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Evaluation des effets d'un programme de réhabilitation et de remédiation cognitive sur des patients schizophrènes

( Télécharger le fichier original )
par Charlotte Mouillerac
Université Paris 8 - Master2 de psychologie clinique 2008
  

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4. Résultats et analyse

Au vu des 11 entretiens réalisés, il apparaît que les patients investissent réellement les soins proposés au CRESOP.

Tous ont accepté volontiers de répondre à mes questions.

Les re-tests venaient conclure leur participation à l'étude sur la remédiation cognitive et les entretiens leur permettaient de s'exprimer sur leur vécu de cette expérience.

Les patients s'impliquent visiblement dans leur discours. Ils parlent à la première personne du singulier. Sur le plan non verbal, ils font montre d'enthousiasme (sourires, gestes appuyant le discours...)

Ils manifestent un enthousiasme et un dynamisme que l'on n'attend pas a priori de la part de malades schizophrènes.

Le verbe permettre revient dans tous les entretiens. Les patients trouvent que le programme leur a « permis »  beaucoup de choses : aller mieux, progresser, faire confiance aux soignants...

4 points ressortent plus particulièrement des 11 entretiens :

Ø une notion de progrès et de changement

Ø la présence de projets

Ø des motifs de satisfaction

Ø des critiques et/ou remarques par rapport au programme

4.1 Notion de progrès et de changement

Les patients dans leur ensemble (100%) évoquent un progrès lié au programme du CRESOP.

Parmi eux, 8 (73%) évoquent une amélioration de leurs compétences, qui est le domaine directement visé par le programme et 8 parlent d'une amélioration de leur qualité de vie.

6 patients (54,5%) parlent d'un progrès en lien avec les soins.

Soins

Nb de patients

Compétences

Nb de patients

Qualité de vie

Nb de patients

Meilleure connaissance de la maladie

4

(36%)

Amélioration des fonctions cognitives

7

(63%)

Amélioration de l'autonomie

5

(45%)

Meilleure adhésion aux soins

5

(45%)

Amélioration des compétences sociales et de communication

2

(18%)

Amélioration de la qualité de vie

6

(54,5%)

Meilleure acceptation de la maladie

3

(27%)

 

Nombre total de patients ayant parlé d'un progrès en lien avec le soin

6 (54,5%)

Nombre total de patients ayant parlé d'un progrès en lien avec les compétences

8

(73%)

Nombre total de patients ayant parlé d'un progrès en lien avec la qualité de vie

8

(73%)

Nombre total de patients évoquant un progrès 

11

(100%)

4.1.1. Progrès en lien avec les soins

Parmi les 6 patients qui parlent d'un progrès en lien avec les soins, 4 pensent mieux connaître leur maladie. Le patient 4 dit par exemple : « En fait j'ai eu un changement de médicaments qui n'a pas abouti parce que j'ai eu une rechute et j'en ai tout de suite parlé au médecin. Ca m'a aidé à prendre conscience que c'était la maladie, que ce n'était pas la réalité. »

La connaissance de la maladie est une étape majeure dans la prévention des rechutes. Permettre aux patients d'être capable de repérer les signes qui précèdent une nouvelle décompensation et d'en faire part à un médecin ou à ses proches est la meilleure façon de leur rendre la maîtrise de leur maladie. C'est non seulement un moyen d'améliorer la qualité de la prise en charge mais aussi une façon de redonner aux malades une place active et responsable.

Même si 4 patients seulement sur les 11 parlent de cette meilleure connaissance de la maladie, tous étaient capables d'aborder ouvertement la question de leur diagnostic et de leurs symptômes. Avant de commencer les re-tests, un patient m'a par exemple interrogée sur une sensation qui l'inquiétait, et de laquelle nous avons pu parler sans tabou. Un autre patient s'inquiétait des risques de rechute qu'il encourait, alors qu'il venait de rompre avec sa petite amie, et des mesures qu'il aurait intérêt à mettre en place pour se protéger.

Programme PACT d'information sur la maladie

Repérer les signes

Pour Faridah, Alain ou Bertrand, le premier symptôme est toujours le repli sur soi. Ils n'y avaient jamais réfléchi jusqu'à cette séance où l'on évoque la rechute et les moyens de l'éviter.

Pour Farid et Romain, c'est le contraire : temps de sommeil raccourcis, impression de toute puissance...

Romain a bien repéré aussi le fait que ses rechutes ont toujours eu lieu en novembre.

La discussion s'oriente la prévention. Quelles actions mettre en oeuvre, comment lutter contre le stress, que faire face à des impondérables comme une maladie ou un deuil, auprès de qui trouver de l'aide... ?

Pour 5 patients, le programme a permis de créer un meilleur lien avec les soignants et les soins : « Je vois plus la réalité des choses en face, je me rends compte que j'ai besoin de soins » (7) ; « En fait j'ai eu un changement de médicaments qui n'a pas abouti parce que j'ai eu une rechute et j'en ai tout de suite parlé au médecin. Ca m'a aidé à prendre conscience que c'était la maladie, que ce n'était pas la réalité.» (5) » ; « Je me suis vraiment rendu compte que c'était très important d'être régulier dans la prise du traitement ». (9)

Programme PACT d'information sur la maladie

Roger

Roger n'a jamais été hospitalisé. Lors des pré-tests d'admission au CRESOP, il se montre décidé à garder la face, en dépit de résultats à l'évidence perturbés, et ne se reconnaît aucun trouble. Tout va bien pour lui, même s'il ne fait rien de ses journées (à part du jardinage), ne sort pas de chez lui (il vit chez ses parents) et n'a aucune relation sociale.

