Introduction
Etudiante en art du spectacle vivant européen et
passionnée par la construction de l'Europe, nous avons voulu donner une
dimension européenne au mémoire qui conclut notre cycle
d'études.
Lors de recherches à la bibliothèque de
l'Université Libre de Bruxelles, nous avons été surprise
de n'y rencontrer aucun ouvrage traitant du « théâtre
européen ». Nous voulions éviter de glisser vers une analyse
de théâtres comparés. En introduisant notre sujet sur
Internet, nous avons appris, par hasard, l'existence d'un réseau
européen de théâtre : la Convention Théâtrale
Européenne (CTE), dont est membre le Théâtre national
Wallonie- Bruxelles. Cette association discrète était, de
surcroît, organisée depuis Bruxelles jusqu'en 2005.
L'objectif de cette association, nous le développerons,
est d'encourager les échanges de spectacles, de praticiens, de
publics... entre les théâtres membres, afin d'apprendre aux
européens à s'apprécier mutuellement. Par exemple, le
public belge peut assister à un spectacle dans une autre langue,
jouée par des acteurs d'un autre pays. Cet aspect nous a
séduite.
Le site Internet renseignait l'organisation d'un festival
européen « Théâtre en Europe: miroir des populations
déplacées ». Le programme était original et «
européen », et de nombreux documents relatifs à cet
événement, malheureusement déjà terminé au
moment de nos investigations, étaient disponibles sur le site Internet.
Par curiosité, nous avons navigué sur le world wide web
à la recherche d'informations sur les productions
présentées dans le cadre de ce projet (subventionné par
Culture 2000), à Nova Gorica (Slovénie), pour fêter
l'adhésion de dix pays de l'Europe de l'Est à l'Union
Européenne. Le hasard, encore une fois, nous a tracé une voie :
Gurs, une tragédie européenne allait être
jouée à Paris au mois de mars 2006, après avoir
été présentée à Nova Gorica, Séville,
Nice et Luxembourg, avant d'être proposée à Berlin dans le
cadre d'un festival en l'honneur de Bertolt Brecht. L'occasion était
inespérée. Nous avons cerné plus précisément
l'objet de notre étude : il serait question d'analyser la
réception de Gurs, une tragédie européenne, dans
les différentes villes à travers les médias.
Il nous a alors semblé intéressant
d'étudier une deuxième pièce intégrée dans
le même projet. Le choix de Learning Europa a
été motivé principalement par un dossier de
presse très volumineux et par l'opportunité de visionner la
pièce sur DVD. De plus, les articles
critiques sur ces coproductions s'inscrivaient sur un axe
Nord-Sud, de l'Allemagne à l'Espagne. Ces deux pays avaient apparemment
des conceptions critiques assez diamétralement opposées.
Comment avons-nous constitué notre corpus de presse ?
Au cours du deuxième semestre, nous avons séjourné
à Paris, au siège de la Convention Théâtrale
Européenne, afin de pouvoir consulter les archives et nous rendre compte
du fonctionnement du réseau. Comme les supports médiatiques
conservés à la Convention n'étaient pas nombreux, nous
avons contacté les théâtres ayant accueilli les
coproductions. Ils nous ont fait parvenir les documents médiatiques
correspondant aux coproductions que nous désirions étudier. A ce
moment de la recherche, nous avons décidé de nous limiter aux
articles issus de la presse écrite, ou Internet, si le site ou son
auteur était réputé, ce dont nous nous sommes
assurée auprès des responsables de presse dans les
théâtres, les autres médias étant peu ou pas
représentés.
Au cours du semestre que nous avons passé à
l'Université de Stockholm, nous avons traité plusieurs sujets
autour du thème de la réception. Ces travaux nous ont servi de
base théorique pour la rédaction de cette étude. Nous
avons évidemment consulté d'autres sources de nature tant
anthropologico-sociale que sémiologique. A Stockholm, nous avons ainsi
découvert les ouvrages de Willmar Sauter. Le premier schéma
proposé par cet auteur dans son dernier ouvrage, « Eventness :
a Concept for the Theatrical Event », nous a semblé
remarquable et pertinent. Il rassemble de nombreuses théories et englobe
l'événement théâtral dans un contexte plus large que
la prestation des comédiens, dans un lieu et une temporalité
déterminés. Il considère que la réception d'un
spectacle (jeu de théâtre) se situe entre des conditions de
production (contexte culturel), un champ culturel
(théâtralité en contexte) et un mode de vie, des coutumes,
des pratiques culturelles des habitants (culture du jeu). Ces quatre
pôles s'entrecroisent, s'étayent et s'influencent mutuellement de
manière constante. Il est difficile de décrire ces
catégories de manière définitive car elles sont toujours
en évolution. Dans deux ouvrages précédents, «
Understanding Theater » et « The Theatrical Event
», Willmar Sauter a travaillé à l'élaboration
d'un deuxième schéma rendant compte de la communication
intrinsèque à l'événement théâtre. Il
différencie les actions des comédiens qui servent à la
présentation de l'oeuvre au public et les réactions des
spectateurs qui constituent leur perception durant la composition dramatique.
