3.3. Analyse des articles critiques de la presse
européenne pour Gurs, une tragédie européenne et Learning
Europa
Nous avons choisi deux pièces européennes
présentées lors du Festival de Nova Gorica. Il s'agit de
Gurs, une tragédie européenne et de Learning
Europa. Les points communs de ces deux spectacles sont peu nombreux, mais
il s'agit de coproductions créées dans le cadre du projet de la
CTE « Théâtre en Europe : miroir des populations
déplacées », subventionnées par le programme Culture
2000 de l'Union européenne. Elles ont été
présentées au festival « Mejni Fest » de Nova Gorica.
Tous les autres éléments sont dissemblables.
3.3.1. Présentation des coproductions
Ci-dessous, nous évoquerons brièvement les
pièces, en fonction des personnes qui ont contribués à la
création des spectacles et de la fable. Nous avons
préféré ne pas émettre d'avis personnel quant aux
pièces. Ces informations sont donc d'ordre « technique ».
Gurs se base sur un texte écrit par
Jorge Semprún qui jouit d'une certaine aura
intellectuelle et culturelle en Europe et particulièrement en Espagne,
en France et en Allemagne. Learning Europa se fonde sur un texte
d'Armin Petras, auteur et metteur en scène
réputé surtout en Allemagne. Ce texte tient davantage d'un
scénario, d'un canevas autour duquel les metteurs en scène et les
acteurs organisent la matière à présenter.
André Turnhein- Francfort, et
Adolfas Ve~erskis- Vilnius) des pays
participants. L'auteur a distribué le scénario aux metteurs en
scène, chacun devant préparer ses « devoirs », selon
les mots d'Armin Petras, dans son propre théâtre, avec deux
comédiens. Au moment de la représentation, le metteur en
scène du théâtre d'accueil dirige les acteurs des six
autres pays. Il est libre d'organiser comme il le veut la matière. Ainsi
donc, la représentation prend une coloration chaque fois
différente.
Pour Gurs, Daniel Benoin est le metteur
en scène, avec Paul Chariéras et
Cécile Mathieu comme assistants, tous issus du
Théâtre national de Nice.
Pour Gurs, les acteurs viennent de trois pays : trois
acteurs espagnols (Anne Rebolleda, José Manuel
Seda et Ignacio Andreù), une actrice
française (Sophie Duez) et deux acteurs luxembourgeois
(Germain Wagner et Patrick Hastert).
L'ensemble de l'équipe artistique a, traditionnellement,
répété ensemble durant deux mois au total (un mois
à Nice et un mois à Luxembourg).
Pour Learning Europe, on compte au total douze
acteurs : Valérie Bodson et Josiane
Peiffer (Luxembourg), Alexander Brill et
Seweryn Zelazny (Francfort), Monika
Hilmerovà et Marko Igonda (Bratislava),
Jurga Kalvaityte et Vytautas Rumsas (Vilnius)
et Jörg Kleenmann et Xenia Snagowski
(Hambourg). Les répétitions se sont déroulées
également de manière originale. Chaque metteur en scène a
travaillé chez lui avec ses acteurs durant six semaines pour
préparer les « devoirs », c'est-à-dire la composition
des rôles et des actions mais aussi les décors, les
vidéos... .Une fois les « devoirs » accomplis par les metteurs
en scène et les acteurs, ils se sont rassemblés durant deux
jours, au théâtre de Hambourg, afin d'organiser la première
représentation.
L'équipe technique de Learning Europa est
majoritairement originaire de Hambourg, théâtre porteur du projet
(vidéo et son : Tim Maier et directeur de production :
Christa Müller). Pour la scénographie,
l'équipe hambourgeoise (Juliane Koepp et
Patricia Talacko) est augmentée de Claus
Cäsar de Francfort et de Peter Pavlac de
Bratislava.
En revanche, pour Gurs, Daniel
Benoin signe la scénographie et le design. Les costumes sont
réalisés par un autre Français du Théâtre de
Nice, Jean-Pierre Laporte. L'assistante de direction,
Emmanuelle Duverger, est également niçoise.
La composition de l'équipe artistique de Gurs
se prête peut-être plus facilement au déplacement. Les deux
coproductions ont tourné dans les pays participants. Gurs a eu,
deux
ans plus tard, l'opportunité d'être jouée
à Paris et à Berlin. Pour des raisons techniques (principalement,
les acteurs), Learning Europa n'a pas eu cette chance.
