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Les procédés de modalisation dans l'oeuvre romanesque de jules verne: le cas de Michel Strogoff

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par Bauvarie Mounga
Université Yaoundé I - DEA 2007
  

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I.1.3- L'emploi des mots étrangers

Les récits et dialogues dans Michel Strogoff sont émaillés de termes étrangers, plus précisément de termes russes et tartares. Cela n'est pas étonnant puisque les personnages qui évoluent dans ce roman sont originaires de la Russie et de la Sibérie. Ce faisant, le locuteur est obligé d'employer les guillemets pour indiquer un emprunt aux langues russe et tartare. C'est le cas dans les énoncés ci-après :

(160) Il se contenta de se munir d'un « padaroshna ». (p.41)

(161) Encore un espion ! dit-elle. Laisse le faire et viens souper, le « papluka » attend. (p.58)

(162) On lui offrira le pain et le sel, on mettra le « samovar » sur le feu, et il sera comme chez lui. (p.98)

Les termes padaroshna, papluka, samovar sont des emprunts qui reflètent la culture russe et tartare et donnent la possibilité au lecteur de s'imprégner de cette culture. Dans certains cas, les emprunts renvoient à des clichés et sont suivis de commentaires métalinguistiques.

I.1.4- Les figures de l'emprunt

Les figures de l'emprunt indiquent la présence dans l'énoncé d'un locuteur, d'un terme ou d'un groupe de mots ne lui appartenant pas. A travers ces figures, comme le précise Maingueneau (2002 :137), l'énonciateur représente un discours autre dans son propre discours. La présence de l'autre est alors matérialisée par un fragment guillemeté précédé ou suivi de mots indiquant que le terme encadré est un emprunt. Les figures de l'emprunt sont très fréquentes dans Michel Strogoff pour deux raisons. Premièrement, le narrateur recourt presque chaque fois à des clichés pour étayer son discours. Selon Fromilhague et Sancier (1991 :104), le cliché  emprunte, non pas au discours d'un individu, mais au « on-dit », au « choeur social », au « déjà-dit ».

Le cliché se définit donc comme une association de lexies prévisible, et conventionnelle, liée à l'usage. Perrin (2000) parle plutôt d'expression idiomatique. Il en donne d'ailleurs la définition suivante :

la notion d'expression idiomatique renvoie à l'ensemble des idiotismes d'une langue , à l'ensemble des locutions perçues comme figées par les usages de cette langue , et dont la signification tient à une mémorisation préalable, analogue à celle de n'importe quelle unité lexicale.

Les expressions idiomatiques relèvent, avant tout, d'une dénomination usuelle c'est-à-dire codée, mémorisée, partagée par toute la communauté linguistique. Cette stratégie discursive employée par Jules Verne a sans doute pour but de créer une certaine complicité entre le narrateur et le lecteur. Car, grâce à ces lieux communs, le lecteur ne se sent pas dépaysé au cours de sa lecture.

L'emploi des figures de l'emprunt peut s'expliquer deuxièmement par le fait que Michel Strogoff est un roman qui met en scène des personnages russes, c'est pourquoi l'auteur se sent obligé de puiser justement dans la culture russe pour étayer ses propos.

(163) Le Français possédait donc au plus haut degré ce que l'on appelle « la mémoire de l'oeil ». (p.18)

(164) C'était là, au milieu des steppes sauvages des provinces d'Omsk et de Tobolsk, que le redoutable chasseur sibérien avait élevé son fils Michel « à la dure » suivant l'expression populaire. (p.36)

(165) Puis, à l'infini s'élevaient dans la plaine quelques milliers de ces tentes turcomanes que l'on appelle « karaoy » et qui avaient été transportées à dos des chameaux. (p.188-189)

(166) Voici comment le postillon, l'iemschik, les avait attelés : l'un, le plus grand, était maintenu entre deux longs brancards qui portaient à leur extrémité antérieure un cerveau, appelé « douga », chargé de houppes et sonnettes. (p.94)

Dans les deux premiers exemples, les figures de l'emprunt mettent en évidence des clichés, des expressions idiomatiques. Ces clichés se présentent sous la forme d'un ensemble de mots analogue à un mot composé puisqu'ils génèrent une unité de sens. Ainsi, les expressions à la dure, la mémoire de l'oeil sont la marque d'une manière commune de s'exprimer. Les lecteurs sont ainsi supposés mieux comprendre le discours du narrateur dans la mesure où il se sert des images connues de tous. En (165) et (166), le locuteur emprunte plutôt à la culture russe. Comme nous l'avons expliqué plus haut, l'histoire relatée dans notre support d'étude se situe en Russie, il est donc normal que des termes russes ponctuent le discours du narrateur. Cependant, Gardes-Tamine et Pelliza (1998) expliquent d'une autre façon la présence des figures de l'emprunt dans notre corpus. Pour ces linguistes (1998 :112), l'emploi de ces figures résultent du fait que

 les mots et expressions que chacun utilise renvoient, entre autres, au milieu dans lequel il est inséré, et même si nous voulons prendre nos distances et utiliser les mots d'une manière nouvelle, à notre insu même, notre parole est traversée par celle des autres. 

Aussi les mots n'appartiennent-ils à aucun de nous en particulier. Ils nous sont d'abord imposés, à nous de leur imprimer ensuite notre propre marque.

Au total, la mise entre guillemets a plusieurs valeurs dans notre corpus. Elle signifie souvent une réserve de la part du locuteur qui indique par là une non prise en charge des termes cités. Elle a aussi pour but la mise en exergue d'un terme qui revêt une connotation particulière pour le locuteur. La mise entre guillemets se justifie également dans notre corpus par la volonté d'indiquer un emprunt au russe et au tartare, ou un cliché. On s'aperçoit ainsi que les guillemets n'ont pas seulement pour but de rapporter un énoncé au style direct, ils s'écartent de ce fait de leur fonction première. C'est également le cas des virgules qui, en plus d'indiquer des pauses entre les éléments d'une phrase, peuvent mettre en exergue les segments les plus significatifs de l'énoncé.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote