g). Pouvons nous encore nous poser la question sur le
rôle de l'assemblée ? N'est-elle pas souvent trop
passive ?
Pouvons nous dire, si le prêtre parle au nom du Christ,
Dieu fait homme, en qui se rejoignent parole de Dieu et réponse de
l'homme, alors il parle au nom de l'assemblée toute entière. Le
prêtre n'a pas à surplomber l'assemblée de son savoir,
encore moins à s'opposer à elle dans un
« sermon », mais à la représenter. C'est elle
qui est le sujet de l'homélie, parce qu'elle est destinataire de la
parole et qu'elle la célèbre. Pour cela, il faut que le
prêtre soit profondément lié à l'assemblée,
non pas nécessairement qu'il en connaisse individuellement les membres,
mais qu'il porte haut à la fois son humanité et sa foi. Qu'il
prenne au sérieux la pauvre parole de l'homme comme on doit prendre au
sérieux le pauvre coeur de l'homme. Et, bien sûr, qu'il sache
d'abord écouter. L'homélie ne commence pas devant la feuille
blanche, mais devant des visages. Au plein de son humanité et sa foi, le
prédicateur ne fera pas un show individuel, mais s'effacera au profit
d'une parole dont il a perçu la dimension collective.
h). Une question qu'on se pose encore : Si le
prêtre ne « commente » pas, il ne donne pas libre
cours à son ego, s'il ne fait pas de la chaire une tribune pour une
cause politique, morale, s'il « annonce le Christ »,
quel sera alors le contenu de sa prédication ?
Rien d'autre que la foi, l'espérance et la
charité. Chacun de ces aspects mériterait des commentaires
nourris. Nous dirons simplement qu'aujourd'hui, dans un monde marqué par
un retour sauvage du religieux, il nous semble prioritaire d'enseigner comment
croire plutôt que de proposer des contenus à la foi, des savoirs
dont notre société est friande mais dont, souvent, elle ne sait
que faire. Croire, c'est vivre en lien avec un Dieu mystérieux qui
questionne, déroute, aime, convertit. Croire est une « sortie
de soi », un déplacement vers un autre. Notre temps fabrique
des individus assoiffés d'eux-mêmes, qui ramènent tout
à eux, alors que la plénitude de la vie est dans le mouvement
inverse. Aujourd'hui, l'espérance parait impossible à beaucoup.
La perte du sentiment de la durée y est pour quelque chose. Mais cette
sorte d'assomption de l'instant présent que vie notre
société n'a de sens que si elle regarde vers l'avenir ouvert.
Prêcher l'espérance, c'est vivre pleinement aujourd'hui en
préparant demain. Accueillir le présent tel qu'il est, dans
l'humilité et la reconnaissance du bien reçu. Donner de
l'espérance, c'est aider autrui à entrer dans une alliance :
un être appelé est un être qui vit. Quant à la
charité, elle porte son fruit dans des alliances véritables et
durables. Il s'agit pour les chrétiens de devenir des êtres de
solitude et de communion à la fois, autrement dit capable d'alliance.
En somme, la prédication vise à exposer
un aspect du message chrétien en incitant la volonté des
auditeurs à adhérer sincèrement au Seigneur et en les
exhortant à vivre selon la loi du Christ. Un bon prédicateur est
celui qui, en prêchant, se convertit lui-même. C'est vrai parce que
la parole qui sied à la prédication est celle qui éveille,
l'un comme l'autre, prédicateur et assemblée. La priorité
du prédicateur qui annonce vraiment le Christ est que sa parole
éveille. Que ce dernier censure donc sans regrets tous propos qui
découragent, détruisent, intimident, toutes ces paroles de peu de
profit dont nous sommes lassés. En somme, qu'il offre une parole qui
fait vivre.
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