3.2. Enforcement ou mise en oeuvre des règles
L'enforcement n'est pas dû à
l'asymétrie informationnelle. Mais il s'explique par
l'incapacité du prêteur à appliquer les sanctions à
l'encontre des emprunteurs «délinquants ». Même si le
projet de l'emprunteur réussit et qu'il est en mesure de rembourser son
prêt; il pourrait refuser de rembourser le prêt. Ceci peut
s'expliquer par des faiblesses du système légal ou par
l'extrême pauvreté de l'emprunteur qui n'a pas permis une sanction
efficace [Ghatak 1999].
Besley et Coate [1995] soulèvent un
problème: comment la responsabilité conjointe pousse les
récalcitrants à honorer leurs engagements. Ils montrent que le
prêt de groupe à deux effets opposés sur le taux de
remboursement. L'avantage des groupes, c'est qu'ils permettent à un
membre dont le projet a eu un rendement élevé de
s'acquitter de la dette d'un partenaire qui a fait défaut.
Mais le prêt de groupe à caution solidaire a des
inconvénients. Prenons l'exemple, d'un emprunteur dont les rendements de
son projet sont moyens. Si l'un des ses partenaires fait
défaut, l'emprunteur doit faire face aux obligations de son partenaire.
Le fardeau que représente le remboursement du prêt de son
partenaire peut entraîner la faillite du premier emprunteur.
Cependant, si les liens sociaux sont assez forts, l'effet net
est positif. Car n'honorant pas ses engagements, l'emprunteur encourt les
sanctions de ses pairs et de l'institution de micro crédits. Ainsi, le
système de prêt de groupe à caution solidaire
permet des taux de remboursement supérieurs à ceux obtenus avec
les prêts individuels.
3.3. Problème du lien social
L'obstacle majeur de la responsabilité conjointe comme
mécanisme de prêt survient lorsque les liens sociaux entre les
emprunteurs potentiels sont trop faibles pour assurer un sentiment de
solidarité. C'est un problème important dans les prêts
à responsabilité conjointe surtout dans les tentatives de
réplication du modèle de la Grameen Bank dans les pays
plus développés.
Mondal et Tune [1993] ont discuté du problème
«replicabilité » du système de la caution
solidaire du Bangladesh aux compagnes de l'Arkansas.
Les Good Faith Fund crée en 1988 dans l'Arkansas ont
adopté le modèle de la Grameen Bank. La responsabilité
conjointe si efficace au Bangladesh n'a pas l'air de fonctionner à
l'Arkansas. Ceci s'explique par les différences sociales et culturelles
qui existent entre les deux pays d'après Mondal et Tune. Les
compagnes de l'Arkansas sont beaucoup moins peuplées que celles du
Bangladesh. De plus, la population américaine est plus
hétérogène du point de vue racial et religieux. Ce qui
constitue un véritable frein pour l'esprit de solidarité et la
formation de groupes caution solidaire. Mais la faiblesse des liens sociaux
à l'Arkansas s'explique par un autre phénomène selon
Wydick [1999]. En effet, l'identité des paysans du
Bangladesh dérive de celle de la communauté. Alors que les
Américains sont plus individualistes.
Pitt et khander [1995] décrivent dans le cas de la
Grameen Bank la ferveur presque religieuse qui est manifestée par les
membres du groupe lors de réunions. En effet, une pression sociale
très forte est exercée sur les membres pour qu'ils assistent
à réunion. Lors de ces réunions les emprunteurs
prêtent des sermons solennels à l'égard des autres membres
et jurent de respecter les principes de fonctionnement de la banque. En outre
les emprunteurs sont amenés à éprouver des sentiments de
remords, de culpabilité ou de honte à l'égard des actes
qui pourraient nuire aux autres membres du groupe. Aussi ils doivent ressentir
de la fierté concernant les actions d'entraide.
Par ailleurs, il ne faut pas sous estimer l'importance des
prescriptions religieuses et morales. En Malaisie par exemple, l'institution
AIM a ajouté à son programme les principes moraux de l'Islam. A
savoir l'obligation spirituelle de rembourser les prêts
contractés. Ainsi l'islam est un facteur supplémentaire qui
augmente les taux de remboursement des institutions de microfinance. [Hulme,
1990 p294].
Toutefois, la responsabilité conjointe se
relève inefficace si les individus concerné ne sont pas
prêts à appliquer une pression et sanctionner les membres fautifs.
Comme le prouve l'échec du système des caisses
coopératives en Irlande durant le 1 9eme siècle.
Cependant, l'abondante littérature sur le prêt
de groupe considère la pression des pairs et les autres aspects de la
responsabilité conjointe comme bénéfiques et utiles. Ceci
à l'exception de Montgomery et al [1996 pp. 154-155] qui ont
noté que les membres des groupes pouvaient affliger des sanctions
agressives et disproportionnées aux fautifs au bangladesh. Dans certain
cas, ces sanctions peuvent prendre la forme de saisis des maigres actifs
personnels tel que le bétails ou les biens de ménagers. Selon
Ghatak et Guinnane [1999], les professionnels doivent garder à l'esprit
le risque implicite de ces sanctions sur les liens sociaux. Compte tenu du fait
que ces liens sociaux sont essentiels pour le bon fonctionnement des programmes
de microcrédit.
Toutefois, il semble pertinent de ne pas considérer les
garantie pour elle-même mais plutôt de les intégrer dans une
réflexion plus large sur le crédit décentralisé. En
effet, le point le plus important nous semble la relation de proximité
qu'entretient l'institution de microfinance vis-à- vis de son client. Ce
qui nous semble justifié par le fait que les transactions fondées
sur les relations de proximités qui minimisent les risques d'aléa
moral et d'anti-sélection. De plus, la proximité conditionne en
fin de compte les résultats des institutions de microfinance. Cependant,
le point le plus crucial est la minimisation du coût de transaction
grâce à cette relation de proximité entre l'IMF et son
client, élément clé de sa performance économique.
En outre, nous
avons que le succès des IMF tient à leur
minimisation des coûts de transaction et de fonctionnement. D'un point de
vu théorique, on sait que l'effet des coûts de transactions est
utilisé comme facteur explicatif des formes institutionnelles
[Williamson, 1975,1985]. D'autre part, il ne faudra pas négliger
l'importance de la gouvernance. En effet, la gouvernance est un facteur
essentiel du succès ou de l'échec des IMF.
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