2.2.3 Une facette idéologico-politique
La Régulation Du Croire
Un des rôles majeurs des leaders est de rendre religieux
cette croyance et son organisation communautaire. Cela nécessite des
structures matérielles et des outils idéologiques
appropriés. En plus, les leaders communautaires au sein des Temples ne
sont pas les seuls leaders référencés et influents pour
les membres115. Le religieux peut se trouver partout et hors de
toute influence des Temples.
Les membres de la communauté priante sont
présents pour croire (adhérer à certaines croyances). Ils
sont là pour croire à Dieu et aux principes du
protestantisme116. Je rappelle les deux principes du protestantisme
selon Jean BAUBEROT qui sont « un, le principe formel » :
l'autorité souveraine de l'Ecriture en matière de foi. Deux, le
principe matériel, la justification par la foi (ou le salut par la seule
grâce) »117. Ils sont présents pour que
l'institution puisse leur offrir des marques de leur croyance. La FPMA leur
offre des identités à la fois religieuse et communautaire. Le
livret « Ce qui fait la FPMA » et le statut de l'institution offrent
les éléments de ces identités.
Toutes ces croyances sont là pour être prises par
les membres, tels des offres gratuites étalées sur un support
visible. Comment sont elles régulées? La FPMA au niveau global,
s'est muni d'un armement managériale. Le ton est donné dans le
livret « ce qui fait la FPMA » qui parle de l'institution comme
étant sans le traduire un « Learning organization » avec
utilisation de l' « évaluation »118 et d'une
structure performative. Des activités et rituels sont
créés pour gérer les membres à devenir plus «
ouverts », plus impliqués dans le Temple. La présence dans
les Temples doit respecter les nouveaux codes de conduite attendue. Les
nouveaux venus doivent apprendre les comportements et les informations que tout
le monde doit avoir.
115 Ici, je fais allusion aux leaders ethniques des
différents membres des Temples ou des Temples eux-mêmes.
116 Voir la profession de foi dans le statut de la FPMA.
117 BAUBEROT (1988) « Le protestantisme doit-il mourir?
» p190
118 Pp14-15 FPMA comme « self reliance », « self
gouverning » et « self propagating »
La légitimité Du Croire
Il y a d'abord cette volonté de s'inscrire dans ce que
la FPMA appelle « le sceau de l'universalité »119.
C'est l'idée de la participation au niveau international et
l'idée d'être reconnue au niveau mondial. Il s'agit d'une
validation du croire au niveau global. C'est pour cette raison que la FPMA
s'est affiliée à plusieurs grandes organisations mondiales
notamment la Fédération Protestante de France en 1979, la
Fédération Luthérienne Mondiale et l'Alliance
Réformée Mondiale en 1999. Elle est aussi affiliée au
niveau national à la Fédération des Eglises Protestants de
Madagascar (avec l'église réformée malgache,
l'église luthérienne et l'église anglicane à
Madagascar). En s'efforçant de se faire connaître comme
rassembleur des différentes tendances protestantes à Madagascar,
elle semble être reconnue comme seule église protestante malgache
hors de Madagascar120.
Par ailleurs, l'implication de la FPMA dans les
activités politiques malgaches121 témoigne non
seulement de sa volonté de se démarquer d'une simple institution
religieuse mais aussi de se faire entendre au niveau international en
particulier de la vie politique et culturelle malgache (le choral de Chauchat
s'est déplacé à Antananarivo pour faire une levée
de fond afin de contribuer à la construction du Palais de la Reine
brûlé en 1996) . Ce qui fait que l'identité politique des
membres de la FPMA est alors marquée à l'attachement à un
territoire : au Temple mais aussi à la Grande Ile.
L'adhésion à des structures plus fortes au
niveau mondial, les quelques prises de position politique faites par la FPMA
sont des actions menées par la FPMA pour pouvoir maintenir l'aspect
légitime de leur existence. C'est une caractéristique forte de
l'offre institutionnelle de la FPMA.
On a vu dans ce chapitre, la part des actions des leaders dans
la création, la réalisation et l'orientation d'une offre
communautaire. On a aussi démontré que la construction
communautaire perçue à travers la face institutionnelle de la
FPMA et incarnée par les leaders est une construction communautaire
inégalitaire et conflictuelle.
Cette inégalité -non singulière- vient en
partie de l'offre institutionnelle et elle est conditionnée par les
conditions d'existence des communautés priantes protestantes (conditions
d'existence à/de Madagascar et conditions d'existence actuelle en
France). Les Temples dans leur aspect institutionnel et territorialisé
sont devenus des créateurs de communautés
dont l'exposition des dominants est renforcée
symboliquement par le fait que le regroupement communautaire est fait sur une
base à priori religieuse. Comme CRENN l'a remarqué, le Temple
« sera également le lieu de l'identification aux dominants
»122, ou du moins un lieu ou le rapport de domination
perdure.
Les conditions d'existence des offres institutionnelles sont
aussi importantes que les offres elles mêmes. Décrites par les
leaders, ces offres sont produites de la formation de la communauté
priante au sein des Temples. On a une « communalisation sociétaire
» selon les termes de WEBER. La communauté vit un apprentissage
d'institutionnalisation permanente. Les activités socioreligieuses
distribuées dans des échelles de regroupements sont sous
contrôle des leaders. La transmission de l'héritage cultuel est
alors faite par ces leaders où ils tiennent à la fois le
rôle de celui qui donne une image référence de l'entre soi
confessionnel et aussi l'image du catalyseur des différentes
mémoires collectives du groupe.
Les Temples FPMA sont devenus pour les leaders une
création et un continuum d'un mode de croire particulier. Leur offre
n'est pas seulement institutionnelle, elle est globale. Les membres constituent
la communauté priante en s'appropriant et en se mettant en rapport avec
leur culture. Avec les supports idéologiques élaborés ou
véhiculés par les leaders, les membres peuvent comprendre et
vivre leur identité confessionnelle et de marquer cette distinction. Une
interdépendance se crée à l'intérieur du Temple et
cette interdépendance décrit l'offre globale offerte par la
communauté du Temple. Les leaders ont leur part dans la formulation des
offres institutionnelles et communautaires du lieu, ils n'ont pas le
monopôle.
122 CRENN (1999), p167.
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