B- Bilan critique du plan d'action forestier
tropical
La phase de planification : une approche trop
sectorielle et des acteurs
inégalement impliqués
Concernant l'élaboration des plans nationaux, il faut
tout d'abord souligner l'exceptionnelle adhésion des pays tropicaux. A
ce jour, 52 pays tropicaux se sont engagés dans le PAFT et 16 autres
s'apprêtent à le faire, une grande majorité d'entre eux
ayant sollicité une aide technique extérieure pour analyser les
problèmes et mettre au point un plan et un programme d'action.
Il faut cependant tempérer ce succès en
indiquant que, pour de trop nombreux pays, cet engagement n'est le fait que de
l'administration en charge des problèmes forestiers (ministère ou
service) et que - tout au moins dans la première partie du travail de
planification - les autres secteurs de l'activité économique et
sociale ne sont pas concernés, quand bien même les
autorités politiques ont marqué leur intérêt pour le
PAFT (ce qui est loin de représenter la majorité des cas).
La mobilisation des aides extérieures est non moins
remarquable car elle est quasi universelle au niveau des déclarations
officielles (16 pays et 10 organisations financières internationales
font partie du groupe dit des conseillers du PAFT, dont l'URSS qui ne fait pas
partie de la FAO).
Cependant, dans la pratique, les pays et agences
réellement impliqués dans l'action sont en nombre réduit:
France, RFA, Royaume-Uni, Pays-Bas, Canada, Suisse, Finlande, PNUD, FAO, Banque
africaine de développement, CEE.
La Banque mondiale qui avait été un des «
parrains » du PAFT a eu des difficultés à concrétiser
sa participation aux exercices de planification. Les divisions
géographiques ont en effet poursuivi leur travail d'élaboration
de programmes sectoriels par pays, sans préoccupation des autres
donateurs ni des velléités nationales de réalisation d'une
planification coordonnée multidonateurs. Dans quelques pays, on a
considéré que les revues sectorielles menées par la Banque
mondiale constituaient une étape dans l'élaboration du PAFT
national (cas de la Côte-d'Ivoire et du Ghana) mais ceci est artificiel
et peu satisfaisant en raison de l'approche trop sectorielle suivie par les
équipes d'experts envoyés par la Banque. Par ailleurs, les
divisions de la Banque mondiale spécialisées dans les
problèmes d'environnement étudient, dans certains pays, des plans
nationaux environnementaux dont la coordination n'est pas toujours bien
assurée avec les plans forestiers.
La situation est semblable avec les masterplans de la Banque
asiatique de développement dans plusieurs pays d'Asie (Pakistan,
Népal, Philippines, Bhutan). A plusieurs reprises, le groupe des experts
a tenté de persuader le responsable forestier de la Banque asiatique de
développement de tenir davantage compte de l'approche multisectorielle
du PAFT mais, malgré des réponses positives, les choses ont peu
changé sur le terrain et le PAFT « récupère »,
un peu artificiellement, à son compte les planifications
préparées par la Banque asiatique dont l'approche est
extrêmement classique.
L'Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT) pose
un autre problème, celui de l'intégration de sa double action -
« po litico- normative » et « projets de terrain » -dans le
cadre du PAFT. En effet, l'OIBT qui a toujours perçu le PAFT comme une
action de la FAO souhaite garder ses distances pour conserver son
indépendance. Malgré plusieurs tentatives d'explication au cours
des 2 dernières années (réunion commune du groupe des
conseillers PAFT et du conseil OIBT, en décembre 1988, à
Yokohama) l'OIBT résiste. Lors de la dernière réunion de
son conseil, cependant, il a été accepté - sur proposition
française - que l'OIBT participe à 2 ou 3 missions de
planification dans le cadre du PAFT en Afrique et en Asie.
Le Japon garde, vis-à-vis du PAFT, une attitude
ambiguë en raison d'une part de son soutien particulier à l'OIBT
(dont le siège est au Japon) et, d'autre part, d'un souci
d'indépendance par rapport à une coordination trop contraignante
sous l'égide de la FAO.
Parmi les pays et agences actifs, on peut regretter que
beaucoup considèrent le PAFT comme « un mécanisme parmi tant
d'autres », sans lui accorder une certaine « exclusivité
» dans le domaine de la définition des politiques à mener
dans tel ou tel pays.
Enfin, peu nombreux sont les pays qui ont accepté de
prendre la responsabilité des travaux d'appui à
l'élaboration de plans nationaux en dirigeant l'équipe
internationale mise à la disposition du pays concerné. Seuls, le
Canada (3 pays), les Pays-Bas (1 pays), le Royaume-Uni (1 pays), la Finlande (3
pays), et la France (4 pays) l'ont fait, laissant à la FAO la
majorité des responsabilités de coordination (en
général sur financement du PNUD).
D'autres acteurs se sont mobilisés, tels que les
organisations non gouvernementales internationales et, parmi les plus actives,
le World Resource Institute (USA), l'International Institute for Environment
and Development (Royaume-Uni), l'Union internationale pour la conservation de
la nature. le Fonds mondial pour la nature et les Amis de la terre. Mais ces
organisations, représentées à toutes les réunions
(PAFT, FAO, OIBT) ne sont en fait que des spectateurs, et leur rôle ne
dépasse pas souvent le stade des études critiques des situations
en cours.
En particulier, les ONG internationales n'ont absolument pas
tenté de mobiliser les fonds privés dans les pays du Nord,
profitant par contre de l'existence du PAFT pour obtenir le financement de
leurs activités par les gouvernements des pays du Nord.
Le rôle des ONG locales devrait être
extrêmement important. A plusieurs reprises, au cours des réunions
précédentes concernant le PAFT (groupe des conseillers,
comités FAO), plusieurs ONG du Nord ont regretté que les ONG du
Sud (et les populations) soient si peu impliquées et consultées
lors de l'élaboration des plans nationaux. Cette réalité
n'est pas très facile à modifier, car les États tropicaux
sont souverains, et il est bien difficile de leur imposer des partenaires
malgré eux. Il conviendrait sans doute que, de manière à
ne pas heurter de front la légitime susceptibilité des
gouvernements locaux, les pays et agences du Nord travaillent à
favoriser le dialogue entre ONG et gouvernements du Sud, sans adopter des
positions trop intransigeantes ou voyantes sur ce sujet.
Enfin, il faut noter pour l'instant une absence totale de
participation du secteur privé aux travaux de planification.
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