4. Résultats et
analyse
Au vu des 11 entretiens réalisés, il
apparaît que les patients investissent réellement les soins
proposés au CRESOP.
Tous ont accepté volontiers de répondre à
mes questions.
Les re-tests venaient conclure leur participation à
l'étude sur la remédiation cognitive et les entretiens leur
permettaient de s'exprimer sur leur vécu de cette expérience.
Les patients s'impliquent visiblement dans leur discours. Ils
parlent à la première personne du singulier. Sur le plan non
verbal, ils font montre d'enthousiasme (sourires, gestes appuyant le
discours...)
Ils manifestent un enthousiasme et un dynamisme que l'on
n'attend pas a priori de la part de malades schizophrènes.
Le verbe permettre revient dans tous les entretiens.
Les patients trouvent que le programme leur a
« permis » beaucoup de choses : aller mieux,
progresser, faire confiance aux soignants...
4 points ressortent plus particulièrement des 11
entretiens :
Ø une notion de progrès et de changement
Ø la présence de projets
Ø des motifs de satisfaction
Ø des critiques et/ou remarques par rapport au
programme
4.1 Notion de
progrès et de changement
Les patients dans leur ensemble (100%) évoquent un
progrès lié au programme du CRESOP.
Parmi eux, 8 (73%) évoquent une amélioration de
leurs compétences, qui est le domaine directement visé par le
programme et 8 parlent d'une amélioration de leur qualité de
vie.
6 patients (54,5%) parlent d'un progrès en lien avec
les soins.
Soins
|
Nb de patients
|
Compétences
|
Nb de patients
|
Qualité de vie
|
Nb de patients
|
Meilleure connaissance de la maladie
|
4
(36%)
|
Amélioration des fonctions cognitives
|
7
(63%)
|
Amélioration de l'autonomie
|
5
(45%)
|
Meilleure adhésion aux soins
|
5
(45%)
|
Amélioration des compétences sociales et de
communication
|
2
(18%)
|
Amélioration de la qualité de vie
|
6
(54,5%)
|
Meilleure acceptation de la maladie
|
3
(27%)
|
|
Nombre total de patients ayant parlé d'un progrès
en lien avec le soin
|
6 (54,5%)
|
Nombre total de patients ayant parlé d'un progrès
en lien avec les compétences
|
8
(73%)
|
Nombre total de patients ayant parlé d'un progrès
en lien avec la qualité de vie
|
8
(73%)
|
Nombre total de patients évoquant un
progrès
|
11
(100%)
|
4.1.1. Progrès en lien
avec les soins
Parmi les 6 patients qui parlent d'un progrès en lien
avec les soins, 4 pensent mieux connaître leur maladie. Le patient 4 dit
par exemple : « En fait j'ai eu un changement de
médicaments qui n'a pas abouti parce que j'ai eu une rechute et j'en ai
tout de suite parlé au médecin. Ca m'a aidé à
prendre conscience que c'était la maladie, que ce n'était pas la
réalité. »
La connaissance de la maladie est une étape majeure
dans la prévention des rechutes. Permettre aux patients d'être
capable de repérer les signes qui précèdent une nouvelle
décompensation et d'en faire part à un médecin ou à
ses proches est la meilleure façon de leur rendre la maîtrise de
leur maladie. C'est non seulement un moyen d'améliorer la qualité
de la prise en charge mais aussi une façon de redonner aux malades une
place active et responsable.
Même si 4 patients seulement sur les 11 parlent de cette
meilleure connaissance de la maladie, tous étaient capables d'aborder
ouvertement la question de leur diagnostic et de leurs symptômes. Avant
de commencer les re-tests, un patient m'a par exemple interrogée sur une
sensation qui l'inquiétait, et de laquelle nous avons pu parler sans
tabou. Un autre patient s'inquiétait des risques de rechute qu'il
encourait, alors qu'il venait de rompre avec sa petite amie, et des mesures
qu'il aurait intérêt à mettre en place pour se
protéger.
