Le FMI et la crise financière internationale depuis les années 80( Télécharger le fichier original )par Jean Bruno RAKOTOMALALA Université Montesquieu Bordeaux IV - DEA 2004 |
3. La crise mexicaine du 13 août 1982 :Le 13 août 1982, le Mexique a annoncé qu'il ne pouvait plus assurer l'échéance de sa dette qui était estimé à 80 milliards de dollars6(*). Ce chiffre astronomique paraît-il suffisant pour évaluer si l'endettement du Mexique était vraiment insupportable lui donnant raison de sa décision ? Un pays classé dans le groupe de pays émergents et entretien des relations économiques et financières étroites avec les Etats-Unis, le Mexique ne peut pas se passer à l'abri des évènements politico-économiques de l'époque, évènement récemment marqué par l'envol du taux d'intérêt américain, le second choc pétrolier et la récession mondiale. Comme le montre le tableau 3, en l'espace de deux années, le poids de la dette atteignit des niveaux insoutenables pour l'économie de ce pays (voir Tableau 3. Ainsi, entre 1980 à 1982, le ratio dette extérieure sur exportation du Mexique était respectivement de 242, 4 % et 447, 3 %, soit une variation de 84,5 % en deux ans. Ce ratio était estimé à 537 % en 1989. Dit- on les chiffre parlent d'eux même. Malgré ses atouts et la manne pétrolière, le Mexique est parmi les pays du Tiers-monde, le troisième plus gros débiteur (derrière le Brésil et la Russie). Ainsi la dette extérieure du Mexique d'environ 7 milliards de dollar au début des années 1970 suit une courbe ascendante dès 1975 pour atteindre 80 milliards de dollars en 1980 et 167 milliards de dollars en 1999.Un pays exportateur de pétrole, la flambée des prix pétroliers du deuxième choc a assuré d'importantes rentrées de devises au Mexique. A part les conséquences économiques de l'envol des taux d'intérêt américain (Tableau 1) l'élément « déclencheur de la crise trouve sa source dans les facteurs sociopolitique. Il est capital alors de s'intéresser au régime politique de l'époque. De 1968 à 1976, le président LUIS ECHEVERRA entreprend des réformes caractérisées par un accroissement du secteur public, l'amélioration de l'éducation et les affaires urbaines. Une loi est votée en 1973 pour réviser le contrôle des investissements étrangers, ce qui a amplifié la fuite des capitaux. Le premier choc pétrolier en 1973 affecte négativement le Mexique qui à cette époque est importateur net de pétrole. Le gouvernement accumule ainsi des déficits budgétaires pour faire face à des obligations qu'il s'est lui -même créent. Puis survient l'ère du président José LOPEZ PORTILLO (1976-1982). La manne pétrolière arrive avec la découverte du pétrole en 1977. De 1977 à 1981, alors que les exportations tirées du pétrole augmentent de 9 % par année, les importations augmentent beaucoup plus proportionnellement 24 %. C'est une époque marquée par le double déficit (commercial et budgétaire. Selon REISEM et VON TROTSEMBURG (1988).Le déficit budgétaire de Mexique en pourcentage du PIB passe de 7,6 % en 1980 à 14,6 % en 1981 et 17,8 % en 1982. Le taux d'inflation a plus que doublé en un an, de 28 % en 1981 à 59 % en 1982 et à 102 % en 1983. Le gouvernement LOPEZ introduit une mesure de dévaluation en 1981, laquelle ne fait qu'accélérer le processus de fuite des capitaux estimé à 36 milliards de dollars de 1976-1982. Ces conditions réunies, le Mexique n'est plus en mesure d'honorer ses engagements financiers et c'est l'avènement de la crise d'endettement internationale des années 1980. Le nouveau gouvernement successeur du nationaliste CARLOS mis en place par le Président MIGUEL DE LA MADRID (1983-1986) vers la fin de l'année 1982 va essayer d'apporter des recettes neo-libérales . Comment s'explique la propagation de la crise au niveau mondial ? 