4. Fonctions « Cardinales » / emplois pour le
produit de base.
Pour l'étude des fonctions cardinales, qui constituent
les moments-clés du récit, les actions, nous avons la
théorie de Roland Barthes. Nous y avons substitué le
schéma actantiel de A.J. Greimas.
Dans ce schéma, il est évident que les
différents actants ne sont pas des personnes, puisqu'il s'agit de
marques. Nous devons préciser qu'un actant peut avoir plusieurs
fonctions, et un même rôle peut être tenu par plusieurs
actants. Pourtant, « Selon Greimas, les participants (actants), sujets ou
objets, vivront le récit selon les modalités du vouloir, sur
l'axe du désir, par rapport à la nature. Les destinateurs et
destinataires fonctionneront selon la modalité du savoir, dans l'axe de
la communication (ou de l'absence de communication). Les adjuvants et les
opposants fonctionnent sur l'axe de l'action, mais aussi sur le vouloir et le
savoir. »136 Ce n'est ici bien évidemment pas tout
à fait le cas étant donné que les actant sont des objets
marqués.
4.1. Sujet.
136 Cours de Narratologie du Professeur Albert
Mingelgrün.
Le sujet est l'actant qui porte l'action. Il peut en
être le héros ou l'anti- héros. L'exemple que nous
présentons ci-dessous est unique. Et pour cause, dans les romans
contemporains, l'action est majoritairement portée par des
personnages137. Cependant, nous pourrions sans difficulté,
imaginer une action menée par une Barbie ou un Uncle Ben' s.
Dans « Jeanne d'arc fait tic tac », Iegor Gran consacre
une de ses nouvelles aux baskets Nike. Il n'emploie
pratiquement que cette marque, les autres étant comme « des
détails superflus. »138 Ces dernières ont
séduit P'tit Louis car lorsque le vendeur les lui a fait essayer, le
garçon a l'impression que « les Nikes rebondissent au sol comme des
demeurées et c'est tout l'intérieur de mon gars qui rebondit avec
elles. » (p 10) Mais peu à peu, elles s'emparent de son corps et
exercent sur ses déplacements leurs pouvoirs maléfiques. Pourtant
il aurait dû ouvrir l'oeil car « dans un miroir sur le mur de la
boutique, quand on regarde ces sportives et l'allure qu'elles ont dans le
reflet, on a l'impression de voir le logo Nike se dodeliner, on dirait les
sourcils noirs d'une sombre créature. » (p 11) Nous voyons bien,
par cette phrase, que la paire de Nike est personnifiée. En effet,
à peine sorti du magasin, « ce sont les maudites Nike qui le
dirigent. » (p 12) Elles l'empêchent de participer à des
manifestations altermondialistes, le poussent dans les MacDonald' s... bref
vers tout ce qui est américain et capitaliste. Il ne sait plus comment
s'en sortir, il commande un Big Mac, « alors seulement les Nike veulent
bien le laisser partir. » (p 13) « Le lendemain, il met les maudites
Nike et prend par l'avenue de la République » (p14), « les
Nike de calamité le poussent vers des modes de consommation dont il ne
veut pas. » (p 16) « Un soir, P'tit Louis se décide à
jeter ces Nike pratiquement neuves à deux cents euros la paire » (p
17), mais elles reviennent. Alors P'tit Louis les chausse, bien
décidé à ne pas se laisser faire : « P'tit Louis se
bat. Les Nike résistent. P'tit Louis met du coeur à ses jambes.
Les Nike freinent des quatre fers. Une semaine, c'est P'tit Louis, la semaine
suivante, c'est Nike. Nike - P'tit Louis. P'tit Louis - Nike. » (p 21)
Après quelques semaines, « il a l'impression que la force
magnétique des Nike a fortement diminué. » Mais finalement,
à bout de force, P'tit Louis brûle « les Nike et enterre les
restes au fond du jardin » (p 22). P'tit Louis a quand même appris
à résister.
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