Programme PACT d'information sur la maladie
Repérer les signes
Pour Faridah, Alain ou Bertrand, le premier symptôme
est toujours le repli sur soi. Ils n'y avaient jamais réfléchi
jusqu'à cette séance où l'on évoque la rechute et
les moyens de l'éviter.
Pour Farid et Romain, c'est le contraire : temps de
sommeil raccourcis, impression de toute puissance...
Romain a bien repéré aussi le fait que ses
rechutes ont toujours eu lieu en novembre.
La discussion s'oriente la prévention. Quelles
actions mettre en oeuvre, comment lutter contre le stress, que faire face
à des impondérables comme une maladie ou un deuil, auprès
de qui trouver de l'aide... ?
|
Pour 5 patients, le programme a permis de créer un
meilleur lien avec les soignants et les soins : « Je vois
plus la réalité des choses en face, je me rends compte que j'ai
besoin de soins » (7) ; « En fait j'ai eu un
changement de médicaments qui n'a pas abouti parce que j'ai eu une
rechute et j'en ai tout de suite parlé au médecin. Ca m'a
aidé à prendre conscience que c'était la maladie, que ce
n'était pas la réalité.» (5) » ;
« Je me suis vraiment rendu compte que c'était très
important d'être régulier dans la prise du
traitement ». (9)
Programme PACT d'information sur la maladie
Roger
Roger n'a jamais été hospitalisé.
Lors des pré-tests d'admission au CRESOP, il se montre
décidé à garder la face, en dépit de
résultats à l'évidence perturbés, et ne se
reconnaît aucun trouble. Tout va bien pour lui, même s'il ne fait
rien de ses journées (à part du jardinage), ne sort pas de chez
lui (il vit chez ses parents) et n'a aucune relation sociale.
Lors des deux premières séances, Roger joue
le rôle du sceptique et la carte de l'ironie. On note cependant qu'il
reste attentif tout au long des séances, qu'il pose des questions
pendant les poses (bien que sans se départir de son ironie), et qu'il
n'est jamais absent.
Il a aussi le sens de la synthèse :
« Alors, si je comprends bien, tout le monde est schizophrène
ici ? » dira-t-il par exemple en fin de première
séance.
C'est après la 3ème séance
que la transformation s'opère. Roger commence à dire
« je », quand il pose des questions. Il apporte son
témoignage. « Nous, qui sommes schizophrènes,
... », dit-il même une fois. En entretien individuel avec son
médecin, il a, pour la première fois, parlé de ses
hallucinations auditives.
A la 7ème séance, il explique même
comment il a un jour été trouvé par sa mère en
train de tenir une conversation à ses voix dans le garage de la maison.
|
La question de l'alliance thérapeutique est ici assez
centrale.
Avoir participé au groupe PACT ou à la
remédiation cognitive a permis d'évoquer la maladie et ses
symptômes de manière concrète. Les patients peuvent parler
de leur expérience, ils savent repérer leurs moments de plus
grande fragilité, les risques de rechute. Certains demandent des
conseils, nous interrogent sur la meilleure façon de traverser certaines
épreuves de la vie.
Tout change pour le soignant quand il a en face de lui
quelqu'un à qui un diagnostic a été annoncé et qui
a eu une information digne de ce nom sur sa maladie. Tout est simplifié.
Les questions sont franches et les réponses facilitées. Plus
besoin de circonvolutions de langage pour évoquer la
schizophrénie et ses symptômes. Nous parlons enfin d'adulte
à adulte et les patients, véritablement experts d'une maladie
dont je ne peux quand à moi saisir que des bribes, ont tout à
nous apprendre.
Programme PACT d'information sur la maladie
Ré-hospitalisations
A l'occasion d'un tour de table il est question de
l'hospitalisation et des expériences de chacun à ce sujet :
les témoignages vont du « cocon », dont on n'a plus
envie de partir, à l'enfermement, dont on ne veut que
s'évader.
