PARAGRAPHE 2 : Les modèles internes
Une autre alternative à la formule standard
testée dans la détermination du SCR est l'utilisation par les
entreprises de méthodes de gestion qui leur sont spécifiques : il
s'agit des modèles internes. Un modèle interne est un instrument
de simulation dont le but est d'anticiper la réalisation
d'événements futurs et leurs impacts, en particulier sur la
solvabilité de l'entreprise ou du groupe considéré. Selon
Carpenter (2007), ce sont des « solutions de rechange au modèle
standard pour déterminer des conditions d'adéquation des fonds
propres de la solvabilité II. » Selon lui, « les
risques incorporés à un modèle interne sont susceptibles
d'être les mêmes ou très semblables à ceux inclus
dans le modèle standard.»
Deux familles de modèles internes peuvent être
ainsi définies, si les modèles sont construits avec une approche
fragmentée (silo), ou une approche intégrée ou
complète. Le traitement des interactions entre les différents
risques et donc du surplus ou bonus de diversification constitue la
différence principale entre ces deux méthodes approches.
L'approche par silo, très semblable à celle
adoptée par Solvency II, consiste à construire un modèle
pour chacun des risques pris séparément. C'est une approche
fragmentée de la modélisation.
Quant à l'approche intégrée, elle prend
en compte l'ensemble des risques et leurs interactions afin de construire des
scénarii qui intègrent au mieux le fonctionnement réel de
la compagnie. Par ailleurs, ces scénarios traitent d'une manière
cohérente chaque facteur de risque : émissions et acquisitions
des primes, création de provisions, paiement des sinistres,
investissement et désinvestissement des actifs. C'est une
modélisation dynamique, évoluant au même rythme que la
société ou le groupe considéré.
Revenons à la définition de Carpenter (2007), il
précise que quasiment les mêmes risques sont
considérés, aussi bien dans les modèles internes que la
formule standard suggérée dans Solvency II ; Ce qui permet une
bonne comparaison des résultats issus des deux méthodes de
détermination du SCR. En prêtant les termes de EMB22,
on peut dire qu' « Ainsi, un modèle interne
intégré pourra anticiper parmi la multitude de scénarios
futurs probables des situations par lesquelles, par exemple, une catastrophe
pourrait entraîner une augmentation de la charge de sinistres, le
défaut potentiel d'un réassureur, une baisse de la bourse et des
valeurs des actifs,
22 EMB un groupe de consultants en actuariat ;
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Solvabilité II : Impact de l'utilisation
d'un modèle interne sur la valorisation du bilan
en assurance.
et pourquoi pas, une perte opérationnelle si
l'édifice de la compagnie est affecté, tout en capturant finement
l'impact croisé de ces différents éléments sur le
profil de risque global de la compagnie ». En d'autres termes, une
vision non fragmentée de la réalité qui permet une
meilleure projection dans le futur afin d'anticiper une multitude de
scénarii futurs possibles à travers des méthodes
probabilistes et ainsi motiver des décisions stratégiques au sein
de l'entreprise.
Nous adoptons la logique de Carpenter (2007) pour
présenter très brièvement ce qu'il appelle les «
caractéristiques principales » d'estimation des différents
risques dans un modèle interne.
Les modèles internes peuvent varier
énormément dans leur structure et complexité. Le
risque de marché
À l'aide d'un générateur
économique de scénario, les rapports fondamentaux entre les
différentes classes d'actifs sont estimés explicitement. Des
scénarii cohérents de dividendes et de rentabilités
d'actions, d'appréciation de valeurs de l'immobilier, de taux de change,
et de courbe de taux peuvent être simulés, et dans le même
temps, leurs effets sur les rentabilités d'actifs investis et les
valeurs de marchés déterminés. Il est alors possible
d'évaluer les autres aspects des affaires souscrites qui sont fonctions
de scénarii économiques, et ainsi d'estimer explicitement leur
structure de dépendance. Dans un modèle interne
intégré, ces taux d'intérêt et de change pourront
directement influencer le Best Estimate des provisions techniques nettes de
réassurance. Un tel schéma de cause à effet permet ainsi
de déterminer le risque de marché sur la valeur nette des
actifs.
Le risque de crédit ou de défaut de
contrepartie
Le risque de crédit peut être
modélisé en utilisant des ratings de taux de défaillance
ainsi qu'une distribution pour les pourcentages de perte, une fois que la
survenance d'une défaillance est simulée. Il est crucial
d'ajuster les probabilités « pures » de défaillance
pour refléter la réticence des réassureurs de payer
certaines réclamations en cas de litiges. En outre, la
corrélation entre le risque de défaillance de certains
réassureurs et les grandes pertes dues aux catastrophes naturelles est
déjà prise en compte dans le module des risques de
souscriptions.
