Chapitre 1 : INTRODUCTION
Ce mémoire est une étude concernant la
construction communautaire des immigrés Malgaches installés
à Paris et qui fréquentent les églises protestantes
malgaches dans la Région Parisienne. La question que je me suis
posé est: comment la communauté malgache migrante à Paris
vit et organise la religion protestante à travers les institutions
religieuses et comment ces institutions religieuses créent un groupe
communautaire?
Mon hypothèse est que l'offre institutionnelle que
proposent les églises se crée en même temps que la demande
d'une construction communautaire. L'objectif est de démontrer, en
choisissant les jeunes présents dans ces églises comme population
d'enquête, qu'une structuration plus ou moins constatable d'un groupe
communautaire malgache est en cours et que cette structuration est la
résultante de deux phénomènes sociaux liés :
l'organisation de la religion et l'institutionnalisation du religieux d'une
part, et l'attachement qui raccroche une population du même pays
d'origine (Madagascar) dans ces églises de la Région Parisienne
d'autre part.
La finalité de cette recherche n'est donc pas de
mesurer en une quelconque façon les pratiques protestantes, ou en
chercher des spécificités qui vont construire une
catégorisation stricte des protestants Malgaches à Paris
1. Il ne s'agit pas non plus de transmettre aux lecteurs des «
marqueurs » particuliers des Malgaches que j'ai rencontré. Et
quoique plusieurs différences peuvent être constatées entre
mon échantillon de population d'enquête que j'ai rencontré
et d'autres échantillons que d'autres historiens ou sociologues
2ont travaillé avant moi, on peut affirmer qu'il y a quand
même un trait commun, c'est que nous parlons de la population malgache et
nous traitons chacun, selon leur manière, un trait qui peut construire
la « malgachitude »3.
Il est important de noter cette remarque car c'est une
conséquence parmi tant d'autres de cette recherche. Je ne peux pas
parler des Malgaches, ou des Protestants malgaches comme des explorateurs ou
quelques ethnologues ont voulu parler des « Bambara » 4 sans les
définir ou en les définissant
1 Il ne s'agit pas de saisir des
spécificités comme l E.G LEONARD le faisait dans « Le
protestant français », 1955 pour désigner les protestants
français; ou VOETZEL René dans « Les protestants s'ils vont
au culte » (1985).
2 Mahatody Henri Jocelyn, sociologue malgache
travaillait par exemple sur les femmes immigrées malgaches originaires
du Nord-ouest de Madagascar en 2000 (MAHATODY, 2000).
3 Ce qui fait l'identité malgache.
4 BAZIN Jean, 1985
uniquement en bien ou en mal. C'est pourquoi une «
description clinique » de ma population d'enquête sera offerte dans
le sous chapitre 1.4.
Aussi, Il ne s'agit non plus de mesurer des pratiques et des
croyances et en faire des typologies (en rapport avec le religieux et la vie
religieuse). On ne trouvera pas une description des « pratiquants
dominicaux », des « pratiquants occasionnels », des «
pratiquants mensuels » ou des « non pratiquants ». Ce qui
importe dans ce travail c'est d'appréhender le terrain d'abord dans
l'ordre social, d'une manière globale et de ne pas s'enfermer
particulièrement dans la logique tentante de la religion et de voir le
religieux partout.
On essayera dans ce mémoire de valider à travers
une enquête si les hypothèses proposées sont vraies. Une
communauté « malgache » est-elle en construction ? La logique
« institutionnelle » des temples protestants malgaches à Paris
et la logique « des migrants », élaborée par ces
derniers se manifestent-elles ? Se combinent et se rencontrent-elles
effectivement, dans une certaine liaison particulière, pour construire
une communauté ?
Ce travail de recherche rassemble des hypothèses
concernant la construction communautaire. Il est un préliminaire et une
invitation possible sur une étude plus étendue concernant la
migration et le poids des phénomènes religieux.
1.1 QUEL EST L' INTERET DE CE SUJET ?
L'intérêt social du sujet est évidemment
de plusieurs ordres. Premièrement, il est historique, c'est à
dire que le fait de travailler dans un temps particulier, sur des Malgaches de
Paris est une manière de constater comment cette population vit son
histoire. On peut y saisir des liens, des continuités ou des
discontinuités relatifs à l'histoire générale de
Madagascar ou à l'histoire particulière de ces migrants. On peut
y saisir une histoire des institutions ou des mouvements communautaires et
religieux comme on peut y puiser des anecdotes racontées par les
enquêtés ou vécues par le chercheur.
Ceux qui s'intéresseront au devenir de Madagascar
devraient, à mon avis, avoir une idée sur les Malgaches qui
émigrent et en construire une histoire. Une histoire qui ne serait pas
détachée a priori de l'histoire nationale. Cette recherche leur
donnera certainement plus qu'une idée.
Ceux qui s'intéresseront à ce qui est advenu du
christianisme malgache en général et du protestantisme malgache
en particulier trouveront dans cette recherche un exemple -un cas- pour
confirmer ou infirmer leurs hypothèses.
Enfin, ceux qui attendent qu'un travail sur les migrants
malgaches offre quelques réalités vécues par cette
population migrante seraient satisfaits, même si nos
enquêtés sont uniquement des jeunes malgaches rencontrés
dans des temples parisiens.
Deuxièmement, l'intérêt social du sujet
est politique, entendu ici comme stratégique. Je pense en fait que mes
propos sur les temples étudiés sont des « feed- backs »
pour ces institutions religieuses. J'appelle « feed-back »,
l'ensemble de mes conclusions, des perceptions et des faits que j'ai
constatés et que je veux faire partager aux responsables. Ils pourront
peut être les aider à affermir leur stratégie ou leur
communication. Les responsables de ces Temples pourraient y voir des
apprentissages (ou non) concernant leurs manières de se mettre en
rapport avec leur public. Je sors délibérément, ici, de
mon rôle d'étudiant.
Ceux qui ont compris depuis longtemps que le destin de
nombreux Malgaches est lié à leur rapport avec ce qui est
religieux et sacré, trouveront dans cette recherche un cas qui
mériterait d'être retenu. La place et les rôles des
églises protestantes dans la construction d'une communauté
malgache se veulent être un reflet d'un milieu de vie commune impliquant
d'une part les responsables et les jeunes présents dans ces
églises d'autre part.
Ce travail présente aussi un intérêt
scientifique car il centre son objet sur la structuration communautaire
cultuelle pour comprendre la situation migratoire d'une population
donnée. Il s'agit de saisir le poids des relations interethniques dans
la structuration religieuse des Temples malgaches à Paris et dans la
Région Parisienne.
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