III.1.2- L'obligation externe
Elle émane d'une instance qui a une
autorité sur le locuteur. Charaudeau (1992 :607) soutient que
l'obligation externe ne dépend pas du locuteur mais d'un autre
qui a pouvoir pour donner un ordre au locuteur.
Nous ajoutons à la suite de Charaudeau
(1992) que l'obligation externe concerne aussi une personne à qui le
locuteur adresse un ordre. L'obligation s'assimile dans ce cas à
l'injonction et le locuteur se soumet alors à cet ordre qui devient le
motif de son faire. Considérons les exemples ci-dessous :
(119) Messieurs, dit Michel Strogoff à voix basse, vous
ne devez pas savoir qui je suis, ni ce que je suis venu faire en
Sibérie. (p.296)
(120) Ivan, il faudra faire parler sa
mère ! (p.220)
(121) Tu ne dois penser qu'à ton
père ! (p.246)
La contrainte exprimée dans les
énoncés ci-dessus se présente comme une influence venant
d'une source en direction d'une cible précise.
III.2- Le permis et l'interdit
Le permis et l'interdit sont deux notions
contradictoires puisqu'elles s'excluent mutuellement. Ce qui est permis n'est
pas interdit et ce qui est interdit n'est pas permis. Une action est permise
lorsqu'elle peut être exécutée, alors que l'interdiction
renvoie à la défense d'exécution d'un fait, d'une action.
Vanderverken (1998 :186) ajoute qu'interdire, c'est défendre
quelque chose à quelqu'un en général pour une
période de temps assez longue.
Cette définition de Vanderverken (1998) ne
nous semble pas assez juste dans la mesure où le temps d'une
interdiction peut être brève ou longue. Les occurrences
ci-après donnent un aperçu du fonctionnement du permis et de
l'interdit dans notre corpus:
(122) A l'avant du Caucase étaient groupés des
passagers plus nombreux, non seulement des étrangers, mais aussi des
Russes, auxquels l'arrêté ne défendait pas de
regagner les villes de la Province. (p.75)
(123) Après avoir réquisitionné les
chevaux, on réquisitionnera les bateaux, les voitures, tous les moyens
de transport, jusqu'au moment où il ne sera plus
permis de faire un pas sur toute l'étendue de l'empire.
(p.46)
(124) Oh ! ne parlons pas politique ! s'écria
Alcide Jolivet. C'est défendu par la Faculté !
(p.195)
A la lecture de ces énoncés, l'on
s'aperçoit que le permis peut être exprimé comme en (122)
par le verbe défendre à la modalité
négative. C'est également le cas de l'interdit qui est
exprimé en (123) par l'adjectif permis à la forme
négative.
Eu égard à ce qui a été
dit sur la modalité déontique, on se rend compte que
l'obligation, le devoir est la valeur la plus présente dans notre
corpus. Cela pourrait se comprendre dans la mesure où cette valeur
semble chère au sujet parlant et anime de ce fait presque tous les
personnages.
Nous avons voulu dans ce chapitre montrer l'impact
que pouvait avoir l'emploi des modalités d'énoncé dans
notre corpus en tant que faits d'expression. Nous avons de ce fait
étudié les différentes valeurs des modalités
d'énoncé présentes dans Michel Strogoff. Il en
ressort que l'aléthique permet surtout aux locuteurs et
énonciateurs de s'exprimer avec une prudence langagière pour ne
pas donner un caractère péremptoire à leur discours. La
modalité épistémique, quant à elle, met surtout en
exergue l'appréhension que les locuteurs ont de tel ou tel fait.
L'étude du déontique nous a permis de nous rendre compte de la
place importante qu'occupe le devoir, l'obligation dans notre corpus. On l'aura
compris, les modalités d'énoncé sont des
procédés à travers lesquels les supports modaux, dans
notre corpus, véhiculent leur point de vue, leur univers de croyance.
C'est aussi le cas lorsque ces supports modaux désignent des
référents humains ou s'expriment sur des faits à l'aide
des parties prédicatives du discours stylistiquement marquées.
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