Les sujets de l'annonce de la parole de Dieu selon le code de droit canonique( Télécharger le fichier original )par Toussaint TSHINGOMBE ILUNGA Université catholique d'Afrique Centrale - Maitrise 2008 |
3. La mission des douze et des soixante-douze« ... Il appela ses douze disciples et se mit à les envoyer deux par deux. (Mc 6, 7) Après cela, le Seigneur choisit soixante-douze autres hommes et les envoya deux par deux devant lui dans toutes les villes et les endroits où lui-même devait se rendre ». (Lc10, 1) La mission apostolique, comme « participation » à la mission et/ou oeuvre du Christ - « ...Qui vous écoute m'écoute... » (Lc10, 16) - et l « envoi vers » qu'elle suppose et implique toute à la fois, sont en « un », l'effet de l'urgence de la proclamation de la Parole [de Dieu], de l'évangélisation. L'urgence est ici plus qu'un impératif catégorique, le salut des âmes étant en jeu. Ce qui explique dans une large mesure le « à-temps-et-à-contre-temps » dont use Paul en exhortant Timothée à proclamer avec insistance la Parole, à patiemment persuader, reprocher et encourager, dans le souci d'enseigner, d'instruire. (2Tm 4, 2) Il ressort de ce qui précède que mission et envoie vers, effet de l'urgence de la proclamation, appellent l'enseignement et ses principaux protagonistes, l'enseignant et les enseignés, l'envoyé et ceux vers qui il est envoyé. L'envoie en mission des douze puis des soixante-douze est l'icône classique de l'urgence de l'annonce exprimée dans un « plus qu'impératif » et de ce rapport plus que simplement pédagogique entre protagonistes (agent et patient) pastoraux. Il est une icône parce que mettant en évidence la dimension ecclésiale de la proclamation posée sur un fond unique à la fois ultime et apodictique : la donnée historique révélée13(*), confiée à l'Eglise mais dont le lieu de jaillissement reste la Parole. Le code de Droit Canonique d'ailleurs ne manque de le préciser : « L'Eglise, à qui le Christ a confié le dépôt de la foi, afin que, avec l'assistance de l'Esprit Saint, elle garde saintement la vérité révélée, la scrute plus profondément, l'annonce et l'expose fidèlement, a le devoir et le droit inné, indépendamment de tout pouvoir humain, de prêcher l'Evangile à toutes les nations, en utilisant aussi les moyens de communication sociale qui lui sont propres. »14(*) C'est l'Eglise, dans son noyau primitif - douze et soixante douze - qui évangélise les nations - « Allez par le monde entier, proclamez à toutes les créatures... » (Mc 16, 15) -, l'humanité, ou simplement l'Homme fondamental du peuple de Dieu.15(*) Elle est d'essence missionnaire et l'oeuvre d'évangélisation, par elle, est devoir. Elle ex-plicite la « donnée » révélée à ces êtres spirituels et historiques que sont les Hommes, la laissant se déployer dans la Parole proclamée. De là, toute l'incidence de l'enseignement au sens d'explication16(*) : il est la réponse à la question « Comment pourrais-je comprendre, si personne ne me l'explique ? » posée par le fonctionnaire éthiopien à Philippe (Ac 8, 31) et un acheminement sûr vers le baptême au nom de Jésus et un ferment nourricier à la perfection de la vie divine en tout baptisé. L'icône de l'envoie en mission qu'est l'envoie des douze et des soixante douze [disciples] surtout (dont le récit est plus détaillé chez Luc), comme nous le notions plus haut, respecte ce canon théorique ci-dessus rappelé. Les disciples, appelés et/ou choisis et a priori instruit par Jésus, reçoivent de ce dernier des consignes claires, leur demandant de partir comme des pauvres « Ne prenez rien avec vous pour le voyage... ». (Luc 9, 3) Le message à transmettre est limpide et ardent ; il tient en deux phrases : la paix pour les maisons généreuses, et le Royaume de Dieu qui s'est fait tout proche... Il y a ici, souligné par Jésus lui-même, la dimension de l'urgence dont nous faisions allusion : « Ne vous arrêtez pas en chemin... ». (Lc 10, 4) Jésus ne cache pas la difficulté de l'entreprise, les rejets à affronter dans certaines villes à parcourir et l'acte significatif à poser après rejet : secouez la poussière même cette ville sous vos pieds tout en leur annonçant le message central, le Royaume est proche. [L'élément « à temps et à contre temps » ici mis en relief] (Lc, 10, 11) Ainsi ce rejet est assorti d'une parole rude en analogie à Sodome : « Au jour du jugement, Sodome sera traitée moins sévèrement que cette ville. » (Lc 10, 12) Sans transition, nous retrouvons Jésus en train d'accueillir les disciples au retour de la mission. Ils sont là tout joyeux, et ils racontent : « Seigneur, même les esprits mauvais nous sont soumis en ton nom. » (Lc 10, 17) Ce qui leur avait été demandé ou promis s'est accompli ; ils en sont tout étonnés, émerveillés, et peut-être même un peu encombrés intérieurement d'un brin d'autosatisfaction que Jésus s'empresse de purifier pour donner plus d'ampleur au regard des soixante douze sur l'action de Dieu dans la mission qui était la leur et qui, toujours, le sera. Voilà ce qu'il y a de fondamental à côté du fait que, de la mission, l'oeuvre du mauvais s'écroule : « ... vos noms sont inscrits dans les cieux ». (Luc 10, 20) L'accomplissement de la mission à l'issue de l'envoie débouche sur une félicité, plus qu'une promesse, accordé au sujet fidèle de la mission : la pleine participation à la mission salvifique du Christ et une joie parfaite, la Vie éternelle. * 13 L'historicité étant un attribut intrinsèque à la révélation comme agir libre de Dieu avec l'homme. Cf. Karl Rahner, L'homme à l'écoute du verbe. Fondements d'une philosophie de la religion, Mane, Paris, 1967, p. 271. * 14 Can 747 : §1 * 15 Cf. Can. 781. * 16 Celui qui enseigne est a priori déjà enseigné; il est témoin, porteur d'une profonde conviction personnelle suscitée par l'action discrète, en lui, de l'Esprit : l'Eglise est d'abord en mission vers elle-même, une mission ad intra. C'est cette présupposition qui donne tout son sens à l'autre « pendant » de la totalité de sa mission proprement dite, la mission ad gentes et/ou ad extra. Cf. Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa... sur l'Eglise en Afrique et sa mission évangélisatrice vers l'an 2000, n°73-79. |
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