I.1.2- Le soulignement des termes
cités
Les guillemets donnent la possibilité au
locuteur de souligner les fragments guillemetés pour laisser le soin au
lecteur de comprendre pourquoi il attire son attention sur tel point de son
discours. Authier-Revuz (1995 :136) précise que ce qu'indiquent les
guillemets, c'est une sorte de manque, de creux à combler
interprétativement. C'est dire que le lecteur grâce à
certains paramètres tels que le contexte d'énonciation,
l'idéologie du locuteur, doit essayer de décrypter le sens
figuré du terme encadré. Les exemples suivants nous permettront
de mieux expliciter cette valeur des guillemets:
(157) Il se rassasia donc, et mieux même que son voisin
de table, en qualité de « vieux
croyant » de la secte des Raskolniks, ayant fait voeu
d'abstinence, rejetait les pommes de terre de son assiette et se gardait bien
de sucrer son thé. (p.56)
(158) Sans faire une seule observation,
« prête à tout », Nadia prit la main
de Michel Strogoff. (p.307)
(159) Il avait donc envisagé les choses à un
tout autre point de vue, et méditait un article foudroyant contre une
ville dans laquelle les hôteliers refusaient de recevoir des voyageurs
qui ne demandaient qu'à se laisser écorcher « au
moral et au physique » ! (p.63)
Les groupes de mots "vieux croyant",
"prête à tout", "au moral et au physique" ne doivent pas
être interprétés de façon littérale dans les
énoncés ci-dessus. Ils ont un sens figuré, ils
véhiculent un message de la part du locuteur. L'interprétation de
ces expressions donne lieu à une dénomination ponctuelle relative
à la situation d'énonciation effective. On s'aperçoit que
pour que ces groupes de mots puissent faire l'objet d'un déchiffrement
approprié, une connivence minimale entre locuteur et lecteur doit
être établie. Dans le même ordre d'idées, Maingueneau
(2002 :140) déclare que
l'énonciateur qui use des guillemets,
consciemment ou non, doit se construire une certaine représentation de
ses lecteurs pour anticiper leurs capacités de
déchiffrement : il placera des guillemets là où il
présume qu'on en attend de lui (ou qu'on n'en attend pas s'il veut
créer un choc, surprendre). Réciproquement, le lecteur doit
construire une certaine représentation de l'univers idéologique
de l'énonciateur pour réussir le
déchiffrement.
Ainsi, le locuteur et le lecteur doivent partager
des lieux communs pour que la communication ne soit pas unilatérale ou
alors pour que l'interprétation du discours du locuteur ne soit pas
erronée.
|