4. La contagion mondiale de la crise La crise d'endettement mexicaine du 13 août 1982 a été l'un des tournants historiques des relations économiques et financières internationales de la fin du XX ème siècle. Par la rapidité de sa vitesse de propagation, le système financier international en particulier le secteur bancaire a été plus que menacé justifiant par-là les différentes concertations mises en oeuvres dans la gestion de la crise (cf. chap II).Comme la plupart des crises d'endettement précédentes, le phénomène de « tâche d'huile » a été vérifiée ici, suivit des risques systématiques. Dans les quatre derniers mois de 1982, après la suspension par le Mexique du paiement des services de sa dette, 39 pays surendettés présentent une demande de reaménagement de leur dette auprès du Club de Paris, pays qui présentent presque 75% de la dette du Tiers-monde. Pour fuir la crise, des groupes de pays ont été même formés à l'exemple du groupe CARTHAGENE (11 pays) afin de tenter d'arracher aux créanciers le principe de non-négociation de la dette non plus cas par cas mais groupés [Frédéric Poulon]. Par son ampleur, cette crise faisait peser sur l'économie mondiale un « risque systémique » .p La possibilité d'une rupture de paiement de la part d'un petit nombre de pays débiteurs était évident .Le Mexique, le Brésil et l'Argentine ont menacé la menace de faillites en chaîne dans le système bancaire international et en particulier américain. Ces trois pays avaient une dette vis-à-vis des banques américaines qui représentaient à elle seule 135 % du capital de ces banques. En 1982, les banques étaient à la fois trop engagées sur les pays en développement et sous capitalisés [Barthélemy et Ann Vonich, p 36-37, 1993]. Malgré quelques faillites bancaires isolées, ce risque de rupture du système bancaire international ne s'est pas concrétisé. Le tableau 3 montre comment dans un espace de deux années (1980 à 1982), les PED ont été confrontés à des grands problèmes d'endettement. Tableau 3 : Ratio dette extérieure sur exportations (en %) de 1980 à1989
Source : Banque Mondiale, Global Développement Finance 2002 Ce tableau nous montre que de 1980 à 1982, le ratio dette extérieure / exportations a augmenté sauf en Algérie et Turquie. Ce ratio a augmenté de 84,5 % en Argentine, de 29, 7 % au Brésil et de 24,8 % au Nigeria pendant ces deux années. Un fait marquant, en 1989, ce ratio représente encore un seuil critique, c'est-à-dire supérieur à 200% sauf pour quelque pays comme la Hongrie, la Turquie, le Chili. La contagion mondiale de cette crise se manifeste principalement par le défaut de paiement de ces pays mais aussi son l'effet de cliquet . Faute de données, on ne peut pas mesurer vraiment l'ampleur du défaut de paiement. Toutefois les World Debt Tables 1991 nous offrent un petit éclairage du problème. En effet, d'après ce rapport, on estime qu'en 1991, les pays à faible revenu gravement endettés et ceux modérément endettés ont respectivement des arriérés de paiement de l'ordre de 26,4 milliards de dollars et 2,9 milliards de dollars. De l'autre côté, les pays à revenu intermédiaire gravement endettés et ceux modérément endettés ont quant à eux 47,5milliards de dollars et 7,5 milliards de dollars d'arriérés de paiement. De 1982 à 1991, le stock d'arriéré dette publique est passé respectivement de 15% à 18% et 0,8% à 1% pour les deux premiers groupes de pays. Les deux autres groupes ont chacun un ratio de 6% à 14% et 0,6% à 4% durant la même période. Ensemble pour les PED, ce radio est passé de 0,3% en 1982, à 6% en 1987 et 11% en 1991. Ces chiffres, même si insuffisants soient-ils nous montrent l'ampleur de la contagion mondiale de la crise de la dette de 1982. Ainsi, le défaut de paiement des PED ne cesse d'augmenter de 1982 à 1991. Cette crise d'endettement des années 1980 présente aussi des caractéristiques spécifiques qui la distinguent des autres crises. C'est l'objet de la sous-section II de ce chapitre. * 6 Le Mexique est le plus grand pays hispanophone du monde d'une superficie de 2 millions de kilomètres carrés et 98 millions d'habitants. C'est un très riche pays minier produisant l'argent, le cuivre, du zinc, et le pétrole dès 1977. |
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