PARAGRAPHE 2 : Qu'y a-t-il dans Solvency II qui n'a pas
été pris en compte dans Solvency I ?
Les mesures prudentielles doivent constituer à la fois
un contrôle mais aussi une assistance vis-à-vis des assureurs. En
effet, Solvency I laisse une large marge de manoeuvre aux organismes
de supervisions nationaux qui peuvent compléter les exigences à
leur discrétion puisque ces dernières sont minimales. Elle
tolère les ajouts de normes supplémentaires, les
possibilités de dérogations. De plus, les exigences de
solvabilité sont calculées sur la base de leurs valeurs
comptables alors qu'on connaît les multiples limites de ces
méthodes comptables, bien qu'il existe une harmonisation des normes
comptables (IFRS). Ces deux projets visent à une meilleure couverture
des véritables risques d'une compagnie d'assurance.
La différence majeure entre Solvency I et Solvency II
réside dans le fait que la marge de solvabilité sera
dépendante du niveau de risque de la société. En effet,
Solvency I n'opère pas de distinction entre les risques quelle que soit
leur volatilité à l'intérieur d'une même branche -
seul le montant souscrit impacte le calcul ; de plus il ne pénalise pas
les entreprises qui sous- provisionnent ou qui sous-tarifient les risques, mais
pénalise celles qui les sur-provisionnent. En revanche, Solvency II
définit clairement tous les risques que pourrait encourir le secteur et
tous ces risques sont pris en compte, non seulement de manière globale
mais aussi de façon isolée en fonction de leurs
spécificités ainsi qu'en tenant compte des différentes
interactions entre eux. Les normes réglementaires ne seront plus
arbitraires puisque les possibilités d'ajouts de normes (nationales) et
de dérogations sont prises en compte dans ce projet ; tous les risques
étant pris en compte, qu'ils soient quantitatifs ou qualitatifs.
Si l'on s'en tient aux travaux de Skjødt (2006), on
peut synthétiser cette comparaison dans le tableau n°1.2.1. Ainsi,
la façon dont le risque va être pris en compte dépendra des
spécifications et calibrage retenus. Pour ce qui concerne les exigences
en capital, que nous avions définies précédemment, il est
question de déterminer deux niveaux, le MCR et le SCR. Comme nous
l'avons précisé plus haut, bien que les modalités de
calcul exactes du MCR et du SCR ne soient pas encore adoptées, il
apparaît clairement que le SCR devrait devenir l'outil principal des
autorités de contrôle. Certaines législations15
spécifient que le capital doit être suffisant pour pouvoir couvrir
ces risques avec une probabilité de 99,5% sur une année ou un
niveau inférieur sur un horizon plus lointain selon le type d'affaires
souscrites par la société.
15 Individual Capital Assessment au Royaume-Uni ;
Swiss Solvency Test en Suisse ou Traffic Light System en Suède
- 19 -
Réalisé par : Aristide K.
VIGNIKIN
Solvabilité II : Impact de l'utilisation
d'un modèle interne sur la valorisation du bilan
en assurance.
Tableau n°1.2.1 :
Solvency I
Forte protection des particuliers à travers une
réglementation détaillée.
|
Solvency II
Forte protection des assurés mais à travers la
mise en place d'incitations au contrôle des risques, la
responsabilité des dirigeants, la transparence et la prise en compte des
informations du marché.
Niveau élevé d'exigences de capital explicites
et implicites. Les exigences implicites engendrent une grande prudence dans
l'évaluation des passifs. En plus de la marge de sécurité
sur les passifs, l'exigence de capital de solvabilité est fixée
à un niveau élevé entraînant un niveau
élevé du capital tampon, ce qui conduit à des coûts
du capital supérieur aux prix du marché.
|
Exigences de capital réellement basées sur le
risque, impliquant que le risque et les exigences sont étroitement
liés ; ce qui conduit à une allocation efficience du capital
efficiente pour les entreprises d'assurances et des fonds de pension.
L'évaluation des passifs est basée sur les informations du
marché et sur les autres16 éléments probants
cohérents avec le marché. Le coût du capital pour les
entreprises d'assurances est représentatif de l'offre et de la demande
et reflète l'exposition réelle au risque d'une entreprise
particulière17.
Protège les entreprises existantes mais au
détriment de la concurrence et des dynamiques de marché.
Stabilise la structure du marché.
L'organisme de supervision dispose d'un ensemble de pouvoirs
et d'outils d'intervention laissés à sa discrétion.
|
Stimule la concurrence, la compétitivité, les
dynamiques et l'évolution du marché.
Le pilier III implique un équilibre entre les exigences
quantitatives et qualitatives, obligeant ainsi l'organisme de supervision
à mettre en oeuvre, un processus transparent. L'organisme de supervision
dispose en effet de tous les outils d'intervention mais doit en justifier
l'utilisation.
