Twingo, Vuitton, Lexomil, Carambar et Roudoudou... étude de l'utilisation des marques de publicité dans les romans contemporain( Télécharger le fichier original )par Laetitia van de Walle Université Libre de Bruxelles - Licence en Langues et Littératures Romanes 2005 |
Quatrième partie : Répercussion de l'utilisation desmarques dans les romans.1. Figures de style.Nous trouvons dans les romans contemporains quantité de marques. Outre la fonction narrative qu'elles peuvent occuper dans le roman, nous les rencontrons également dans les figures de la substitution (l'expression attendue est remplacée par une autre) ou dans des expressions que nous pourrions rapprocher des proverbes. C'est une preuve de popularité des marques, elles participent à l'imagerie du lecteur, ce sont des fenêtres ouvertes sur la société. - Comparaison : Figure de style qui consiste à rapprocher un comparé et un comparant, par l'intermédiaire d'un comparatif. Ce procédé établit un parallèle entre deux réalités. Dans « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de Stabenrath, quand Hugo et Annabel se disputent à propos du mariage, Hugo, partisan de l'intimité, décrit Annabel comme « romantique incurable, aussi snob, qu'un sac de golf Vuitton» (p59). Le golf est déjà un sport qui, dans les stéréotypes, est synonyme de la haute société, mais imaginer un sac de golf Vuitton représente un summum du snobisme. Dans « Le silence des hommes » de Christine Orban, Jean a peur des mots. « Il pense qu'aucun d'entre eux ne peut rivaliser avec l'infini, la grandeur, la liberté, la sagesse, la perfection du silence. Et surtout pas ce malheureux verbe aimer, universellement galvaudé et utilisé comme le bouillon Kub à toutes les sauces et même au chocolat. » (p 158) En effet, le bouillon Kub, est un produit devenu banal, c'est comme le dit le slogan : « la cuisine d'aujourd'hui.» 151 Elle lui téléphone, mais il ne dit rien, pourtant Idylle attend ses mots, « rassurée par le fil France Télécom comme un chien par sa laisse.» (p 169) France Télécom représente la communication, Idylle espère que cette société permettra à Jean de s'exprimer. Pour oublier Jean, qu'elle considère comme : « un homme craquant comme un petit LU » (p 158), Idylle avale « les comprimés [de Stilnox] lisses comme des Smarties. » (p 210) Nous pourrions envisager une correspondance entre petit Lu et Smarties : tous deux sont des 151 http://www.museedelapub.org/virt/mp/maggi/ douceurs. Les biscuits petit Lu croquent et quand on en mange un on ne peut plus s'arrêter. D'autre part, la comparaison des comprimés de Stilnox avec les Smarties est évidente : ils sont lisses, petits et de même forme. Ces dragées passent sans problème, Idylle ne les sent pas. Tout un chacun se représente bien les Smarties, ces petits chocolats de toutes les couleurs. D'ailleurs, le chocolat aussi est un antidépresseur. Dans « Ensemble, c'est tout » d' Anna Gavalda, les minets au visage blindé comparent « les chèques de leur bonne-maman en retenant pas la taille des filles ravissantes, léchées comme des poupées Barbie. » (p 226) Nous pouvons sans peine nous figurer ces filles blondes, au corps parfait. La grand-mère de Frank décline, et il considère comme absurde l'idée de Camille de lui offrir un fauteuil roulant pour voir du pays. Frank estime que Camille veut « secouer sa grand-mère comme une bouteille d'Orangina. » (p 469) Cette comparaison rappelle le spot publicitaire pour cette boisson, où les bouteilles doivent impérativement être secouées énergiquement avant consommation. Dans « Madrid en dort pas » de Grégoire Polet, « ... les sombres immeubles sur les trottoirs d'en face qui semblent un design Bang & Olufsen monté en béton. » (p 160) Bang & Olufsen est une marque au design magnifique et à la qualité exceptionnelle. Dans « L'amour dure trois ans », Marc essaye d'oublier Alice dans les bras de sa meilleure amie, Julie. Elle est très bien faite, mais elle ne l'intéresse pas. « Pauvre créature, je comprends pourquoi les mecs la traitent comme un rasoir Bic. » (p 137) Un rasoir Bic est par essence un rasoir jetable. - Métaphore : Figure de style qui rapproche un comparé et un comparant, sans comparatif. Dans « Le châtiment de Narcisse » de Bruno de Stabenrath, Klostoff, le détective chargé de l'affaire d'Hugo, enchaîne les interrogations. Selon les mots d'Hugo « les questions fusaient à la vitesse d'un Uzi » (p 92), c'est-à-dire très rapidement. Un Uzi est un fusil mitrailleur. Cette métaphore montre bien le sentiment d' Hugo face à cet interrogatoire. Il est abattu, Klostoff ne lui laisse pas le temps de respirer, de se reprendre. Dans « Le silence des hommes » de Christine Orban, Idylle décide d'appeler Jean à son bureau. Elle prend une « voix de pastille Valda. » (p 167) Les pastilles Valda, les célèbres gommes vertes, ont pour spécialité de désencombrer le système respiratoire. 