Lors des deux premières séances, Roger joue le rôle du sceptique et la carte de l'ironie. On note cependant qu'il reste attentif tout au long des séances, qu'il pose des questions pendant les poses (bien que sans se départir de son ironie), et qu'il n'est jamais absent.

Il a aussi le sens de la synthèse : « Alors, si je comprends bien, tout le monde est schizophrène ici ? » dira-t-il par exemple en fin de première séance.

C'est après la 3ème séance que la transformation s'opère. Roger commence à dire « je », quand il pose des questions. Il apporte son témoignage. « Nous, qui sommes schizophrènes, ... », dit-il même une fois. En entretien individuel avec son médecin, il a, pour la première fois, parlé de ses hallucinations auditives.

A la 7ème séance, il explique même comment il a un jour été trouvé par sa mère en train de tenir une conversation à ses voix dans le garage de la maison.

La question de l'alliance thérapeutique est ici assez centrale.

Avoir participé au groupe PACT ou à la remédiation cognitive a permis d'évoquer la maladie et ses symptômes de manière concrète. Les patients peuvent parler de leur expérience, ils savent repérer leurs moments de plus grande fragilité, les risques de rechute. Certains demandent des conseils, nous interrogent sur la meilleure façon de traverser certaines épreuves de la vie.

Tout change pour le soignant quand il a en face de lui quelqu'un à qui un diagnostic a été annoncé et qui a eu une information digne de ce nom sur sa maladie. Tout est simplifié. Les questions sont franches et les réponses facilitées. Plus besoin de circonvolutions de langage pour évoquer la schizophrénie et ses symptômes. Nous parlons enfin d'adulte à adulte et les patients, véritablement experts d'une maladie dont je ne peux quand à moi saisir que des bribes, ont tout à nous apprendre.

Programme PACT d'information sur la maladie

Ré-hospitalisations

A l'occasion d'un tour de table il est question de l'hospitalisation et des expériences de chacun à ce sujet : les témoignages vont du « cocon », dont on n'a plus envie de partir, à l'enfermement, dont on ne veut que s'évader.

Farid raconte comment il a été à chaque fois hospitalisé contre son gré et en chambre d'isolement (en cellule, dit-il d'abord), ce qui lui a fait associer hôpital et prison. Récemment, lors d'un passage difficile, avec montée importante de l'angoisse, il s'est rendu aux urgences du Vinatier, pour la première fois de son plein gré. Mais voyant autour de lui dans la salle d'attente des patients en crise, il est reparti sans attendre son tour.

Il s'interroge : n'était-ce pas faire preuve de faiblesse que de venir se réfugier à l'hôpital quand on a un coup de blues ?

Pour 3 patients, le programme leur a permis de mieux accepter leur maladie, ou du moins d'être rassuré à ce sujet : « C'est vraiment fondamental dans la façon dont j'ai pu apprendre à vivre avec ma maladie » (9). La meilleure connaissance de la maladie dédramatise le sujet. Le CRESOP présente la schizophrénie comme une maladie chronique, comparable au diabète. Les hypothèses explicatives sont exposées, sans que l'on cherche à enjoliver les choses, ni à les simplifier. Cette façon de rationaliser est rassurante.

La maladie devient une maladie comme une autre, dont il n'est plus question d'avoir honte et dont on peut parler à son entourage.

Programme PACT d'information sur la maladie

Phases du deuil

On retrouve chez les patients atteints de maladies graves évolutives une alternance de phases d'espoir et de désespoir, d'acceptation, dépression, angoisse, colère, déni de la gravité et sidération.

Trois patients, Hervé, Farid et Romain, illustrent parfaitement ce point.

Hervé est encore dans une phase de déni. A la toute première séance, alors que le groupe fait la liste des symptômes que présente le personnage présenté dans le film, il est le seul à proposer des hypothèses alternatives au diagnostic de schizophrénie : peut-être le personnage est-il simplement fatigué, ou déprimé, ou en vacances ?

Durant les poses il nous interroge sur son traitement, qu'il oublie parfois, et sur le cannabis, qu'il n'arrive pas à arrêter.

A mi-chemin des 12 séances il nous annonce qu'il a arrêté son traitement et repris une consommation importante de cannabis. Il s'est aussi remis à boire de l'alcool et c'est pour cela, dit-il qu'il a choisi d'arrêter le traitement : on ne mélange pas alcool et médicaments.

Dans une position très infantile, il n'ose pas en parler ni à ses parents (qui vont le tuer !), ni à son équipe soignante (qui va lui faire des injections !).

On sent cependant toute une part d'ambivalence dans son discours : Hervé est préoccupé par cet arrêt de son traitement. Il nous assure qu'il va le reprendre. Il continue d'assister aux séances où chacun, et les autres patients en particulier, l'exhorte à au moins en parler à son médecin.

Farid a déjà traversé plusieurs hospitalisations sous contrainte, avec des passages en chambre d'isolement qui lui ont laissé une image assez négative de la psychiatrie. Il est l'un des patients qui participe le plus activement au groupe. Il pose des questions, apporte son témoignage, donne des conseils. Il dit bien son ambivalence actuelle : son espoir d'une guérison côtoie sa prise de conscience de la chronicité, sa satisfaction face à l'efficacité du traitement ne l'empêche pas de rêver de l'arrêter au plus vite.

Romain, quant à lui, nous raconte l'entretien qu'il a eu il y a quelques années avec un psychiatre. Le médecin lui expliquait que la moitié des patients à qui l'on proposait, après 5 ans de prise d'un médicament, de faire l'essai de l'arrêter, préférait poursuivre le traitement. Romain peut nous dire qu'à l'époque il avait pensé qu'il arrêterait sans aucune hésitation. Désormais, il nous explique qu'il prendrait la décision inverse. Pas question pour lui de prendre le risque d'une rechute.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway