Chapitre 3 : RESULTATS SUR LES JEUNES ENQUETES
Dans ce chapitre, je cherche à analyser les attitudes
des jeunes vis à vis des Temples et des offres institutionnelles dans
lesquelles la part de participation des leaders a été
démontrée lors du chapitre précèdent.
Comment les jeunes perçoivent-ils leur affiliation
communautaire? Sur quelles frontières délimitent-ils l'existence
des Temples et de la communauté confessionnelle dans leur vie
quotidienne?
La problématique concerne la structuration
communautaire. Maintenant il importe de déterminer ce qu' en font les
jeunes de cette structuration. Est- ce que c'est autour du Temple que
s'organise vraiment la communauté? Comme l' institution religieuse
propose une offre communautaire, comment se fait-il que certains jeunes
prennent le religieux et pas le reste de l'offre? Et que d'autres jeunes
prennent juste l'affiliation communautaire mais pas le religieux?
Il est important aussi de savoir qui sont ces jeunes? Ils sont
différents : des primo arrivants, des enfants d'immigrés et de
simples jeunes de passage. Les réponses qu'ils ont offertes mesurent les
raisons pour lesquelles ils sont présents dans les Temples. Ces
réponses seront considérées comme étant des paroles
qui viennent après l'émigration (la condition
d'énonciation). Je remarque toutefois que les jeunes n'ont pas les
mêmes ressources pour produire leur propre récit croyant.
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3.1 LES TEMPLES ET LA DIVERSITE DES HISTOIRES
3.1.1 Une Affiliation Communautaire
L'affiliation à une communauté définie
par un style de vie cultuelle peut être illustrée par une jeune
fille, ENDRIKA, 27ans, qui travaille en tant que jeune fille
au pair chez une famille malgache protestante qui va
régulièrement au Temple de Chauchat. Elle a vécu avant de
rencontrer cette famille, une vie cultuelle protestante particulièrement
épisodique ; par ce biais, elle a eu accès aux réseaux et
aux lieux de rencontre des Malgaches protestants dans cette ville où
elle est venue résider : Paris. La rencontre avec cette famille a
beaucoup changé sa vie, ce réseau est devenu son cadre de
relations sociales et partiellement son milieu professionnel.
« J'ai découvert un milieu que je ne
connaissais pas, et à la limite, je trouvais ça sympathique. En
fait, c'était un milieu où cette famille était connue
depuis quelques années. J'étais l'employée attitrée
de Untel, c'est tout. Je trouvais ça très convivial, très
sympa. Quand j'ai changé d'emploi après, j'y suis toujours
retournée, je me suis rendue compte qu'en fait Chauchat me va
très bien. Je crois sincèrement que j'assume bien ma
présence dans ce Temple mais j'assume très mal mon
milieu.
Actuellement, je travaille en tant que fille au pair dans
une famille française (non protestant) et c'est un tout autre milieu,
j'ai dû discuter fortement avec eux pour qu'on me libère le
dimanche. Un ami de Chauchat n'a pas eu tort de me dire un jour que « Si
t'assume pas ton milieu, c'est que tu t'assumes pas complètement en tant
que malgache protestante ».
La question de l'affiliation communautaire se pose en termes
de recherche d'une cohérence de l'expérience autour de l'attribut
central de l'identité, constitué par la cultualité
protestante. Malgré la critique qu'elle porte au milieu dans lequel elle
se trouve, elle s'y affilie car, en dehors de la vie de travailleur
immigré qu'elle mène, c'est pour elle la seule façon
d'être malgache protestante pratiquante de venir toutes les dimanche
à Chauchat.
A ces yeux, la « malgachitude » est une
réalité dont toute la communauté religieuse malgache doit
tenir compte. Pour permettre l'existence d'une identité et un mode de
vie cultuelle, elle considère qu'il est nécessaire d'adopter des
attitudes et comportements adéquats. Cela l'a conduit dans son travail
de fille au pair à toujours prier « tout le temps »
et à mettre dans son emploi de temps hebdomadaire des moments de
rencontre pour prier avec des co-religionnaires de Chauchat. La
présentation de soi comme personne responsable, porteur de la
réalité d'une communauté, va de pair avec la
désignation d'un autrui anormal qui ne se conforme pas aux attentes
d'«un bon chrétien ». Pour identifier cet autrui
anormal, elle épouse le préjugé à l'égard
des immigrés « ghetthoïsés » et le
préjugé de certaines autorités religieuses à
l'égard des non pratiquants. Cela lui fournit des principes pour
associer la cultualité à des situations sociales
particulières.
« Plus on se sent immigré, moins il y a de
fidélité aux cultes. Moi, je me sens d'abord comme
chrétienne, et ma présence dans les réunions cultuelles
malgaches est pour marquer la différence entre les fidèles et les
infidèles à la foi protestante. Au travail, seule, j'ai pas de
problème particulier comme d'autres peuvent en avoir avec leur
employeur».
L'anticipation d'une non intégration à venir
pour les autres (« infidèles ») sert d'argument pour souligner
l'importance de l'affiliation à une communauté et pour
revendiquer une normalisation des conduites autour d'un style de vie
intégrant des pratiques cultuelles.
La rationalité des comportements de ces jeunes pour qui
l'affiliation communautaire est le premier rôle des Temples tend à
aboutir à l'adhésion à celui-ci caractérisée
par une condition cultuelle partagée, et à l'adoption d'un style
de vie et de manière de penser. Parce qu'elle engage son
identité, cette adhésion peut être définie donc
comme une véritable affiliation sociale de l'individu. L'inscription de
la communauté malgache
(ou cultuelle malgache) dans l'ensemble social passe par des
présences dominicales dans les Temples.
Pour d'autres, le Temple est un complexe d'engagement. Pour
MITIA, 24ans, étudiante, le Temple est une «
aide qui me soutient dans ma vie en France, il m'incite à un
surcroît de fidélité pour le Seigneur et ma patrie
». Les temples sont alors perçus comme rassembleur de
repères pour se situer. Pour elle, c'est la certitude qu'elle appartient
à la communauté du Temple. Il n'y a pas de contradictions
apparentes dans les contenus de ses croyances. C'est une sorte de ré
affiliation communautaire où les jeunes s'engagent dans les
activités proposées par le Temple.
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