1.6.3.Théâtralité en contexte.
Qu'est-ce que le théâtre ? Il s'agit d'un concept
à signification variable et son contenu linguistique dépend
largement du contexte local et historique. Pour évoquer les
différentes formes de théâtre actives dans une
société donnée, Willmar Sauter a choisi le terme «
théâtralité en contexte ». Le terme «
théâtralité », dont la signification varie en fonction
du contexte local et historique, décrit ce qui permet de
présenter la spécificité de la forme
théâtrale24. Il existe en effet de nombreux
genres25 théâtraux dont la
théâtralité varie.
chansons de nos vingt ans, ou les personnes âgées
qui veulent voir une pièce « classique » et pas «
tuée » par de jeunes metteurs en scène). SAUTER, W, Op.
Cit. p 68.
23 DAHLGREN, Peter: Television and Public Sphere :
Citizenship, Democracy and the Media, London: Sage 1995. Cette
référence est citée par W. Sauter dans Eventness Op.
Cit. p 81.
24 Le terme
théâtralité est apparu en allemand (Fuchs, en 1907) et en
russe (Evreinow, en 1908), Roland Barthes a utilisé ce terme au
début des années 60, en définissant
théâtralité comme « théâtre sans le texte
» (1964, p 41), ce vocable a également été
employé par Patrice Pavis dans son « Dictionnaire du
théâtre ». SAUTER, W. Op. Cit.p 49.
25 Willmar Sauter explique que la recherche sur les
genres de théâtre est peu développée par rapport aux
autres arts. Toutes ces catégories de genres font appel à la
forme et au contenu du texte écrit, alors que le mode
de représentation est exclu. Dans « The Dramatic Experience
» (1965), J.L. Styan considère le théâtre
comme
Mais qui décide de considérer telle ou telle
forme comme du théâtre ? Nous évoquerons la vie
théâtrale en tant que champ culturel, notion chère à
Pierre Bourdieu, pour expliquer qui impose le contexte dans lequel il convient
de considérer tel ou tel spectacle comme théâtral.
Rappelons qu'un champ est une sphère virtuelle, une
enceinte sociale, qui rassemble des personnes ayant un but commun dans un
domaine commun. Le champ culturel est constitué de plusieurs champs
autonomes : le champ du théâtre, de la littérature, du
cinéma, de la télévision.... A l'intérieur de ces
champs, tous les praticiens et les institutions qui souhaitent dominer le champ
s'affrontent constamment pour promouvoir leur capital symbolique. Dans ce sens,
la relation des théâtres avec des personnalités reconnues
à l'intérieur du champ théâtral est un atout pour
leur reconnaissance. En effet, chaque acteur du champ culturel souhaite
accéder à une position dominante, représentative du bon
goût.
Willmar Sauter souligne qu'un champ culturel possède
des aspects virtuels et concrets. Par exemple : un metteur en scène a
probablement de vrais pouvoirs (engager des acteurs, produire une
pièce), alors que le critique de théâtre ne peut
qu'écrire son papier. En apparence, il ne peut faire du tort
qu'intellectuellement et pourtant son pouvoir est considérable,
étant donné que le producteur ou toute personne faisant partie
d'un champ a besoin de la reconnaissance des autres. Il suffit que ces autres,
même peu nombreux, aient un capital culturel reconnu pour consacrer la
légitimité d'une personne ou même d'une institution. Enfin,
si le critique est reconnu, sa plume peut même causer des dommages par
rapport à la réussite d'une représentation.
En somme, il y a une relation étroite entre le
succès artistique et économique d'un théâtre. En
effet, l'octroi de subventions ou l'accord avec des sponsors dépend de
la position que le théâtre, en tant qu'institution regroupant
certains praticiens, occupe dans le domaine artistique, dans le champ
théâtral.
Evidemment, une production coûte de l'argent et depuis la
naissance du théâtre en Grèce, il est «
subventionné ».26 L'octroi de subsides par la ville, la
région, l'Etat, ou l'Union
une forme d'art hybride. Cette conception passe sous silence la
spécificité du théâtre : le jeu de l'acteur et sa
rencontre avec le spectateur. SAUTER, W. Ibid. pp 51- 52.
26 La provenance des fonds a varié au cours des
siècles : Etats, riches citoyens, mécènes, associations,
entreprises privées....
européenne, est en général
conditionné à l'exercice d'un droit de regard. Le bailleur ne
s'attend pas nécessairement à des bénéfices
financiers, bien que l'argent doive être utilisé à bon
escient. En tout état de cause, les théâtres doivent
créer de l'art qui doit plaire à leur public. Ils sont aussi
supposés transmettre un message éthique acceptable par l'opinion
publique.
Le public est prêt à dépenser le prix de
sa place pour un spectacle aux valeurs esthétiques et éthiques
avérées. Idéalement, il participe aussi à une
expérience de rassemblement qui lui permet de se sentir partie
intégrante d'une communauté et donc qui renforce son
identité. Le sentiment d'appartenance et de communauté est
considérablement augmenté lors de festivals.
Les spectateurs entrent ainsi dans la « culture du jeu
» qui y gagne un certain statut ce qui, en retour, conforte
l'autorité municipale dans le bien-fondé de sa politique de
subsides à la compagnie théâtrale.
Bien sûr, ce cycle est idéal. Ce processus peut
être entravé à cause d'un public qui ne partage pas les
mêmes valeurs esthétiques ou d'un directeur qui gère mal
ses fonds et dépense trop en frais administratifs...Il est assez
délicat de trouver un juste équilibre entre les nombreuses
étapes constituant la préparation d'un événement
théâtral d'une part et les différentes valeurs des nombreux
intervenants, d'autre part.
Chaque théâtre a besoin de publicité.
Depuis l'existence de spectacles publics, les organisateurs doivent annoncer
leur événement, le faire connaître pour que les spectateurs
viennent. Les techniques ont varié au cours des siècles, nous
parlons aujourd'hui, à l'heure d'une véritable abondance de
spectacles, de jeux, de véritables stratégies de marketing.
Dans ce domaine, on considère
généralement que les marques de fabrique du monde
théâtral sont avant tout leurs metteurs en scène ou leurs
réalisateurs. Or, pour les amateurs de théâtre
réguliers, ce sont les acteurs qui font la différence. Les
auteurs ne représentent une marque de fabrique que pour ceux qui ne vont
pas souvent au théâtre. Mais encore, certains
théâtres nationaux ou certaines compagnies attirent les
spectateurs, peu importe ce qu'ils jouent.
En fait, on peut poser quelques questions d'ordre éthique
sur la production et la distribution d'un produit tel qu'une oeuvre
théâtrale.
Nous verrons qu'à une époque où la
concurrence entre tous les spectacles théâtraux proposés
est rude, leur qualité essentielle est d'être
événementielle.
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