I.1.1.2- Le conditionnel
Le conditionnel, grâce à sa valeur
d'hypothèse évoque très souvent, dans notre corpus, un
procès conçu comme envisageable. Selon Guillaume (1964), cette
valeur d'hypothèse s'explique au regard du mécanisme de ce temps
verbal. A cet effet, ce dernier (1964:219) écrit: le futur en
incidence sur décadence engagée, acceptée, c'est celui que
la grammaire traditionnelle dénomme conditionnel, et que nous nommons:
futur hypothétique.
Ainsi, le conditionnel, encore appelé
futur hypothétique en psychomécanique, indique le futur
à partir d'un point de repère passé. Il signale que le
procès présenté est une éventualité. C'est
dire que le conditionnel est apte à traduire dans certaines situations
le caractère probable d'un énoncé. Cela s'observe dans les
énoncés suivants :
(67) Mais un physionomiste, en regardant d'un peu près
ces deux étrangers, aurait nettement
déterminé le contraste physiologique. (p.18)
(68) Puis, après cette assourdissante période,
l'immense brouhaha s'éteindrait comme par enchantement, la
ville haute reprendrait son caractère officiel, la ville basse
retomberait dans sa monotonie ordinaire, et, de cette énorme
affluence de marchands appartenant à toutes les contrées de
l'Europe et de l'Asie centrale, il ne resterait ni un seul vendeur qui
eût quoi que ce soit à vendre encore, ni un seul acheteur qui
eût encore quoi que ce soit à acheter. (p.62-63)
L'emploi du conditionnel dans les exemples
ci-dessus signifie que le procès n'appartient pas au monde de ce qui est
tenu pour vrai par le locuteur ; le procès est plutôt
conçu comme éventuel, il fait partie de l'univers des possibles.
Dans ce cas, Dendale (1993 :166) précise que le locuteur
signale que l'information en question n'est ni vraie-pour-lui ni
fausse-pour-lui. Il présente l'information comme
indécise-pour-lui.
De cette manière, la réalisation du
procès n'est pas certaine. Imbs (1968 :71) parle alors de
conditionnel de l'information hypothétique. C'est pourquoi le
locuteur (le narrateur) des énoncés ci-dessus ne prend pas en
charge le contenu des énoncés qu'il a proférés. On
constate que le narrateur dans Michel Strogoff révèle
très souvent certains aspects des personnages, des
événements, qui ne sont pas connus du lecteur. Néanmoins,
il recourt quelques fois au conditionnel pour ne pas donner un caractère
péremptoire à ses affirmations. Il arrive parfois cependant qu'un
adverbe à lui seul puisse présenter un procès comme
éventuel.
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