CHAPITRE II : DONNÉES ECCLÉSIOLOGIQUES
1.
L'annonce de la parole de Dieu selon le concile Vatican II
L'annonce de l'évangile se veut pour notre
Église d'aujourd'hui, en buttes aux incertitudes et en proie au
désarroi, une préoccupation, disons, un devoir fondamental. C'est
dire en d'autres termes que l'annonce de l'évangile relève de la
mission première de l'Église. En effet, au numéro 2 de
l'exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi du pape Paul VI, il est
dit que annoncer l'évangile pour l'Église, c'est accomplir son
office de messagère de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ
proclamée à partir de deux consignes fondamentales :
à savoir, « Revêtez l'homme nouveau » (Ep. 4,
24 ; 2, 15) et « Laissez-vous réconcilier avec Dieu
» (2Co. 5, 20). C'est une mission dont il faut s'acquitter avec
diligence.
Toutefois, si l'annonce de l'évangile se veut un devoir
pour l'Église il n'en demeure pas moins que les dimensions de cette
annonce se doivent aussi d'être révisées pour apporter des
éléments de réponses aux multiples interrogations qui
hantent notre monde moderne. C'est pourquoi le Concile Vatican II s'est
donné le devoir de réfléchir sur certaines questions en
rapport avec l'annonce de l'évangile dont deux d'entre elles
méritent d'être retenues ici.
La première revient à se demander, comment faire
arriver à l'homme moderne le message chrétien dans lequel il peut
trouver la réponse à ses interrogations et la force pour son
engagement de solidarité humaine ? Autrement dit, comment
actualiser le message chrétien pour le rendre assimilable par la
modernité et que par ce fait il parvienne à susciter des
renouvellements intérieurs ?
La deuxième question pendante à la
première revêt une dimension méthodologique qui peut se
résumer en ces termes. Suivant quelles méthodes faut-il proclamer
l'Evangile pour que sa puissance soit efficace ?
Ainsi ces deux questions, pouvons-nous dire, vont servir de
canevas au renouvellement méthodologique, ou disons à la
révision des méthodes de l'annonce de l'évangile au monde
moderne. Mais à ces deux questions, le deuxième Concile du
Vatican se donne deux devoirs pouvant aider à mieux canaliser ces
renouvellements méthodologiques et cette recentralisation du message
évangélique :
Selon le premier devoir, il s'agit de préserver dans sa
pureté intangible le message évangélique. En d'autres
termes il s'agit d'éviter la prostitution de l'évangile,
c'est-à-dire y faire entrer subrepticement toute sorte de choses pouvant
dénaturer le message chrétien proclamé par le Christ.
Selon le deuxième devoir, il consiste à
présenter aux hommes de notre temps, autant que possible, le message
évangélique de manière compréhensive et persuasive.
Ici deux dimensions méritent d'être relevées : la
première est de l'ordre de la compréhension, c'est-à-dire
comment faire pour que le message évangélique soit accessible
à l'entendement de tous les hommes quelque soit leur culture
intellectuel. Ici intervient le souci du ciblage de son auditoire et de
l'adaptation du message. La deuxième est de l'ordre de la persuasion,
c'est-à-dire comment rendre le message chrétien efficace. Cette
visée est de l'ordre de l'efficacité et de l'efficience.
Ceci revient à dire que l'annonce de la Bonne Nouvelle
aujourd'hui exige de l'Eglise la conviction, la liberté d'esprit et
l'efficacité. Pour parvenir à sa fin l'axe central de l'annonce
de l'évangile pour l'Église passe par trois
considérations : la fidélité au message
évangélique, se sentir serviteur de ce message et le transmettre
intact et vivant. Intact, c'est-à-dire dans sa pureté
originelle ; vivant, c'est-à-dire toujours d'actualité.
Nonobstant les dimensions de l'annonce de l'évangile
susmentionnées, il importe tout de même de s'arrêter un
temps soit peu pour saisir la portée significative de l'annonce de
l'évangile. Il s'agit en d'autres termes, de saisir le sens de
l'expression annoncer l'évangile ou tout simplement la teneur
conceptuelle du terme évangéliser.
En effet, annoncer l'évangile pour l'Eglise, c'est
porter la Bonne Nouvelle dans tous les milieux humains, et par son impact,
transformer du dedans, rénover (renouveler) l'humanité
elle-même. Il s'agit aussi comme le souligne Gaudium et Spes au
numéro 53, d'évangéliser la culture et les cultures. Mais
la dimension verbale en elle même ne saurait suffire pour aboutir
à l'efficacité et la persuasion que vise cette annonce. C'est
pourquoi le témoignage de vie se veut un élément
primordial à la fructuosité de l'annonce de la Bonne Nouvelle de
Jésus-Christ. Il s'agit là certes d'une proclamation silencieuse
mais très forte et efficace de la Bonne Nouvelle selon Evangelica
Nuntiandi au numéro 21. Le témoignage de vie revêt de
ce point de vue une place capitale dans l'évangélisation.
Toutefois, au témoignage de vie il s'avère
nécessaire d'adjoindre l'annonce de Jésus-Christ par la parole,
c'est-à-dire l'annonce explicite, annonce claire de la parole de vie. La
parole de Dieu se doit d'être proclamée au-delà
d'être témoignée par le vécu des porteurs de ce
message, ceux que l'on appelle les messagers de la Bonne Nouvelle.
Cependant, l'annonce de la parole ne se limite pas à
faire connaître les mystères du Christ, mais elle acquiert toute
sa plénitude quand elle conduit à une adhésion du coeur et
à une transformation de vie. De sorte qu'elle devient un facteur de
libération et de conversion. L'annonce de l'évangile a une
dimension libératrice et transformatrice. C'est même là un
devoir, disons un mandat que l'Église a reçu du Seigneur, afin
que les hommes puissent croire et être sauvés. Cette mission de
l'Église n'est pas facultative, c'est un devoir qui relève d'un
impératif catégorique. C'est pourquoi il faut s'acquitter
à la perfection de ce ministère. Â ce propos l'apôtre
Paul disait déjà « malheur à moi si je n'annonce
pas l'évangile». Ainsi, il ne s'agit aucunement d'un titre de
gloire, mais d'une obligation.
De plus, l'annonce de la parole de Dieu selon le Concile
relève de la triple fonction d'enseigner, de sanctifier et de gouverner
que l'Eglise a reçu du Christ qui est prêtre, roi et
prophète. C'est pourquoi annoncer l'évangile c'est se faire un
alter christus.
Par ailleurs, évangéliser c'est annoncer que le
règne de Dieu est parvenu jusqu'à nous ; or ce règne
est un déjà là qui n'est pas encore
là. C'est pourquoi il importe de le rechercher, de le construire et
de le vivre, une tâche grandiose qui incombe à toute la
chrétienté. C'est aussi l'annonce du salut avec pour objet
premier la libération de ce qui opprime l'homme à savoir le
péché, le malin.
En somme il parait plus aisé pour nous de conclure en
disant que l'annonce de l'évangile est en même temps une
grâce et une vocation qui nous identifie au Christ fondateur de
l'Église à qui il a laissé le mandat de poursuivre cette
oeuvre gigantesque qui consiste à ramener dans la bergerie du Seigneur
toutes les brebis dispersées.
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