La réalisation d'un système de
solvabilité
Le but du système de solvabilité n'est pas
16 Table de mortalité du marché pour
l'évaluation des provisions mathématiques et non table
d'expérience de l'entreprise.
17 Pour la marge de risque et qui représente le
prix au-delà du best estimate que le preneur (réassureur pour un
portefeuille est prêt à accepter)
- 20 -
Réalisé par : Aristide K.
VIGNIKIN
Solvabilité II : Impact de l'utilisation
d'un modèle interne sur la valorisation du bilan
en assurance.
réellement basé sur le risque ne constitue pas
un objectif premier. Les insolvabilités doivent être
évitées presque à tout prix.
d'éviter l'insolvabilité à tout prix mais
de garantir le fait que les problèmes soient découverts
suffisamment tôt pour qu'une intervention adaptée à la
situation puisse être mis en oeuvre.
Source : Skjød (2006).
Le schéma n°1.2.2 montre la procédure de
détermination des exigences quantitatives. On a mis en gras deux notions
qui seront au centre de tout ce travail et qui font l'objet d'une discussion
dans le chapitre 2 du travail.
Schéma n° 1.2.2 : DETERMINATION DES
EXIGENCES QUANTITATIVES
Niveau 3 : exigences supplémentaires
|
|
|
3) SCR majoré
Capital add-on à la discrétion des autorités
de contrôle (risques, gouvernance)
|
|
SCR
majoré
|
|
Niveau 2 : capital requis standard
|
|
|
|
|
|
Intervention prudentielle graduée
SCR
Solvabilité Complète Requise
Niveau 1: plancher absolu
Retrait d'agrément si non respecté
Niveau 0 : ruine
MCR
Capital Minimum Requis
Provisions
Techniques
2) SCR = véritable exigence à respecter ; c'est le
capital nécessaire pour ne pas être en ruine à horizon de
un an avec une probabilité de 99,5% et calcul é selon
modèle standard ou modèle
interne.
1) MCR
Capital minimum requis
Provisions techniques
Calcul basé sur une approche économique = Best
Estimate + Marge de prudence ( «coût du capital»)
|
Une seule marge de sécurité est
préconisée dans Solvency I, à l'opposé,
trois niveaux de sécurité sont considérés dans
Solvency II, dont le MCR, le SCR et la marge de risque (incluse dans
les provisions techniques). Alors on pourrait bien se demander quelle forme
aurait le bilan des entreprises d'assurances dans ce nouveau
référentiel; le schéma illustre bien la chose (comme l'a
fait le CEIOPS). Il faut noter qu'on passe d'un bilan comptable, qui tient
compte des valeurs statutaires de ces constituants (actifs et passifs) à
un bilan économique, qui lui considère la
Réalisé par : Aristide K.
VIGNIKIN
|
- 21 -
|
Surplus
Capital requis S2 (SCR)
Impôt Différé
Dettes ou Provisions techniques (Approche
économique)
Actif Net
Solvabilité II : Impact de l'utilisation
d'un modèle interne sur la valorisation du bilan
en assurance.
valeur de marché.
Schéma n° 1.2.3 : PRESENTATION
COMPAREE DES BILANS DES ENTREPRISES D'ASSURANCE DANS LES DEUX
REFERENTIELS
Bilan comptable Solvency
I
|
Bilan économique
Solvency II
|
Passif
|
Actif
|
Passif
|
Actifs
(Valeur comptable)
Surplus
Exigence S1 (MSR)
Dettes ou Provisions techniques
(Valeur comptable)
|
Actifs
(Valeur de marché)
(Avec pris en compte de Plus-values
latentes)
|
Source : Towers Perrin Tillinghast (2006)
Ainsi donc, on voit clairement qu'il existe une
différence entre les deux cadres de solvabilité. Rappelons-le une
fois encore, l'assurance consiste à échanger des risques contre
des primes: il s'agit donc de mesurer l'intensité de ces risques. Un
système de contrôle efficace devrait être celui qui prend le
mieux en compte l'exposition aux risques ; le projet Solvency
II détaille clairement les différents types
de risques tandis que Solvency I n'en fait pas de
Réalisé par : Aristide K.
VIGNIKIN
|
- 22 -
|
Solvabilité II : Impact de l'utilisation
d'un modèle interne sur la valorisation du bilan
en assurance.
distinction. Il faut à la fois identifier les risques,
mais aussi les quantifier afin d'immobiliser des fonds propres
conséquents pour les couvrir. Puisque les modalités de calcul
exactes de ces exigences, notamment le SCR sont encore sujettes au
débat, il est tant de discuter maintenant de deux méthodes
candidates à la détermination de ce niveau d'exigence : il s'agit
de la formule standard qui est actuellement testée et des modèles
internes.
|