152 Nous interprétons ici une voix de pastille Valda comme une voix claire, sans aucune trace d'angoisse ou de nervosité, une voix mielleuse. - Métonymie : Elle remplace un terme par un autre qui est lié au premier par un rapport logique: Ex: le contenant pour le contenu (Boire un verre) ; le symbole pour la chose (Les lauriers, pour la gloire) ; l'écrivain pour son oeuvre (Lire un Zola) Dans « Je vais bien, ne t'en fais pas » d'Olivier Adam, Claire, au cours d'une discussion avec Nadia, dit qu'elle voudrait un bébé, Nadia lui répond : « C'est vachement égoïste, en fait, tu veux faire un gosse parce que ça te fait plaisir. Tu penses même pas à lui. Si ça se trouve tu vas faire un petit névrosé de plus, gonflé au Prozac. » (p.118) Autant lui dire tout de suite qu'elle n'est pas capable de s'occuper d'un enfant et qu'il deviendrait dépressif. Le Prozac représente la dépression alors que ce n'est que le médicament le plus connu pour la soigner. De la même manière, dans « L'amour dure trois ans » de Frédéric Beigbeder, Marc critique les riches qui ont oublié que l'argent n'est pas une fin en soi, juste un moyen. Selon lui, « quand on est riche, on n'a plus d'excuses. C'est pour ça que tous les milliardaires sont sous Prozac : parce qu'ils ne font plus rêver personne, pas même eux. » (p 128) Dans « Dis voir Maminette... » de Claude Sarraute, Maminette monologue sur l'évolution des valeurs liées au sexe. Autrefois, la virginité avant le mariage était sacrée, et ce n'est d'ailleurs pas tout à fait perdu. Par exemple, « ce genre de réflexion, «je ne vois pas l'intérêt d'acheter un paquet de cigarettes déjà entamé », vous l'entendrez bien plus volontiers accoudé au zinc d'un café-tabac de village qu'au bar du Ritz. » (p 31) Le Ritz désigne, par métonymie, la haute société, où apparemment, les moeurs sont plus libres. 152 http://www.glaxosmithkline.fr/gsk/actu/140405.htm - Stéréotype : Dans « Ensemble c'est tout » d'Anna Gavalda, afin d'amadouer le chien de la concierge, pour qu'il n'aboie pas au passage de sa moto bruyante, Franck promet à celui-ci « un polo Lacoste pour aller draguer les pékinoises. » (p 499) Nous sommes dans les stéréotypes de Lacoste qui, par son aura, permet de courtiser plus facilement. - Expression : Dans « Le merveilleux divorce de Juliette B. » de Sylvie Medvedowsky, alors que la Twingo de Juliette a été vandalisée, elle essaye de convaincre ses enfants que « ça fait Smart bariolée » (p 99). Comparer sa voiture vandalisée à une Smart est largement ironique vis-à- vis de cette marque de voiture, qui signifie élégance, très nouvelle vague. Dans le même roman, Chloé « porte un
Tee-shirt rose Barbie » (p 101). Nous Dans « L'amour dure trois ans » de Frédéric Beigbeder, Marc se livre à quelques réflexions sur le mariage. Selon lui, « Notre génération est trop superficielle pour le mariage. On se marie comme on va au MacDo. » (p 51) Nous pourrions rapprocher cette expression de la vielle rengaine « on dit merci comme on dit passe- moi le sel », comme quelque chose que l'on fait machinalement, sans se soucier des conséquences. Dans « Caroline assassine » de Sophie Jabes, alors que Caroline veut exécuter sa mère, elle perd de son aplomb : elle se sent « si petite, si impuissante. Minuscule. Une tâche d'encre sur une page de cahier Clairfontaine. » (p 132) Nous pouvons rapprocher cette expression de « elle se sent minuscule, une goutte d'eau dans l'océan ». Dans « En toute impunité» de Jacqueline Harpman, les habitantes de la Diguière sont pauvres au point de changer « les citrouilles en Rolls-Royces (p 69), les chats en princes et la pauvreté en fantaisie. » Normalement, Cendrillon change les citrouilles en carrosses. Rolls- Royces et carrosses sont mis ici sur un pied d'égalité. |
|