- CONCLUSION - VIVRE ENSEMBLE AU CENTRE DU
SOCIAL.
Ce qui se révèle en question, en conclusion de
ce document, ce sont les conditions de construction d'un sens partagé
face aux mutations sociales ; c'est la possibilité d'élaborer des
représentations sociales communes ; c'est la nécessité
d'intercompréhension entre acteurs municipaux et associatifs.
Plus qu'un accord sur des contenus susceptibles d'être
modifiés par les changements sociaux, c'est par des accords sur des
méthodes de dialogue, d'échanges, de procédures,
qu'émerge une régulation du système d'organisation de
l'association de gestion des centres sociaux Dolto et Montaberlet.
En somme, il est question de la recherche d'un «
arrangement » équilibré, où non seulement la
démocratie participative viendrait compléter et enrichir la
légitimité de la démocratie représentative, mais
peut-être aussi, plus modestement, ce rappel élémentaire
que l'intérêt collectif est consubstantiel à
l'intérêt individuel1.
D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que notre inclinaison
théorique reste sensible aux approches compréhensives. De fait,
celles-ci positionnent l'observateur à rendre compte pour expliquer (et
donc comprendre) et le met ainsi à la place des acteurs auxquels il
s'intéresse. " Naturellement, pour « se mettre à la
place » de l'acteur, il faut généralement s'informer sur la
socialisation de l'acteur, sur les données de la situation dans laquelle
il se trouve ou s'est trouvé, sur la structure du champ d'action dans
lequel il se meut. La relation de compréhension qui peut s'instaurer
entre l'observateur et l'acteur n'est pas immédiatement donnée.
Elle suppose généralement de la part de l'observateur un travail
d'information, un souci de distanciation : pour comprendre l'action d'autrui,
l'observateur doit prendre conscience des différences qui distinguent sa
situation propre de celle de l 'observé2. "
Rappelons notre hypothèse de départ :
le système d'organisation d'un centre social
associatif peut contribuer à la citoyenneté de proximité,
en tant qu'enjeu démocratique local, si l'ensemble des acteurs internes
et externes (centré volontairement, dans notre propos, sur
l'acteur associatif et municipal) à ce système se
reconnaissent mutuellement dans leurs dimensions collectives et individuelles,
à partir de leur mission, de leur fonction, de leur statut, comme
étant partie prenante du projet pédagogique de
l'association.
Cette hypothèse prend forme, pratiquement, dans le
compromis. Dit autrement, l'acte de convergence entre les acteurs conduit
à la poursuite d'intérêts communs, sans que ceux-ci n'aient
à renier en rien de leur spécificité.
" Ainsi entendue, la traduction devient la création
d'espaces de négociation, la production d'arrangements multiples, de
combinaisons, combines, compromis qui, seuls, permettent aux choses et aux
humains de tenir ensemble3. "
1 R. BOUDON et F. BOURRICAUD, 1994, op. cit., article
«Démocratie », pp. 155-160.
2 R. BOUDON et F. BOURRICAUD, 1994, op.cit., article
« Action », p.5.
3 Michel CALLON et Bernard LATOUR in HAMBLARD et all.,
1996, op. cit., p. 176.
Le porteur de projet, en tant que traducteur, devient alors
celui par qui le montage se construit, celui qui, méthodiquement,
assemblant des éléments épars, institutionnalise la
traduction comme " un tiers nécessaire dans la relation de chaque
individu et du groupe au monde4. "
De cette façon, " la traduction devient la
méthodologie de l'élaboration des compromis, ceux-ci constituent
le socle (provisoire et sans cesse renouvelé) sur lequel les
réseaux se constituent. [...] Sans traduction pas de compromis, sans
compromis pas de réseau. En effet, les réseaux résultent
de négociations, de processus de coproduction où contexte et
contenu, acteurs et projets s'entre-définissent les uns aux autres en
permanence. De cette entre-définition, de ces négociations
surgissent des compromis qui sont autant de points d'ancrage des
réseaux5. "
Au terme de notre exposé, il nous importe de
préciser en quoi la réflexion que nous venons de mener
mérite quelques attentions. C'est au nom de la politique en tant que
cité (en grec, polis), " au nom de l'institutionnalisation, toujours
à reprendre, du politique compris comme l'espace-temps d'une
multiplicité concertante de décisions et d'actions à forme
et à finalité toujours plus coopérative6
", au nom de la question récurrente : « quelles sont les conditions
pour vivre ensemble ? ». Bien évidemment, l'association n'est pas
le seul espace créant les conditions de vie commune, elle est encore
moins une instance enchantée pourvoyeuse de bien-être social.
Simplement, nous pensons que le centre social associatif
s'inscrit dans l'espace public comme une manifestation de ce dont est capable
une société lorsque sont affirmées les valeurs
complémentaires du « pour » et du « avec
»7.
C'est pourquoi, le projet associatif « centre social »
se dénaturerait politiquement s'il ne combinait pas, dans une tension
constante, la commande publique et la demande sociale.
En conclusion, nous retiendrons que « l'entre-deux »
du centre social associatif est un terreau fertile à l'art de
l'hybridation sociale, économique et politique, encore faut-il que le
système d'organisation en question procède d'un processus
dynamique qui conduit à adapter en permanence l'organisation au projet
d'intermédiation qui, lui-même, est mouvant.
4 LEGENDRE Pierre, 1998 - La loi, le tabou et la
raison - Paris, Télérama, n°2555, décembre, p.
11.
5 H. AMBLARD et all., 1996, op. cit., p. 175-176.
6 G. VINCENT, La revue MAUSS semestrielle, n°11,
1998, art . cit., p.306.
7 Ibid.
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