Le risque de crédit est en général plus
grand pour le groupe de réassureurs couvrant le surplus de provisions
techniques existantes, comparés au panel utilisé pendant
l'année de souscription
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Solvabilité II : Impact de l'utilisation
d'un modèle interne sur la valorisation du bilan
en assurance.
courante. En d'autres termes, un programme de
réassurance sur un an augmente le risque de crédit. Dans un
modèle pluriannuel, les défaillances potentielles des
réassureurs peuvent être explicitement prises en compte.
Le risque de souscription
Le modèle de risque de souscription commencera
généralement par des modèles des pertes brutes, incluant
d'une part les pertes liées à la non survenue sinistres issues
des combinaisons des modèles statistiques propres de la compagnie
basées sur son expérience et les estimations de son exposition au
risque et d'autre part le rendement des modèles commerciaux de
catastrophe. Il peut également inclure un modèle explicite du
cycle de souscription - dont les variations de niveau de la meilleure
qualité sans les tendances de perte -.
Le risque opérationnel
Il est d'usage de nos jours, que beaucoup de
modélisateurs se servent d'un pourcentage (s'étendant souvent de
5 à 15%) des besoins en capital requis pour les autres risques pour se
prémunir du risque opérationnel. Comme alternative, les risques
opérationnels peuvent être estimés en tenant compte de leur
fréquence ou sévérité, basé sur les pertes
opérationnelles historiques appropriées. L'utilisation du
processus de gestion des risques de l'entreprise (ERM) pourrait être un
moyen efficace pour réduire aussi bien les risques de l'assurance que
ceux opérationnels et pour couvrir les pertes dans un modèle
interne.
Une fois les caractéristiques essentielles
exposées, l'étape suivante consiste à agréger les
risques afin de calcul le capital économique et d'en déduire le
besoin de capital (SCR).
L'agrégation des besoins de capital
L'ensemble des impacts des résultats
défavorables est sensiblement influencé par
l'interdépendance parmi des risques. Il n'est pas inutile de rappeler
que l'intérêt principal en évaluant le besoin de capital
pour une faillite tous les 200 ans réside dans les corrélations
entre les risques. L'agrégation des risques est réalisée
ici, non pas à l'aide d'une matrice de corrélation
linéaire ne représentant que la corrélation moyenne de
risque à travers la distribution comme dans la formule standard, mais
à travers des risques pris dans leur ensemble qui mesurent des
corrélations entre les risques à travers leur distribution jointe
ou totale. Cette forme de distribution, qu'on appelle encore fonction copule
(voir infra pour une présentation de ses
Réalisé par : Aristide K.
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Solvabilité II : Impact de l'utilisation
d'un modèle interne sur la valorisation du bilan
en assurance.
propriétés), est bien différente de celle
traditionnelle de Pearson qui est linéaire. Une des
propriétés ou caractéristiques de cette fonction est
qu'elle permet de faire facilement le lien entre les distributions jointes et
marginales de plusieurs variables aléatoires. Nous présentons
l'intérêt de cette fonction pour la modélisation de la
structure de dépendance en assurance dans la prochaine section.
La corrélation étant décrite par une
copule, l'évaluation du besoin de capital peut aisément
être recalibrée à d'autres niveaux de risque, rendant le
modèle de normalisation de risque utilisable en interne. Cela
reflète le niveau réel de besoin en capital pour couvrir ses
risques en faisant varier le calendrier, les outils de mesure et les seuils de
sécurité. Ainsi donc, à long terme, le modèle
interne devrait capturer explicitement des interdépendances par la
modélisation directe des relations de causalité significatives
parmi des catégories de risque. En employant les modèles internes
partiels avec la modélisation indépendante des classes simples de
risque, toutes les structures appropriées de causalité ne peuvent
pas être correctement reflétées. Compte tenu du fait que
les variables financières sont aléatoires, les projections de
bilan sont donc stochastiques. La projection de la solvabilité ou de
l'insolvabilité de la société pourrait en être
déduite pour différents moments.
Schéma n°2.1.2 : Synthèse de la
procédure de calcul à travers un
modèle interne.
Structure du Capital
Réassurance, Dettes, Actions
Répartition du Capital
Pricing des risques de rentabilité
ajustés
Capital Requis Niveau de Capital
économique toléré
Agrégation des risques
Métarisques
Modélisation des risques Volatilité
d'actifs Modèles de catastrophes
Volatilité des réserves Fréquence ou
sévérité
Source: Carpenter (2006).
Solvabilité II : Impact de l'utilisation
d'un modèle interne sur la valorisation du bilan
en assurance.
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