Dans la première partie, nous nous sommes attelée à
l'explication de ces schémas.
Dans la deuxième partie de ce mémoire, nous
avons tenté d'appliquer les différents éléments
proposés par W. Sauter aux oeuvres du théâtre «
européen », afin de cerner le contexte dans lequel s'inscrivent les
pièces de la CTE.
Nous avons donc développé brièvement la
culture européenne, les coproductions, le dialogue interculturel et les
actions menées par les institutions européennes afin de
promouvoir la diversité culturelle, lesquelles s'intègrent
principalement dans le « Contexte Culturel ». Nous nous sommes
attardée quelque peu sur les actions européennes en faveur du
théâtre, ainsi que sur les réseaux de théâtre
soutenus par l'Union Européenne, dont la CTE fait partie. Cet ensemble
d'actions et de réseaux européens se situe dans ce que W. Sauter
nomme la « théâtralité en contexte » et qui peut
être apparenté aux champs culturels définis par Pierre
Bourdieu. Ensuite, nous avons tenté de donner une définition du
théâtre et particulièrement du théâtre
européen. Existe-t-il un théâtre européen, ou
est-t-il préférable d'envisager les théâtres
d'Europe ? En tant qu'art mimétique, on considère
généralement que le théâtre est ancré dans le
local. Dès lors, le théâtre européen est-il une
utopie ? Nous avons essayé de montrer qu'en Europe, les pratiques de
jeux de théâtre - bien que diverses et multiples -
possèdent des bases communes, des thèmes comparables, des valeurs
compatibles. Nous posons l'hypothèse de la réalité d'un
théâtre européen. Reste au public, sans qui le
théâtre n'existe pas, à s'habituer à d'autres
langues, à ne pas chercher à tout prix à comprendre mot
pour mot le texte et à se laisser porter par la
théâtralité qui ne connaît pas de barrières
linguistiques. Nous avons personnellement fourni un travail de
compréhension des livres de Willmar Sauter rédigés en
anglais, des articles de presse en allemand et en espagnol. Comme nous n'avons
pas la prétention d'avoir une connaissance parfaite de ces langues,
l'interprétation des termes et schémas de W. Sauter, notamment,
nous a causé quelques soucis.
Ensuite, nous avons consacré la troisième
section de ce deuxième chapitre à la présentation des
médias et à la place qu'ils accordent à la culture en
général et au théâtre, en particulier. Selon W.
Sauter, le rôle des médias se situe entre les stratégies de
promotion qui appartiennent au contexte culturel, et la « culture du jeu
». En effet, le critique a le pouvoir d'influencer le lecteur, futur
spectateur, dans le choix de son spectacle. Cependant, la critique dramatique
appartient également à la théâtralité en
contexte puisqu'elle contribue à la réputation des nombreux
artistes participant à la création de l'oeuvre, à sa
renommée, son style, son genre et son originalité....
Dans le dernier chapitre, nous avons jugé
intéressant de présenter brièvement l'évolution de
la critique dramatique avant d'entrer dans le vif du sujet. Nous avons ensuite
présenté la CTE à travers la presse européenne.
Envisager la visibilité de cet organe porteur de projets dans lequel
s'inscrivent les coproductions étudiées nous a semblé
justifié. Enfin nous avons mené l'analyse de soixante-six
articles critiques parus suite à la création des coproductions,
Gurs, une tragédie européenne et Learning
Europa dans différentes villes d'Europe. Nous avons tenté
d'y retrouver les éléments décrits dans le deuxième
chapitre, selon les schémas proposés par W. Sauter.
Pour l'étude des articles, nous nous sommes
inspirée d'une grille d'analyse proposée par Patrice Pavis dans
« Voix et images de la scène ». Nous avons donc
examiné notre corpus de manière empirique et
détaillée, en tentant de donner une idée de l'espace
occupé par les diverses catégories répertoriées au
sein des articles critiques, dans les différentes villes. Le but
était de chercher s'il était possible d'envisager la
réception, tributaire des éléments présentés
dans les schémas de W. Sauter, à travers les articles de la
presse écrite. Pour plus de clarté, nous avons entrepris de
transformer en graphiques et tableaux les résultats de nos
constatations. N'étant pas professionnelle de l'informatique, et
étant donné certaines variables difficiles à quantifier,
ces statistiques sont à interpréter strictement dans le cadre de
notre étude.
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