SECTION II : Faut-il préférer un
modèle interne à la formule standard ?
A propos de la formule standard, Serrant (2006) soulignait :
« La mise en place et la calibration d'une formule standard
répondant à cette définition23, et valable sur
l'ensemble de l'Union européenne, relèvent d'une mission
quasiment impossible. En effet, comment imaginer pouvoir concilier à la
fois un ensemble de situations aussi diverses en termes de
réglementation, d'exposition aux risques, de pratiques commerciales, et
la nécessité d'obtenir une formule standard praticable pour
l'ensemble des acteurs.»
PARAGRAPHE 1 : Comparaison des deux approches
Le projet Solvency II va introduire un changement absolu dans
la détermination des marges de solvabilité. En effet, la
nécessité de déterminer une "valeur de marché" des
engagements, alors qu'il n'existe pas de marché des passifs pour pouvoir
en obtenir une valeur directe, va requérir des changements importants
dans la démarche de provisionnement. On passera en effet d'un cadre
déterministe, de calcul du montant des engagements à un cadre
méthodologique très encadré et ayant une dimension
stochastique. Une fois les deux méthodes
23 Permettant d'immobiliser un capital minimal
garantissant dans 99,5% des cas une survie des sociétés dans un
an
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Réalisé par : Aristide K.
VIGNIKIN
Solvabilité II : Impact de l'utilisation
d'un modèle interne sur la valorisation du bilan
en assurance.
de détermination du SCR présentées, il
convient à présent de discuter des avantages et
inconvénients de chacun de ces approches. Rappelons que l'approche
calculatoire qui sera choisie ne doit pas influencer les principes de
définition concernant la mise en place de ce projet ; le but devra
rester l'immobilisation d'un capital minimum n'autorisant une faillite de
l'entreprise que les 200 ans. Comme nous le précisions dans la section
précédente, le traitement des interactions entre les
différents risques et donc du bonus de diversification constitue la
différence principale entre ces deux méthodes approches.
Au-delà de cette différence principale, il existe
d'autres différences que l'on peut résumer comme suit :
- le degré avec lequel les données
spécifiques à la compagnie sont employées pour
paramétrer le modèle ;
- l'utilisation de la simulation au lieu des facteurs pour
mesurer le risque ; - l'effort requis pour estimer le besoin de capital.
Une modélisation interne est bien en adéquation
avec, d'une part, la gestion des données appropriée, actuarielle
et expertise de modélisation stochastique et, d'autre part, une
plate-forme puissante de simulation24. Cette plate-forme de
simulation devrait avoir les possibilités de :
- modélisation quantitative de toutes les
catégories matérielles de risque, y compris leurs
corrélations ;
- reconnaissance et modélisation des structures de
réduction de risque ; - calcul du besoin de capitaux en résultant
;
- fourniture de rapports transparents, y compris le détail
suffisant pour comparer des besoins de capitaux pour chaque risque primaire et
secondaire à ceux du modèle standard.
L'idée même d'une harmonisation est bien
séduisante, mais bien que plusieurs améliorations soient
apportées à la formule standard au fur et à mesure que des
recommandations sont faites aux autorités à travers les
études quantitatives d'impacts, elle reste quand même
inadéquate ; du moins pour certaines branches d'activités
où la gestion interne et les spécificités de l'entreprise
sont importantes dans la détermination des besoins de capital. C'est
d'ailleurs une des raisons qui
24 Une plate forme qui favorise les projections.
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Réalisé par : Aristide K.
VIGNIKIN
Solvabilité II : Impact de l'utilisation
d'un modèle interne sur la valorisation du bilan
en assurance.
ont motivé la commission européenne à
travers le CEIOPS à encourager les entreprises à utiliser des
modèles internes tout en fournissant une documentation - concernant le
périmètre et la structure du modèle, la
compatibilité des données avec celle de la formule standard, le
test d'utilisation, les propriétés statistiques25, la
qualité des inputs, le calibrage et la mesure du risque,... - à
l'appui. Même dans le QIS3, la diversification considérée
dans la formule standard à travers les matrices de corrélations
était fixée, et pour rejoindre Fédor (2006), elle
pénalise les investissements volatils. Si l'on se rappelle que la
stratégie de placement principalement menée par les assureurs en
Europe est basée sur leurs engagements en passifs, on peut
s'inquiéter d'un retournement des assureurs vers des instruments de
taux, et la vente de ceux volatils, notamment les actions et l'immobilier. Nous
avons largement discuté des multiples avantages qu'offrent les
modèles internes dans la section précédente, notamment la
prise en compte de corrélation variable qui autorise une gestion
efficace de certaines catégories de risques. On peut pour finir,
évoquer le risque de provisionnement qui intervient dans la
détermination des exigences de solvabilité quelle que soit
l'approche utilisée; si d'une part, dans la formule standard le risque
de souscription, composante du SCR, fait intervenir la volatilité du
stock de provisions et que dans le QIS3, cette volatilité était
fixée par branche sans lien avec la volatilité propre à la
société et en prenant en compte une corrélation entre
branches et entre risques, elle aussi fixée. Au contraire, dans un
modèle interne, la volatilité du provisionnement est une
composante essentielle de la volatilité de l'actif net, mais là,
et dans ce modèle, la volatilité du provisionnement et la
corrélation entre branches et risques est celle intrinsèque
à la société. Une distinction très importante en
assurance vie pour les risques longs.
Ainsi donc, chaque approche a ses avantages et ses insuffisances
selon l'activité ou la branche d'activité exercée.
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