Pour pallier les difficultés de compréhension
dues à l'utilisation de plusieurs langues, Gurs est
surtitré. Ce n'est pas le cas de Learning Europa pour lequel,
lors de la représentation dans leur théâtre, les acteurs du
théâtre d'accueil ne jouent pas, endossant un rôle de
médiateurs par rapport au public.
Concernant la barrière linguistique pour la
compréhension d'une oeuvre, nos lectures nous ont fourni un exemple
très intéressant présenté dans l'article «
The Audience of Popular Theatre in Africa »157. Ingrid
Björkman y a analysé un énorme succès
théâtral écrit en plusieurs langues : « No, Mother
Sing for me ». Elle explique que tous les membres des différentes
ethnies ont tout à fait bien compris la majorité de l'intrigue,
même si aucun d'entre eux n'a été capable d'en comprendre
la totalité. La barrière de la compréhension linguistique
est, dans ce cas précis, brisée par la connaissance populaire du
passé historique commun, l'insertion de chants et de danses. Ces
caractéristiques se retrouvent, dans les deux créations de la
CTE, bien que chacune accentue l'un ou l'autre aspect.
Gurs, évoque, « une troupe de
comédiens de plusieurs pays, en train de répéter une
pièce évoquant le camp de Gurs dans le sud de la France, entre
1939 et 1944. Dans ce camp sous administration française se sont
succédés Républicains espagnols et membres des Brigades
Internationales, puis de nombreux Juifs allemands et français, enfin des
résistants. La pièce joue sans arrêt sur une triple mise en
abîme où les comédiens d'aujourd'hui jouent des prisonniers
d'hier, qui, eux-mêmes interprètent des rôles dans une revue
qui doit être donnée le 14 juillet. Parmi Eux, Ernest Bush,
compagnon de Brecht avant et après la guerre, chanteur et
résistant, mène le spectacle.
C'est ainsi qu'est résumée la pièce dans
le fascicule réalisé par la CTE pour la présentation des
pièces du programme « Théâtre en Europe: miroir des
populations déplacées ». Pour Learning Europa, la
même source d'information ne nous parle pas de fable.
Armin Petras a rédigé un scénario
précis regroupant dix-neuf tâches. L'auteur nous parle des «
sujets : l'amour et la haine, être chez soi, être un
étranger. Que savez-vous de l'Europe ? Que savons-nous de
nous-mêmes, de notre pays, de nos racines ? De nos peurs ?
157 BJERKMAN, Ingrid: « The Audience of Popular Theatre
in Africa, Experiencing a Tribal Language Play by Means of Non-verbal
Communication » dans New Direction in Audience Research.
Instituut voor Theaterwetenschap, Editions de l' Instituut voor
Theaterwetenschap, Utrecht, 1988, pp 85 - 97.
De nos désirs ? Les tâches doivent être
transformées en théâtre, danse et vidéo. » A
chaque représentation, les scènes sont agencées d'une
manière différente.
Les thèmes sont très opposés aussi.
Gurs traite du passé commun à tous les peuples
européens ayant connu la Première Guerre mondiale et ses
horreurs. Par son caractère didactique, il constitue une
véritable leçon d'histoire. De manière moins
évidente et moins traditionnelle, Learning Europa entreprend de
partir à la découverte de ses voisins, en se basant sur des
activités, des comportements communs à tous les peuples. D'un
point de vue « pédagogique », la pièce nous permet
d'apprendre à les connaître. Nous pouvons affirmer sans crainte
que les émotions dégagées par les deux pièces se
situent à des niveaux distincts, sans aucun jugement
hiérarchique.
Il apparaît évident que ces créations
originales appartiennent à deux types de théâtre que nous
différencions en fonction de la théâtralité dont
nous avons évoqué les nombreux aspects
précédemment. En tant qu'oeuvre basée sur un texte, nous
dirons que dans Gurs, le travail théâtral est important
bien que le texte reste l'élément principal. Dans Learning
Europa, nous avons véritablement affaire à un spectacle de
recherche, d'expérimentation où la primauté va à la
mise en scène.
Nous avons demandé aux responsables des
théâtres ayant produit ou accueilli les coproductions que nous
avons choisies, de bien vouloir nous communiquer tous les articles de presse
publiés en regard de l'événement.
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