Farid raconte comment il a été à
chaque fois hospitalisé contre son gré et en chambre d'isolement
(en cellule, dit-il d'abord), ce qui lui a fait associer hôpital et
prison. Récemment, lors d'un passage difficile, avec montée
importante de l'angoisse, il s'est rendu aux urgences du Vinatier, pour la
première fois de son plein gré. Mais voyant autour de lui dans la
salle d'attente des patients en crise, il est reparti sans attendre son
tour.
Il s'interroge : n'était-ce pas faire preuve
de faiblesse que de venir se réfugier à l'hôpital quand on
a un coup de blues ?
|
Pour 3 patients, le programme leur a permis de mieux accepter
leur maladie, ou du moins d'être rassuré à ce sujet :
« C'est vraiment fondamental dans la façon dont j'ai pu
apprendre à vivre avec ma maladie » (9). La meilleure
connaissance de la maladie dédramatise le sujet. Le CRESOP
présente la schizophrénie comme une maladie chronique, comparable
au diabète. Les hypothèses explicatives sont exposées,
sans que l'on cherche à enjoliver les choses, ni à les
simplifier. Cette façon de rationaliser est rassurante.
La maladie devient une maladie comme une autre, dont il n'est
plus question d'avoir honte et dont on peut parler à son entourage.
Programme PACT d'information sur la maladie
Phases du deuil
On retrouve chez les patients atteints de maladies graves
évolutives une alternance de phases d'espoir et de désespoir,
d'acceptation, dépression, angoisse, colère, déni de la
gravité et sidération.
Trois patients, Hervé, Farid et Romain, illustrent
parfaitement ce point.
Hervé est encore dans une phase de déni. A
la toute première séance, alors que le groupe fait la liste des
symptômes que présente le personnage présenté dans
le film, il est le seul à proposer des hypothèses alternatives au
diagnostic de schizophrénie : peut-être le personnage est-il
simplement fatigué, ou déprimé, ou en
vacances ?
Durant les poses il nous interroge sur son traitement,
qu'il oublie parfois, et sur le cannabis, qu'il n'arrive pas à
arrêter.
A mi-chemin des 12 séances il nous annonce qu'il a
arrêté son traitement et repris une consommation importante de
cannabis. Il s'est aussi remis à boire de l'alcool et c'est pour cela,
dit-il qu'il a choisi d'arrêter le traitement : on ne mélange
pas alcool et médicaments.
Dans une position très infantile, il n'ose pas en
parler ni à ses parents (qui vont le tuer !), ni à son
équipe soignante (qui va lui faire des injections !).
On sent cependant toute une part d'ambivalence dans son
discours : Hervé est préoccupé par cet arrêt de
son traitement. Il nous assure qu'il va le reprendre. Il continue d'assister
aux séances où chacun, et les autres patients en particulier,
l'exhorte à au moins en parler à son médecin.
Farid a déjà traversé plusieurs
hospitalisations sous contrainte, avec des passages en chambre d'isolement qui
lui ont laissé une image assez négative de la psychiatrie. Il est
l'un des patients qui participe le plus activement au groupe. Il pose des
questions, apporte son témoignage, donne des conseils. Il dit bien son
ambivalence actuelle : son espoir d'une guérison côtoie sa
prise de conscience de la chronicité, sa satisfaction face à
l'efficacité du traitement ne l'empêche pas de rêver de
l'arrêter au plus vite.
Romain, quant à lui, nous raconte l'entretien qu'il
a eu il y a quelques années avec un psychiatre. Le médecin lui
expliquait que la moitié des patients à qui l'on proposait,
après 5 ans de prise d'un médicament, de faire l'essai de
l'arrêter, préférait poursuivre le traitement. Romain peut
nous dire qu'à l'époque il avait pensé qu'il
arrêterait sans aucune hésitation. Désormais, il nous
explique qu'il prendrait la décision inverse. Pas question pour lui de
prendre le risque d'une rechute.
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