995]. Cependant pour Diagne [1998], la
défaillance stratégique est due
d'une autre forme d'asymétrie
informationnelle jusqu'à la pas analysé par la
théorie économique sur le prêt de groupe. Il s'agit de
l'information imparfaite et asymétrique les membres au d'un
groupe concernant la volonté de rembourser de leur partenaire. Diagne
[1998] que la principale raison défaillance dans le prêt de groupe
n'est pas l'incapacité, mais l'absence de volonté de rembourser
le crédit. La volonté de rembourser étant une information
privée, les membres du groupe ne sont pas sûrs des intentions de
remboursement des leurs partenaires. Si un membre accorde peu d'importance aux
crédits futurs et qu'il doute de la volonté de rembourser d'au
moins un des ses pairs, il est optimal pour lui de ne pas ne pas respecter son
contrat. En effet, s'il rembourse sa part et qu'au moins un membre est
défaillant sachant que la pression des pairs n'a pas eu d'effets
positifs, tout le groupe sera considéré comme défaillant.
De ce fait l'utilité de l'emprunteur s'en trouve réduite. Par
contre si l'emprunteur décide de ne pas rembourser, il ne
bénéficiera pas des crédits futurs, mais dans ce cas son
utilité reste intacte. Donc l'emprunteur préfère ce
deuxième cas de figure car elle maximise son utilité.
À la différence de Besley et Coate
[1995], c'est le fait que les emprunteurs n'accordent pas d'importance aux
crédits futurs qui entraîne la défaillance
stratégique pour Diagne [1998]. Or, l'accès au crédit
futur est une des incitations utilisées dans les prêts de groupe
avec caution solidaire pour pousser les emprunteurs à rembourser.
Ces deux papiers montrent que l'incapacité de la
responsabilité conjointe à améliorer la performance du
prêt du groupe réside même dans les règles qui la
fondent.